Le Tunnel sous la manche pendant la guerre, après la guerre


Le
tunnel sous la Manche
pendant la guerre, après la guerre


Le 16 août dernier, à la Chambre des communes, M. Bonar Law, interrogé sur les intentions du Gouvernement Britannique au sujet du projet du tunnel sous la Manche, a fait la déclaration suivante : « Le Cabinet a de nouveau examiné avec soin la question du tunnel sous la Manche, en consultant ses conseillers navals et militaires, et il demeure d’avis qu’il n’est pas pratique d’aller plus loin dans la question, tant que la guerre continue. » Le chancelier de l’Échiquier n’a fait ainsi que confirmer sa déclaration précédente formulée le 17 avril dans les mêmes termes à la Chambre des communes.

La question paraît donc jusqu’à nouvel ordre réservée pour après la guerre par le Gouvernement Anglais.

Sachons attendre avec confiance l’heure du tunnel : déjà on nous assure de Londres que le projet jouit d’une réelle popularité au front des armées britanniques ; d’autre part, le Comité parlementaire du tunnel, présidé par mon éminent ami, M. Fell, conquiert sans cesse de nouveaux adhérens ; enfin chaque jour se multiplient dans la presse britannique les articles favorables à l’idée. Il n’est peut-être pas inutile, par conséquent, de représenter le rôle vraiment considérable qu’eût joué le tunnel pendant la guerre et qu’il est appelé à remplir dans l’avenir.


« Des navires ! des navires ! des navires ! » s’écriait il y a quelque temps M. Lloyd George dans un de ses discours d’une éloquence enflammée.

Jamais, en effet, la navigation marchande n’a subi une crise pareille à celle dont le monde souffre maintenant. Jamais non plus n’a sévi une crise de main-d’œuvre pareille à celle que la guerre a provoquée.

On estime aujourd’hui à plus d’un tiers, certains statisticiens disent même la moitié, la proportion des bâtimens marchands que, de façons diverses, les hostilités ont soustraits à l’outillage maritime, — représenté vers l’année 1913 par environ 48 millions de tonneaux de jauge, — à la disposition des besoins commerciaux du globe. D’autre part, M. Henderson, l’ex-membre du Comité de guerre britannique, évaluait, au printemps dernier, le nombre d’hommes tués à la guerre pour toutes les populations belligérantes au chiffre effrayant de sept millions environ, et il indiquait le nombre total des blessés et des tués comme dépassant la population du Royaume-Uni. Et nous ne sommes pas au bout, hélas ! du nombre de ceux qui ne reviendront pas.

Situation atroce pour l’humanité, mais dont les lourdes conséquences, — en dehors des torrens de larmes versées, — appellent de la part des Alliés tous les remèdes matériels en leur pouvoir.

Car ces conséquences deviennent sérieuses : raréfaction progressive des choses essentielles à l’existence : charbon, blé, bétail, pétrole, fer, coton, laines, tissus, cuirs, papier, bois, etc. ; entrave aux échanges dans la vie moderne qui ne repose guère que sur les échanges ; les centres de production souvent isolés des centres de consommation, les ports et les docks encombrés, les peuples alliés, ou tout au moins l’Angleterre obligée de fermer ses ports à ce qui n’intéresse pas directement sa subsistance, même aux importations françaises, les relations par chemin de fer extrêmement réduites, les initiatives individuelles et celles de l’industrie en partie paralysées, une cherté de vie grandissante, une course à l’augmentation des salaires, le trouble jeté dans les rapports entre patrons et Ouvriers et par-dessus tout un certain danger d’usure morale de l’arrière des armées combattantes.

Cette situation ne fera probablement que s’aggraver d’ici la fin des hostilités et, quoique atténuée, lui survivra pendant des années. Au lendemain de cette période effroyable d’usure mondiale, — car il n’y a plus de pays neutres en réalité, — le besoin sera plus impérieux que jamais de moyens de transport nombreux et puissans pour aider le retour de l’humanité à la vie normale, pour assurer la mise en commun de leurs ressources entre tous les défenseurs de la civilisation, pour alléger leur effort de reconstitution, pour permettre aux Alliés de soutenir victorieusement la guerre économique que nos ennemis s’apprêtent à faire succéder à la guerre des armes.

Fort heureusement, cela va beaucoup plus mal et cela continuera d’aller beaucoup plus mal chez eux que chez nous, mais on sait comment, dans leur illusion tenace de pouvoir nous arracher la victoire, ils se préparent à cette nécessité de vivre par les échanges, — en les canalisant à leur profit, — comment ils construisent des flottes marchandes nouvelles, projettent de nouvelles voies de transport entre Puissances Centrales et avec quelle colère enfin ils voient l’extrémité du fameux itinéraire Hambourg-Bagdad aux mains des troupes du général Maude.

Nous, nous aurons, si nos chers Alliés britanniques le veulent bien, un moyen d’une grande puissance, — et que l’on soupçonne trop peu, — non de guérir nos blessures après la paix, mais de les soulager, de refaire plus vite nos forces, de tenir tête à nos rivaux, de consolider le fruit de nos victoires, d’affermir notre union.

Ce moyen, c’est tout simplement le tunnel sous la Manche.

Le tunnel sous la Manche n’est pas seulement une route qui permettra aux voyageurs, — si peu nombreux, hélas ! — qui fréquentaient avant la guerre le chemin de Paris à Londres, d’échapper aux désagrémens du mal de mer, cependant déjà si pénible dans la Manche, où il n’y a pas moins de 220 jours environ de mauvaise traversée par an. C’est un passage qui est certainement appelé à prendre place dans le classement des grandes routes commerciales du monde immédiatement à côté du canal de Suez.

