Les Bigarrures/Chapitre 11

Les Bigarrures et Touches du seigneur des Accords (1572)
chez Loys Du Mesnil (p. 160-172).

DES ALLUSIONS

CHAP. XI.


BEaucoup pourront trouver estrange, que je n’ay mis ce chap. apres celuy des Amphibologies, ou des Equivoques ; pour le peu de difference qui est entr’eux : car l’allusion se fait de dictions approchantes de quelque nom, au lieu que l’Equivoque se fait de mesme voix entierement : & que l’Amphibologie d’un seul nom, represente deux ou trois significations : De sorte que l’Equivoque peut estre Allusion entiere, & Allusion ne peut estre entiere Equivoque. Mais je l’ay fait expressement, à fin d’entremesler les matieres d’un mellange agreable : & que, les entassant de suitte, il ne semblait que je les voulusse confondre, ainsi qu’ont fait plusieurs des plus doctes, qui mesmes n’ont point douté d’en faire des Etimologies : Comme Varron en ses livres dediez à Ciceron ; repris par Quintilian, qui l’argue d’avoir dit ; Ager ab agendo, quòd in eo aliquid agatur : Graculus, quasi gregatim volans : Mercula, quasi mera volens, id est sola. Il reprend aussi quelques autres, conme Ælius, qui a dit, Pituitam, quòd petat vitam : Gabinius, qui cælibes, quasi cælites dixit : Et autres, que tu pourras voir dans cest autheur, aussi estrangement recherchées, que plusieurs Françoises que tu pourras voir cy apres. Laurent Valle, pour trouver à dire dire sur la purité du langage Latin, dont sont com posées les Pandectes a bien osé mettre en avant qu’ils ont prins leurs gentilles Allusions, pour certaines Etymologies : & la dessus prendplaisir à les dechiqueter à la mode. Mais Zazius, ce gentil Docteur Allemand in l. 1. ff. de acquir. posse. & Alc.lib. 3. cap. 14. despunct & lib. 4. de verborum significat, luy ont bien monstré son bec jaune, & comme luy-mesme a lourdement erré, d’estimer que ce fussent Etymologies : & a partant pris mal l’un pour l’autre, on les a confondus ineptement. Car l’Etymologie est veriloquium, aut notario : autrement originatio, qui regarde la vraye source du mot : comme Philippus, de Φίλος & ιππος. Et Allusion est seulement un demy Equivoque à plaisir. Les Jurisconsultes doncques quand ils ont dit posseßionem, quasi pedum positionem : Mutuum, quasi de meo tuum : Testamentum, quasi mentis testationem : Interdicta, quasi duos dicta : & autres infinis, ils ont simplement alludé & ne se trouve aucun passage où ils appellent telles Allusions, Etymologies : Comme en font foy Alc. inl. Tabernæ. ff. de verb. signific. qui dit aussi que les argumens ab allusione, ne valent rien : au lieu que ceux ab Etymologia & deffinitione, peuvent avoir lieu : Et les textes expres. in gloff. i. de acquir. possess. l. bonorum. i. l. arg. l. dimissoriæ. l. Turgi j. l. plebs §. pignus. ff. eod. Si Laurent Valle eust dit que nos Docteurs s’y sont abusez, & mesmes le bon Accurse in §. 1. Instit. de test. il n’eust pas failly : car le bon homme les appelle Etymologies, & par excellence en forge, que je croy, deux ou trois de sa teste. Comme parlant de lapidem quia lædit pedem. S’il eust dit lapis au nominatif, l’Allusion eust esté bien estrange, Argumentum arguté inventum : trompé paradventure de ce que plusieurs Etymologies sont alludantes (s’il faut user de ce mot) avec les noms : Comme les propres de plusieurs Romains, dont traicte Valerius Max. lib. 10, sçavoir, Cicero a cicere, Lentulus à lentez Agrippa ab agro pariu, Martius à Martio mense, Mentus mane editus, Servius servatus in utero matre mortua : & autres, qui ont quelque source & origine vraye : Mais sous ombre de cela, se vouloir rompre la teste, pour deriver tous noms, & leur trouver des Etymologies, cela est futil : & hoc eft ad fædißima usque ludibria dilabi, comme dit Quintilian. Toutesfois, comme j’ayme à me chatouiller pour me faire rire, j’ay bien voulu mettre ces folastres, que par passe-temps j’ay recherché : non pas selon la curiosité de Corosius Becanus, duquel à bon droict se mocque Scaliger : n’y, selon les patefleries de Bartholomeus Angelicus, apres Isidore, que quelqu’un appelle non omnino malum authorem : Perionius & Charles de Boüilles, quem Bouilleum, quasi bo villum, hoc est, paruum bovem, appellat Leo Suavis ; Mais pour espece & forme d’esbat loüant ceux toutesfois qui pour exciter la jeunesse à la langue Grecque, ont, comme Picart, mon bon maistre, & Henry Estienne apres luy, recherché des mots François venans des Grecs : Encor que je sois asseuré que ny l’un ny l’autre prins à serment, n’en voudroit pas jurer, sinon de ceux qui, passez par l’estamine du Latin, se sont Romandizez envers nous. En voicy donc premierement quelques Latins, tirez deçà & delà, qui ne sont pas mal plaisans : Caput, à capiendo Oculi, quasi oculti : Frons, à foraminibus oculorum : Auris, à vocibus baurēdis : Pupilla, à parvis pullis : Mandibulæ, à mandica ado : Labia, à lãbendo : En voicy une sublime, Mentum, quasi mandebularum fundamentum : Os, ab oftio : Dentes, quia edentes : Lingua, à ligando quia ligat verba : Manus, qui a munus totius corporis : Digiti, quia decentur juncti : Deorsum, à duritie : Pectus, dictum quia proximum inter partes : Papilla, quia palpatur a puero : Fel, quia est felliculus : Splam, à supplendo : Vesica, à capacitate venti : Urina, quia urit interna, Nates, quasi innitentes. Planta, à planicie : Qui sont tous prins d’Isidore & Angelicus.

