Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abel


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Sommaire

ABEL, dont le nom signifie affliction, étoit le second fils d’Adam & le cadet de Caïn. Caïn s’appliqua à l’agriculture, & Abel fut pasteur. Dans une occasion où Caïn offrit à Dieu des fruits de la terre, en même remps qu’Abel offrit aussi des prémices de son troupeau, c’est-à-dire, des premiers nés & des plus gras, le Seigneur regarda d’un œil favorable Abel & son offrande, & ne regarda point Caïn, ni ce qu’il lui avoit offert : ce qui irrita tellement le dernier, qu’il s’éleva contre son frere & le tua. C’est tout ce que Moïse nous apprend de cette histoire ; mais la curiosité de l’esprit humain a donné lieu de faire sur ce sujet plusieurs questions. On demande premierement quelle sorte de sacrifice Caïn & Abel offrirent. L’écriture marque que Caïn offrit des fruits de la terre, & qu’Abel offrit les premiers nés de son troupeau & de leur graisse : mais les mots hébreux se peuvent traduire des prémices & du lait. En effet le mot de Cheleb, qui est traduit en cet endroit par la graisse, est rendu en d’autres endroits par la version des septante par celui de lait. Ceux qui expliquent ainsi cet endroit de la Genère, remarquent que comme on ne doit offrir à Dieu que les choses qui sont en usage parmi les hommes, ceux de ce temps-lâ ne mangeant point d’animaux, il n’y a pas d’apparence qu’ils en aient offert au Seigneur, outre que la coutume de n’offrir que des fruits de la terre, du lait, de la laine, des herbes, des fleurs, est la plus ancienne & la plus simple. Cependant toutes les versions & les interpretes conviennent qu’Abel offrit les premiers nés de son troupeau : & ce qui est dit ensuite qu’il offrit de leur graisse, est un hébraïsme, pour signifier qu’il offrit des plus gras & des meilleurs ; car les Hébreux, pour signifier la bonté & l’excellence d’une chose, se servent de cette épithete : ainsi la graisse du froment, adeps frumenti, signifie le meilleur bled. Il est incertain si Abel offrit la victime entiere, ou seulement une partie ; si ce fut un sacrifice de paix ou un holocauste. Les Talmudistes assurent que ce fut un holocauste.

On demande en second lieu, quelle fut la raison pour laquelle Dieu agréa le sacrifice d’Abel, & rejetta l’offrande de Caïn. Plusieurs croient que ce fut parceque Caïn n’offroit que ce qu’il avoit de plus vil & de plus méprisable, ce qui paroît désigné par ces paroles, de fructibus terræ : au lieu qu’Abel offroit le premier né & le plus gras de son troupeau. On peut appuyer ce sentiment sur la version des septante, qui porte v. 5. Si vous avez bien offert, & que vous n’ayez pas bien partagé, vous avez péché. Ce que l’on croit avoir rapport au partage partage que Caïn avoit fait de fruits, dont il n’avoit offert que la moindre portion au Seigneur. Mais S. Paul, dans l’epître aux Hébreux, nous assure que ce fut la foi d’Abel qui rendit son offrande préférable à celle de Caïn: Ce fut, dit-il, par la foi qu’Abel offrit une plus excellente, ou selon la force du texte grec, une plus abondante offrande au Seigneur. Voilà la véritable raison & la plus naturelle.

On demande en troisiéme lieu, de quelle maniere Dieu fit connoître qu’il agréoit les offrandes d’Abel, & qu’il rejettoit celles de Caïn. On croit communément qu’un feu du ciel tomba sur les victimes offertes par Abel,& qu’il ne parut rien de semblable sur les offrandes de Caïn. S. Jérôme a rapporté cette tradition des Juifs, & la confirme par la version de Théodotion, qui porte que Dieu consuma par le feu le sacrifice d’Abel, & non celui de Caïn. Cette opinion a été suivie par la plupart des peres de l’église & des commentateurs de l’écriture. Quoique cela ne soit pas exprimé dans la Genèse, les autres occasions où Dieu a témoigné par ce signe qu’il agréoit des sacrifices, ont donné lieu à cette conjecture. C’est ainsi que le sacrifice offert à la consécration d’Aaron fut consumé par un feu céleste : la même faveur fut accordée à Gédéon, à David & à Salomon, dans quelques-uns de leurs sacrifices. Elle est certainement plus vrai-semblable que ce que quelques-uns ont imaginé, qu’un lion parut au milieu des flâmes sur le sacrifice d’Abel. Mais après tout, ce n’est qu’une conjecture qui n’est point appuyée sur les livres saints. Peut-être la différence dont Dieu recevoit ces offrandes ne fut-elle connue que par la prospérité de l’un, & le peu de succès de l’autre. C’est apparemment ce qui chagrina si fort Caïn, qu’il en conçut une animosité cruelle contre son frere, qui le porta à tremper ses mains dans son sang.

