Les Jeux populaires de l’enfance à Rennes


Les Jeux populaires de l’enfance à Rennes
1890




LES


JEUX POPULAIRES


DE L’ENFANCE


À RENNES[1]



I. — LES TEMPS.

« Les traditions se perdent », a-t-on l’habitude de répéter. Plus que tout autre, celui qui recherche les traditions populaires a l’occasion de le constater et de le déplorer. Il y a quelques années seulement, vous eussiez demandé à un enfant jouant à la toupie pourquoi il prenait ce jeu chaque jour et non celui de la thèque ou des canettes, qu’il vous eût imperturbablement répondu : « Parce que ce n’est pas le temps des canettes ou de la thèque. » La réponse eût été la même si, l’année étant plus avancée, vous lui aviez adressé votre demande pendant qu’il jouait aux palets ou à la thèque.

En effet, ces jeux, que l’on croirait livrés au caprice de la gent turbulente qui anime nos carrefours de sa bruyante agitation, sont ou plutôt étaient réglementés par la force de l’habitude, qui voulait qu’à telle époque on jouât à ceci et pas à autre chose.

Dès les premiers jours du printemps, les enfants se glissaient dehors, munis de la toupie suspendue au bout de sa corde, et faisant des moulinets redoutables pour les devantures des magasins, se rendaient dans quelque rue non pavée, où ils étaient sûrs de rencontrer des camarades. Il a toujours existé entre les enfants une sorte de franc-maçonnerie, et sans rien se dire ils savent où se retrouver.

Alors là s’engageaient de ces formidables parties également dangereuses pour les jambes des promeneurs et les vitres des habitants.

Mais la toupie est un jeu qui nécessite beaucoup de mouvement ; aussi l’abandonnait-on pendant l’été pour jouer aux canettes, récréation plus paisible et pour laquelle il n’est pas nécessaire de rechercher un emplacement spécial.

L’automne ramenait avec sa température plus calme les palets, qui demandent un peu plus de mouvement que les canettes, et enfin, pendant les beaux jours de l’hiver, on jouait à la thèque, jeu excellent pour se réchauffer, car il faut constamment courir et sauter.

Voilà quels étaient les grands jeux que les enfants d’autrefois se transmettaient dans un ordre parfaitement rationnel.

Comme il eut été fort monotone de se livrer pendant toute une saison au même amusement, on avait des jeux secondaires dont la succession n’était soumise à aucune règle, ou du moins je n’en ai pas saisi au cours de mes observations.

Mais aujourd’hui toutes les traditions subissent des transformations qui les font peu à peu disparaître, et les jeux populaires ont suivi la loi commune. Les temps ne sont plus bien tranchés, et bravant les saisons, nos gamins jouent fort bien à la thèque et à la toupie pendant l’été, ainsi qu’aux palets et aux canettes pendant l’hiver.

Quoi qu’il en soit, ces jeux existent encore en ce moment, et avant qu’ils n’aient été complètement abandonnés pour des jeux plus modernes, je me propose de les étudier dans leur technique.


II. — LES QUATRE GRANDS JEUX.

LA TOUPIE. — LES CANETTES. — LES PALETS. — LA THÈQUE.


La Toupie ne paraît pas avoir été connue dans l’antiquité ; Li Romans de Bauduin de Sebourg y font allusion au xive siècle, ainsi que les Poésies de Froissart au xve. — On trouve dans Du Cange (xive siècle) le mot toupin, mais il désigne spécialement la toupie sans fer appelée sabot, que l’on fait tourner avec un fouet ; les enfants rennais ne connaissent pas ce jeu.

Il existe deux espèces de toupies : les pommés et les poirés, qui tirent leurs noms, cela va sans dire, du plus ou moins d’analogie qu’ils ont avec la forme de la pomme ou de la poire. Les poirés semblent avoir la préférence ; si leur hauteur a été exagérée par un tourneur maladroit, on les appelle grands déchommés.

L’argot spécial des jeux a donné aux toupies les surnoms de p’tit vire, vispi, viraboin ; l’action de tourner est exprimée dans ces trois mots pittoresques.

La toupie se compose de trois parties : le moine se place au sommet, au centre de la partie plate qui y existe, c’est un simple clou sans tête, dépassant d’un centimètre ; la nonne (que les enfants appellent le nonne) se visse à la base, c’est un morceau de fer tourné en forme de bouton rond qui sert de pivot à la toupie ; enfin le ventre, morceau de bois tourné. Le plus souvent il est en buis, on en fait aussi en châtaignier, en charme et en hêtre. Mais les meilleures toupies sont en buis ou en charme, tout autre bois s’en allant par parcelles par suite des chocs.

Le moine sert à passer la boucle de la corde qui vient s’enrouler à partir de la nonne jusqu’au tiers inférieur de la toupie. Pour la lancer, on la tient de la main droite, cordée de gauche à droite, la nonne en l’air ; on la projette violemment à terre, en retenant la corde par un nœud passé entre les doigts. Elle tend à arriver sur le sol le moine en bas, mais la boucle de la corde fixée à celui-ci fait subir un brusque mouvement de redressement qui ajoute encore au mouvement giratoire.

Si par inexpérience ou maladresse la toupie ne tourne pas, on dit qu’elle fait prout ou brout.

Le jeu de toupie le plus important est celui du feu. Les joueurs se réunissent dans une rue sans pavés, autant que possible bordée de chaque côté par des murs sans fenêtres. « Sans fenêtres », on comprend aisément pourquoi ; les murs sont très-utiles pour arrêter l’élan des toupies et permettre de les éteindre plus facilement en les envoyant dinguer contre eux.

Deux camps se forment ; on tire au sort à qui allumera, c’est-à-dire à qui lancera le premier sa toupie, et voici de quelle manière : on crache à terre, et un délégué de chaque camp essaie d’écorner le crachat en projetant dessus sa toupie cordée ; celui qui n’a pas obtenu ce résultat ou qui a, frappé le plus loin de la salive est tenu d’allumer. Aussitôt ceux du camp opposé se précipitent, et à coups de leurs toupies s’efforcent d’éteindre le feu allumé. Les coups perpendiculaires sont interdits ; on ne doit frapper que de côté ; quand la toupie qui a subi un choc va frapper le pied du mur, elle dingue ; si elle saute à la hauteur de la tête des joueurs, elle monte à dada. Lorsque le feu du premier allumeur a été éteint, ceux de son parti doivent en fournir d’autre immédiatement à leurs adversaires, qui recommencent à frapper. Mais si le feu qu’on leur a fourni ne s’éteint pas aussitôt après avoir été frappé, ils ont perdu et doivent allumer à leur tour.

Quand un joueur lance sa toupie et qu’elle fait prout, ses adversaires peuvent la déclarer prise morte et la frapper.

Au lieu de former deux camps, les enfants, quel que soit leur nombre, peuvent jouer chacun pour son compte, on dit alors que chacun est pour son pain. Le plus âgé allume le premier et ainsi de suite. Tous les autres se liguent contre le feu allumé.

Si par hasard un joueur se sert d’une ficelle usée pour corder sa toupie, lorsqu’il la lance la corde vouille, c’est-à-dire se déroule mal, et alors, gare les têtes, les vitres et les becs de gaz !

Il règne dans ce jeu une animation presque frénétique et il est véritablement étonnant qu’il n’arrive pas plus d’accidents. Ce sont les passants qui ont le plus à se plaindre et maintes fois la police a dû faire évacuer des rues où la circulation était rendue excessivement périlleuse par des bandes de joueurs.

Un peu moins dangereux est le jeu dit : à la promenade. La toupie est préparée et tenue comme ci-dessus, mais au lieu de la projeter perpendiculairement, on la lance devant soi le plus loin possible par un détour de tout le corps et du bras ; il faut qu’elle ricoche sur le sol tout en continuant à tourner sur sa nonne.

Bien vieux et bien peu usité actuellement est le jeu du chaudron ou de la toupie au rond : On trace à terre deux cercles concentriques dont l’un est sensiblement plus petit que l’autre. On y place une toupie que le premier joueur doit chasser en dehors en la frappant de côté avec la sienne, mais il doit prendre garde qu’aucune des deux ne sorte du grand rond ou que celle dont il se sert ne reste dans le petit. S’il ne réussit pas, non seulement il est forcé de remettre la première toupie, mais encore il doit y joindre la sienne.

On joue encore au chaudron en mettant dans le petit rond un certain nombre de toupies appuyées nonnes à nonnes ; les joueurs s’efforcent d’en faire sortir une ou plusieurs dans les mêmes conditions que ci-dessus.

Lorsque les joueurs de toupies sont peu nombreux et très-jeunes, il arrive assez fréquemment que quelque voyou passe et mette sans façon dans sa poche un jouet qui lui plaît. Ces peu délicats personnages sont appelés par les enfants des chéréleurs. Le volé se lamente et ses camarades accompagnent le voleur de leurs piailleries et de leurs quolibets, mais c’est en vain, une toupie chérélée n’est jamais rendue.

Avant d’en finir avec ces jouets, quelques détails : Pendant les longs repos que subissent forcément les toupies, la sécheresse les fait fendre, mais elles ne sont pas hors d’usage pour cela ; on les fait tremper dans l’eau, et les fentes se resserrent ; seulement, comme elles ont perdu beaucoup de leur solidité, on s’empresse de s’en débarrasser en les vendant à quelques camarades qui ne s’apercevront de rien…

Les nonnes des toupies peuvent s’échapper et se perdre, les joueurs trouvent très-facilement à les remplacer en s’emparant des boutons de cuivre ou de fer qui servent à retenir les capotes et les tabliers des voitures et des chars-à-bancs. Si le procédé n’est pas d’une grande délicatesse, il est très-économique, et de plus ces nonnes sont excellentes.

Si au milieu d’une troupe de joueurs il vient à passer quelque charrette lourdement chargée, chacun se précipite et va placer sa toupie sous les roues ; si elle résiste à l’écrasement, son possesseur la déclare assurée et s’en montre très-fier.

Les Canettes. — Avec les provinces, les noms des jouets changent ; ceux-ci s’appellent presque partout des billes ; en Bretagne, on les nomme généralement canettes et en Normandie caniques[2].

Les anciens ne semblent pas avoir fabriqué des canettes, cependant les enfants jouaient avec des noix à des jeux, qui rappellent nos jeux de billes. Virgile y fait allusion en exhortant un jeune mari à laisser aux enfants les jeux de noix pour s’occuper désormais de choses plus sérieuses. On trouve le mot bille désignant un jeu dans le Roman de Renart et le Roman de la Rose.

Les canettes se font en marbre, en verre, en pierres dures, etc. Les enfants en fabriquent en asphalte quand on garnit les trottoirs avec cette matière.

