Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Ma fièvre croist tousjours

Sonnets pour Hélène, Texte établi par Roger Sorgéds. Bossard (p. 113).

LVII

Ma fièvre croist tousjours, la vostre diminue :
Vous le voyez, Helene, et si ne vous en chaut.
Vous retenez le froid et me laissez le chaut :
La vostre est à plaisir, la mienne est continue.

Vous avez telle peste en mon cœur respandue,
Que mon sang s’est gasté, et douloir il me faut
Que ma foible Raison dès le premier assaut.
Pour craindre trop vos yeux ne s’est point defendue.
 
Je n’en blasme qu’Amour, seul autheur de mon mal,
Qui me voyant tout nud comme archer desloyal,
De mainte et mainte playe a mon ame entamée.

Gravant à coups de flèche en moy vostre portraict :
Et à vous qui estiez contre tous deux armée,
N’a monstre seulement la poincte de son traict.