Le pain et la panification/Partie 2/Chapitre 5

J.-B. Baillière & Fils (p. 248-252).

CHAPITRE V

RENDEMENT DE LA FARINE EN PAIN


Le poids de pain qu’on peut obtenir avec un poids de farine donné dépend de la qualité de la farine et de la nature du pain qu’on veut obtenir. La qualité de la farine détermine la quantité d’eau minimum que la pâte peut contenir ; et la nature du pain détermine la quantité d’eau qui sera perdue à la cuisson.

On trouve une étude très précise de cette question dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour 1783. Une contestation s’étant élevée à Rochefort au sujet de la taxe du pain, le Parlement, par arrêt du 6 septembre 1783, demanda l’avis de l’Académie sur ce sujet. L’Académie désigna une commission de trois membres, Le Roy, Tillet et Desmarest, pour rechercher les bases expérimentales d’une taxe équitable. Cette commission, s’aidant de meuniers et de boulangers, étudia avec la plus grande rigueur scientifique le rendement du blé en farine, par les divers modes de mouture alors en usage, et le rendement de la farine en pain. Nous emprunterons quelques résultats au substantiel rapport élaboré par cette commission.

La farine d’un même blé avait été séparée par les opérations de mouture en trois qualités : farines blanche, farine bis-blanc, et farine bise. Ces farines furent pétries de manière à donner des pâtes de même consistance.

La farine blanche absorba au pétrissage 60 p. 100 d’eau.
La farine bis-blanc en absorba 63 p. 100.
Et la farine bise 67 p. 100.

Ces différences s’expliquent par la considération des régions du grain auxquelles sont empruntées les trois sortes de farine. La farine blanche, empruntée à l’intérieur de l’amande farineuse, contient un peu moins de gluten ; les autres qualités sont d’autant plus riches en gluten qu’elles contiennent plus de parties empruntées aux couches périphériques de l’amande farineuse, en même temps que leur couleur est d’autant plus foncée.

Les auteurs ont constaté également que les pâtes qui, au pétrissage, avaient absorbé le plus d’eau ont perdu le moins d’eau à la cuisson, dans des conditions comparables. La pâte de farine bise, réduite pour la plus grande partie en pains d’une livre et demie, avait perdu à la cuisson à peu près la moitié de l’eau qu’elle avait absorbée au pétrissage. Avec la farine blanche on n’obtient ce résultat qu’à la condition de la convertir en pains de quatre livres.

Il résulte de l’ensemble des expériences de la commission que le rendement normal de la farine en pain est de en plus de la farine employée, soit 131 p. 100. S’il n’employait que la farine blanche, le boulanger ne pourrait atteindre ce résultat qu’en faisant des pains très volumineux. Mais il pourra, sans s’écarter beaucoup de ce rendement comme rendement moyen, faire des pains blancs de petit volume, à condition de faire aussi des pains bis-blancs et des pains bis d’assez fort volume.

Indépendamment de leurs propres expériences, les auteurs font connaître aussi les résultats moyens obtenus à Paris : « On retire à Paris, de 560 livres de froment, 420 livres de pain de la première qualité, et 131 livres, dont la moitié peut être en pain en peu inférieur, nommé bis-blanc, et l’autre moitié en pain proprement bis ».

Voici maintenant les résultats sommaires d’expériences faites en 1856 par Rivot, sur des pains fabriqués avec de bonne farine de froment, pesés environ 18 heures après leur sortie du four. La farine contenant 17 p. 100 d’eau hygrométrique, 100 parties de farine produisent :

125 à 135 de miches de 2 kilog. suivant l’épaisseur de la mie.
120 à 128 de pains rondins, suivant le diamètre.
120 à 125 de pains de fantaisie de 2 kilog.
112 à 122 de pains très allongés.

Dans la boulangerie civile, il est possible d’obtenir un rendement normal à peu près fixe, parce qu’on peut faire varier les proportions des différentes sortes de pain fabriquées dans une même fournée. Il n’en est pas de même dans la boulangerie militaire, où tous les pains sont absolument semblables. Dans ces conditions le rendement est très variable. L’administration militaire a déterminé les moyennes suivantes, pour les divers nature de farine :

Poids de pain
p. 100 de farine.
Farine de blé tendre, blutée à 20 p. 100 
 139
Farine de blé bur, blutée à 12 p. 100 
 150

Si l’on veut enfin une formule simplifiée qui permette de se rendre compte en gros du rendement du blé dans ses transformations successives en farine et en pain, on peut adopter la suivante :

Le blé donne en farine les de son poids ;

La farine absorbe au pétrissage la moitié de son poids d’eau ;

La pâte perd à la cuisson la moitié du poids d’eau absorbé au pétrissage ;

La farine donne en pain les de son poids ;

Le blé donne en pain les de son poids, c’est-à-dire qu’il fournit un poids de pain presque égal au sien.