Autrefois on échangeait les canettes entre elles, un marbre vert valait trois canettes grises, et une agate (ou canette en verre de couleur) ne s’échangeait que contre deux marbres ou cinq grises. Cet usage a disparu, ainsi que les valeurs des canettes ordinaires.

Il y a de très-petites canettes qui sont appelées p’tites fouines et de très-grosses nommées boulets ou bouligots. Les boulets sont le plus souvent en fer, toute autre matière étant bien fragile pour l’usage spécial qu’on en fait, cependant on voit des boulets en marbre et en verre.

Le mot bouligot est évidemment un diminutif de boulet et cependant les enfants renversent toujours le sens de ces appellations en disant : un p’tit boulet et un gros bouligot.

Le jeu de canettes le plus usité s’appelle « tic-toc ». Les joueurs s’établissent au pied d’un mur devant lequel le terrain est aussi plat que possible. L’un d’eux pose son feu, c’est-à-dire met une canette à environ 80 centimètres du mur, contre lequel les autres lancent leurs canettes, une à une, chacun à son tour, en s’efforçant de leur donner une direction telle qu’à leur retour elles frappent soit le feu, soit les canettes restées au jeu sur le sol. Celui qui a obtenu ce résultat ramasse tout et avec une précipitation qui n’indique pas une bien grande confiance en ses partenaires.

Le gagnant doit laisser une canette qui sera le feu et le jeu continue jusqu’à ce qu’il y ait un joueur panné ou rousti ; ces mots se passent d’explications. Si ce joueur a beaucoup perdu, son heureux adversaire doit lui faire la bogue, c’est-à-dire lui redonner sur son gain trois ou quatre canettes qui lui permettront peut-être de prendre sa revanche en continuant à jouer. S’il est rousti de nouveau, le gagnant ne lui doit plus rien.

On joue beaucoup aussi à la canette au rond. — Là il faut que chacun des joueurs possède un boulet. On trace un rond d’environ 40 centimètres de diamètre sur le sol, et au milieu, chacun dépose le nombre convenu de canettes. Pour désigner celui qui doit jouer le premier, on se rend au but afin d’abuter. Dans presque tous les jeux qui nécessitent l’envoi d’un jouet à une certaine distance l’abutage est indispensable.

Le but est déterminé par une ligne tracée à terre à quatre ou cinq mètres du rond. Chacun fait rouler son boulet dans la direction de ce rond, en ayant soin qu’il n’y pénètre pas et qu’il ne s’arrête pas sur la circonférence. Celui qui en est le plus près en remplissant ces conditions joue le premier. Il retourne au but et essaie avec son boulet de faire sortir une ou plusieurs canettes du rond sans que son boulet y reste, sous peine de remettre les canettes. Il réussit : alors il les a gagnées s’il peut en reprenant son boulet en frapper celui que son adversaire a dû déposer près du rond ; puis il recommence jusqu’à ce qu’il passe à travers le rond sans rien faire sortir ; c’est alors au tour de son camarade.

Si le joueur fait sortir du même coup deux canettes du rond, il est forcé de crier coup de deux ! avant son adversaire ; sans cela il doit en restituer une.

Les boulets en roulant vont souvent fort loin ; si l’un dépasse la ligne du but, son propriétaire doit crier : du but ! alors, lorsqu’il jouera, il se placera sur la ligne du but ; s’il négligeait ce cri, il serait forcé de jouer de l’endroit où se trouve son boulet. — Si le hasard amène les boulets côte à côte, l’enfant à qui appartient celui qui a roulé le dernier doit dire : de la touche ! autrement il serait forcé de retourner jouer au but. — Si l’un des boulets est placé derrière un obstacle, le joueur qui doit le frapper crie : de la rogne ! alors il lui est permis de faire un pas en avant ou en côté. — Quand un boulet qui roule est arrêté par le pied d’un joueur ou d’un spectateur, celui qui l’a lancé crie : beau pied ! ou bon pied ! ou encore pompier ! alors la personne qui l’a arrêté doit le pousser plus loin d’un coup de pied. — Un boulet lancé doucement rouline.

Le jeu de canettes serait favorisé du sort s’il ne donnait lieu à aucune contestation. Les enfants, s’ils croient que leurs camarades sont de mauvaise foi, les accusent de cheniller et les traitent de chenillards.

En se servant des boulets seuls, on joue à la poursuite. Un boulet étant lancé en avant, il s’agit pour le joueur de le pousser toujours plus loin en le frappant avec le sien, mais en s’y prenant de façon que ce dernier reste toujours derrière, car s’il dépassait le premier, ce serait au tour de son camarade de jouer. Celui des deux qui a poursuivi le boulet de l’autre le plus longtemps sur une distance donnée en reste maître.

Il fut un temps où le boulet n’était guère usité ; on jouait avec des canettes de différentes couleurs que l’on lançait ainsi : la main étant fermée, on plaçait le jouet sur la seconde phalange de l’index replié et au moyen d’une violente détente du pouce on le projetait au loin. On appelait cette façon de jouer la pionne.

On se servait de la pionne pour jouer à la canette au triangle. Une canette étant placée à chaque sommet d’un triangle, il fallait en faire sortir une ou plusieurs, comme à la canette au rond.

La canette au pot est fort peu usitée maintenant. On creusait en terre un trou appelé pot. Un des joueurs prenait un certain nombre de canettes dans sa main et demandait à son adversaire combien il voulait en avoir dans son pot ; l’autre lui désignait un nombre, alors le joueur lançait le tout vers le trou, et si le nombre indiqué était exact, les canettes appartenaient à l’adversaire.

On remplaçait parfois les canettes par des boutons en métal et souvent plus d’un joueur rentrait à la maison avec des vêtements absolument dépourvus de ces utiles accessoires de toilette.

La grand’mère. — On trace sur le sol un parallélogramme rectangulaire. Sur une de ses faces, on place une rangée de canettes.

Les joueurs attentifs s’écrient successivement : coup du prome ! coup du ségue ! coup du troisse ! etc., c’est-à-dire : coup du premier, du second, du troisième, etc., et jouent dans cet ordre.

Ils s’efforcent de faire sortir de la rangée une canette en se servant d’une autre comme d’un boulet ; il ne faut pas que ces deux canettes ou l’une d’elles restent dans le carré, car alors le coup est nul et le joueur est remplacé par un autre.

On ne joue plus guère à la pionne, non plus qu’à la canette au pot, à la canette au triangle ou à la grand’mère.

Je ne m’étendrai pas sur pair ou impair, qui n’est guère usité comme jeu populaire.

Les Palets. — En Grèce et à Rome, ce jeu était très en honneur, mais on se servait de disques de métal très-pesants qui en faisaient un véritable exercice gymnastique. Peu à peu on fit des palets plus légers, qui finirent par devenir ce qu’ils étaient au xive siècle et ce qu’ils sont restés jusqu’à ce jour, c’est-à-dire de petits disques en fonte légèrement concavo-convexes.

Nos palets s’appellent aussi des pièces, cependant il y a entre les deux une certaine différence : la pièce étant plate et ornée de cercles concentriques (elle sert plus spécialement au jeu de jardin dit Jeu de tonneau) et le palet étant bombé sur une face et creux sur l’autre. Mais les enfants ne se soucient guère de cette distinction et disent indifféremment pièce on palet.

Les joueurs qui ne sont pas assez fortunés pour se procurer des palets en fonte, en confectionnent économiquement avec des ardoises ou des pierres plates qu’ils arrondissent plus ou moins.

Le principal jeu est celui du maître (on prononce mette).

Un palet appelé maître, presque plat et portant un signe particulier, généralement une étoile, est lancé en avant, chacun des joueurs muni d’un ou plusieurs palets numérotés s’efforce d’arriver aussi près que possible du maître. Le comble de l’adresse est d’arriver à le recouvrir. Le gagnant jette le maître et selon que celui-ci retombe près ou loin, on dit qu’il y a un p’tit feu ou un grand feu.

Il est à remarquer que le mot feu revient souvent dans les jeux populaires.

Les palets servent également à jouer à la dru. (C’est le jeu qui est appelé ailleurs bouchon, pibeau ou piteau).

La dru est un morceau de bois tourné, dont la forme rappelle deux cônes engagés par leurs sommets dans un anneau ; les bases des cônes sont légèrement creusées.

Sur la dru posée à terre dans une petite excavation les ouvriers et les paysans placent des pièces de monnaie, les écoliers se contentent d’y placer modestement des plumes à écrire.

Puis ils se reculent jusqu’au but, exactement comme à la canette au rond, et essaient avec deux palets jetés l’un après l’autre de frapper la dru au pied pour abattre ce qu’il y a dessus. Le joueur adroit place son premier palet, c’est-à-dire l’envoie le plus près possible de la dru sans l’abattre et quille avec le second, c’est-à-dire qu’il le lance vigoureusement et enlève la dru par le pied de façon à l’éloigner de ce qui en est tombé. Si les plumes tombent plus près du palet que de la dru, le joueur les a gagnées et ses camarades doivent aller à la remouille, c’est-à-dire en remettre chacun le nombre convenu. Si elles tombent plus près de la dru que du palet, elles sont en dru et le joueur mouille, ce qui veut dire qu’il en ajoute une. Admettons qu’il y en ait déjà trois, cette dernière en fait quatre et les joueurs s’écrient : « En dru ! quat’e dessus ! ». C’est le gagnant qui fixe le nombre de plumes qui devront être posées sur la dru à la partie suivante ; alors, comme il joue le premier, il annonce en posant sa mouille : « Coup d’un ! » ou « Coup d’deux ! » etc.

Ceci est le jeu intéressé ; il y en a un autre, plus économique pour les joueurs, c’est celui où l’on joue à la dru en plaçant dessus une petite pierre plate ou un bouton appelé piteau, et au lieu de mouiller et remouiller, on énonce simplement le nombre de fois dans lesquelles le piteau a été en dru.

Quand un coup est douteux, c’est-à-dire lorsque la distance qui sépare l’argent, les plumes ou le piteau de la dru semble égale à celle qui les sépare d’un palet du joueur, on la mesure avec une paille ou un petit morceau de bois, et cette opération s’appelle bûcher.

Une autre sorte de jeu de palets est le jeu dit de la portée. C’est celui où les palets en ardoise sont le plus employés et un certain nombre d’enfants peuvent y prendre part à la fois.

Un des joueurs a dans sa main toutes les plumes ou les boutons que ses camarades viennent de mouiller. Il les jette devant lui plus ou moins loin, selon qu’il veut faire un grand ou un petit feu, puis chacun, tour à tour, lance son palet, et quand tout le monde a joué, on répartit aux gagnants (car il y en a plusieurs) ce qui leur revient. Tout ce qui se trouve auprès de chaque palet appartient au possesseur de ce jouet. Si les objets sont à égale distance de deux ou plusieurs autres palets, on prend la paille et l’on bûche comme plus haut.

