Le Vieillard des tombeaux ou Les Presbytériens d’Écosse
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 10p. 122-130).




CHAPITRE XI.

claverhouse au château.


Enfin vient la troupe ; au mot de commandement, elle se range dans notre cour, où le capitaine crie : Halte !
Swift.


L’ancien valet du major Bellenden, Gédéon Pike, tout en préparant les habits de son maître et en les plaçant près du lit de ce digne vétéran, lui apprit, pour s’excuser de le déranger plus matin qu’à l’ordinaire, qu’il y avait un exprès de Tillietudlem qui était arrivé au château.

« De Tillietudlem ! » dit le vieux gentilhomme en se levant avec empressement et se mettant sur son séant. « Ouvrez les volets, Pike… J’espère que ma belle-sœur se porte bien… Relevez les rideaux du lit… Voyons, lisons. » Et parcourant le billet d’Édith. « La goutte ! mais elle sait que je n’en ai pas une seule attaque depuis la Chandeleur… La fête ! je lui ai dit un mois d’avance que je n’y serais pas… Sa robe de soie, ses manches pendantes ! oh ! la petite bohémienne !… Le grand Cyrus et Philipdaspes ? au diable son Philippe !… Ma nièce est-elle donc folle ? Était-ce la peine d’envoyer un exprès, et de m’éveiller à cinq heures du matin pour tout ce verbiage ?… Mais que dit son post-scriptum ?… Miséricorde ! » s’écria-t-il en le lisant ; « Pike, sellez tout de suite le vieux Kilsythe, et un autre cheval pour vous. — J’espère qu’il n’y a pas de mauvaises nouvelles de la tour, monsieur ? » dit Pike, étonné de l’émotion subite de son maître. — « Oui,… non…, oui… ; c’est-à-dire qu’il faut que je voie Claverhouse, il s’agit d’une affaire importante ; ainsi, mets tes bottes et selle les chevaux le plus promptement possible… Seigneur, dans quels temps sommes-nous !… Le pauvre garçon !… Le fils de mon vieil ami !… et l’imbécile de fille fourre cela dans ce qu’elle appelle son post-scriptum, à la suite de tout ce bavardage de vieilles robes et de nouveaux romans ! »

Au bout de quelques minutes, le bon vieil officier fut complètement équipé ; et étant monté sur son cheval, aussi tranquillement que Marc-Antoine l’aurait fait lui-même, il se mit en route pour la tour de Tillietudlem.

Chemin faisant, il forma la prudente résolution de ne rien dire à la vieille dame de la qualité et du rang du prisonnier détenu dans son château ; il connaissait trop sa haine invétérée pour les presbytériens de tous genres. Il se détermina donc à essayer de sa propre influence sur Claverhouse pour obtenir la liberté de Morton.

« Puisque il est si loyal, il fera quelque chose pour un vieux cavalier comme moi[1] se disait le vétéran, « et s’il est aussi bon soldat que le monde le dit, eh bien, il sera fort aise de rendre service au fils d’un vieux soldat. Je n’ai jamais vu de véritable militaire qui ne fût honnête homme et n’eut un cœur franc ; et je crois que l’exécution des lois, quelle que soit la rigueur qu’on juge à propos de leur donner (quoiqu’il soit malheureux qu’on trouve nécessaire de les rendre aussi rigoureuses), est dix mille fois mieux entre leurs mains qu’entre celles des hommes de loi, gens à petite vue, et des gentilshommes campagnards à tête lourde et épaisse. »

Telles étaient les réflexions du major Miles de Bellenden ; elles se terminèrent quand John Gudyill, moitié ivre, saisit la bride de son cheval et l’aida à descendre dans la cour mal pavée de Tillietudlem. — Comment, John, dit le vétéran, quelle diable de discipline est la vôtre ! vous avez déjà lu l’Écriture sainte ce matin ? — J’ai lu les litanies, » dit John en secouant la tête d’un air de gravité que lui donnait l’ivresse, quoiqu’il n’eût saisi qu’un mot de la phrase du major ; « la vie est courte, monsieur ; nous sommes des fleurs des champs, monsieur (hoquet), et des lis de la vallée.

