Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ28.

Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 206-211).

HÂ 28. — GÂTHA AHUNAVAITI 1



Ce Hâ pourrait être défini « le programme de l’apôtre ».


1-3. L’apôtre demande à Dieu la piété et l’intelligence, afin d’accomplir dans sa pureté la loi d’Ahura et d’obtenir en retour la félicité dans les deux mondes (§ 2). Il se donne à Ahura et aux Amshaspands et invoque leur assistance (§ 3).

4-5. Car il veut enseigner aux hommes à chercher le bien. Quand verrat-il la loi divine reconnue de tous ? Quand aura-t-il convaincu et converti les brutes ?

6-8. La vérité révélée assurera le triomphe du prince qui l’adoptera (§ 6). Que Dieu fasse réussir le roi Vîshtâspa et les autres partisans de Zarathushtra ! Qu’il nous donne des princes qui feront de sa loi la religion de l’État (§ 7) ! Puisse l’apôtre gagner à la foi nouvelle Frashaoshtra, qui y gagnera la vie éternelle (§ 8) !

9-10. Pour rien au monde le fidèle ne voudra blesser Asha et Vohu Manô. Ahura aime une royauté qui veut le bien : il comblera les vœux de ceux qui connaissent les deux Amshaspands.

11. Le poète termine en demandant qu’Ahura lui enseigne les lois éternelles.


Le Cîm î Gâsân fait de ce Hâ le Hâ d’Auhrmazd et de l’homme de bien, ce qui pourrait se dire aussi bien de tous les autres. S’il faut absolument le rattacher à un des Amshaspands, on devrait en faire le Hâ d’Asha et de Vohu Manô (la Sainteté et la Bonne Pensée) qui reparaissent à chaque strophe et font comme le motif de tout le Hâ.

Consulter Dînkart, IX, 5 [Sûtkar], 28 [Varshtmânsar), 50 (Bak).

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Le Zôt prend le tâè, en asperge le Barsom et dit avec le Râspî :

1. Ahyâ yâsâ. — Dans ma prière, les mains tendues, je demande cette joie : [d’accomplir] toutes les œuvres de sainteté, [qui font] la loi primitive de Mazda, l’Esprit du Bien 1[1] ; et de [recevoir] l’intelligence de Vohu Manô, pour que je sache satisfaire Géush Urvan 2[2] (2 fois) ;


Le Zôt seul :


2. Moi qui viens à vous, ô Mazda, avec Vohu Manô 3[3], afin que vous me donniez dans les deux mondes, celui des corps et celui de l’esprit 4[4], les biens que l’on obtient par Asha 5[5], et avec lesquels vous faites le bonheur de ceux qui vous réjouissent 6[6] ;

3. moi qui me donne à vous 7[7], ô Asha 8[8], et à celui qui est le Premier [de tous] 9[9], Vohu Manô, et à Ahura Mazda, auxquels appartient l’indéfectible

Khshatra 10[10], et à l’accroissante Ârmaiti 11[11] : venez à mon appel, pour ma joie !


4. moi qui donne le Paradis à l’âme, avec l’aide de Vohu Manô 12[12] et leur récompense [divine] aux œuvres 13[13] [faites] en connaissance de Mazda Ahura 14[14], autant je le désire et le puis, je veux apprendre aux hommes à chercher l’Asha 15[15].


5. Quand te verrai-je connu 16[16], ô Asha, et toi, Vohu Manô ? [Quand verrai-je] le trône d’Ahura 17[17] ? [Quand verrai-je] obéissance au très Bienfaisant Mazda 18[18] ? Quand notre langue donnera-t-elle aux brutes 19[19] la foi 20[20] en cette Parole, la plus grande de toutes ?
6. Viens avec Vohu Manô, ô Asha : donne-nous les dons qui durent éternellement 21[21] !