Un jeu populaire que je ne citerai que pour mémoire, parce qu’il n’existe à Rennes que depuis une dizaine d’années, est le jeu de la thune. C’est la canette au rond et ses règles appliquées au jeu de palet ; seulement, au lieu de rond, on trace un carré, on change les lourds palets pour des pièces de dix centimes ou des rondelles de métal, et on remplace les canettes par de la menue monnaie, des plumes ou des boutons. Il s’agit de faire sortir ces objets du carré en les frappant obliquement avec force. Le jeu emprunte son nom à celui de la rondelle employée qui s’appelle thune. Ce mot sent son argot parisien d’une lieue et décèle l’origine du jeu.

La Thèque. — Ce mot, dérivé du grec (Θηκη) et usité surtout en botanique, désigne toute enveloppe de forme arrondie susceptible de contenir quelque chose ; il s’applique donc bien à la balle, qui se compose d’une enveloppe de cuir ou d’étoffe bourrée de foin, d’étoupe ou de crin.

Homère, aux livres VI et VIII de l’Odyssée, nous montre le jeu de balle comme un amusement de ses héros. En effet, les Grecs connaissaient ces jeux, qu’ils appelaient jeux sphéristiques. Plus tard les Romains eurent une grande variété de balles de différentes grosseurs dont chacune correspondait à un jeu. L’énumération et l’analyse même sommaire de tous ces jeux formeraient un volumineux dossier, ce qui ne rentre pas dans le cadre de ma modeste étude.

Les peintures des tombeaux antiques nous font voir au nombre des accessoires qui servaient à l’amusement des jeunes filles des balles de la grosseur de nos thèques rennaises.

Au xvie siècle, Rabelais nous désigne le jeu de balle parmi ceux auxquels se livrait Pantagruel.

Une thèque est formée de deux calotes hémisphériques réunies par une bande plate sur laquelle elles sont cousues, ou bien de fuseaux semblables à ceux des ballons cousus entre eux. Ces enveloppes sont en cuir, en basane ou en étoffe, mais cette dernière matière est assez rarement employée. L’intérieur est bourré d’étoupe, de laine, de crin et même de son, de sciure de bois, de foin, etc.

Je ne parle pas des ballons en caoutchouc ou gomme élastique, dont les gamins se servent peu, étant donné leur prix relativement élevé.

Des trois jeux de thèque habituels, je ne sais trop lequel est préféré : on joue autant à la thèque au pot qu’à la thèque au rond, ou à la thèque au chasseur.

Pour le premier de ces jeux, on creuse au pied d’un mur autant de trous qu’il y a de joueurs. L’un de ces derniers se place à un ou deux mètres de ces pots et y lance la thèque ; tous les joueurs sont groupés et attentifs, car il faut que le possesseur du pot dans lequel tombe la thèque saisisse celle-ci immédiatement et en frappe quelqu’un de ses camarades ; or, tous se sauvent et il ne lui est permis de ne s’avancer que de trois pas : il lui faut donc une certaine adresse pour atteindre quelqu’un.

La balle est partie, et personne n’a été touché, il faut que celui qui l’a lancée aille la chercher, et dès qu’elle est en sa possession, il a le droit d’en frapper tout joueur qui ne sera pas rendu dans un cercle tracé près des pots et qui constitue le but. Mais pendant qu’il s’éloignait, chacun s’est hâté de rejoindre ce but et en touchant le mur s’écrie : cul de pot !

Si celui qui lance la balle atteint un de ses camarades, celui-ci reçoit un pilori, c’est-à-dire que l’on place dans son pot une petite pierre.

Au bout d’un certain temps, on compte les piloris de chacun. Le joueur qui en a le plus a perdu et doit être pilorisé ; on le place la face contre le mur, les mains étendues, les autres joueurs le frappent chacun trois fois à coups de thèque.

Notre excellent Lafontaine a dit : « Cet âge est sans pitié ». En effet, les enfants lancent la thèque de toutes leurs forces, et le patient reçoit souvent de bons horions. Mais la règle du jeu a prévu cette cruauté, et l’infortuné pilorisé a le droit de défendre certaines parties de son corps, généralement la tête, les mains et les jambes. Si un joueur frappe une partie défendue, il va prendre la place du patient.

La thèque au rond, malgré cette désignation, se joue dans un carré. Le carré est limité de deux côtés par les murs des maisons d’une rue, les deux autres par des lignes tracées sur le sol.

Il se forme deux camps, dont l’un reçoit la thèque et va la cacher : c’est-à-dire que tous ceux du même camp se retirent un instant dans un coin ou une allée de maison. Un des joueurs prend réellement la thèque, mais tous ceux de sa bande simulent l’avoir, de sorte que ceux de l’autre camp sont obligés de surveiller tous leurs adversaires à la fois pour pouvoir bondir de côté au moment où le vrai possesseur de la thèque la lancera. Il est fort curieux de voir les joueurs courir sur les quatre faces de leur « rond » et sauter les jambes écartées, les mains en avant, le corps effacé. Si quelqu’un est frappé dans les mains, le coup ne compte pas, il crie : raté ! et il a le droit de lancer la thèque s’il peut l’attraper ; mais il est défendu de la ramasser à terre avec les mains : il faut donc qu’il la saisisse avec le bout des pieds, qu’il se redresse sur les talons, et qu’il se baisse pour la prendre ; toutes choses peu faciles à faire si l’on se représente que tous ses adversaires le poussent et le pressent à l’envi.

La thèque au chasseur subit les mêmes règles que la thèque au rond, mais on y joue quand on a un large espace devant soi, qui permette de courir en avant au lieu de tourner dans un endroit restreint.

La thèque à cheval. — Chaque joueur est à cheval sur le dos d’un camarade incliné, on s’envoie la thèque de l’un à l’autre, et bien que ceux qui sont dessous courent et remuent continuellement, on doit prendre garde de la laisser tomber. Si cela arrive, chaque cavalier abandonne précipitamment sa monture et se sauve à toutes jambes, car ceux qui sont courbés ont le droit de s’en emparer et de la lancer contre les fuyards qui forment un camp à part. Si l’un de ceux-ci est touché, lui et ses camarades vont dessous, c’est-à-dire servent de montures à leur tour.

La balle au bois. — Les joueurs sont divisés en deux camps, le premier envoie la balle que l’autre doit renvoyer en la saisissant au vol avec un bâton rond et lisse ; les règles sont à peu près les mêmes que celles de l’ancien jeu de Paume.

Voilà les quatre grands jeux tels que je les ai vu jouer à une époque où les traditions étaient encore respectées et où l’on écoutait moins la fantaisie. Tous ceux qui ont pris plaisir à observer les enfants dans leurs bruyants ébattements se rappelleront avoir entendu quelques-unes de ces expressions pittoresques que j’ai rapportées.

Mais maintenant il y a moins d’ordre dans les jeux, on y a apporté des modifications toutes modernes, et le vocabulaire spécial des joueurs est remplacé le plus souvent par un français plus ou moins correct et par des expressions ordurières empruntées au plus hideux argot.


III. — LES JEUX SECONDAIRES.


Outre les quatre jeux que je viens de citer, il en existe d’autres qui leur servaient d’intermèdes et en variaient la monotonie quand on observait encore les temps. Je vais en faire une revue rapide, car ils sont toujours en usage pour la plupart et ne manquent pas d’un certain intérêt.

1. — Le Pirli, Pirlipipette ou Pirlipipet. — Ce jeu s’appelle tirli en Normandie ; je n’ai rien pu apprendre sur l’étymologie de ce nom, pas plus que sur les origines du jeu ; il en sera d’ailleurs de même pour quelques-uns de ceux qui vont suivre. N’ayant jamais été admis par la bonne société, ils n’ont pas d’histoire.

On appelle pirli un morceau de bois arrondi, long d’environ 20 centimètres et taillé à ses deux bouts comme un crayon ; un des bouts est taillé plus court que l’autre et est appelé gros bois ou gros bout, tandis que le bout opposé est tout naturellement appelé petit bois ou petit bout.

Avec le pirli, on se sert d’un instrument désigné sous le nom de tapette, qui rappelle le battoir des lavandières, bien qu’il soit moins massif et moins large ; la définition la plus exacte est celle-ci : une planchette pourvue d’un manche.

Lorsque l’on possède ces deux instruments et que l’on a creusé en terre un trou ou pot large de cinq centimètres et profond de trois ou quatre, on est prêt à jouer au pirli.

À Rennes on n’y joue que deux à la fois ; il s’agit tout d’abord de savoir qui lancera le pirli le premier. La manœuvre qui sert à déterminer ce point intéressant est des plus singulières. La tapette est tenue perpendiculairement à pleine main, de la main droite, par un des joueurs (généralement celui à qui elle appartient), et de telle façon que sa partie inférieure (la plus large) ressorte à peine d’un millimètre au-dessous de la main. Le second joueur ferme les doigts de la main gauche autour de la tapette, au-dessus de la main du premier, qui à son tour ajoute sa main gauche. Les mains continuent à abandonner le bas de la tapette pour la saisir plus haut, en se superposant toujours dans le même ordre, selon la longueur du jouet qui a en général, y compris le manche, cinq largeurs de main moyenne.

Il arrive un moment où le sommet du manche est complètement emprisonné par la main d’un de ceux qui tiennent la tapette. Celui qui a la main droite libre prie alors son camarade d’écarter un, deux, trois ou quatre doigts ; s’il peut saisir avec le bout des siens l’extrémité du manche sans faire enlever le cinquième doigt de l’autre, ce dernier lâche tout et le premier enlève la tapette ; alors, pour faire voir qu’il la tient bien, il décrit, sans la lâcher, trois cercles autour de sa tête. Après quoi le jeu commence.

Le pirli est posé à terre, le petit bois au-dessus du pot. Le joueur se baisse et frappe l’extrémité ainsi en surplomb, le jouet s’élève en tournoyant, et quand il retombe, un vigoureux coup de la tapette le projette au loin. Le joueur voit aussitôt dans quelle position il est tombé, et selon que l’une des extrémités est dirigée vers lui, il s’écrie : « Du p’tit bois ! » ou « du gros bois ! » Alors il se rend près du pirli et, à partir du bout énoncé, mesure la distance qui le sépare du pot en reportant à terre autant de fois qu’il est nécessaire la longueur de la tapette. Mais en désignant de quel bout il part, il crie un chiffre qui représente ce qu’il croit être la longueur qu’il va mesurer avec la tapette dont chaque report par terre vaut cinq. Je suppose qu’il ait crié 150 ; s’il trouve 155 ou 145, il a perdu et passe le jouet à son camarade.

