Les Forces éternelles/Une fière habitude…

Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 268-269).

UNE FIÈRE HABITUDE…


 
Une fière habitude, et qui nous aide à vivre,
Nous permet, chaque fois que le sort nous fut dur,
D’espérer que le mal dont le cœur se délivre
Est le dernier enfin ! Nous aimons le futur.

Il semble au noble esprit, amoureux de justice,
Que le malheur est sage et nous veuille exercer,
Et que, maître indulgent, il dise : « C’est assez. »
Lorsque nous fûmes doux et purs à son service.

Notre candeur se fie aux cieux harmonieux
À cause de la paix consolante des astres !
Mais le désordre immense et l’incessant désastre
Frappent distraitement les humains anxieux.


Ainsi j’ai tout souffert des turbulents orages !
Hier fut accablant, mais demain sera pis ;
Je contemple en tremblant ce moment de répit…
— Destin, qu’attendez-vous encor de mon courage ?

Accordez-moi, du moins, puisque vraiment je fus
Le flambeau secoué par vos mains orageuses,
De n’aborder jamais la vieillesse neigeuse,
D’opposer à l’ennui un flamboyant refus !

Veuillez vous souvenir que vous me fites telle
Que les étés prenaient leur éclat sur mon cœur,
Que la nue et mes yeux confrontaient leur chaleur,
Et que c’est par la paix que l’on se sent mortelle !

— Puissé-je, sans effroi, sans regret, sans effort,
Descendre noblement de l’amour à la mort…