Les paroles de vérité révélées à Zarathushtra, ô Mazda, et aux miens 22[22], ô Ahura, feront la joie de la puissance 23[23] qui anéantirait la malice de nos ennemis 24[24].
7. Donne-moi, ô Asha, cette récompense, cette faveur 25[25], qui suit Vohu Manô 26[26]. Donne-leur désir 27[27], ô Ârmaiti, à Vîshtâspa et aux miens. Donne-nous des princes 28[28], ô Mazda, qui chantent et organisent votre parole 29[29].
8. La [loi] excellente, qui est la chose excellente entre toutes, qui est en amitié avec Asha Vahishta 30[30], je supplie Ahura que je puisse gagner à elle le héros Frashaoshtra et mes disciples 31[31] ; à qui tu donneras à toute éternité [les biens] de Vohu Manô 32[32] !

9. Nous ne voudrions pas ne pas vous suivre ô Ahura Mazda, ni pour aucun bien du monde blesser Asha et l’Excellent [Vohu] Manô, nous qui voulons aller vous donner des chantres

Vous aimez une royauté désireuse de faire le bien.

10. Ceux qui connaissent l’Asha et ce que fait Vohu Manô^®, ô Mazda Ahura, remplis bien leur vœu dans sa plénitude. Les hymnes, à vous chantés sans relâche, procurent aliments et vêtements^*.

11. Toi dont le regard protecteur veille*® à toute éternité sur Asha et sur Vohu Manô, ô Mazda Ahura, parle-moi, enseigne-moi de ta bouche céleste^® les lois du monde primitif’^'.

33. anâish nôit vào ; an-aîtûnisfmîh râi (P.), anâgantâ yushmàsu (N.). Anâisli est donc traduit comme composé : an-âisli, âîsh étant une formation invariable de i, « aller » (peut-être une formation de parfait, comme vîdush, n. 14 ; vâunush, n. 31) ; cf. Yasna XXXII, 15_ a, n. 60. Glose : « c’est-à-dire que je n’agis pas contrairement à l’ordre du Dastûr » (N.).

34. Glose : rjânci ê là bôyahûnam î Ashvahisht dushkhvâr madammûnêt « je ne désire pas même un bien qui ferait peine à Ashvahisht ».

35. yôi vé yôithemà dasemê stùtàm ; traduction conjecturale : yôithemâ est traduit comme venant de yat « aller » ; dasemê, formation nominale de das « donner » (P. ya/ibûnêt) ; cf. sscr. dàç. — La glose pehlvie voit dans ces chantres promis par Zoroastre ses trois fils de la fin des temps : « c’est-à-dire que je ferai venir (aîtînûnît) en conversation avec Oshêtar, Oshêtarmâh et Sôshyans ». — Le rapport avec dasemê yôi vé yaêthmà (Y. XI, 9) semble accidentel, dasemê étant là le nombre ordinal ; voir l. l., note 26.

36. « Ceux qui connaissent parfaitement la droiture et la vertu » (P.). — vôistâ n’est point une seconde personne de parfait de vid, c’est un nom d’agent (sscr. vet-tà) ; yeng est le relatif indéclinable.

37. erethwéng : frârûn, P., ekahelayâ « d’un coup » N. ; adjectif adverbial. — perenâ apanâish, pûr anbârit « faites pleine provision » ; de apa-nî.

38. asùnâ… sravâo, a-sûtak… srdyishn. Glose : « celui qui ne se lasse pas du sacrifice à vous, vous lui faites obtenir aliments et vêtements » (P.). Ce passage est la source de Y. LV, 2 [LIV, 6] : « les Gâthas sont pour notre âme et un aliment et un vêtement » ; pour asûnà, cf. Y. XIX, note 19.

39. yé âîslï nipâoiihê ; âish, pun nikîrishn, « en regardant (â 4— ish ; ish — sscr. îksli ; cf. XXXI, 2, |n. 5 ; XXXIII, 1 ; XLVII, n. 20) ». Glose ; « c’est-à-dire que [tu protèges] la droiture et la vertu ». Le Commentaire a en réalité « je protège » et entend : « Si mon regard protecteur veille…, c’est-à-dire « si je protège la droiture » ; mais nipâonhê est certainement une seconde personne ; cf. Yt. X, 78.

40. éeâonhà : pun puma ; le rythme prouve que malgré cette.accumulation de voyelles le mot ne forme que deux syllabes : éeâonhà — sscr. âsâ, lat. ore. — manyéush « de ta nature spirituelle ».