Autrefois on jouait au pirli en creusant une rigole dans la terre, le possesseur de la tapette la lançait à son adversaire, qui la saisissait comme il pouvait, et la manœuvre des mains avait lieu comme ci-dessus. Puis le premier joueur plaçait le pirli sur la rigole, de façon que les bouts en touchassent chaque bord. Il passait alors dessous sa tapette et le lançait assez haut ; s’il pouvait le saisir au vol, il l’envoyait à une certaine distance qu’il mesurait avec la tapette, puis il faisait surplomber un des bouts du pirli sur la rigole et le lançait en le faisant tournoyer, etc.

2. — Les Cerfs. — Ce jeu ne nécessite aucun accessoire ; les rues tortueuses lui sont très-favorables, car il faut courir et se dissimuler comme le gibier qui fuit devant le chasseur.

Les joueurs se divisent en deux camps ; plus ils sont nombreux, plus le jeu est intéressant. Un camp est composé par les cerfs et l’autre par les bergers. Ce dernier reste un moment au but pendant que le premier se sauve. De temps en temps les fuyards se retournent pour répondre avec des modulations spéciales aux interrogations que leur lancent les bergers sur un certain ton :

Les bergers : — Où sont les cerfs ?

Les cerfs : — Dans la forêt !

B. : — Que y font-ils ?

C. : — Y-z-y travaillent !

B. : — À quel métier ?

C. : — De charpentier !

Puis après un temps :

G. : — Sucre[3] pour les bergers !

Quand ils lancent cette suprême apostrophe, les cerfs sont déjà loin, et c’est le signal du départ pour les bergers, qui se précipitent sur leurs traces en laissant un des leurs pour garder le but. Quand le temps est beau, tous les joueurs prennent souliers et sabots dans leurs mains pour courir avec plus d’agilité.

Après un certain nombre de tours et de détours, les cerfs sont rabattus vers le but où ils doivent parvenir, en évitant d’être atteints par les bergers ; car chaque berger qui rejoint un cerf lui donne trois coups, et le malheureux cerf sera berger à la partie suivante. Les premiers arrivés préviennent leurs camarades qu’il y a danger à approcher, en criant : « Casse-cou ! »

3 — Saute-Mouton. — On joue à ce jeu de différentes manières, dont voici les plus usitées :

La semelle. — Le mouton, c’est-à-dire celui par dessus lequel on saute, se met en position : le corps incliné, la tête effacée, les coudes appuyés sur les cuisses. On le place autant que possible au bord d’un trottoir ; chaque fois que quelqu’un lui a passé sur le dos, il s’avance de la longueur de son soulier qu’il place en travers, de là le nom de semelle, donné au jeu. Comme on prend l’élan du bord du trottoir, il arrive un moment où le mouton est assez loin pour que le choc du sauteur le renverse, alors celui-ci va dessous à son tour.

Cul-de-bœuf. — Même jeu que la semelle ; seulement, en sautant, on donne un coup de talon dans la partie charnue du mouton en criant « cul-de-bœuf ! » ou encore « fion ! » Celui qui néglige de crier ou qui frappe trop fort va dessous.

La promenade. — C’est un jeu où chacun est à son tour sauteur et mouton. Dès le saut accompli, le joueur va se placer à quelques mètres en avant, le mouton passe et va plus loin, ainsi de suite. C’est le vrai jeu de saute-mouton.

Fion. — Pour décider qui ira dessous, on fait la pierre : un joueur présente ses poings fermés à ses camarades jusqu’à ce que l’un d’eux ait frappé sur celui qui renferme une petite pierre.

Alors la longue série des figures commence. Celui qui connaît le mieux ce jeu compliqué le conduit. Je l’appellerai donc le premier.

Le premier saute par dessus le mouton, en annonçant le nom de la figure ; tous les joueurs le suivent, et en sautant crient : fion ! Ceci est le premier tour.

Ensuite, le premier exécute en sautant les mouvements nécessaires à l’intelligence de la figure indiquée, et tous les autres l’imitent et de plus crient toujours fion ! en sautant. Si l’un d’eux oubliait ce cri, il prendrait immédiatement la place du mouton.

Quand tous ont sauté, le premier commence une seconde figure, etc.

Voici la série des vingt-quatre figures les plus usitées, dans l’ordre qui est généralement suivi :

a.Cul-de-bœuf. — Le mouton a la tête tournée vers le premier qui saute et doit rester à la place où il est retombé. Le sauteur allonge ensuite la partie inférieure du corps et en frappe la partie correspondante du mouton.

b.La croix simple. — Ayant sauté comme ci-dessus, le premier se retourne d’un seul bond et sur place, et franchit de nouveau le mouton.

c.La croix double.Le premier saute d’abord comme à la croix simple, puis il se transporte d’un bond du côté droit du mouton qu’il franchit, se retourne d’un saut sur place et saute de nouveau par la gauche.

d.La croix triple. — Il faut à cette figure exécuter deux fois la croix double.

e.La tapette. — Le mouton est placé désormais de façon que sa tête corresponde au côté gauche du sauteur. Le premier saute en se frappant la cuisse avec la main.

f.La savonnette. — En sautant, le premier frotte avec sa main droite le derrière du mouton.

g.L’assiette. — En sautant, le premier frôle le dos du mouton.

h.Le plat. — Il lui frappe le dos.

i.Les côtelettes à plat. — Il lui frappe avec la paume des mains le côté droit.

j.Les côtelettes coupantes. — Il lui frappe avec les mains jointes le côté droit, ce qui est assez douloureux.

k.L’échalotte. — Il lui frappe le derrière d’un coup de talon.

l.L’échalotte volante. — Même passe sans mettre les mains.

m.Les couronnes non touchantes. — Les joueurs roulent leurs mouchoirs et les attachant en forme de couronnes, se les posent sur la tête. Le premier, en sautant, lance devant lui sa couronne par un brusque mouvement de tête en avant. Les autres doivent l’imiter, mais il faut qu’aucune couronne ne touche celles qui sont déjà à terre. Si cet accident se produit, le joueur à qui cela arrive est à son tour obligé d’aller dessous.

n.Pour les reprendre. — Les joueurs sautent et retombent à cloche-pied, ils doivent ainsi faire le tour du mouton, se pencher en avant, et, les mains appuyées sur le sol, prendre leur couronne avec les dents, sans plier le genou et sans poser le second pied à terre.

o.Les couronnes touchantes. — Comme en m ci-dessus, seulement les couronnes doivent se toucher en tombant.

p.Pour les reprendre. — Comme en n ci-dessus.

q.Saut du lion ou la bouteille. — Il ne faut pas que le mouton puisse voir les pieds de ceux qui passent par dessus lui, ce qui oblige les joueurs à sauter assez haut.

r.Saut de l’âne.Le premier saute d’abord en travers, puis d’un bond se transporte derrière le mouton qui relève à moitié le corps ; le sauteur doit alors franchir le mouton quand il s’est relevé tout-à-fait en penchant légèrement la tête en avant.

s.Les animaux dans la lune. — Cette figure se subdivise en beaucoup d’autres suivant le caprice du premier, qui peut les varier à l’infini. J’en mentionnerai brièvement quelques-unes.

Le premier ayant sauté, s’asseoit sur le mouton et faisant le geste de tenir une lunette astronomique s’écrie qu’il aperçoit dans la lune « un animal qui n’a pas de pattes » dont il prononce à haute voix le nom, par exemple un serpent, un limaçon, un poisson, etc. Chacun des autres joueurs doit désigner à son tour, en sautant, un animal sans pattes, mais en ayant soin de ne pas nommer celui dont le nom a déjà été prononcé. Si cette distraction lui arrive, il va dessous.

Le premier peut également désigner n’importe quelle espèce d’animal qui lui vient à l’esprit, comme : un animal qui grogne, qui pique, qui vole, etc., et le jeu continue de la même façon.

t.Les bonnes-sœurs. — Les joueurs sautent, puis joignant les mains avec un air de recueillement font le tour du mouton qui les raille et les agace de mille manières. Celui qui rit de ces lazzis prend la place du tentateur.

u.Les grenouilles. — Les joueurs sautent, et à mesure qu’ils retombent à terre, ils s’accroupissent et sautillent ainsi en croassant jusqu’à ce que le dernier ait sauté.

r.L’âne au moulin.Le premier saute, alors le mouton se redresse, le saisit par l’oreille en lui demandant : « de bon gré ou de force ? » Puis il le contraint à le suivre à cloche-pied. Si le sauteur a répondu « de force ! » il doit se dégager lui-même, mais sans poser le second pied à terre ; s’il a répondu « de bon gré ! » le mouton le laisse aller aussitôt.

x.La boîte à sept coups.Le premier saute et se laisse glisser sur les mains jusqu’à ce qu’il ait tout le corps suspendu, ses pieds seuls étant sur le dos du mouton ; alors il écarte sa jambe droite et, du talon, frappe sept fois le derrière du mouton.

On augmente à volonté le nombre des coups de façon à avoir la boîte à dix, quinze, vingt coups, etc.

y.Le fusil. — Le premier saute et se retourne complètement d’un bond sur place, puis il donne un coup de poing sur le derrière du mouton.

Le jeu est alors terminé.

Il est bien rare que toutes ces figures soient exécutées entièrement ; il est plus rare encore de voir le même mouton servir du commencement à la fin. Au milieu de tant de complications, il est si facile de se tromper !

Ce jeu est un des plus curieux à observer, il donne lieu à tant de scènes bizarres qu’on ne s’ennuie guère en faisant galerie.

Le cheval fondu. — Un enfant se place devant un mur auquel il s’appuie en inclinant la tête, derrière lui cinq ou six de ses camarades se mettent en file dans la position du mouton. Ceux qui restent prennent leur élan et doivent franchir le plus de moutons qu’ils peuvent. Ceux-ci sont tenus de rester fermes malgré le poids qu’ils supportent, jusqu’à ce que le dernier qui a sauté ait frappé trois coups dans ses mains. Alors, le cheval fond, et c’est un pèle-mêle indescriptible qui donne naissance aux incidents les plus grotesques. Si le dernier n’a pas le temps de frapper les trois coups avant que le cheval ne fonde, c’est lui qui va ensuite se placer au mur. C’est le poste le plus pénible, celui qui l’occupe ayant à supporter tout le poids des moutons et des sauteurs. — Quand les moutons faiblissent, avant le signal, leurs camarades les blâment et leur reprochent « d’avoir avaché ».

4. — Cache-Cuté. — Tout le monde connaît ce jeu où un chat doit chercher les joueurs qui se sont cachés (cutés), pour tâcher d’en frapper un qui prendra sa place. Il n’est pas essentiellement populaire, mais les enfants possèdent dans leur « Académie des jeux » des dérivés du jeu de cache-cuté qui leur sont particuliers.

