Le mystère des Mille-Îles/Partie III, Chapitre 9

Éditions Édouard Garand (p. 38).

— IX —


— Ensuite, j’ai lu le dossier, où, comme je l’avais pressenti, il était question de moi, et de quelle façon ! Je n’osais en croire mes yeux, tant il s’y révélait de scélératesse, de férocité. Mais, en même temps, je me félicitais du hasard qui m’avait permis de découvrir le sombre complot tramé contre moi : jamais je n’avais échappé à un plus grand danger, comme vous allez le voir.

« Le dossier était formé de lettres et de copies de contrats.

« Dans les lettres, Edward racontait à son copain Gaston le peu de succès de ses tentatives de mariage avec la veuve de son oncle John. Puis, il ébauchait un plan : Gaston me ferait la cour, se ferait aimer et épouser. Ensuite, avec l’aide de Jarvis, qui participerait aux bénéfices, on se partagerait la fortune. Jarvis se faisait fort de manipuler les millions de telle sorte qu’un beau jour, je me serais vue sans le sou et incapable de savoir où était passé ma fortune.

« Le projet était exposé avec un luxe de détails qui, je dois le reconnaître, faisaient honneur à la profonde astuce de mon neveu et de mon administrateur.

« Finalement, Gaston avait accepté et l’on avait rédigé un contrat, d’abord, pour éviter tout malentendu, ensuite pour pouvoir menacer de chantage celui des trois qui aurait voulu lâcher les autres pour tout garder. Car, chacun des membres du trio était nécessaire aux autres : Gaston devait pénétrer dans la place et gagner ma confiance pour que je m’en remette à lui du soin de surveiller la gestion de mes biens ; de cette façon, je ne me serais pas aperçue des manigances de Jarvis. Celui-ci, naturellement, devait opérer les transactions nécessaires à la réussite du plan. Quant à Edward, il servait d’intermédiaire et consentait à ne pas exiger de vérification de la comptabilité quand ma fortune lui serait remises officiellement, à ma mort.

« Tout était prévu avec soin dans le contrat et, surtout, la répartition des dépouilles. Un détail montrait que, malgré sa bassesse, Gaston était sensible à l’art : il s’était fait attribuer le château et les collections.