Les Historiettes/Tome 3/64

Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 3p. 418-420).


M. D’AVAUGOUR.


C’est le frère de madame de Montbazon ; pour le visage, il étoit plus beau qu’elle ; mais il n’avoit point bonne mine. Il ne manque pas d’esprit, mais il est bizarre et aime le procès ; il plaide avec toutes ses sœurs et sa mère ; point de réputation du côté de la bravoure. Il épousa, en premières noces, la fille du comte Du Lude, encore enfant ; il en fut jaloux. Elle mourut pour s’être blessée, si je ne me trompe, et on murmura pourtant un peu contre le mari ; mais je ne le tiens nullement coupable de sa mort. En secondes noces, il a épousé mademoiselle de Clermont d’Entragues, celle qui croyoit que Montausier lui en vouloit et n’osoit le dire. La vanité d’avoir un manteau ducal, car cet homme en a un, et nonobstant l’arrêt du temps d’Henri IV, qui défend à toutes personnes de prendre le nom de Bretagne, il le prend hautement, et ses sujets le traitent d’Altesse. Il dit qu’il n’y a que sa mère qui n’ait point eu le tabouret. Il diroit plus vrai s’il disoit qu’il n’y a eu que la femme du chef de la maison, qui, comme j’ai dit, étoit frère bâtard de la reine Anne de Bretagne qui l’ait eu, et ce fut en considération de ce qu’elle venoit de Charles de Blois,qui avoit disputé la Duché[1]

Il a eu cinq mères à la fois madame de La Varenne, madame de Vertus, madame Feydeau, la comtesse Du Lude et madame de Clermont.

Mademoiselle de Clermont,qui a de l’esprit, vit bientôt qu’elle avoit fait une sottise ; car cet homme ne bouge de chez lui à Clisson, et, en huit ans, elle n’est venue qu’un pauvre petit voyage à Paris ; encore fut ce pour un procès. Cette maison a sept,ponts-levis, et ce sont. des précipices tout autour. Elle appartenoit autrefois, je pense, au connétable de Clisson, qui la fortifia ainsi contre le duc de Bretagne. Là, cet homme s’est amusé à faire une grande dépense en serrures ; pour tout le reste il est avare[2]. Je ne voudrois point d’un mari qui ne dépensât qu’en serrures.

Il épousa, en premières noces, mademoiselle Du Lude, une des plus belles et des plus douces personnes de ce siècle. Il en devint jaloux sans sujet ; mais, comme on l’a vu par la suite, il étoit impuissant. Sa seconde femme a dit depuis, comme on lui proposoit de l’en délivrer en» lui faisant un procès sur l’impuissance : « Qu’une honnête femme ne se plaignoit jamais de cela. » La petite-vérole étant à Clisson dans toutes les maisons de la ville, il obligea sa femme d’y aller ; elle se trouva mal aussitôt, et elle entendit qu’il disoit au médecin « Pour son visage, je ne m’en soucie guère mais il ne faut pas qu’elle meure. » Elle fut assez sage pour n’en rien témoigner ; mais elle n’en mourut pas moins. Gens qui s’y connoissent m’ont dit qu’elle étoit plus belle que madame de Roquelaure, sa cadette.

En se mariant, il vouloit qu’on s’obligeât à lui donner le deuil de M. de Clermont, qui étoit déjà assez vieux. Voyez le bel article. Ce fut du temps que le Prince étoit à Lérida. Arnauld envoya sur cela des vers que voici à madame de Rambouillet :


Prince breton, prince breton,
Vous êtes un joli poupon
D’épouser notre demoiselle ;
Elle est si bonne, elle est si belle ;
D’or elle a plus d’un million.
Elle en emplira votre écuelle,
Prince breton.

Prince breton, prince breton,
Vous avez un bien gros menton
Pour si blanche et blonde femelle.
Que si jamais dans sa cervelle
Se fourroit quelque amour fripon,
Ma foi, vous en auriez dans l’aile,
Prince breton.

Prince breton, prince breton,
Je ne le dis pas tout de bon ;
Nous avons vu mainte prunelle
Se radoucir pour l’amour d’elle ;
Mais toujours elle disoit non ;
Et ma foi vous l’aurez pucelle,
Prince breton.


Voiture y avoit fait une réponse qu’on a perdue.

  1. A la maison de Montfort.
  2. On dit qu’il a parqueté une écurie.(T.)