Benedict in rep. cap. Rainutius de test. Rom. ait dictum esse Parlamentum, quasi parium lamentum : Tutor est dit par le I. C. quasi tuitor : & par Alber. Brun quasi tolitor, ill. 1. ff. de tutor.

Le sçavant du Moulin (comme quelquesfois les plus grands personnages s’endorment) a prins grand’ gloire en ses Commentaires sur la coustume de Paris, d’avoir derivé ce mot de Conestabilis, de Cuneus stabilis.

Augustus, que les Romains disent ab augurio, Accurse le derive ab augendo imperio : Formica, selon Serujus, quasi ferens micas : Pontifex, quia pontom facit vitæ & morum, cap. inter de off. ordinar.

Accursius in l. factum in danda, ff. ad Trebell dit que son nom vient quòd accurras Juris tenebris. Io. Gothus dit, que panis dicitur à Pane Deo, qui ex frumentis Cereris primus panem fecit : & autres infinis, que je laisseray rechercher aux plus curieux que moy : Car je veux venir à nos François.

Bonnet, de bon & net, pource que l’ornement de la teste doit estre tel. Bouille le derive de bon est.

Chapeau, quasi, eschappe eau : aussi anciennement ne le souloit on porter que par les chams en temps de pluye.

Chemise, quasi, sur chair, mise.

Jarretiere, quasi, jaret tire.

Chauße, pource qu’on trouve au cul chaut ce, Ainsi que la Beauce fut nommée par Pantagruel.

Souliers, quasi, sus liez : pource qu’anciennement on les lioit dessus, à la forme des Espagnols & Italiens, qui vont en pelerinages avec leurs souliers de cordes : Et mesme encor aujourd’huy plusieurs lient leurs souliers avec des esguillettes.

Botte, pource qu’à l’aise on y boute : du moins on y doit bouter sans se presser la jambe.

Esperon, quasi-asperon, pource qu’il est aspre aux flancs du cheval.

Velours, quasi velu ours.

Gibbeciere, quasi, gibbociere à gibbe, qui signifie une bosse.

Digue, vient d’aigu.

Indague, quasi sans dague : Pource qu’un temps a esté qu’un homme sans dague, estoit estimé mal entendre son entregent.

Pistolet, a esté ainsi nommé, premierement pour une petite dague ou poignard qu’on souloit faire à Pistoye, petite ville, distant deux lieuës de Florence : & furent, à ceste raison, nommez premierement Pistoyers, depuis Pistoliers, & en fin Pistolets. Quelque temps apres l’invention des petites arquebouzes estan venuë, on leur transporta le nom de ces petits poignards. Depuis encor on a appellé les escus d’Espagne, Pistolets, pource qu’ils sont plus petits que les autres : & comme dit Henry Estienne, quelque temps viendra qu’on appellera les petits hommes, pistolets, & les petites femmes pistolettes.

Banny, de ban, qui est à dire en vieil François, deffence.

