Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 75-77).

47. ― MAQUEREAU SANS LE SAVOIR[1]

Une commère était amoureuse d’un jouvenceau, nommé François.

Ne pouvant le joindre en particulier, et n’osant pas l’aborder en public, elle s’avise d’une ruse. Elle se confesse à un moine qui habite près du logis de l’adolescent :

— « Mon père, votre jeune voisin, ce François, ne cesse pas de se promener sous ma fenêtre et de me faire les yeux doux. J’ai peur qu’il ne me compromette. Mon mari ne plaisante pas. Je vous en prie, dites à François de ne plus s’occuper de moi, et de m’oublier ! »

La friponne espère que les exhortations du moine inspireront au mignon l’idée de se rapprocher d’elle.

Le bon moine s’acquitte de la commission, et morigène François. Celui-ci, devinant une ruse de femme, écoute la gronderie d’un air contrit, malgré son innocence. Mais il ne donne pas signe de vie à son amoureuse.

Alors, la commère achète une ceinture d’or et des bijoux, mande le moine, et se plaint en ces termes :

— « Voyez, mon père ! Cet impertinent de François a eu l’audace de m’envoyer tout cela. Mais je ne veux pas me laisser corrompre. Je vous en supplie rendez-lui ses cadeaux sataniques ! »

Le bon moine s’acquitte, une seconde fois, de la commission. Il chante pouilles à François, et le menace des chaudières éternelles.

François, qui est puceau, hésite encore à se rapprocher de la belle.

Sur ces entrefaites, le mari, un marchand, part en voyage, au-delà des mers. L’amoureuse mande à nouveau le moine :

— « Mon père, c’est affreux ! Imaginez-vous qu’hier soir, ce monstre de François a grimpé sur le cyprès qui est devant ma fenêtre, et a sauté de là sur mon balcon ! Je n’ai eu que le temps de fermer les volets. Je vous en conjure, au nom de la Sainte Vierge, dites-lui qu’il faut que ça finisse ! »

Le bon moine s’acquitte, avec la plus grande naïveté, de cette troisième commission.

Alors, notre puceau s’enhardit : le soir même, il grimpe sur le cyprès, et trouve la fenêtre ouverte.

  1. Livre III, 67. De astutia mulierum.