Le Voyageur enchanté/Chapitre 2

Traduction par Victor Derély.
Albert Savine (p. 32-50).


II


L’ex-connaisseur en chevaux, M. Ivan-Sévérianitch Flaguine commença son récit en ces termes :

— Je suis né serf ; ma famille appartenait à la domesticité du comte K… qui possédait de grands biens dans le gouvernement d’Orel. À présent, cette fortune a été dissipée par les jeunes héritiers du comte ; mais, à l’époque dont je parle, elle était très considérable. Au village de G… où résidait le barine il y avait une vaste maison seigneuriale flanquée de pavillons, un théâtre, une galerie affectée exclusivement au jeu de quilles, un chenil, des ours vivants enchaînés à des bornes, des orangeries, des jardins ; le comte avait ses acteurs qui lui jouaient la comédie, ses musiciens qui lui donnaient des concerts ; il entretenait dans son domaine des tisserands et, en général, des ouvriers de toute sorte ; mais l’objet principal de son attention était le haras. Quoique pour chaque chose il y eût des hommes spéciaux, le service le mieux organisé était encore celui de l’écurie. De même qu’autrefois, dans l’armée, le fils d’un soldat se voyait invariablement destiné à l’état militaire, de même chez nous on était, de père en fils, qui cocher, qui palefrenier, qui préposé à la nourriture des chevaux. Mon père était le cocher Sévérian, et, quoiqu’il n’occupât point le premier rang parmi ses collègues, lesquels étaient très nombreux, il ne laissait pas d’avoir six chevaux sous sa direction. Je n’ai pas connu ma mère : elle mourut en me donnant le jour. Je suis ce qu’on appelle un fils imploré. N’ayant pas d’enfants et désirant beaucoup en avoir un, ma mère ne cessait de prier Dieu à cet effet, mais ma naissance lui coûta la vie, parce que je vins au monde avec une tête démesurément grosse ; cette circonstance fut cause qu’au lieu de m’appeler Ivan Flaguine, on me donna le sobriquet de Golovan. Je passai ma première enfance à l’écurie, au milieu des chevaux ; j’appris ainsi à les connaître et, je puis le dire, à les aimer. Quand je marchais encore à quatre pattes, je me fourrais souvent dans leurs jambes et jamais ils ne me firent aucun mal.

Chez nous le haras et l’écurie constituaient deux domaines absolument distincts ; nous autres, gens d’écurie, nous n’avions rien à démêler avec le haras et nous nous bornions à dresser les élèves que nous en recevions. Un cocher et un postillon avaient à s’occuper de six chevaux, tous de races différentes, les uns kalmoucks, les autres originaires de Viatka, de Kazan, du Don, etc. Je parle ici des chevaux venus du dehors, achetés dans les foires ; ceux provenant de notre haras étaient, naturellement, beaucoup plus nombreux, mais ce n’est pas la peine d’en parler, car les chevaux de haras sont des animaux fort tranquilles ; ils n’ont ni énergie de caractère, ni saillies de gaieté, tandis que ces sauvages fils de la steppe, c’étaient des bêtes terribles ! Le comte en achetait des troupeaux entiers à la fois, et il ne les payait pas cher, — à raison de huit ou dix roubles par tête ; dès que nous les avions ramenés à la maison, nous entreprenions leur éducation. La moitié opposait à nos efforts une résistance invincible ; la captivité les tuait, mais ne les rendait pas plus traitables : dans la cour, ils s’effarouchaient d’un rien, se ruaient affolés contre les murs, et regardaient sans cesse au ciel à la façon des oiseaux. Plusieurs même faisaient peine à voir, on aurait dit qu’ils voulaient s’envoler, les pauvrets ; malheureusement ils n’avaient pas d’ailes….. Et pas moyen de leur faire prendre de la nourriture, ils ne touchaient pas à l’avoine qu’on mettait dans leur mangeoire, allaient dépérissant de jour en jour et finissaient par mourir d’inanition. Parfois nous perdions ainsi plus de la moitié des bêtes que nous avions achetées, surtout quand c’étaient des chevaux kirghiz. Ils aiment passionnément la liberté de la steppe. De plus, parmi les survivants, bon nombre étaient estropiés par les gens chargés de leur éducation, car, avec des animaux si sauvages, il faut absolument procéder par la sévérité. En revanche, ceux qu’on parvenait à dresser devenaient des chevaux de tout premier choix, bien supérieurs aux produits les plus perfectionnés de n’importe quel haras.

