Le Véritable Métropolitain/Voies et moyens

J. Michelet (p. 76-79).
VOIES ET MOYENS


La réalisation de la vaste entreprise, que nous venons de décrire peut se faire de trois façons différentes :

1o Par la Compagnie des Omnibus, dont la concession serait ainsi augmentée et qui utiliserait son matériel existant dans les lignes conservées, aussi bien que dans celles devant desservir le Métropolitain.

2o Par la Ville et l’État, qui, ayant désintéressé la Compagnie des Omnibus, mettraient en régie, et par fractions séparées, les différents services à exploiter ;

3o Par une Compagnie spéciale remboursant la Compagnie des Omnibus et exploitant le réseau complet.

L’avis des autorités est évidemment utile pour décider sur ces trois points. Ce qu’il importe de constater, c’est que l’un ou l’autre moyen permettra la réalisation de cette grande entreprise.

Peut-être objectera-t-on que ce projet, quoique datant de 1885, arrive à la dernière heure ; qu’un autre a été étudié et doit être présenté à la présente législature.

Il n’y a encore rien de terminé, voilà le fait. Et si les intérêts de la capitale doivent être mieux servis par une nouvelle conception, il n’y a pas à se rattacher à une précédente.

Est-ce que les Anglais ont hésité à mettre de côté leur projet d’Exposition, quand le palais de Cristal leur a été proposé ?

Ce n’était l’œuvre ni d’un ingénieur ni d’un architecte, mais d’un jardinier. Il a donné meilleure satisfaction au problème, cela a suffi. En quelques jours il a été apprécié, accepté mis en œuvre.

Est-ce que l’on a hésité encore dans la question des Halles centrales ?

Un premier pavillon en pierre était bâti quand on a reconnu qu’une construction en fer remplirait mieux le but. Aussitôt on a démoli ce pavillon et l’on a édifié les halles actuelles, qui sont devenues un modèle du genre.

Est-ce que pour l’Opéra on n’est pas revenu sur des projets arrêtés, quand l’idée d’un concours s’est présentée ?

Le monument que nous possédons est le résultat de ce concours ; et c’est une œuvre initiale, grandiose, sans rivale dans le monde, qui a ainsi surgi.

Ce qu’il faut donc, avant tout, pour réellement atteindre le but dans de semblables questions, c’est donner satisfaction aux besoins du public.

Or, le Métropolitain souterrain n’atteindra pas ce résultat, qu’il soit fait par les uns ou par les autres. Il laissera les transports dans Paris coûteux, incomplets. Il détruira le commerce, nuira à maintes industries.

Les chemins de fer aériens, dans l’axe de nos voies ou au travers des maisons, n’atteindront pas mieux le but.

Seul, le véritable Métropolitain, c’est-à dire celui sur la Seine, arrivera avec des avantages incontestables qu’il n’y a pas à craindre de faire apparaître, parce qu’ils sont caractéristiques et servent les intérêts de tous.

Ces avantages les voici :

1o Il fournit un travail considérable, intelligent pour nos populations ouvrières ;

2o Il rémunère le capital employé ;

3o Il résout la question du bon marché du transport dans Paris ;

4o Il ne déplace, ne nuit à aucun intérêt.

5o Il n’exige aucune expropriation dans Paris.

6o Il donne une plus-value considérable aux quartiers, qu’il traverse ;

7o Il facilitera la circulation dans les zones éloignées ;

8o Il permet les logements et la vie à bon marché ;

9o Il peut se construire sans gêner la circulation, sans embarrasser la ville ;

10o Il est le véritable trait d’union, qui puisse être établi entre toutes nos voies ferrées ;

11o Il apporte à nos artistes la possibilité de créer des monuments nouveaux, dignes de notre époque ;

12o Il ne crée pas de charges pour l’État ;

13o Étant donné la réalisation de Paris port de mer, il conduira les intérêts parisiens directement, vers les terrains où pourront s’établir les bassins et chantiers du port de l’avenir.

14o Il devient pour la fortune publique une source d’accroissement.

Voilà les faits, que doit produire l’établissement du véritable Métropolitain.

C’est la conviction de l’obtention de ces résultats, qui a guidé la présente étude.

C’est elle qui me permet de dire que la vraie solution réside dans la satisfaction des intérêts généraux, parce qu’avant tout, il faut que ces intérêts soient servis et respectés.

Je me résume.

La question actuelle ne gît pas dans une situation venant de circonstances préexistantes, mais bien dans la satisfaction à donner à la population.

Si, sous ce dernier rapport, l’hésitation se rencontrait dans les hauteurs administratives, ce serait dans l’opinion publique, qu’il serait possible, je le crois, de chercher le verdict. J’ai la conviction que, mise en position de se prononcer, la population parisienne saurait vite désigner le cadre convenant le mieux à ses besoins comme à ses aspirations et, pour ma part, j’appelle de mes vœux un concours qui permettra de juger le moyen préférable à employer.


Ch. TELLIER
20, rue Félicien-David (Paris-Auteuil).