Le second livre des Sonnets pour Hélène/Qu’il me soit arraché

Sonnets pour Hélène, Texte établi par Roger Sorgéds. Bossard (p. 179).

LVIII

Qu’il me soit arraché des tetins de sa mère
Ce jeune enfant Amour, et qu’il me soit vendu :
Il ne fait que de naistre et m’a desja perdu !
Vienne quelque marchand, je le mets à l’enchère.

D’un si mauvais garçon la vente n’est pas chère,
J’en feray bon marché. Ah ! j’ay trop attendu.
Mais voyez comme il pleure, il m’a bien entendu.
Appaise toy mignon, j’ay passé ma cholere,

Je ne te vendray point : au contraire je veux
Pour Page t’envoyer à ma maistresse Helene,
Qui toute te ressemble et d’yeux et de cheveux.

Aussi fine que toy, de malice aussi pleine,
Comme enfans vous croistrez, et vous jou’rez tous deux :
Quand tu seras plus grand, tu me payras ma peine.