— Des fleurs et des lis ? eh ! mon homme, de vieilles têtes comme toi et moi méritent à peine d’autres noms que ceux de vieille ciguë, de chardons flétris et de mauvaises herbes fanées. Mais il me paraît que vous vous trouvez encore digne d’être arrosé. — Je suis un vieux soldat, monsieur, j’en remercie le ciel… (hoquet.) — Un vieil échanson, voulez-vous dire, John. Mais n’importe, conduisez-moi à votre maîtresse, mon garçon. »

John Gudyill le conduisit à la salle en pierre où lady Marguerite s’agitait, surveillait, arrangeait et réformait les préparatifs qu’on faisait pour la réception du célèbre Claverhouse, que l’un des deux partis honorait et vantait comme un héros, et que l’autre exécrait comme un oppresseur sanguinaire.

« Ne vous ai-je pas déclaré, » disait lady Marguerite à sa première suivante ; « ne vous ai-je pas déclaré, Mysie, que je voulais absolument qu’en cette occasion tout fût précisément dans le même ordre que le jour mémorable où Sa très-sainte Majesté déjeuna au château de Tillietudlem ? — Sans doute, tels étaient les Ordres de Votre seigneurie, et si je me souviens bien… » répondait Mysie. Sa Seigneurie l’interrompit en lui disant : « Pourquoi donc le pâté de venaison est-il placé à gauche du trône et la bouteille de claret de l’autre, quand vous devez bien vous souvenir, Mysie, que Sa très-sainte Majesté plaça de sa propre main le pâté du côté du flacon, en disant qu’ils étaient trop bons amis pour être séparés ? — Je me rappelle très-bien cela, madame, et pour l’oublier, j’ai trop souvent entendu Votre Seigneurie parler de cette grande matinée ; mais je croyais que tout devait être placé dans le même ordre que lorsque Sa Majesté, Dieu la bénisse ! entra dans cette chambre, ayant plus l’air d’un ange que d’un homme, s’il n’avait pas eu le visage si noir. — Alors, vous avez pensé comme une sotte, Mysie ; car, quel que soit l’ordre dans lequel Sa très-sainte Majesté ait ordonné qu’on plaçât les viandes et les flacons, cet ordre, tout aussi bien que son royal plaisir en toute autre chose, devrait être une loi pour ses sujets, et il en sera toujours ainsi pour ceux de la maison de Tillietudlem. — Eh bien, madame, » reprit Mysie en faisant les changements voulus, « il est facile de réparer l’erreur ; mais si tout doit être exactement tel que Sa Majesté l’a laissé, il devrait y avoir un fameux trou dans le pâté de gibier. »

À ce moment, la porte s’ouvrit. « Qui est là, John Gudyill, s’écria la vieille dame. Je ne puis parler à personne dans ce moment… Est-ce vous, mon cher frère ? » continua-t-elle avec quelque surprise quand le major entra ; « voici une visite bien matinale. — Je n’en serai pas moins bien accueilli J’espère, » reprit le major Bellenden en saluant la veuve de son frère ; « mais j’ai appris par un billet qu’Édith a envoyé à Charnwood pour demander quelques vêtements et des livres, que vous deviez avoir Claverhouse ici ce matin ; j’ai pensé alors moi, vieux soldat, j’ai pensé que je ne serais pas fâché de causer avec ce jeune et brillant militaire. J’ai ordonné à Pike de seller Kilsythe, et nous voici tous deux — Soyez donc le bienvenu ! dit la vieille dame ; c’est justement ce que je vous aurais prié de faire si j’avais cru en avoir le temps. Vous voyez que je suis très-occupée de préparatifs. Il faut que tout soit dans le même ordre que le jour où… — le roi déjeuna à Tillietudlem, » dit le major qui, ainsi que tous les amis de lady Marguerite, redoutait le commencement de cette histoire et voulait y couper court ; « je me rappelle bien ce jour : vous savez que ce fut moi qui servis Sa Majesté. — C’est vrai, mon frère, dit lady Marguerite, et peut-être pourrez-vous m’aider à me rappeler l’ordre du festin. — Non, je vous assure, dit le major : le dîner maudit que Noll nous donna à Worcester quelques jours après, chassa toute votre bonne chère de ma mémoire. Mais quoi ! vous avez placé ici le grand fauteuil en cuir de Turquie et les coussins de tapisserie ? — Le trône, mon frère, s’il vous plaît, » dit gravement lady Marguerite. — Eh bien ! le trône, soit, continua le major ; doit-il servir de siège à Claverhouse quand il attaquera le pâté ? — Non, mon frère, dit la dame : comme ces coussins ont été honorés jadis par la personne de notre très-saint monarque, ils ne seront jamais, s’il plaît au ciel, pendant ma vie, occupés par un personnage d’un rang inférieur à celui de Sa Majesté. — Vous ne devriez pas alors, dit le vieux soldat, les mettre à la portée d’un brave et vieux soldat qui a fait dix milles à cheval avant le déjeuner ; car, à dire vrai, il est difficile de résister à la tentation. Mais où est Édith ? — Sur la tour du guet, répondit la vieille dame ; elle y attend l’arrivée de nos hôtes. — Eh bien ! je vais y aller, et je vous y accompagnerai même, lady Marguerite, dès que vous aurez arrangé convenablement votre ligne de bataille. C’est une jolie chose, je vous assure, que de voir un régiment de cavalerie en marche. »

