Traduction par des contributeurs de Wikisource.
(p. 65-67).

31. Le vieil Athanase.

Aujourd’hui deux éleveurs sont venus et ont apporté du lait. Il n’y en a pas beaucoup car les brebis et les vaches sont maintenant taries, mais c’est un cadeau du vieil Athanase.

Ils leur ont aussi apporté un flan, préparé par Aphrodo de ses propres mains. Encore un cadeau du vieil Athanase.

Finalement le vieil Athanase lui-même est arrivé.


Le vieil Athanase porte des fustanelles blanches, des chausses blanches, une casquette blanche ; et même sa barbe et ses cheveux sont blancs. Il est enneigé été comme hiver ; complètement blanc. La Roumèle aura blanchi le vieil homme !

C’est le principal éleveur dans cette montagne ; il n’est jamais descendu sous la barre de six mille bêtes.

C’est le papy de la famille. Il a donné des filles et des petites filles aux maisons des alentours. Il en a marié d’autres dans les montagnes plus éloignées que l’on ne voit pas d’ici. Il les a toutes dotées sans ménager sa fortune.

Il ne connaît pas les lettres, il a quand même appris à mettre sa signature, lentement mais sûrement, avec une canne de berger à la fin, comme ça :

Avec cette signature il vend, il achète, il sait où se trouve son bien.

« Moi aussi je connais seize lettres » dit-il.

Et il dit vrai. Une fois il les a comptées, celles qui composent sa signature, et il en a trouvé seize. De toute sa vie il n’y en a pas eu dix-sept.

Ce qu’il n’a pas en lettres, le vieil Athanase l’a en sagesse. Personne ne l’a trompé, mais lui non plus n’a trompé personne. Il n’a qu’une parole et elle est juste.


Quand il descend à la ville – parce qu’il va aussi en ville une fois par an à Pâques − il occupe toute la route, et les gens se tournent pour le regarder avec son bâton. Alors ils hochent la tête et disent :

« Qu’est-ce qu’il doit en avaler, du lait ! du yaourt, du fromage blanc ! »

Il a quatre-vingts ans mais il ne s’appuie pas sur son bâton. Combien de fois a-t-il vu fleurir le charme et le hêtre ! Combien d’hiver ont jeté sur lui la pluie et la grêle ! Et il se tient encore tout droit.

Puissions-nous avoir ta belle vieillesse, Athanase !