41. « Les choses selon lesquelles le monde premier fut », c’est-à-dire la loi dans sa pureté première, ce que l’on appelle la religion des Gâthas, ddii gdsdnîgîh.
Zôt et Râspi ensemble :


12. Dans ma prière, les mains étendues, je demande cette joie : [d’accomplir] saintement toutes les œuvres [ordonnées] au début par Mazda, l’Esprit du Bien ; et [de recevoir] l’intelligence de Vohu Manô, pour que je sache satisfaire Géush Urvan {2 fois).

Yathâ ahù vairyô (4 fois).

Ashem vohù {3 fois).

Nous sacrifions au Hâ Ahyâ yâsâ.

Yênhê hàtâm.

Le Zôt remet en place le Zôr-tâe.





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a


  1. 1. Pour faire toute chose « suivant l’idéal des Gâthas » (pun gasânîgîh) ; cf. n. 41.
  2. 2. Les dons naturels d’une intelligence bien douée, l’àsnô khratu, qui est sous la dépendance du Vohu Manô (l’Amshaspand de la Bonne Pensée ; voir Y. XXII, 25, note 22). — « Pour que je sache prendre soin intelligent des troupeaux » (P.). — Géush Urvan, Gôshûrûn, « l’Ame du Bœuf », est le Génie qui veille sur la vie animale ; voir Hâ XXIX.
  3. 3. Avec la vertu : « par la vertu parfaite il vient en l’appartenance d’Auhrmazd » (P.).
  4. 4. Le monde visible et le monde invisible, la terre et le ciel.
  5. 5. àyaptà ashàt hacâ ; samriddhatvam sadvyâpârât prdpgam (N.), « la prospérité qui doit être obtenue par la vertu ».
  6. 6. yâish rapañtô daidit hvàthrè ; litt. « par lesquels il [Ahura] mettrait dans le bonheur ceux qui [le] réjouissent » (P. man ô olà î râmînîtâr yahbùnêt khvârih « qui donnent le bien-être à ceux qui [vous] réjouissent » ; — N. « Donne-moi la prospérité qui doit faire le bonheur de ceux qui réjouissent les Dieux et les gens de biens » ). — On serait tenté de corriger daidit en daidita, qui rétablirait le rythme du vers et l’accord des personnes.
  7. 7. ufyâni ; voir page 147, note 7.
  8. 8. Asha Vahishta, Ardibahisht, Sainteté Parfaite, le second des Amesha-Speñtas ; voir page 24.
  9. 9. « Il est le premier en ce qu’il a été créé avant les autres Amshaspands » (N. ; cf. page 23).
  10. 10. « L’indéfectible Souveraineté ». Khshathra (Vairya ; Skahrêvar), la Souveraineté absolue ; le troisième Amesha-Speñta ; voir p. 24, — « C’est-à-dire que la souveraineté des Amshaspands est solide ».
  11. 11. Spenta-Ârmaiti, Spandârmat, la Piété Bienfaisante ; le quatrième Amshaspand ; voir p. 24. — varedaiti, vâlishn dâtar (P.), vriddhidâyà (N.) ; comme déesse de la terre.
  12. 12. L’âme devient digne du Paradis par Vohu Manô, c’est-à-dire par la Bonne Pensée, par la Vertu. — meñgairim daidè, dar Garôtmân yahbûnêt (P.) ; v. Études iraniennes, II, 163-165.
  13. 13. ashishça shyaothnanâm dépend de daidê comme urvànem.
  14. 14. « Et de sa loi » (P.) ; vîdush, participe parfait pris adverbialement ; cf. notes 31, 33.
  15. 15. L’Asha, le bien suprême, le bien moral et religieux.
  16. 16. « Quand verrai-je le temps où chacun te connaîtra vertueusement ? » (N.).
  17. 17. gàtùmca Ahurâî. Paraphrase du Dînkart, IX, 50, 16 : « Celui qui donne des ordres pour faire progresser la cause d’Auhrmazd, celui-là apprend aux hommes comment voir le trône d’Auhrmazd » ; ou bien : « le lieu d’Ahura », gâtu, gâs, signifiant à la fois « lieu » et « trône ». On pourrait songer aussi à « [Quand verrai-je] libre place à Ahura ? », c’est-à-dire sa religion seule maîtresse (cf. Yt. XIII, 99, l’emploi de ravô) ; cette traduction cadrerait mieux avec le sens de la seconde partie de la phrase.