En même temps il lui offrit son bras d’un air de galanterie antique, et lady Marguerite l’accepta avec une de ces révérences en usage parmi les dames de Holy-Rood-House avant 1642, année qui pour un temps fit passer la mode des cours et celle de la courtoisie. Ils arrivèrent, par des passages sinueux et des escaliers bizarrement construits, sur la plate-forme de la tour, où ils trouvèrent Édith, non dans l’attitude d’une jeune fille qui attend, dans une tremblante curiosité, l’approche d’un beau régiment de dragons, mais pâle, abattue, et indiquant par sa physionomie que le sommeil avait fui de ses yeux pendant la nuit précédente. Le bon vieux vétéran fut affecté en lui voyant cette tristesse, que, dans l’empressement de ses préparatifs, sa grand’mère n’avait pas remarquée.

« Qu’avez-vous, petite fille ? lui dit-il ; en quoi ! on vous prendrait, à votre air, pour la femme d’un officier qui ouvre une lettre après la bataille, et qui craint d’apprendre que son mari se trouve parmi les morts ou les blessés. Mais je devine la cause de votre mélancolie : vous voulez persister à lire nuit et jour ces romans insensés, et vous vous lamentez sur des malheurs qui n’ont jamais existé. Et comment diable pouvez-vous croire qu’Artamène, ou je ne sais qui, s’est battu seul contre tout un bataillon ? Un contre trois c’est déjà fort raisonnable, et peu d’hommes peuvent soutenir avec avantage un tel combat : et encore je ne connais personne qui l’ait jamais cherché, si ce n’est le vieux caporal Raddlebanes. Mais ces maudits livres dénaturent toutes les actions des braves. Je suis sûr que vous prendriez Raddlebanes pour un Pygmée à côté d’Artamène ? Je voudrais que les gens qui ont écrit ces balivernes fussent mis au piquet pour leurs mensonges[2]. »

Lady Marguerite, qui aimait beaucoup elle-même la lecture des romans, prit en main leur défense.

« M. Scudéry, dit-elle, est un militaire, mon frère, et, à ce qu’on m’a dit, un brave militaire, ainsi que le sieur d’Urfé. — La honte n’en est que plus grande pour eux ; ils auraient dû mieux savoir ce qu’ils écrivaient. Quant à moi, je n’ai pas lu un livre depuis vingt ans, si ce n’est ma Bible, les Devoirs de l’homme, et, dernièrement, la Pallas armata de Turner, ou Traité sur l’exercice des piques[3]. Je n’aime pas beaucoup la marche qu’il donne : il veut qu’on place la cavalerie devant un rang de piques, au lieu de la placer sur les ailes. Je suis bien sûr que si nous avions fait ainsi à Kilsythe, au lieu d’avoir notre poignée de chevaux sur les flancs, la première décharge les aurait rejetés sur nos montagnards. Mais j’entends les tymbales. »