Mon père Sévérian Ivanitch avait sous sa direction six chevaux kirghiz et, quand j’eus atteint l’âge voulu, je lui fus adjoint en qualité de postillon. Ces chevaux étaient fougueux et ne ressemblaient pas à ceux qu’on achète maintenant pour les officiers de cavalerie : il n’y a aucun plaisir à monter ces derniers, tant ils sont paisibles. Les nôtres, au contraire, étaient de vraies bêtes féroces, des aspics et des basilics tout ensemble ! Ils ne connaissaient pas la fatigue ; quatre-vingts verstes n’étaient rien pour eux. Que dis-je ? de notre village à Orel la distance est de cent quinze verstes, et ils faisaient cette route tout d’une traite, sans reprendre haleine. Une fois partis, il fallait seulement veiller à ce qu’ils ne s’écartassent pas du droit chemin. Pour moi, lorsque je pris possession de mon emploi, je n’avais encore que onze ans, et ma voix était tout à fait celle qu’on exigeait alors d’un postillon de bonne maison : perçante, sonore et assez soutenue pour faire résonner, une demi-heure durant, le mot« ggga-a-a-are ». Mais, vu mon jeune âge, je n’étais pas encore de force à me maintenir sur ma bête pendant un long voyage ; aussi, pour m’empêcher de tomber, m’attachait-on à la selle au moyen d’un système de ressorts et de courroies. C’était un service pénible. Parfois, harassé, brisé de fatigue, il m’arrivait de m’endormir sur ma monture ; puis le mouvement du cheval me réveillait et je reprenais mes sens jusqu’au moment où je succombais de nouveau au sommeil. Quand nous étions de retour à la maison, on me détachait de la selle plus mort que vif, on me déposait à terre et on me donnait du raifort à flairer. Mais avec le temps je m’habituai à mon métier, je n’y trouvai plus rien de désagréable et pris même plaisir à cingler d’un coup de fouet les moujiks qui se rencontraient sur mon chemin. C’est là, comme on sait, une gaminerie dont les postillons sont coutumiers.