Outre le vrai jeu de cache-cuté où quelques joueurs se cachent comme je l’ai dit ci-dessus, les enfants ont désigné sous le nom général de cache-cuté découvert un certain nombre de jeux où le chat court après les autres joueurs, qui se dérobent à sa poursuite de diverses manières, mais en restant toujours à découvert.

Vis. — Les joueurs se divisent en deux camps, le premier reste au but la face tournée vers un mur, de façon à ne pas voir où le second va se cacher. Si par hasard un indiscret tourne un peu la tête, l’apostrophe : « tu louches, bibi ! » le ramène au respect des règles du jeu. Lorsque tous les joueurs du second camp sont prêts, un d’eux crie : « Vis ! » ; alors ceux du premier se retournent et cherchent à découvrir leurs retraites ; dès que l’une d’elles est brûlée, c’est-à-dire trouvée, ils crient : « Vis sur un tel ! » en précisant l’endroit où se cache leur camarade. Je citerai comme exemple un cri complet que je supposerai être celui-ci : « Vis sur Paul derrière le tas de fagots qu’est dans la cour du Bâton-Royal ! »[4]. Celui qui est ainsi désigné doit sortir et poursuivre le crieur qui se replie à toutes jambes vers le but, afin de ne pas être chatté, c’est-à-dire de ne pas recevoir les trois coups qui le feraient déclarer pris. Celui qui est pris reste encore au but au tour suivant.

Un enfant se vante d’être un bon joueur quand il connaît toutes les cachettes d’un quartier, de façon à pouvoir toujours rester parmi ceux qui vont se cacher, ou, en cas d’accident, trouver facilement la retraite des adversaires.

Vis-Bonhomme. — Les joueurs sont encore divisés en deux camps. Le premier va se grouper dans l’allée d’une maison en laissant au second les vestes, blouses ou paletots de sa bande. Il est entendu qu’il ne cherchera pas à voir ce que fait le second. Les joueurs de celui-ci prennent deux ou trois de leurs camarades, les accroupissent sur le sol et les dérobent à la vue en entassant sur eux les vêtements de l’autre camp. Lorsque tout est prêt, ceux qui n’ont pu être couverts vont se cacher ensemble ou séparément et le premier camp s’approche. Il doit reconnaître et nommer, sans rien toucher, qui est caché, et crie : « vis sur un tel ! » ; s’il a deviné juste, c’est lui qui cache à son tour, sinon il retourne attendre qu’on ait préparé une nouvelle cachette.

La crotte. — Les enfants désignent un camarade qui est le chat, puis ils s’éloignent de lui en courant, il doit les rattraper et en toucher un en disant : crotte ! Celui qui est touché est le chat à son tour et le jeu continue sans interruption.

La crotte coupée. — Le joueur touché peut rendre la crotte à celui qui l’a atteint, si ce dernier n’a pas assez de promptitude pour se dérober.

Le chat perché. — Jeu improprement nommé, car le chat reste à terre, tandis que les joueurs ne doivent pas être en contact avec le sol ; peu importe sur quoi ils sont montés, pourvu qu’ils le soient sur quelque chose.

Le chat a le droit de les saisir et de les chatter en les frappant trois fois s’il peut les rejoindre avant qu’ils n’aient eu le temps de se hisser quelque part. Les positions prises par les joueurs pour se soustraire à ces trois coups sont souvent des plus bizarres : on en voit en équilibre sur un petit fragment de pierre, ils chancellent et font des efforts inouïs pour se maintenir, car le chat les guette du coin de l’œil, et gare s’ils mettent pied à terre ! L’animation de ce jeu est telle que parfois un enfant sur le point d’être chatté monte sur sa coiffure qu’il jette à terre ; les écoliers se servent fréquemment de leurs livres pour cet usage.

Je ne parle pas du jeu des quatre coins, qui est une variété de cache-cuté, mais qui est plutôt un jeu de pension qu’un jeu de la rue.

Bailli. — Sorte de jeu de barres. Les joueurs sont divisés en deux camps et se placent à chaque extrémité d’une cour ou d’une large rue, entre les deux se tient le bailli. Si quelque membre d’un camp essaie de passer dans la bande opposée, le bailli s’efforce de l’arrêter et de le frapper trois fois ; si ses camarades ne peuvent pas le dégager à temps en se garant eux-mêmes, il aide le bailli à arrêter les autres, mais il ne peut que les arrêter, il n’a pas le droit de les frapper et doit appeler le bailli à son aide. Le jeu continue jusqu’à ce que tous les membres des deux camps soient arrêtés ; le dernier pris, c’est-à-dire celui qui a su conserver le plus longtemps sa liberté, est proclamé bailli.

Aux voleurs et aux gendarmes. — Jeu usité parmi les tout petits ; son titre indique assez en quoi il consiste ; il dérive du jeu des cerfs.

Le père Fouettard — est aussi à l’usage des petits. Le chat, qui s’appelle ici le père Fouettard, armé d’un mouchoir roulé en corde, poursuit ses petits camarades qui courent en criant autour de lui.

La grue, le diable boiteux, et Gros-Jean qui court après sa femme. — Ces trois jeux différent peu les uns des autres, les joueurs s’y poursuivent ou à cloche-pied, ou en sautillant d’une jambe sur l’autre et en se frappant entre eux avec leurs mouchoirs roulés en corde.

5. — Les Métiers. — C’est le jeu le moins bruyant de tous ceux que j’ai cités. Les joueurs se réunissent en cercle et l’un d’eux propose la première et la dernière lettre du nom d’un métier dont il fait les gestes. Par exemple : c.......r, et il fait le simulacre de frapper à tour de bras avec un marteau. Là-dessus les autres de répondre l’un : « chaudronnier », l’autre : « cordonnier », etc. ; enfin un d’eux s’avise de penser qu’il n’y a pas que les cordonniers qui frappent la semelle ou les chaudronniers le métal, il avance timidement le mot « charpentier », et il a gagné ; c’est à ce métier qu’avait songé le proposant en imitant l’action du charpentier qui enfonce des chevilles. C’est au devineur de mettre à son tour l’esprit de ses camarades à la torture.

6. — La Pierre sur la main. — Ce jeu a beaucoup d’identité avec celui qu’on appelle les osselets, qui l’a évidemment inspiré.

Les joueurs prennent cinq petites pierres. Celui qui joue le premier en ramasse une, la lance en l’air, et avant qu’elle ne retombe, doit en prendre une autre à terre et arriver, la main ouverte, assez à temps pour la recevoir. Puis il lance en l’air ces deux pierres et doit les retenir toutes deux sur le dos de sa main étendue quand elles retombent. S’il réussit, il lance de nouveau les deux pierres, en prend une troisième à terre et s’efforce de les recevoir toutes trois sur sa main, etc.

7. — La Marelle. — (Les enfants disent généralement la morelle). — C’est un jeu dans lequel il faut franchir à cloche-pied, en poussant devant soi une sorte de palet en pierre, les carrés d’un long rectangle tracé par terre, sans que la pierre s’arrête sur les lignes qui dessinent les carrés.

La marelle ordinaire ressemble assez à une page de dictionnaire à deux colonnes, dont chacune serait divisée en quatre carrés égaux. Le joueur en partant du but doit descendre la première colonne et remonter la seconde, toujours en droite ligne et sans jamais poser le second pied sur le sol. Quand il a obtenu ce résultat, il trace par terre un bonhomme. On appelle de ce nom une figure quelconque que chaque joueur détermine à l’avance comme devant lui appartenir pendant le jeu et qui sert à marquer les parties gagnées. Les uns choisissent le triangle, d’autres le carré, etc.

Au bout d’un certain temps on compte les bonhommes (on ne dit jamais bonshommes) et celui qui en a le plus a gagné.

Il existe aussi une marelle en forme de caducée et une autre en spirale.

8. — Tirer la Guernouille. — Jeu usité dans la campagne des environs de Rennes, et auquel se livrent les paysans entre habitants de villages différents.

Les jeunes gens de deux villages se rendent dans une prairie et, se prenant à bras-le-corps les uns derrière les autres, forment deux chaînes humaines. Ceux qui sont à la tête des chaînes cherchent à s’arracher un morceau de bois. L’honneur des villages est engagé dans ce jeu et le vainqueur est ramené chez lui sur les épaules de ses camarades.

Décaisser ou écaisser la guernouille. — C’est à peu près le même jeu que le précédent ; il en diffère en ce qu’on ne forme pas de chaînes. Les trois plus robustes gars de chaque village se rencontrent dans une prairie ; deux de chaque camp se faisant vis-à-vis joignent solidement leurs mains et le troisième se couche sur les bras étendus de ses camarades ; un groupe disposé de même manière se forme en face du premier, de façon que les deux joueurs couchés puissent saisir avec les mains, et sans que leurs pieds touchent à terre, le morceau de bois dont ils se disputent la possession.

Il est probable que dans le principe, au lieu d’un morceau de bois, c’était une grenouille que les adversaires cherchaient à s’arracher et qu’ils finissaient par déchirer dans leurs efforts. D’où le nom de ces jeux, qui signifie écarteler la grenouille. (Dans le patois des environs de Rennes, caisse veut dire cuisse.)

9. — Rouche-Biquette. — Il s’agit à ce jeu de piquer dans un tas de sable ou de terre, devant lequel le joueur est agenouillé, un couteau, de telle façon que si par hasard il s’enfonce obliquement, il y ait toujours assez d’espace pour placer l’épaisseur de deux doigts entre le sable et l’extrémité supérieure du manche.

On lance le couteau de différentes manières et toujours dans le même ordre ; les voici :

a. — La main droite est étendue la paume en haut, le couteau ouvert est posé à plat dessus, le manche vers le poignet ; on lui imprime un mouvement qui le lance en le faisant tournoyer et il doit retomber la pointe en bas dans le sable.

b. — La main est étendue la paume en bas, le couteau repose sur le dos de cette main et comme ci-dessus ; même mouvement.

c. — La main est étendue la paume en haut, le couteau a la pointe dirigée vers le pouce, mais ne doit pas y toucher. On renverse brusquement la main de droite à gauche.

d. — La main est étendue la paume en bas, le couteau dans la même position, mais sur le dos de la main ; même mouvement.

e. — On étend la main la paume en dessus, on ramène à l’intérieur les doigts annulaire et majeur qu’on maintient avec le pouce. Le couteau est posé sur l’auriculaire et l’index, la lame vers la droite ; même mouvement. — Cette manière de piquer le couteau s’appelle la fourchette.

f. — Le poing est fermé, la paume en haut, le couteau est posé sur l’extrémité des doigts et la lame passe sur le pouce.

g. — On saisit le manche du couteau entre l’extrémité des quatre doigts rapprochés ensemble et du pouce et on le lance sept fois de suite ; il faut qu’il pique à chaque fois. — C’est ce qu’on appelle les sept coups.

h. — On prend l’extrémité de la lame entre le pouce et l’index et on lance le couteau en l’air en le faisant tournoyer.

i. — Le manche du couteau placé entre les dents, on l’abandonne à son propre poids.

j. — Le manche du couteau tenu entre le pouce et l’index est porté sous l’œil droit et lâché.

k. — Même chose sous l’œil gauche.

l. — Même chose sous le nez.

m. — Même chose sous le menton.

n. — Le manche étant tenu entre le pouce et l’index, on passe le bras droit par derrière la tête et on laisse tomber le couteau par dessus l’épaule gauche.

o. — La pointe de la lame étant placée entre les dents, il faut d’un vigoureux coup des doigts faire sauter le couteau en tournoyant. Les maladroits se fendent les lèvres ou se blessent les yeux.

p.Coup d’adieu. — Le couteau est posé en équilibre sur la tête du joueur, la pointe en haut, et on l’abandonne subitement à lui-même.