Tous dirigèrent leurs regards vers le bas de la tour, du haut de laquelle on distinguait dans le lointain le lit de la rivière. La tour de Tillietudlem s’élevait et s’élève peut-être encore sur l’angle d’une rive escarpée, formée par la jonction d’un large ruisseau et de la rivière de la Clyde[4] ; il y avait un pont étroit, d’une seule arche, sur le ruisseau, près de l’embouchure ; la grande route passait sur ce pont, au pied d’une roche escarpée ; le fort, dominant le pont et le passage, avait été, en temps de guerre, un poste de grande importance, dont la possession était nécessaire pour assurer la communication des districts plus élevés et plus sauvages de la contrée avec ceux qui étaient situés au-dessous, dans la vallée, plus susceptible de culture. En portant la vue en bas, on découvrait un riche pays boisé, mais le terrain uni et les pentes douces près de la rivière présentaient des champs cultivés de forme irrégulière, entremêlés de rangées d’arbrisseaux taillés en espalier, et de groupes d’arbres touffus. Ce qui formait la séparation de chaque enclos paraissait avoir été pris sur la forêt qui les entourait, et qui couvrait de ses sombres masses les pentes escarpées et les collines lointaines. La source, dont la couleur était d’un brun clair et brillant, semblable à la teinte des pierres de Cairngorm, roulait avec rapidité ses eaux sinueuses, tantôt visibles, tantôt cachées par les arbres qui couvraient ses rives. Les paysans avaient, en plusieurs endroits, montré une prévoyance inconnue dans les autres parties de l’Écosse, en plantant des vergers autour de leurs chaumières, et l’aspect des fleurs dont les pommiers étaient alors entièrement couverts, donnait à toute la perspective du vallon l’apparence d’un parterre.

En portant la vue vers le haut de la rivière, la scène changeait considérablement. Une contrée montagneuse, aride et sans culture, s’avançait jusqu’à la rive ; les arbres étaient rares et se bornaient au voisinage de la source ; les marais incultes augmentaient à peu de distance, et formaient des collines lourdes et informes, couronnées à leur tour par une rangée de hautes montagnes qu’on apercevait faiblement à l’horizon. Ainsi, la tour présentait deux perspectives : l’une, richement ornée et animée par une culture active ; l’autre, offrant toute la tristesse d’une bruyère sauvage et inhospitalière.

Les yeux des spectateurs étaient alors attachés sur le vallon, non seulement à cause du spectacle ravissant qu’il présentait, mais parce que le son de la musique militaire commençait à se faire entendre sur la grande route qui serpentait dans la vallée, et annonçait l’approche du corps de cavalerie attendu. Bientôt on aperçut de loin ses rangs mobiles, ils paraissaient et disparaissaient, selon que les arbres et les sinuosités de la route les rendaient visibles : on les distinguait principalement par les jets de lumière qui reflétaient çà et là les rayons du soleil. Le cortège était long et imposant ; car il y avait deux cent cinquante cavaliers en marche, et le brillant des sabres, l’ondulation des bannières, joints au son des trompettes et des tymbales, produisaient un effet imposant sur l’imagination. À mesure qu’ils avançaient, on pouvait distinguer les rangs de cette troupe d’élite, complètement équipée et admirablement montée.

« Ce coup d’œil me rajeunit de trente ans, dit le vieux cavalier, et cependant je n’aime pas beaucoup le service que sont obligés de faire ces pauvres garçons, quoique j’aie eu ma part dans la guerre civile. Je ne puis dire que j’aie éprouvé autant de plaisir dans cette espèce de service que j’en ressentis lorsque j’étais employé sur le continent ; au moins nous hachions des gaillards à figures étrangères et à jargon inintelligible. Il est dur de s’entendre demander quartier en langue écossaise, et d’être contraint de massacrer un compatriote comme on sabre un Français criant miséricorde. Les voilà qui viennent à travers les marais de Netherwood. En vérité, ce sont de beaux gaillards bien montés ! Celui qui vient au galop doit être Claverhouse lui-même ; oui, il se met à la tête de la colonne pour traverser le pont, et ils seront près de nous en moins de cinq minutes. »