Cheminee, quasi, chemine aux nuës, pour la fumee.

Coquin, à coquina, c’est à dire cuisine : Car tout bon coquin ayme la cuisine.

Taverne, quasi, tard venez, par inversion : pource que du commencement on bastissoit les Tavernes aux Fauxbourgs, pour les tard venus.

Capitaine, a capite : Qui est cause que les mignards soldats auiourd’huy, disent Chespitaine.

Soldat, quasi, ou de lart, ou de l’Italien (solde) qui est à dire paye.

Gentil-hommes, quasi, hommes gentils sur les autres : mais aujourd’huy, depuis que chaque canaille les contrefait, on dit des Gens pille hommes :

Escuyer, d’escu, c’està dire bouclier : ou d’escu, pource qu’ils ayment bien l’escu.

Estendart, quasi estendu en l’air.

Tapis & tapisserie, du vieil mot François, tapir, qui signifie cachee. Pource que souvent d’un tapis on cache une laide table : d’une tapisserie, une meschante muraille. Autres dient tapis, du mot Grec τάπης, en tapinois, c’est à dire en cachatte : venir aussi du mesme mot tapir, ou du Grec τάπεινος, selon Henry Estienne.

Granche, des grains qu’on y arranche.

Galant, quasi, gay allant.

Heraut, de haire haut : pource qu’ordinairement ils sont montez sur de grands chevaux maigres : ou qu’on a accoustumé de choisir de grands maigres hommes, qui ont grand gosier, pour bien crier.

Menestrier, quasi, meine estrier des espousées.

Orgueil, quasi orde gueule.

Noise, vient de nois, qui font noise & bruit portees ensemble.

Paillart, de paille & l’art : ou quasi, qui n’a pas liart.

Paris, pource que par ris elle fut compissée par Gargantua.

Parlement, pource qu’on parle & ment.

Bailliage, quasi, babillage.

Sergent, de serre argent : pource qu’un sergent serre volontiers ce qu’il reçoit : Si vous n’aymez mieux le prendre de serre-gens quoy qu’il soit dit à serviendo.

Huißier, pource qu’au Palais l’huis sied.

Procureur, quasi prou cureur, pource qu’il cure prou la bourse des plaidans l’ay mieux nominé un qui estoit riche, en lieu de Procureur, Port heureux.

Nous lisons que Gaston de Foix prenoit singulier plaisir de baptiser ses serviteurs de nouveaux mots, alludans à leurs complexions : Comme,

Maumiser, quasi mal my sert.

Landaller, quasi, l’as d’aller.

Vapiam, id est, va bellement,

Rinevau, quasi, rien ne vaut.

Coraval, qui court aval,

Boirnet, quasi, boire net.

Boivin.

Boileau.

Versaboy, quasi, verse à boire.

Frangoust, quasi, franc goust.

Machefort.

Vinacal.

Vinabas.

Mouille groing.

Sacavin.

Et autres infinis, que l’on pourroit forger à discretion.

Bailly, bailliste, font recherchez par Rebuffe, jusques au ceptre du langage Hebraïque. Je trouve que Pasquier en ses Recherches de la France, l’a mieux trouvé du vieil nom François Baillie, qui signifie garde.

Eschevin, est dit par Imbert en son Enchiridion d’Eschever, vieil mot Frarçois qui signifie mettre à fin. Mais il est dit, quasi lesche vin, pource qu’il doit taster le vin, pour commencement de bonne police, afin qu’on n’en vende de mauvais.

Messieurs des Comptes, quand en Latin on les appelle computores, se scandalisent de ce mauvais mot Latin : & disent qu’ils sont appellez, compotores, quasi commensales regis : & opiniastrent qu’il faut mettre en leurs gectoires, pro camera compotorum, selon tous les anciens.

Conquart, quasi, coq hardy, qui leve la creste.

Palefrenier, d’une pale & d’un fenis.

Rimer, quasi ris amer, tels que sont les farces rimées.

Seigneur, quasi senieur, de senior.

Saulse, à salsa, quia sine salso sasamentum non fit.

Salique, c’est à dire Galique, selon aucuns : selon autres, pource que les chapitres de la loy Françoise commençoient quasi tous par ces mots, si aliquis & si aliqua, Molinens au §. 26. nu. 2. dit qu’elle est surnommée de Pharamond, surnommé salicus : Autres l’ont derivé vel à sale, vel à Salis sacerdotibus.