De quelque façon que soit lancé le couteau, il faut qu’il retombe la pointe en bas et reste piqué droit dans le sable.

Chacun des joueurs essaie à tour de rôle d’accomplir la série de ces manœuvres ; le gagnant est celui qui en a fait le plus ou qui réussit à les faire toutes ; naturellement le perdant est celui qui en a fait le moins.

Le gagnant prend alors un petit morceau de bois pointu à un bout et l’enfonce dans le sable de trois coups de manche de couteau, de façon à le faire disparaître. Ce morceau de bois est nommé biquette ou cheville.

Le perdant doit de son côté déterrer cette biquette sans y toucher avec les mains. Il a le droit de souffler dessus trois fois ; tant mieux pour lui s’il souffle fort, il pourra peut-être mettre à découvert l’extrémité de la biquette, mais il lui faudra la dégager avec son nez, ses lèvres et son menton suffisamment pour qu’il puisse l’arracher avec les dents. Le tout au grand amusement des spectateurs.

10. — La Queue au Loup. — Ce jeu, qui est plus spécialement répandu parmi les petites filles, est connu dans toute la France, et on l’appelle la queue au leu, la queue leuleu dans beaucoup de localités.

Si les règles en sont partout les mêmes, la mélopée que chantent les joueurs varie beaucoup.

Un enfant désigné sous le nom de berger a derrière lui un certain nombre de camarades se tenant tous par leurs vêtements. Ils se promènent en disant :

Prom’nons-nous dans le bois,
Pendant que le loup n’y est pas !
Loup y est-y ?

Et le joueur qui représente le loup répond :

Non ! il aiguise son grand cout’las !

La mélopée et la promenade continuent alors, et à de nouvelles demandes : Loup y est-y ? le loup répond qu’il se prépare à faire toutes sortes de choses cruelles. Enfin il se décide et se présente en criant : Oui ! y est ! Le berger prend les mains du loup et s’efforce de le retenir, tandis que celui-ci essaie de se dégager et de saisir quelqu’un des joueurs. Ces derniers ont soin de se tenir toujours immédiatement derrière le berger, et à chaque mouvement de son chef de file, la queue ondule avec des soubresauts fort amusants. Le jeu cesse quand le loup s’est dégagé, car alors les enfants prennent la fuite dans toutes les directions.

11. — Cache-Bouton. — Un cercle est tracé sur le sol, on fait à l’intérieur douze petits tas de terre ou de sable : sous l’un d’eux est placé un bouton. Le joueur a le droit de fouiller trois tas ; s’il trouve le bouton, il le garde ; sinon il doit en donner un.

12. — Cache-cache petit blanc. — C’est un jeu de petites filles. Les joueuses sont assises en rond ; la plus âgée ou celle que le ter (voir ci-dessous) a désignée prend une petite pierre ou un couteau et va de l’une à l’autre en faisant semblant de lui donner cet objet ; elle répète à chacune sur un ton chantant : « Cache-cache petit blanc et n’dis pas qu’tu l’as, parc’que tu mentirais ! » Elle finit par laisser réellement le petit blanc entre les mains d’une joueuse, mais laquelle ? C’est ce que doit découvrir le chat. La petite fille désignée ainsi peut saisir le petit blanc seulement lorsque personne ne le tient, et ce n’est pas chose facile, car les joueuses se le passent avec une grande rapidité, et celles qui ne l’ont pas font les mêmes gestes que celles qui l’ont.

Les petites filles n’ont pas une aussi grande variété de jeux que les garçons ; elles préfèrent jouer à la poupée ou au ménage, plutôt que courir ou sauter. Néanmoins elles se livrent parfois aux jeux de cache-cuté et possèdent un moyen particulier de désigner celle d’entre elles qui sera le chat. Elles appellent ce moyen faire le ter. La promotrice du jeu choisit trois de ses compagnes et, les plaçant devant elle, dit ceci : « Mon père et ma mère m’a (sic) dit qu’il fallait que je prenne celle-ci ! » Elle scande chaque syllabe de cette phrase, et chaque fois qu’elle en prononce une, elle frappe avec la main la poitrine d’une de ses camarades. La fillette qui est frappée la dernière, et sur laquelle tombe par conséquent la syllabe ci, qui est la dernière de la phrase, est le chat ou bien joue la première, selon ce qui a été convenu avant le ter.

Parlerai-je du jeu spécial aux fillettes appelé sauter à la corde ? Je ne crois pas qu’il diffère beaucoup chez nous de celui qui est employé partout en France. Je le mentionnerai brièvement, pour mémoire. La corde à sauter est une forte ficelle de longueur variable selon la sauteuse. Elle est munie à ses extrémités de deux poignées en bois. La fillette saisit ces poignées et, faisant tourner la corde, saute par dessus quand elle arrive à terre. On franchit la corde avec le mouvement de la marche, c’est-à-dire un pied après l’autre, ou à pieds joints, ou encore à cloche-pied.

Quand une fillette s’embarrasse les pieds dans la corde, ses camarades lui crient : Trompe ! et lui prennent le jouet dont une autre s’empare.

Il y a aussi une très-longue corde à sauter, qui est manœuvrée par deux fillettes. Plusieurs joueuses peuvent sauter à la fois. On commence d’abord à sauter doucement, puis, peu à peu, le jeu s’anime et la sauteuse réclame du vinaigre. Alors, on fait tourner la corde avec une grande rapidité jusqu’à ce qu’il y ait lieu de crier trompe.




Tels sont les amusements des enfants de la rue. J’ai cité tous ceux auxquels il m’a été donné d’assister ; j’ai recherché avec plaisir, durant plusieurs années, les lieux de réunions où je supposais devoir trouver des joueurs ; mes observations m’ont permis d’étudier ici, aussi consciencieusement que possible, ces jeux qui appartiennent à la tradition locale, mais ce que je ne pourrai jamais rendre, c’est l’animation, la frénésie même, des joueurs, non plus que l’attention sérieuse et le vif intérêt qu’ils y apportent.




VOCABULAIRE

DES JEUX POPULAIRES DE L’ENFANCE

À RENNES.




Abutage ; action de celui qui abute.

Abuter ; se rendre au but pour déterminer, par divers moyens spéciaux à chaque jeu, qui doit jouer le premier.

Adieu ; voyez coup d’adieu.

Agate ; sorte de canette en verre de couleur.

Aller dessous, et être dessous, verbes qui expriment l’action du joueur par dessus lequel ses camarades sautent aux différents jeux de saute-mouton.

Allumer ; le joueur de toupie qui lance son jouet et le livre aux coups de ses adversaires allume.

Âne au moulin ; la vingt-deuxième figure du jeu de fion.

Animaux (les) dans la lune ; la dix-neuvième figure du jeu de fion.

Assiette (l’) ; la septième figure du jeu de fion.

Assurer une toupie ; faire passer dessus une voiture lourdement chargée sans qu’il y ait écrasement du jouet.

Avaché (avoir) ; les joueurs du jeu du cheval-fondu disent que leurs camarades qui sont dessous (voy. cette expression) ont avaché quand ils se laissent tomber avant que le dernier sauteur ait eu le temps de frapper dans ses mains les trois coups réglementaires.

Bailli ; nom d’une sorte de jeu de barres ; nom de celui qui, dans ce jeu, empêche les joueurs d’un camp de passer dans la bande opposée.

Balle ; voy. thèque.

Balle au bois ; sorte de jeu de thèque dans lequel la balle est lancée au moyen d’un morceau de bois.

Barres ; jeu de pension qui a donné naissance au jeu de bailli (voy. ce mot). Le jeu de barres n’est pas compris au nombre des jeux populaires rennais.

Beau pied ; expression employée au jeu de la canette au rond et qui sert à inviter la personne à qui elle est adressée à envoyer plus loin avec son pied un boulet qu’elle a arrêté (voy. bon pied et pompier.)

Bergers ; les joueurs qui au jeu des cerfs courent après ceux de leurs camarades désignés par ce dernier nom.

Bibi ; mot employé dans l’apostrophe : « Tu louches, bibi ! » adressée aux joueurs indiscrets au jeu de vis, qui retournent la tête pour tâcher d’apercevoir où leurs adversaires vont se cacher.

Billes ; voy. canettes.

Biquette ; petite cheville de bois employée au jeu de rouche-biquette, qui est enterrée dans un tas de sable et que le perdant du jeu doit retirer avec ses dents et sans se servir de ses mains.

Bogue ; voy. faire la bogue.

Bois ; mot qui se trouve dans les expressions gros bois et p’tit bois, et désigne les extrémités du pirli (voy. bout).

Boite (la) à sept coups ; vingt-troisième figure du jeu de fion… — Il y a aussi la boite à dix, quinze, vingt coups et plus.

Bon gré (de) ou de force ; expression employée au jeu de fion (vingt-deuxième figure : l’âne au moulin.)

Bonhomme ; on appelle bonhommes les diverses figures (géométriques le plus souvent) que les enfants tracent sur le sol pour marquer les parties gagnées à la marelle. Chaque joueur choisit une forme particulière de bonhomme (rond, carré, triangle, croix, étoile, etc.).

Bonnes-sœurs (les) ; la vingtième figure du jeu de fion.

Bon pied ; expression usitée au jeu de la canette au rond. On dit aussi : beau pied ! et pompier !

Bouchon ; le bouchon donne son nom au jeu de la dru, quand on remplace ce dernier jouet par un bouchon en liège, substitution qui se fait assez rarement à Rennes.

Boulet ; grosse canette en marbre, en verre, en fer ou en asphalte. Les joueurs recherchent cette dernière matière lorsque l’on en garnit les trottoirs.

Bouligot ; comme boulet.

Bout ; mot que l’on rencontre dans les expressions gros bout et p’tit bout, et qui sert à désigner les extrémités du pirli (voy. bois).