En arrivant au pont au-dessous de la tour, la cavalerie se sépara, et la plus grande partie, s’avançant sur la rive gauche et traversant un gué qui se trouvait un peu plus haut, prit le chemin de ce qu’on appelait la métairie. C’était une grande réunion de fermes dépendantes du château, et où lady Marguerite avait fait faire des préparatifs pour recevoir convenablement le corps de cavalerie. Les officiers seuls, avec leur étendard et une escorte pour le garder, prirent le chemin escarpé conduisant à la porte de la tour. On les apercevait à mesure qu’ils avançaient dans cette direction ; quelquefois aussi ils disparaissaient, cachés par les parties saillantes de la colline et les arbres énormes qui la couvraient. Dès qu’ils sortirent de ce passage étroit, ils se trouvèrent vis-à-vis de la vieille tour, dont les portes hospitalières étaient ouvertes pour les recevoir. Lady Marguerite, sa nièce et son beau-frère, étaient descendus précipitamment de leur poste d’observation, afin de recevoir et de saluer leurs hôtes, avec un cortège de domestiques aussi bien disposé que le permettaient les orgies de la veille. Le galant capitaine, parent de Claverhouse, dont il portait aussi le nom, et que le lecteur connaît déjà, abaissa l’étendard au son des fanfares, pour rendre hommage au rang de lady Marguerite et aux charmes de sa petite-fille, et les vieux murs retentirent du bruit des instruments, et des hennissements des chevaux.

Claverhouse[5] lui-même descendit de son cheval noir, le plus beau peut-être de toute l’Écosse. Cet animal n’avait pas un seul crin blanc sur le corps, circonstance qui, jointe au feu et à la rapidité avec laquelle il poursuivait les presbytériens, avait fait croire à ces sectaires que ce coursier avait été offert à celui qui le montait par le grand ennemi du genre humain pour l’aider à les persécuter, et que ni le plomb ni le fer ne pouvaient le blesser. Quand Claverhouse eut présenté ses respects aux dames avec toute la politesse militaire, fait ses excuses de l’embarras qu’il causait à la famille de lady Marguerite, et reçu l’assurance que rien ne se trouvait dérangé dès l’instant où l’on avait le bonheur de posséder dans les murs de Tillietudlem un officier aussi distingué et un serviteur aussi loyal de Sa très-sainte Majesté ; enfin, quand on eut rempli toutes les formes de la civilité et de l’hospitalité, le colonel demanda la permission de recevoir le rapport qu’avait à lui faire le sergent Bothwell, et avec lequel il parla en particulier pendant quelques minutes. Le major Bellenden profita de ce moment pour dire à sa nièce, sans être entendu de sa grand’mère : « Combien vous êtes folle et légère, Édith ! vous m’envoyez par un exprès une lettre remplie de balivernes au sujet de robes et de livres, et vous insérez dans le post-scriptum la seule chose qui m’inquiète et m’intéresse. — Je ne savais pas, » dit Édith en hésitant beaucoup, « s’il serait tout à fait… tout à fait convenable que je… — Je sais ce que vous voulez dire… s’il serait convenable de prendre intérêt à un presbytérien. Mais j’ai beaucoup connu le père de ce jeune garçon. C’était un brave soldat, et s’il a fait mal une fois, il a fait bien dans d’autres circonstances. Je dois louer votre prudence, Édith, de n’avoir rien dit à votre grand-mère au sujet de l’affaire de ce jeune gentilhomme ; vous pouvez être sûre que je n’en dirai rien non plus… je saisirai une occasion pour parler à Claverhouse. Allons, mon enfant, ils vont déjeuner, suivons-les. »





  1. Cavalier, nom que se donnaient les royalistes. a. m.
  2. Allusion aux fades romans qui parurent en France au XVIIe siècle. a. m.
  3. Sir James Turner, soldat de fortune, élevé dans les guerres civiles, lequel exerça sur les non-conformistes une foule de concussions qui poussèrent le peuple à la révolte en 1506. a. m.
  4. Le château de Tillietudlem est imaginaire, dit Walter Scott : mais, ajoute-t-il, les ruines du château de Craignethan, situé sur le Nethan, à environ trois milles de sa jonction avec la Clyde, ont beaucoup de ressemblance avec la description ci-dessus. a. m.
  5. Ce personnage remarquable unissait les qualités, incompatibles en apparence, du courage et de la cruauté ; une loyauté dévouée et désintéressée pour son prince, et un oubli total des droits de ses concitoyens. Il était l’agent du conseil privé d’Écosse, et en exécutait les rigueurs, sans scrupule et sans miséricorde, sous les règnes, de Charles II et de Jacques II. Mais il releva son caractère par le zèle avec lequel il défendit la cause du dernier monarque après la révolution, par le talent militaire qu’il déploya à la bataille de Killierankie, et enfin par sa mort dans les bras de la victoire.