Les Fastes (Merrill)/Fantômes

Les FastesChez Léon Vanier (p. 56-57).

FANTÔMES

à Edgar Fawcett.

Sous la lune qui filtre au treillis d’un vitrail,
Le mobilier trapu s’estropie en les salles :
Chaises de chêne, armoire aux armes colossales,
Et dressoirs où se tord l’héraldique bétail.

Heaumes et haubergeons, bardant des simulacres,
Bombent dans l’ombre leurs bosses de bronze et d’or
Où s’incrustent, crispés, des stryges en essor,
Dont la griffe et la gueule ont la faim des massacres.

Sur les portes, les lourds tissus au fil chenu
Qui simulent tournois, chasses et cavalcades
Se plissent, froissés par de frileuses saccades,
Au souffle froid d’un vent venu de l’inconnu.


Parfois s’éplore, au fond des corridors nocturnes,
Un air énamourant de harpe et de rebec,
Et voici passer, fol, avec un frisson sec,
Le cortège — or et fer — des Reines taciturnes.

Et ce sont des doigts bleus meurtris aux coups du sort,
Et des yeux révulsés en de pâles colères,
Et tout ce chuchotis de voix crépusculaires
Disant le mal d’aimer en l’hiver de la mort !