On demande encore de quelle maniere Caïn commit ce fratricide. Ce fut d’un coup de pierre, selon quelques-uns ; d’autres disent qu’il déchira son frere à belles dents ; d’autres qu’il le tua avec une mâchoire d’âne ; quelques-uns lui mettent une fourche en main ; S. Chrysostome une épée, S. Irenée une faulx, & Prudence un rateau. Ce sont toutes conjectures frivoles. La seule chose que nous apprend l’écriture, c’est qu’il mourut d’effusion de sang.

On ne convient pas de l’âge qu’avoit Abel quand il mourut, & il est impossible de le savoir, parceque le temps de sa naissance n’est point marqué dans l’écriture sainte ; cependant quelques-uns veulent que Caïn soit né la premiere année du monde, & Abel la seconde. Quelques rabbins les font freres jumeaux. Le temps de la mort d’Abel paroît plus certain ; car quoique l’écriture ne marque point précisément l’année qu’il fut tué, elle remarque que sa mere ayant depuis sa mort enfanté Seth, dit en le mettant au monde : Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel que Caïn a tué. Cela marque visiblement que la mort d’Abel étoit toute récente, puisque la naissance de Seth étoit une consolation pour la mere. Or l’année de la naissance de Seth est marquée à l’an 130 du monde, 3874 avant J.C. 840 de la période julienne.

Jesus-Christ donne à Abel la qualité de premier juste, dont le sang a été répandu ; la mort qu’Abel a souffert, étant innocent, lui peut aussi mériter celle de martyr. Mais on ne voit pas sur quoi est fondée l’opinion de quelques peres, qui ont assuré qu’il étoit mort vierge, car il est vrai-semblable qu’Abel ayant vécu 128 ans, dans un temps où il étoit nécessaire de multiplier le genre humain, a eu une femme & des enfans. Quoiqu’Abel mérite autant qu’aucun autre des patriarches d’être mis au rang des saints, & que son offrande soit alléguée dans le canon de la messe avec les sacrifices d’Abraham & de Melchisedech, on ne voit pas que dans l’ancienne église on ait célébré sa mémoire. Les Grecs, qui ont honoré par des fêtes particulieres les patriarches & les prophétes, n’ont point mis Abel en ce rang ; & son nom ne paroît dans aucun des martyrologes latins avant le X siécle, ni même dans le nouveau martyrologe romain. Cependant il y a long-temps qu’on l’invoque dans les litanies dressées pour la recommendation de l’ame des mourans. Quelques martyrologes ont fait mémoire de lui au 25 de mars, comme ayant été la figure de J.C. mourant, dont les anciens avoient fixé la mort en ce jour : il est mis au second jour de janvier dans le calendrier julien. Pierre de Natalibus a fixé sa fête au 30 de juillet. * Genèse, 4. S. Jérôme, trad. hebr. in gen. Eutychius patriarche d’Alexand. in annal. Pererius & les autres commentateurs, in genes. Bayle, dict. crit. Baillet, vies des saints de l’anc. testam.

ABEL, roi de Danemarck, étoit fils de Valdemar II, & frere d’Eric VI, qui avoit succédé à la couronne. Abel qui étoit le puîné se persuada qu’il y devoit avoir part, & ayant gagné quelques séditieux qui tuerent Eric, il s’empara de son trône l’an 1250 : mais il ne jouit pas long-temps de son parricide & de son usurpation ; car deux ans après il fut tué par des paysans en la guerre de Frise. On dit que le lieu où on l’enterra étoit toutes les nuits couvert de spectres. * Krants, l. 7, c. 21. Spond. A. C. 1250.


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