Par une belle journée d’été, le comte, en calèche découverte, avec son chien à côté de lui, allait voir des amis ; l’équipage, attelé de quatre chevaux, était conduit par mon père, et je galopais en avant. Nous arrivâmes à un embranchement qui menait à l’ermitage de P…, situé à quinze verstes de là. Les religieux de ce monastère avaient mis tous leurs soins à rendre attrayant le chemin de leur demeure. Tandis que des broussailles et des cytises obstruaient la route impériale, celle des moines, au contraire, était parfaitement entretenue et bordée de bouleaux dont la verdure et l’odeur causaient une impression agréable ; au loin on apercevait une vaste étendue de champs….. En un mot, c’était si beau qu’à cette vue un cri faillit m’échapper ; mais, naturellement, on ne peut pas crier sans raison. Mon exclamation s’arrêta donc sur mes lèvres et je continuai à galoper en silence. Cependant, à trois ou quatre verstes du monastère, le chemin commença à monter et tout à coup je remarquai un petit point devant moi… Quelque chose se traînait sur la route, comme un petit hérisson. Cette circonstance me fit plaisir et, d’une voix qui retentit à une verste à la ronde, je criai : « Ggga-a-a-are ! » Ce qui avait motivé cet avertissement se trouva être un chariot attelé de deux chevaux. J’étais si animé que, quand nous fûmes plus près, je me dressai sur mes étriers ; j’aperçus alors un homme couché sur le foin dont le véhicule était chargé ; évidemment l’action du soleil l’avait assoupi, car, sans s’inquiéter de rien, il dormait du plus profond sommeil, le dos en l’air et les bras écartés, comme s’il embrassait son chargement. Voyant qu’il ne se rangeait pas, je pris sur le côté, mais, quand je fus arrivé vis-à-vis de lui, debout sur mes étriers et grinçant des dents pour la première fois de ma vie, je détachai au dormeur un coup de fouet des plus vigoureux. Ses chevaux accélérèrent leur descente ; quant à lui, il se releva brusquement. C’était un vieillard coiffé d’un bonnet de novice comme celui que je porte en ce moment ; sa physionomie dolente le faisait ressembler à une vieille femme ; il était tout effrayé, versait des larmes et se tortillait sur le foin comme un goujon dans la poêle à frire. Le bonhomme, sans doute, était encore mal éveillé et il ne sut pas trouver le marchepied, toujours est-il que soudain nous le vîmes culbuter sous la roue de son chariot et tomber dans la poussière,… ses pieds s’embarrassèrent dans les rênes… Sur le moment le spectacle de cette chute nous égaya, moi, mon père et le comte lui-même ; mais ensuite je remarquai que les chevaux avaient accroché la borne du pont, le chariot s’était arrêté, et il ne se relevait pas, ne faisait aucun mouvement… Nous nous rapprochions du lieu de l’accident, j’observai le vieillard, il était tout gris de poussière et son visage n’offrait plus trace de nez, il y avait à la place une large fente par où s’échappaient des flots de sang… Le comte fit arrêter, descendit, examina : « Il est tué », prononça-t-il ; après quoi il me menaça d’un châtiment sévère dès que nous serions revenus à la maison, et se fit conduire en toute hâte à l’ermitage. Instruits du malheur qui venait d’arriver, les moines envoyèrent chercher le cadavre gisant sur le pont ; le comte eut un entretien avec l’igoumène et, l’automne suivant, plusieurs charretées d’avoine, de farine et de carassins séchés furent expédiées de chez nous au monastère. Pour moi, mon père me mena à l’écurie du couvent et m’y administra une correction, du reste, relativement légère, car il fallait que je pusse remonter à cheval. Ainsi finit l’affaire, mais, cette même nuit, je vis en songe le moine à qui j’avais donné un coup de fouet ; il pleurait encore comme une femme.

— Qu’est-ce que tu veux de moi ? Va-t’en ! lui dis-je.

— Tu es cause, répondit-il, — que je suis mort sans confession.

— Eh bien ! ce sont des choses qui arrivent ; que veux-tu que j’y fasse maintenant ? D’ailleurs, je ne l’ai pas fait exprès. Et, après tout, de quoi peux-tu te plaindre à présent ? Tu es mort, tout est fini.

— Tout est fini, c’est la vérité, reprit le moine, — et je t’en suis très reconnaissant, mais en ce moment je viens te trouver de la part de ta mère : sais-tu que tu es un fils imploré ?

— Comment donc ! J’ai entendu parler de cela, la sage-femme Fédosia me l’a dit plus d’une fois.

— Et sais-tu aussi que tu es un fils promis ?

— Que veux-tu dire par là ?

— Je veux dire que tu as été promis à Dieu.

— Qui donc m’a promis à lui ?

— Ta mère.

— Eh bien ! fis-je, — qu’elle-même vienne me le dire, car tu as peut-être inventé cela.

— Non, répondit le moine, — je ne l’ai pas inventé, mais elle ne peut pas venir.

— Pourquoi cela ?

— Parce que, là où nous sommes, ce n’est pas comme chez vous sur la terre : tous ne sont pas libres de se déplacer et de communiquer avec les vivants, ceux-là seuls le peuvent à qui cette faveur a été accordée. Mais, si tu veux, je te donnerai un signe auquel tu reconnaîtras la vérité de mes paroles.

