Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Je fuy les grands chemins

Sonnets pour Hélène, Texte établi par Roger Sorgéds. Bossard (p. 81).
XXVI

Je fuy les grands chemins frayez du populaire,
Et les villes où sont les peuples amassez :
Les rochers, les forests desja sçavent assez
Quelle trampe a ma vie estrange et solitaire.

Si ne suis-je si seul, qu’Amour mon secrétaire
N’accompagne mes pieds débiles et cassez :
Qu’il ne conte mes maux et presens et passez
A ceste voix sans corps, qui rien ne sçauroit taire.

Souvent plein de discours, pour flatter mon esmoy,
Je m’arreste, et je dy, Se pourroit-il bien faire
Qu’elle pensast, parlast, ou se souvint de moy ?

Qu’à sa pitié mon mal commençast à desplaire ?
Encor que je me trompe, abusé du contraire
Pour me faire plaisir, Hélène, je le croy.