De nostre temps ce mot de Huguenots, ou Hucnots s’est ainsi intronisé : quelque chose qu’ayent escrit quelques-uns, que ce mot vient Gnosticis hæreticis, qui luminibus extinctis sacra faciebant, selon Crinit ; ou bien du Roy Hugues Capet, ou de la porte de Hugon à Tours par laquelle ils sortoient pour aller à leur presche. Lors que les pretendus Reformez implorerent l’ayde des voix des Allemans, aussi bien que de leurs armees : les Protestans estans venus parler en leur faveur, devant Monsieur le Chancelier, en grande assemblee, le premier mot que profera celuy qui portoit le propos, fut, Huc nos venimus : Et apres estant pressé d’un reuthme il ne peut passer outre : tellement que le second dit le mesme, Huc nos venimus. Et les Courtisans presents qui n’entendoient pas telle prolation : car selon la nostre ils prononcent Houc nos venimous, estimerent que ce fussent quelques gens ainsi nommez : & depuis surnommerent ceux de la Religion pretenduë reformee, Hucnos : en apres changeant : C, en G, Huguenots, & avec le temps on a allongé ce mot, & dit Huguenots. Et voylà la vraye source du mot, s’il n’y en a autre meilleure. L’allusion du mot de Regillianus, luy servit tant, que sans autre occasion il fut esleu Empereur, l’un de ceux qui est nommé entre les trente tyrans. En la vie duquel Trebellinus Pollio dit, qu’apres la mort de Ingenus, les soldats estans à table, & devisans à qui il failloit donner l’Empire : un nommé Valerianus commença de dire, D’où vient ce mot de Regillianus ? A Rego, respondit un soldat, puis un certain, qui avoit autrefois estudié en Grammaire, esplucha ainsi, Rex, Regis, Regi, Regillinus. Tellement qu’un autre suivit, & dit : Ergo nos reger potest, & Rex esse. Surquoy tous les soldats, par une acclamation militaire, l’esleurent Empereur. De sorte que l’on voit par là que ce n’est sans raison que Platon en son Cratyle dit, qu’on se doit estudier de donner aux personnes, de beaux noms : mais ce n’est pas à dire qu’il en succede bien tousjours.

Je ne m’espancheray pas d’avantage à pour suivre ces Allusions & Etymologies : qu’aucuns out bien esté si gruës, que de deriver moitié du François & du Grec & du Latin, & de tous trois quand ils se sont advisez. Comme un certain translateur de bons autheurs Grecs & Latins, en mauvais François qui derive son nom Philibertus de φίλος & βερτος, pour vertus, quasi dicat, Ayme vertus. N’est-il pas digne qu’on en face cas, puis que luy-mesme l’a mis en lumiere, en ce siecle si poly ?