— Je veux bien, mais quel sera ce signe ?

— Le voici : tu seras plusieurs fois à la veille de périr, et tu ne périras pas, jusqu’à ce qu’arrive ta vraie perle. Alors tu te rappelleras la promesse faite pour toi par ta mère, et tu entreras dans un monastère.

— Parfait ! déclarai-je ; — c’est une affaire convenue, j’attends.

La vision s’évanouit, et, à mon réveil, j’oubliai tout cela ; j’étais loin de m’attendre à voir si vite fondre sur moi cette succession de malheurs. Mais, à quelque temps de là, le comte et la comtesse partirent avec leur fille pour Voronèje ; l’enfant était bancale et ses parents espéraient obtenir sa guérison par l’intercession d’un saint dont les reliques étaient honorées dans cette ville. Arrivés à Kroutoïé-Sélo, dans le district d’Eletz, nous nous y arrêtâmes pour faire manger les chevaux, et, m’étant endormi près de l’abreuvoir, je revis en songe le moine dont ma brutalité avait causé la mort.

— Écoute, Golovanka, commença-t-il, — je te plains, demande vite à tes maîtres la permission d’entrer dans un monastère, ils te l’accorderont.

— À quel propos ferais-je cela ? répliquai-je.

— Eh bien ! reprit-il, — tu verras combien tu auras à souffrir, si tu ne suis pas mon conseil.

« C’est bon, pensai-je, parce que je t’ai tué, il faut toujours que tu viennes m’ennuyer. » Là-dessus, je me levai, j’aidai mon père à atteler, et nous nous remîmes en route. Mais nous eûmes à descendre une pente extrêmement raide qui côtoyait un précipice où quantité de gens avaient déjà péri. Le comte lui-même me cria : « Attention, Golovan, doucement ! » Du reste, en pareil cas, je ne manquais pas d’adresse et, quoique les rênes des timoniers fussent tenues par le cocher, je ne laissais pas d’être pour mon père un auxiliaire fort utile. Les timoniers étaient vigoureux et pleins d’ardeur ; malheureusement il y avait parmi eux un drôle qui s’adonnait à l’astronomie ; dès que vous lui tiriez fortement la bride, il levait la tête en l’air et contemplait le diable sait quoi dans le ciel. Il n’y a pas pire dans un attelage que ces astronomes, et c’est au timon qu’ils sont le plus dangereux. Un cheval qui a cette habitude, le postillon doit toujours le surveiller, parce que l’astronome lui-même ne regarde pas où il met le pied et ne sait pas dans quel trou il peut tomber. Naturellement, je ne cessais d’avoir l’œil sur mon astronome et je secondais toujours mon père : le cheval que je montais et celui que je menais en main, je les plaçais de façon à ce que leur queue touchât la tête des timoniers et que le timon passât entre leurs croupes ; d’autre part, je ne perdais pas de vue l’astronome ; dès que je le surprenais observant le ciel, vite je lui assénais un coup de fouet qui lui faisait aussitôt baisser le nez, et la descente s’effectuait à merveille. Il semblait devoir en être de même cette fois encore. La voiture roulait sur la pente ; je m’étais tourné du côté du timon et je morigénais l’astronome, quand je m’aperçois soudain qu’il n’est plus sensible ni à la main, ni au fouet ; il a la bouche tout ensanglantée par le mors et ses yeux sortent de leurs orbites ; tout à coup j’entends quelque chose craquer par derrière, et voilà tout l’attelage qui s’emballe !… Le modérateur s’était brisé ! « Arrête ! arrête ! » crié-je à mon père. « Arrête ! arrête ! » me crie-t-il lui-même. Mais comment retenir six chevaux qui courent comme des perdus, sans rien voir ? Soudain, quelque chose passe avec rapidité devant mes yeux, je regarde : mon père avait été précipité de son siège et s’était abattu sur le sol… les rênes s’étaient rompues… Et, devant nous, cet effrayant abîme… Je ne sais pas si j’eus pitié de mes maîtres ou de moi, toujours est-il que, voyant la mort imminente, je m’élançai de ma selle sur le timon et me cramponnai à son extrémité… Je ne sais pas non plus combien je pesais alors ; quoi qu’il en soit, le poids de ma personne ajouté comme surcroît exerça une telle pression sur les timoniers, qu’ils commencèrent à râler et… je n’aperçois plus mes chevaux de volée ; ils ont disparu, comme si on les avait détachés net de l’attelage ; je me trouve suspendu au-dessus du vide, mais l’équipage est encore là, maintenu en place par les timoniers que j’ai mis dans l’impossibilité d’avancer.