  18. 18. « Chacun ayant un Dastûr dont il suit les instructions » (P.).
  19. 19. khrafstra ; ce mot, qui dans les parties plus modernes de l’Avesta désigne les animaux malfaisants, s’applique aux hommes dans les Gâlhas et est traduit khrat start (N. buddhi-jada), « confondu d’intelligence ». La traduction « brute » marque le rapport des deux emplois. La traduction pehlvie a tout d’abord l’air d’une fantaisie étymologique : mais comme l’emploi moral des Gâthas est certainement plus ancien, il ne serait pas impossible que cette étymologie fût exacte et que khrafstra soit pour khrat(u)-stara, d’où * khrath-stara * khrafstara ; cette forme khrat se retrouve dans ashkhrath-wañt « très intelligent » (Yt. X, 141), évîtô-kharedh-a « à l’intelligence égarée » (Y. X, note 46), et se réduit à khra dans ash-khràhvanu (v. Y. XIII, note 15) et khra-paiti (Y. XL, 1).
  20. 20. vàurôimaidi * vàrayamadi ; aimanûnîn — « faire croire » ; cf. vàurayâ, Y. X.XXI, 3 b ; XLVII, 6 d, et parsi varôîdan « croire ».
  21. 21. « Les biens qui ne périssent pas à la résurrection » (P.).
  22. 22. A moi, Zarathushtra, et à mes disciples (ahmai hyâcâ, manîkân « les miens ». Noter la forme man-îk qui laisse à jour le pronom iranien man, voilé généralement par le huzvaresh li.
  23. 23. Feront sa joie en la faisant triompher ; autrement dit, le Mazdéisme fera triompher le prince qui le prendra sous sa protection.
  24. 24. Litt. « Par les paroles de vérité dites, ô Mazda, à Zarathushtra, ô Ahura, aux miens, [est] la joie puissante » (c’est-à-dire la joie du puissant, de Vîshtâsp, le protecteur de Zoroastre) « par laquelle nous anéantirons la malice de nos ennemis ». — Sur cette dernière formule, v. Y. IX, note 52.
  25. 25. tàm ashim… âyaptà ; cf. l’emploi symétrique des deux mots IX, 3, note 8.
  26. 26. Qui s’obtient par la vertu.
  27. 27. aèshem ; ici le pouvoir spirituel, « le pouvoir de Maubad des Maubads », magûpalân magûpatîh.
  28. 28. khshayâ-(ca), P. pàtakkshah, N. pârthivân. C’est le vieux perse khshaya, resté dans le nom de Xerxès, khshayârshà khshâya-arshan et d’où dérive le perse khshàya-thiya, p. shâh.
  29. 29. Littéralement : « qui sont de votre parole [accusatif régi par l’idée verbale contenue dans srevîm et âràdào] chant et organisation » ; — P. « des rois qui chantent votre Parole, — c’est-à-dire qui disent votre religion ; qui l’organisent, — c’est-à-dire qui la font régner ».
  30. 30. Qui réalise la sainteté parfaite.
  31. 31. Ahurem yâsà vâunusb narôi Frasbaoshtrâi. Le pehlvi a : Auhrmazd am pavan khvahishn vandînî gabrâ Frashôshtar « O Auhrmazd, fais-moi obtenir selon mon désir le héros Frashôshtar ». Le sens littéral du zend semble : « Je supplie Ahura, désirant obtenir (ta religion) pour Frashaoshtra ». Glose : « donne-moi Frashaoshtra pour disciple, et donne des disciples miens à Frashaoshtra ». Frashaoshtra est le frère de Jàmàspa, le ministre de Vîshtâspa ; il donna sa fille Hvogvî à Zoroastre (voir Yasna LI, 17). vâunush * va-van-ush ; cf. vidush, n. 14, et n. 33.
  32. 32. Une demeure au Paradis.