Bouteille ; la dix-septième figure du jeu de fion, appelée aussi saut du lion.

Brout ; voy. faire brout.

Brûlée (cachette) ; cachette découverte.

Bûcher ; mesurer avec une paille ou une brindille de bois (bûchette) la distance séparant deux palets, ou celle qui sépare un palet de la dru.

But ; ligne tracée à terre à une certaine distance du rond, à la canette au rond ; des pots, à la thèque au pot. — On appelle aussi but un endroit fixé d’avance et vers lequel les joueurs qui se sont dispersés doivent revenir (voy. abuter).

Cache-bouton ; jeu dans lequel un bouton est caché sous un petit tas de sable ou de terre dans un cercle tracé sur le sol.

Cache-cache petit blanc ; jeu de fillettes dans lequel on cache un objet quelconque que les joueuses se passent rapidement de l’une à l’autre en évitant de le laisser voir par le chat.

Cache-cuté ; jeu dans lequel tous les joueurs se cachent, sauf un appelé le chat, qui doit les découvrir. — Dans beaucoup d’endroits ce jeu s’appelle cache-cache. Le nom rennais contient aussi une répétition du mot cache, car cuter signifie cacher, à Rennes et aux environs.

Caisse ; mot du patois rennais qui signifie cuisse (on prononce quésse).

Canettes ; petites boules en marbre ou en verre. On les appelle aussi caniques, billes, marbres et agates. — Les grosses canettes sont des boulets ou bouligots (voy. ces mots) et les très-petites des fouines.

Canette au pot ; sorte de jeu où les canettes sont lancées par poignées dans un trou ou pot. — On le nomme aussi, mais très-rarement, bloquette.

Canette au rond ; jeu où il faut faire sortir, au moyen d’un boulet, des canettes placées dans un rond.

Canette au triangle ; même jeu que celui de la canette au rond.

Caniques ; voy. canettes.

Casse-cou ! cri poussé par les joueurs du jeu des cerfs pour prévenir qu’il y a danger à s’approcher du but.

Cerfs ; ceux qui au jeu de ce nom sont poursuivis par les bergers (voy. ce mot).

Chat (le) ; on appelle chat celui qui, à divers jeux, doit courir après ses camarades.

Chat-perché ; jeu dans lequel tous les joueurs sont à l’abri des atteintes du chat, tant qu’ils ont sous les pieds quelque chose qui les isole du sol : briques, pierres, planches, etc.

Chatter ; action du chat qui frappe un joueur.

Chatté ; le joueur qui a été frappé par le chat.

Chaudron (jeu du) ; jeu de toupie où plusieurs de ces jouets sont réunis dans un rond. Il s’agit pour le joueur qu’un abutage a désigné de faire sortir du rond une ou plusieurs toupies en les frappant avec la sienne.

Chenillard ; tricheur.

Cheniller ; tricher.

Chereler ; voler (principalement les toupies et les canettes). — Ce mot rappelle-t-il quelque joueur nommé Chérel et renommé pour son indélicatesse ?

Chereleur ; voleur de jouets.

Cheval-fondu ; jeu dans lequel un certain nombre de joueurs sautent sur le dos de plusieurs de leurs camarades inclinés dans la position du mouton (voy. ce mot) les uns derrière les autres (voy. avacher).

Cheville ; voy. biquette.

Clocher ; boiter, voir le mot suivant.

Cloche-pied ; manière de sauter sur un pied en évitant que l’autre pied repose sur le sol. On a ainsi une certaine allure exprimée par le mot précédent.

Corde ; corde à toupie : grosse ficelle terminée à une extrémité par une boucle qui sert à la fixer au moine (voy. ce mot) de la toupie, et de l’autre par un nœud qui la maintient entre les doigts du joueur.

Corde à sauter ; grosse ficelle plus ou moins longue, terminée à ses extrémités par des poignées en bois.

Corder ; enrouler la corde autour de la toupie. On corde de gauche à droite après avoir passé le moine (voy. ce mot) de la toupie dans la boucle de la corde.

Corde ; grosse ficelle qui sert à imprimer à la toupie son mouvement giratoire ; elle est munie à un bout d’une boucle qui la fixe au moine du jouet, et à l’autre d’un nœud que le joueur garde entre ses doigts. Les cordes réputées les meilleures par les enfants sont les cordes dites câblées.

Côtelettes à plat ; la neuvième figure du jeu de fion.

Côtelettes coupantes ; la dixième figure du jeu de fion.

Coup d’adieu ; dernière manière de piquer le couteau au jeu de rouche-biquette.

Coup de deux ; cri du joueur qui, avec son boulet, fait sortir deux canettes, au jeu de la canette au rond.

Couronnes touchantes (les) ; la quinzième figure du jeu de fion.

Couronnes non touchantes (les) ; la treizième figure du jeu de fion.

Crachat ; voy. écorner le crachat.

Crotte ; sorte de jeu de cache-cuté découvert.

Crotte coupée ; variante du jeu précédent (voy. rendre la crotte).

Cul-de-bœuf ; sorte de jeu de saute-mouton. — Cri jeté par le joueur qui saute. — La première figure du jeu de fion.

Cul-de-pot ; cri jeté par les joueurs du jeu de la thèque au pot, en accourant au but.

Cuté ; caché (voy. cache-cuté).

Dada ; voy. monter à dada.

Décaisser la guernouille ; voy. écaisser.

Déchommé (grand) ; toupie de forme très-allongée. — En patois rennais, chommer veut dire dresser, mettre debout, et déchommer signifie abattre, jeter à terre ; par grand déchommé, les enfants entendent une toupie au ventre peu renflé, qui est très-haute. C’est un terme de moquerie.

Découvert ; on appelle jeux de cache-cuté découvert les jeux où le chat poursuit ses camarades qui se contentent de se dérober à son atteinte, mais sans se cacher.

Dessous ; voy. aller dessous.

Diable boiteux ; jeu dans lequel le chat poursuit les joueurs en sautant à cloche-pied.

Dinguer ; sauter le long d’un mur (se dit au jeu de toupie). Le jouet est envoyé à la dingue quand un choc violent d’une autre toupie le fait sauter assez haut en l’air.

Disques ; lourds palets métalliques dont se servaient les Grecs et les Romains.

Dru ; jouet en bois tourné (le plus souvent en buis) dont la forme rappelle deux cônes réunis par leurs sommets. Les bases sont légèrement concaves. On l’appelle aussi pibeau et piteau. — Parfois on remplace la dru par un bouchon (voy. ce mot).

Écaisser la guernouille ; jeu des environs de Rennes, dans lequel les paysans se disputent un morceau de bois qui dut être primitivement une grenouille. — Cette expression signifie écuisser (écarteler) la grenouille (voy. caisse).

Échalotte (l’) ; la onzième figure de fion.

Échalotte (l’) volante ; la douzième figure de fion.

Écorner le crachat ; manière de déterminer qui jouera le premier, qui allumera, au jeu de toupie. Chacun essaie de frapper un crachat en lançant sa toupie. Celui qui l’écorne le plus commence.

Éteindre ; frapper une toupie assez fortement pour qu’elle cesse de tourner et tombe.

Faire brout ou prout ; on dit qu’une toupie fait brout, quand, venant d’être lancée à terre, elle tourne sur le ventre au lieu de tourner sur la nonne (voy. ce mot).

Faire la bogue ; rendre à un joueur de canettes qui a perdu tous ses jouets de quoi continuer la partie et prendre sa revanche.

Faire la pierre ; moyen de déterminer qui jouera le premier, qui sera le chat, etc. Un enfant présente à chacun de ses camarades, successivement, ses mains fermées ; l’une d’elles contient une petite pierre. Si le joueur frappe la main où se trouve cette pierre, il joue le premier ou bien il est le chat, suivant le jeu et ce qui a été convenu entre tous.

Feu (le) ; la toupie qui vient d’être allumée (voy. allumer) ; la première canette posée au jeu de tic-toc (voy. ce mot). — Au jeu de palets, on appelle grand feu une partie où le maître a été lancé très-loin ; si le maître est tout près des joueurs, c’est un petit feu.

Fion ; jeu de saute-mouton très-compliqué (il comporte vingt-quatre figures différentes). — Cri que poussent les joueurs en sautant par dessus le mouton. — On le profère aussi en jouant à cul-de-bœuf (voy. cet article).

Force (de bon gré ou de) ; voy. bon gré (de).

Fouettard ; voy. père fouettard.

Fouine (p’tite) ; très-petite canette.

Fourchette (la) ; cinquième manière de piquer le couteau au jeu de rouche-biquette.

Fusil (le) ; la vingt-quatrième figure du jeu de fion.

Garder le but ; en poursuivant les cerfs, les bergers (voir ces deux mots) laissent un des leurs pour garder le but, c’est-à-dire empêcher les cerfs d’y parvenir librement.

Grand’mère (la) ; sorte de jeu de canettes où ces jouets sont disposés sur l’un des côtés d’un triangle équilatéral.

Grenouilles (les) ; vingt et unième figure du jeu de fion.

Gros-Jean qui court après sa femme ; jeu dans lequel le chat poursuit les joueurs en sautant d’une jambe sur l’autre.

Grue (la) ; jeu dans lequel les joueurs et le chat sautent à cloche-pied (voy. ce mot) ; ceux-là essaient de se soustraire aux atteintes de celui-ci.

Guernouille ; grenouille (voy. tirer et écaisser).

Loucher ; voy. bibi.

Loup ; voy. queue au loup.

Maître ; palet plat orné d’un signe distinctif, généralement une étoile. Les joueurs prononcent mette.

Marbre ; canette de couleur (voy. canettes).

Marelle ; sorte de jeu dans lequel il faut faire franchir à une pierre plate, que l’on pousse en sautant à cloche-pied, une série de carrés tracés à terre. Il y a la marelle ronde ou marelle en spirale, et la marelle en forme de caducée. Elles ne portent pas de noms spéciaux. — Les enfants prononcent morelle.

Métiers (les) ; jeu qui consiste à faire deviner un métier en disant la première et la dernière lettre de son nom, et en imitant l’action de l’ouvrier.

Mette ; voy. maître.

Moine ; morceau de fer saillant au sommet plat de la toupie et qui sert à retenir la boucle de la corde.

Monter à dada ; expression du jeu de toupie qui a la même signification que dinguer (voy. ce mot).

Morelle ; voy. marelle.

Mouiller ; se dit aux jeux de la dru et de la thune, et signifie déposer à terre les objets qui forment l’enjeu.

Mouton ; celui qui est dessous (voy. aller dessous). Le mouton a le corps incliné, les jambes infléchies ; il prend un point d’appui pour le haut du corps en appuyant ses coudes sur ses cuisses et efface la tête le plus possible.