Alors seulement j’eus conscience de ma position ; épouvanté, je lâchai le timon et je tombai dans l’abîme ; à partir de ce moment je ne me rappelle plus rien. Je ne saurais dire combien de temps dura mon évanouissement. En revenant à moi, je me vis dans une isba, où se trouvait un moujik de bonne mine,

— Eh bien ! se peut-il, mon garçon, que tu sois vivant ? me demanda-t-il.

— Sans doute, je suis vivant, répondis-je.

— Et te rappelles-tu ce qui t’est arrivé ?

Je recueillis mes souvenirs et racontai comme quoi, nos chevaux s’étant emportés, j’avais sauté sur l’extrémité du timon et m’étais trouvé suspendu au-dessus du précipice ; mais ce qui s’était passé ensuite, je l’ignorais.

— Il n’est pas étonnant que tu l’ignores, reprit en souriant le moujik. — Ce précipice a été fatal à tes chevaux de volée ; ils sont allés s’y briser en mille morceaux, et toi c’est vraiment une puissance invisible qui t’a sauvé : dans ta chute, tu as rencontré un bloc d’argile sur lequel tu as roulé jusqu’en bas comme dans un traîneau. On t’a cru mort, mais nous avons remarqué que tu respirais encore ; seulement, tu étais sans connaissance. Eh bien ! maintenant, lève-toi, si tu le peux, et va au plus vite retrouver ton maître : le comte a laissé de l’argent pour, si tu mourais, t’enterrer, et, si tu vivais, te conduire auprès de lui, à Voronèje.

Je me mis en route, mais, pendant tout le voyage, je ne dis pas un mot. Le moujik qui me conduisait ne cessait de jouer la « barinia » sur un accordéon, et je l’écoutais avidement.

Lorsque nous fûmes arrivés à Voronèje, le comte me fit appeler dans son appartement et dit à sa femme :

— Ma chère, c’est à ce garçon que nous devons la vie.

La comtesse se borna à incliner la tête ; le comte reprit :

— Golovan, demande-moi ce que tu veux, je n’ai rien à te refuser.

— Je ne sais que demander, répondis-je.

— Allons, insista-t-il, — de quoi as-tu envie ?

— Je désirerais un accordéon, dis-je, après avoir longuement réfléchi.

Le comte se mit à rire.

— Eh bien ! en vérité, tu es un imbécile ; mais, du reste, cela se comprend ; moi-même, quand le moment sera venu, je m’occuperai de toi… Qu’on lui achète tout de suite un accordéon.

Un laquais alla en chercher un dans une boutique, et me l’apporta à l’écurie.

— Tiens, dit-il, — joue.

Je pris l’instrument et voulus en jouer, mais, voyant que je ne savais pas, je le laissai là, et, le lendemain, il me fut volé.

J’aurais dû profiter de la bienveillance du comte pour obtenir de lui la permission d’entrer dans un monastère, comme le moine me l’avait conseillé. Je ne sais pas moi-même pourquoi je demandai un accordéon, et manquai ainsi dès l’abord à ma vocation. Depuis ce moment j’éprouvai malheur sur malheur, et l’adversité ne fit que m’accabler de plus en plus, mais je ne me perdis nulle part, jusqu’à ce que se fussent réalisées de point en point toutes les prédictions qui m’avaient été faites en songe par le moine.