Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 54-57).

34. — LE PÉCHÉ DE RÉSISTANCE[1]

Un Franciscain, moine mendiant de son métier, recevait l’hospitalité dans un couvent de filles.

Le bon apôtre parle avec tant d’onction, prodigue des exhortations si pénétrantes à la vertu et à la chasteté perpétuelle en Jésus, que ces fines mouches de nonnes, affectant un mystique enthousiasme, le font coucher dans leur dortoir.

Une demi-heure se passe. Tout à coup, les nonnes, bien éveillées comme vous pensez, entendent le Franciscain s’écrier, d’une voix claironnante :

— « Non ! Non ! Non ! Je ne ferai pas cela ! Je ne ferai pas cela ! Je ne ferai pas cela ! »

Les nonnes, aguichées, sautent à bas du lit, en chemises courtes et mal closes, rallument toutes les chandelles, et s’empressent autour du moine à trogne écarlate, qui a rejeté sa couverture, et montre négligemment un priape de belle taille.

Trente paires d’yeux féminins brillent de convoitise.

L’abbesse demande au frocard ce qu’il a. Le Franciscain répond, de sa voix melliflue :

— « L’ange Gabriel m’apparaît en songe, et m’ordonne de connaître la plus jeune de vos nonnes, afin qu’elle enfante à l’Église un évêque. Mais je refuse, par pudeur et par fidélité à mes vœux. »

L’abbesse reprend :

— « Mon père, il faut obéir à l’ange du Seigneur. »

Puis, elle amène, entièrement nue, la plus jeune des nonnes, qui se cachait en rougissant derrière ses compagnes. La pieuse adolescente ne fut encore initiée qu’à la douce étreinte de corps semblables au sien. Le moine s’évertue vainement à sourire. Sa trogne, et surtout l’engin perforant qu’il darde effrayent la pucelle, qui pleure et se débat.

Alors, toutes les autres nonnes, l’abbesse en tête, s’offrent pour la remplacer. Mais le Franciscain demeure inflexible :

— « L’ange Gabriel a dit « la plus jeune. » Là-dessus, l’abbesse menace la récalcitrante de flagellation majeure, et d’un séjour de trois mois dans l’in-pace du couvent, tant et si bien que la pucelle se résigne.

Le Franciscain enlace la novice tremblante, la rassure, la lutine, la met en position, peu à peu, avec des lenteurs d’artiste en amour. Puis, brusquement, il la pénètre, d’un seul coup de reins.

Un cri déchire l’air du dortoir.

Les nonnes, retroussant leur chemise jusqu’aux épaules, dansent une ronde autour du lit nuptial, et se recouchent ensuite, deux à deux.

Neuf mois après, la novice accouche d’une fille.

Les nonnes, y compris la jeune mère, ne font que rire de ce dénouement. Cependant, l’année suivante, le Franciscain se trouvant de nouveau l’hôte du couvent, l’abbesse l’interroge, pour voir ce qu’il imaginera. Le moine mendiant réplique aussitôt :

— « La déception de sœur Agnès est un châtiment céleste. Sœur Agnès ne s’est pas inclinée tout de suite et de bonne grâce devant la volonté du Seigneur. Elle a commis le péché de résistance. Dieu l’a punie en féminisant le futur évêque dont votre serviteur l’avait ensemencée. »

Sœur Agnès ne joue plus les mijaurées. Elle embrasse le Franciscain.

  1. Livre II, 113. De fratre minore monialem gravidam reddente.