Noix (jeux de) ; jeux dont parle Virgile et qui se rapprochaient beaucoup de nos jeux de canettes.

Nonne (la) ; (on dit le nonne) ; bouton en fer se vissant à la partie pointue de la toupie et lui servant de pivot quand elle tourne.

Pain ; ce mot se trouve dans l’expression : « chacun est pour son pain », usitée dans certains jeux, principalement celui de la toupie, et qui indique que chaque enfant joue pour son propre compte et ne fait pas partie d’un camp ou d’une bande.

Pair ou impair ; il s’agit dans ce jeu de deviner si la main fermée qu’un joueur vous présente renferme un nombre pair ou impair de canettes ou de plumes.

Palets ; petits disques de métal légèrement concavo-convexes et portant un numéro en relief sur la partie convexe. Les palets sont généralement en fonte, mais les enfants en fabriquent économiquement en ardoise ou en pierre. (Voy. pièces.)

Panné ; un joueur de canettes qui a perdu tous ses jouets est panné ou rousti. (Voyez ce mot.) — En argot, la panne signifie l’état dans lequel se trouve celui qui n’a plus d’argent.

Père Fouettard (le) ; jeu dans lequel un enfant poursuit ses camarades en cherchant à les fouetter avec son mouchoir roulé en corde. — (Jeu très-enfantin.)

Pibeau ; un des noms de la dru. (Voy. ce mot.)

Pièces ; sorte de palets absolument plats et ornés de cercles concentriques qui servent plus spécialement au jeu de tonneau.

Pierre ; voy. faire la pierre.

Pierre sur la main (la) ; jeu dérivé de celui des osselets.

Pilori ; petite pierre placée dans le pot de tout joueur de la thèque au pot qui a été touché par la thèque.

Piloriser ; (voy. le mot précédent). — À la fin du jeu, on compte les piloris. Celui qui en a le plus est placé devant un mur, les bras en croix, et chaque joueur à son tour le frappe de trois coups de thèque. (Voy. défendre.)

Pionne ; jeu de canettes dans lequel on projette ces jouets au moyen d’une brusque détente du pouce.

Pirli, pirlipipette, pirlipipet ; morceau de bois d’une longueur d’environ vingt centimètres, taillé comme un crayon à ses deux extrémités. Un bout moins taillé que l’autre s’appelle gros bois ou gros bout (voy. ces mots), l’extrémité opposée est le petit bois ou petit bout.

Piteau ; un des noms de la dru. (Voy. ce mot.) — On appelle aussi piteau une petite pierre plate que l’on place sur la dru.

Placer un palet ; le lancer adroitement de façon qu’il soit très-près de la dru sans la toucher.

Plat (le) ; la huitième figure du jeu de fion.

Poiré ; toupie dont la forme se rapproche de celle d’une poire.

Pommé ; toupie dont la forme est celle d’une pomme.

Pompier ; prononciation vicieuse de la locution bon pied, usitée au jeu de la canette au rond. (Voy. bon pied et beau pied.)

Poser le feu ; mettre au jeu la première canette (jeu de tic-toc). (Voy. ce mot.)

Pot ; trou creusé en terre et qui sert à divers jeux.

Poursuite ; jeu pour lequel on se sert uniquement de boulets et qui consiste pour un joueur à pousser constamment devant lui le boulet de son adversaire sans que le sien le dépasse.

Premier (le) ; celui qui conduit le jeu de fion.

Prise morte ; expression du jeu de toupie qui indique qu’un joueur consent à frapper une toupie qui a fait brout. (Voy. cette locution.)

Prome ; abréviation du mot promier (premier).

Promenade ; jeu qui consiste à lancer sa toupie au moyen de la corde, le plus loin de soi possible, sans qu’elle fasse brout. (Voy. faire brout.) — Jeu de saute-mouton dans lequel les joueurs sont chacun à leur tour sauteur et mouton.

Prout ; voy. faire brout.

Quatre coins (les) ; sorte de jeu de cache-cuté découvert, qui n’est pas essentiellement populaire.

Queue au loup ; jeu dans lequel les enfants se rangent les uns derrière les autres et se tiennent par leurs vêtements. Celui qui est devant tous les autres s’appelle le berger et cherche à défendre ses camarades contre les attaques du loup. — Les enfants appellent quelquefois leur chef de file le loup ; dans ce cas, celui-ci lutte contre le berger, qui cherche à lui arracher un des joueurs qui suivent ses mouvements derrière lui. Cette explication répond mieux au nom de queue au loup, donné au jeu.

Quiller ; lancer vigoureusement un palet de façon à frapper la dru au pied et à l’enlever ainsi loin du palet que le joueur a placé. (Voy. ce mot.)

Raté ; manqué. — Les joueurs manqués, c’est-à-dire ceux que la thèque n’a pas atteints, ont coutume de s’écrier : « Raté ! à côté y a d’la place ! »

Remouiller ; se dit aux jeux de la dru et de la thune et signifie poser de nouveau à terre l’enjeu convenu. On dit aussi aller à la remouille. — En argot mouille signifie monnaie.

Rendre la crotte ; un joueur rend la crotte quand il frappe aussitôt le chat qui vient de le déclarer pris. (Jeu de la crotte coupée.) (Voy. ce jeu.)

Rogne (de la) ; cri poussé par un joueur de la canette au rond ; quand le boulet qu’il doit frapper est placé derrière un obstacle, il a alors le droit de faire un pas en avant ou de côté.

Rond ; cercle tracé par terre et qui sert à jouer aux canettes et à la toupie. — Les enfants appellent rond l’espace carré où ils jouent à la thèque au rond.

Rouche-biquette ; jeu dans lequel il faut piquer dans un tas de sable un couteau. (Voy. biquette.) — Ce jeu est assez compliqué.

Rouliner ; un boulet lancé doucement rouline.

Rousti ; rôti ; même sens que panné.

Sabot ; sorte de toupie sans fer que l’on fait tourner avec un fouet. — Jeu peu connu des enfants rennais.

Saut de l’âne ; la dix-huitième figure du jeu de fion.

Saut du lion ; la dix-septième figure du jeu de fion. (Voy. bouteille.)

Saute-mouton ; jeu dans lequel les joueurs sautent par dessus le dos d’un de leurs camarades appelé le mouton. (Voy. ce mot.)

Sauter à la corde ; jeu surtout à l’usage des fillettes ; il consiste à franchir une corde que la joueuse fait passer successivement au-dessus et au-dessous d’elle avec plus ou moins de rapidité, et qu’elle manœuvre elle-même en la tenant par ses extrémités. — La corde peut être manœuvrée par deux camarades de la sauteuse, mais alors elle exige une longueur plus considérable. — Quand la corde tourne très-vite, les joueuses disent qu’elles ont du vinaigre. (Voy. corde.)

Savonnette (la) ; la sixième figure du jeu de fion.

Sègue ; abréviation du mot sègond (second).

Semelle ; sorte de jeu de saute-mouton.

Sept coups (les) ; la septième manière de piquer le couteau au jeu de rouche-biquette. (Voy. ces mots.) — La boîte à sept coups. (Voy. boîte.)

Sphéristiques (jeux) ; les anciens appelaient joci spheristici tous les jeux dans lesquels ils se servaient de la thèque ou balle (sphera). — Ces jeux variaient à l’infini.

Tapette ; planchette munie d’un manche qui sert à lancer le pirli. (Voy. ce mot.) — La cinquième figure du jeu de fion.

Temps ; époques pendant lesquelles on jouait aux quatre grands jeux.

Ter ; moyen spécial aux petites filles de déterminer qui d’entre elles jouera la première ou sera le chat. (Voy. ce mot.) — Les garçons disent abuter ou faire la pierre. (Voy. ces expressions.)

Thèque ; (du grec Θηκη), jouet formé de deux calottes hémisphériques de diverses matières, cousues ensemble. L’intérieur de la thèque est bourré de matières élastiques, afin d’en rendre les coups moins douloureux. — On joue à la thèque de diverses manières dont voici l’énumération :

Thèque au pot ;

Thèque au rond ;

Thèque à cheval ;

Thèque au chasseur.

Thune ; mot d’argot qui désigne une rondelle de métal, surtout de métal monnayé, qui sert à faire sortir de l’argent d’un carré où il a été placé.

Tic-toc ; jeu de canettes dans lequel ces jouets sont lancés obliquement sur un mur pour ricocher ensuite à terre.

Tirer la guernouille ; voy. écaisser la guernouille.

Tirli ; nom normand du pirli. (Voyez ce mot.)

Tonneau ; sorte de jeu de jardin.

Touche (de la) ; cri poussé par les joueurs du jeu de la canette au rond, lorsque deux boulets arrivent côte à côte sans dessein de la part des enfants de les faire se toucher.

Toupie ; jouet en bois tourné en forme de pomme ou de poire, muni à sa partie effilée d’un bouton de fer appelé nonne et à sa partie la plus grosse d’une pointe de fer nommée moine.

Toupin ; jouet sans fer. (Voy. sabot.)

Troisse ; abréviation populaire du mot troisième.

Trompe ! cri poussé au jeu appelé sauter à la corde, quand la sauteuse s’embarasse les pieds dans son jouet, qui est alors remis à une autre.

Ventre ; la partie renflée d’une toupie.

Vinaigre ; au jeu dit sauter à la corde, les joueuses désignent sous le nom de vinaigre la façon de faire tourner très-rapidement la corde.

Viraboin ; un des noms de la toupie.

Vire (p’tit) ; petite toupie.

Vis ; (videre, visum ?), jeu de cache-cuté caché (voy. découvert), dans lequel une partie des joueurs cherche ceux de l’autre bande et crie vis ! dès qu’elle soupçonne la retraite de l’un d’eux.

Vis-bonhomme ; sorte du jeu de vis.

Vispi ; un des noms de la toupie.

Voleurs (jeu des) et des gendarmes ; sorte de jeu de cache-cuté découvert à l’usage des tout petits.

Vouiller ; au jeu de toupie, on dit qu’une corde enroulée autour du jouet vouille quand elle se déroule mal. Une corde qui vouille est très dangereuse parce qu’elle envoie les toupies dans les carreaux ou à la tête des joueurs.


FIN.



  1. Ce travail a obtenu une médaille de vermeil au Concours littéraire qui a eu lieu à Rennes l’année dernière.
  2. On appelle également caniques sur le littoral d’Ille-et-Vilaine, notamment à Saint-Briac, de très-petits galets à peu près sphériques.
  3. Ce mot, que je mets ici par euphémisme, est toujours remplacé par celui que l’on attribue à Cambronne.
  4. J’ai souvent entendu moi-même ce cri sur la place de l’église Toussaints, où se trouve l’auberge dite du « Bâton-Royal. »