Et partant je finiray ce Chap. sur l’Etymologie de ce mot Assaßins, qui est tiré d’affez loing & dont l’histoire est aggreable. Nous appellons assaßins, ces spadassins qui tuent un homme de propos deliberé, & de guet à pend : & est venu le mot de Tartarie, en laquelle, comme escrit Paulus Venetus en son Inde Orientale, estoit un grand Seigneur, dominateur d’une Province appellee Mulette, regnant en l’an 1150. vulgairement appellé Assassin, & son fils Alardin : & per Joan. And. ingl. in verbo formidantes c. i. de hom. c. in 6. Luezo de la Montagna, autrement, Le vieil de la Montagne, lequel introduit le premier ces assassins ainsi surnommez de son nom, en la forme qui s’ensuit. Il fit bastir & construire un beau lieu, tout environné de hautes montagnes, les plus superbe & somptueux, qui se pourroit imaginer : le fit enrichir de precieux meubles, & accommoder de grands jardins, parterres, & vergers cultivez & ornez des plus excellens fruits, & rares plantes, que l’on sçauroit souhaitter, avec infinies cabanes & belles allees : Et y fit faire artificielle ment quatre fleuves, qui couloient, quand il vouloit certaine espace de temps, du vin, du miel, du laict, sans les naturels qui estoient remplis d’eau, avec abondance de toutes sortes de poissons, Au surplus, à l’entour de ces montaignes, il fit planter des Cedres & autres arbres, outre lesquels la montagne estoit retranchée & renduë inaccessible, hors mis par une seule entree : & au milieu de ceste place avoit fait bastir un fort chasteau, à la porte duquel il avoit faict mettre une bonne & seure garde. Bref, ce lieu estoit un Paradis terrestre, tel que le promet Mahomet en son Alcoran. Car toutes sortes d’instrumens & d’exercices n’y manquoient, jusqu’à y faire enfermer deux ou trois cens des plus belles filles qu’il avoit peu recouvrer. Voylà le filer en somme, pour attraper ses gens : Qui estoient tous les plus beaux hommes & robustes qu’il estoit adverty qui passoient par ses terres, lesquels il trouvoit moyen de faire arrester, & leur faire donner va breuvage pour les endormir : & puis en ceste sorte les faisoit transporter dans ce lieu, mettre en un riche lit, au milieu d’une sale, où il y avoit infinis flambeaux. Erdonnoit ordre qu’à leur resveil ils entendoient une harmonie tres-exquise & avoient autour d’eux, trois ou quatre de ces filles, habillees en Nymphes, qui les servoient & accommodoient de riches habits, puis les menoient en une chambre richement tapissee, où ils trouvoient une table garnie de toutes les exquises viandes qu’on pourroit souhaiter. De là, on les menoit solacier par tout ce lieu, & leur estoit permis de choisir à leur appetit, telle fille qu’ils vouloient. Puis ayant gousté ces plaisirs l’espace de sept ou huict jours, & qu’on les voyoit enyvrez de tels delices, on leur donoit derechef, avant que se mettre au lict, une potion soporifere, comme auparavant. Et avant qu’elle commençast son operation arrivoit un grand vieillard, eslevé sur un throsne environné de petits enfans aislez, qui leur faisoit entendre qu’il estoit Mahomet, grand Prophete ; & que s’ils vouloient estre sauvez, & jouyr à perpetuité de ceste douce vie, qu’ils avoient gousté, qu’il falloit qu’ils allassent tuër certains Princes & Seigneurs, qu’il leur nommait (comme Tyrans desagreables à Dieu) & les exortoit tellement, outre ce qu’ils estoient allechez, qu’estans apres transportez endormis lors de ce chasteau, ils n’espargnoient leur vie, pour l’esperance qu’ils avoient apres leur mort, de revivre si joyeusement. De sorte qu’en l’an mil deux cens cinquante six, un peu apres la mort du Roy Louys, il y en eut un si osé, qu’il vint jusques dedans la tente du Prince de Galles, qui estoit devant la Cité d’Acres, lequel il voulut frapper droict au cœur d’un cousteau. : mais il fut soudain mis à mort, & n’en retourna pas dire des nouvelles en son joyeux Paradis. Nos Anales en la vie du Roy Philippes le Hardy, le nomment messager Arsacide, au lieu d’Assaßin : Quelque temps auparavant, 1193. Conrad de Monferat, elleu Roy de Tyr, fut tué en plein marché par de ces gens de bien là. Le bruit fut environ le mesme temps, que Richard Roy d’Angleterre, qui estoit outre mer, en avoit envoyé un, pour tuer le Roy Philippes Auguste, qui s’en estoit retourné en France : Mais cela ne se peut averer, comme aussi c’estoit une baye : car ils ne venoient point d’ailleurs, que de ladite montaigne, si ce n’estoit que des-là ce mot eut desjà prins vogue.

Bref par le moyen de ces Assassins, Aladin se fit tellement redouter, que plusieurs se rendirent ses tributaires : Jusques à ce que le grand Camp, nommé Allan, en l’an 1262. apres l’avoir tenu assiegé l’espace de trois ans l’affama, & le print avec plusieurs de ses gens, qu’il fit tous mourir, & apres razer la place, les vestiges de la quelle restent encor aujourd’huy. Et est chose tres-admirables, & digne d’estre bien remarquée, que lesdits pere & fils ont bien regné en ceste forte, selon la supputation des Historiens environ cent ans.

ADJONCTION DE
l’Autheur.

Encor adjousteray-je pour sucre ces Allusions que l’on a fait par forme de proverbe, il y a plus de six vingts ans, sur les villes de Bourgongne, qu’aucuns trouvent assez correspondantes aux mœurs :

Dijon, dit, Mocqueurs de Dijon.

Ostun, Oste.

Saulieu, saute, Cheure de Saulieu.

Semur, seme, Bleds de Semur.

Seurre, ferre, Mesnagers de Seurre.

Nuicts, nuit.

Chastillon, Chatouille.

Chaalon, chasse : autres dient pour l’energie de la suitte,

Chalon, chie, Bouzes de Chalon.

Mascon, masche ; Bauffreurs de Mascon.

Avalon, avale ; Grand gosier d’Avalon,

Beaune, boit ; Barils de Baune.

Aussonne, hausse le gobelet, suplé.