Les Avadânas, contes et apologues indiens/82

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 32-34).


LXXXII

LE PAPIER PARFUMÉ ET LA CORDE INFECTE.

(De la force des habitudes.)


Un jour, le Bouddha, voyant par terre un vieux papier, dit à un religieux de le ramasser ; ce qu’il fit sur-le-champ.

« Quel est ce papier ? lui demanda le Bouddha.

— C’est, dit le religieux, un papier qui a servi à envelopper du parfum. Quoiqu’on l’ait mis au rebut et jeté, il conserve, comme auparavant, l’odeur du parfum. »

Le Bouddha, ayant marché plus loin, aperçut par terre un bout de corde. Il dit au religieux de le ramasser, et celui-ci, docile à ses ordres, le prit sur-le-champ.

D’où vient cette corde ? demanda le Bouddha.

— Cette corde, dit le religieux, a une odeur infecte ; elle a servi à attacher des poissons.

— Dans l’origine, dit le Bouddha, les hommes sont purs et sans tache, mais, par le contact et la fréquentation des autres, ils appellent sur eux le châtiment ou le bonheur. Si quelqu’un s’approche des hommes sages et éclairés, il devient intelligent et vertueux ; s’il se lie d’amitié avec des sots et des méchants, les malheurs et les châtiments viennent fondre sur lui. Il en est d’eux comme de ce papier qui est resté odorant pour avoir approché d’un parfum, et de cette corde qui est devenue infecte pour avoir lié du poisson gâté. Dans le commerce des hommes, nous contractons peu à peu des habitudes bonnes ou mauvaises, sans jamais nous en apercevoir.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Fa-yu-pi-yu-king.)