Les Avadânas, contes et apologues indiens/76

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 14-16).


LXXVI

LE CHASSEUR ET L’OIE PRISONNIÈRE.

(On doit se dévouer pour son souverain.)


Il y avait un roi puissant qui aimait à mander de l’oie. Il ordonna à un chasseur de tendre constamment ses filets pour prendre des oies. À cette époque, une troupe de cinq cents oies arrivant des pays du nord pour passer dans le midi, il y eut une reine des oies qui tomba dans les filets du chasseur[1]. Le chasseur voulut aussitôt la prendre et la tuer. Tout à coup, une oie, qui poussait des cris plaintifs, vint voltiger autour de lui sans songer à le fuir. Le chasseur tendit son arc et voulut la percer de sa flèche, mais elle ne se détourna ni de l’arc ni de la flèche ; ses yeux étaient constamment tournés vers la reine, qu’elle vint rejoindre sur-le-champ en battant des ailes. Les cinq cents oies allaient et venaient au milieu des airs, et ne s’enfuyaient pas plus que leur compagne. Le chasseur se sentit ému en voyant cette oie qui poussait des cris plaintifs en vomissant du sang, et montrait un tel attachement pour sa reine. Il ouvrit le filet et mit sa prisonnière en liberté. Celle qui avait poussé des cris douloureux ressentit une vive allégresse, et suivit, d’une aile légère, la troupe des cinq cents oies. Celles-ci, tantôt précédant, tantôt suivant leur reine, l’entourèrent avec respect, s’élancèrent dans les airs et disparurent.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Ta-fang-pien-fo-pao-ngen-king, livre II.)
  1. L’expression chinoise répond au mot sanscrit Hansarâdja, le roi des Hansas. Le genre féminin du mot français, m’a obligé de mettre la reine.