Au Vatican, par ordre exprès du Saint-Pontife, l’an dernier du regne de la papauté [1797] (p. 44-48).

CHANSON

SUR
LA RÉFORME DE LA FÊTE DES SAINTS.

Air : De la Madeleine.

Je vais vous chanter cher amis,
L’article du journal céleste,
Un ange en mes mains l’a remis,
C’est un des anges les plus prestes,
Il est daté du Mercredi,
Il l’eut Jeudi, vint Vendredi,
Et me le donna Samedi.

Il me dit j’arrive des cieux,
Ah ! c’est un bachanal énorme,
On voit mille séditieux,
Au sujet de cette réforme,
Les Saints qui s’y trouvent compris,
Grands et petits,bis.
Font les diables en paradis.

Chez le plus grand des Tout-puissans,
On vit douze saints d’une bande,

Suivis de milliers d’Innocens
Faisant tous la même demande,
Mathias crie en vain, Jésus,
Par quel abus,bis.
Paris ne nous fête-t-il plus ?

Les deux Jacques veulent parler.
La rage leur ferme la bouche,
Ils ne peuvent que bredouiller,
Après un silence farouche,
Ils sont réduits à bégayer,
À supplier,bis.
Qu’on change le calendrier.

Laurent sur son gril attaché,
Gémit d’un si triste salaire,
Barthelemy tout écorché,
Voudroit que ce fût à refaire,
Il jure en jetant les hauts cris,
Qu’à pareil prix,bis.
Il n’y sera jamais repris.

Que l’on me chome, dit Mathieu,
Ou pour les humains je ne bouge ;
Saint Michel crie au fils de Dieu,
Je veux qu’on me récrive en rouge,

Moi qui piétinois sur Satan,
Monsieur Saint Jean,bis.
A bien la fête une fois l’an.

Philippe et Jude en couroux,
Coadjuteurs en survivance,
N’en sont plus humbles ni plus doux,
Étalent autant d’arrogance.
Christophe le moins désolé,
Dit essouflébis.
Je ne serai point persifflé.

De Monseigneur, pauvre patron,
Gros butor, infâme faux-frère,
Penses-tu voir long-temps ton nom,
Subsister en gros caractères ;
De sur la liste des élus,
Seras exclus,bis.
Répliquent mutins en chorus.

Faisons mieux, ne souffrons jamais,
Que nos noms soient en jours ouvrables,
On nous prendroit pour des benets,
Nous devons être inébranlables ;
Chers confrères, pour seul moyen,
Tenons-nous bien,bis.
Et nous pourrons ne perdre rien.


Dans ce temps l’Éternel entra,
Il demande qui vous désoles ?
On croiroit être à l’Opéra,
On n’entend pas une parole ;
Au lieu de Saints je vois des foux,
Mais qu’avez-vous,bis.
Pour troubler la paix de chez nous ?

Simon commence à pérorer,
Et se plaint que Beaumont l’abhorre ;
On entend Marcel murmurer,
Martin veut qu’on le deshonore ;
Un autre accourt tout effaré,
C’est Saint André,bis.
Jurant comme un désespéré.

Saint Thomas dit sans me vanter,
Je crois bien en valoir un autre,
Monsieur Saint Denis va rester,
Parce qu’il fait le bon apôtre ;
Ce Saint quoique décapité,
En vérité,bis.
Est le Saint le plus entêté.

Paix ! répond la Divinité,
Ou je vous enverrai tous paître,

Parce que vous avez été,
Vous prétendez donc toujours être ?
Rien n’est de toute éternité,
La vanité,bis.
sied mal avec la sainteté.


FIN.