Une remarque indispensable tout d’abord ; : le chemin de fer sous la Manche, — qui sera électrique, — qui n’aura pas d’arrêts intermédiaires, — qui sera aménagé avec tous les perfectionnemens de l’art moderne des chemins de fer, — n’aura pratiquement pas de limite à sa capacité ; il pourra absorber à peu près tous les transports que l’on voudra. En réservant quatre heures pour l’entretien de la voie, il pourrait faire passer bien plus qu’on ne pourra lui remettre. Nous avons eu sur la ligne de Paris à Calais, pendant les hivers 1915-1916-1917, des périodes de circulation de trains à deux ou trois minutes d’intervalle sur certaines sections et avec la traction à vapeur. A fortiori, un intervalle de cinq à dix minutes sur le chemin de fer sous-marin sera très possible avec la traction électrique. On arriverait ainsi très aisément à une moyenne de 120 à 150 trains par jour dans chaque sens ; la capacité de la ligne ne sera pour ainsi dire limitée que par les voies d’accès et de dégagement qui aboutiront au tunnel et rien ne sera plus facile que de les aménager.

Quant à la charge des trains, on pourra faire aussi ce que l’on voudra : c’est une question de puissance des usines électriques qui seront installées de chaque côté du détroit[1]. On fait actuellement avec les locomotives à vapeur 1 000 et 1 200 tonnes.

Les observations qui précèdent donnent la mesure des services que pourra rendre le tunnel sous la Manche dans l’avenir, en même temps que des services presque incroyables qu’il aurait rendus pendant la guerre, car il est impossible de ne pas y songer et de n’en pas dire quelques mots.


I. — LE ROLE QU’AURAIT EU LE TUNNEL PENDANT LA GUERRE

Passons sous silence le rôle purement stratégique qu’aurait eu le tunnel, c’est-à-dire les conséquences qu’aurait pu avoir l’emploi de cette voie sous-marine sur le cours des opérations militaires. C’est affaire aux spécialistes et c’est d’ordre spéculatif. On ne peut cependant s’empêcher de penser à l’utilité qu’aurait eue cette communication, soit au moment de la concentration à Charleroi, soit pendant les quatre premiers mois des hostilités, lorsque les renforts de l’intrépide armée anglaise étaient attendus avec fièvre et que les hasards de la lutte imposaient aux opérations le caractère d’une improvisation constante, sur la Marne, sur l’Aisne, lors de la « course à la mer, » — où les forces en présence glissèrent vers le Nord, luttant de rapidité pour se déborder mutuellement, « crochet contre crochet, » alternativement offensifs et défensifs, — lors de l’expédition d’Anvers, sur l’Yser, et plus tard pour l’organisation des expéditions d’Orient, ou pour hâter l’offensive de la Somme, entreprise par nos alliés, afin de détendre la pression de l’ennemi sur Verdun ou contre l’Italie, avant qu’ils eussent pu réunir leurs moyens complets d’action[2]. A la guerre, tout moyen d’aller vite est un moyen sauveur et, du temps de gagné, c’est la victoire, — pu tout au moins le moyen de la préparer.

N’envisageons du chemin de fer sous la Manche que sa fonction immédiate d’instrument de transport. Avec la capacité dont il eût disposé, il aurait facilement absorbé :

1° Tous les transports militaires (troupes, munitions, vivres et matériel de guerre) d’Angleterre vers le front occidental et vice versa ; 2° tous les transports militaires jusqu’à Marseille et Brindisi vers l’Orient et l’Afrique ; 3° tous les transports militaires ou de ravitaillement en provenance de l’Orient (Inde, Australie, Japon, via Marseille et Brindisi également) ; 4° tous les transports commerciaux considérables effectués d’Angleterre en France et réciproquement.

Rien que pour les transports de l’armée anglaise en France, on estime actuellement à plus de 20 millions le nombre de voyages effectués d’Angleterre en France et de France en Angleterre pour les passages britanniques à travers la Manche depuis le début des hostilités, car, outre les contingens militaires, il y a le va-et-vient constant des permissionnaires et celui des blessés retournés plusieurs fois au front, enfin les navettes permanentes de tous genres, dont le résultat est qu’un même homme effectue cinquante fois et plus la traversée du Channel pendant la même année.

Quant au transport des choses nécessaires à la guerre, on compte actuellement environ 8 millions de wagons ayant passé pour le compte de l’armée britannique sur le réseau du Nord depuis le début des hostilités et dont la plupart ont dû suivre la voie très longue Le Havre, Rouen, Amiens, au lieu de l’itinéraire beaucoup plus court qu’aurait offert le tunnel.

Que deviendrait le chiffre de 8 millions de wagons si l’on voulait y ajouter les énormes transports commerciaux effectués constamment d’Angleterre vers la France comme les charbons, les laines, les cotons, les cuirs, etc. ?

Que fut-il devenu plus encore, le tunnel attirant à lui tous les transports à destination ou en provenance de l’Orient pendant la guerre ?

Si l’on songe que le déplacement d’une chose ou d’un voyageur d’un point intérieur de l’Angleterre à un point intérieur de la France ou du Continent ne nécessite pas moins de six opérations d’embarquement ou de débarquement[3], on arrive à un chiffre de milliards d’opérations de manutention que le tunnel sous la Manche eût évitées, et quelle manutention ! Se représente-t-on suffisamment ce que c’est que l’embarquement et le débarquement du matériel de guerre des armées modernes, avec tous les préparatifs rendus nécessaires par les variations de marée, le nombre de bras à utiliser, le nombre d’engins à mettre en action, comme lorsqu’il s’agit d’une pièce de grosse artillerie ou de l’un de ces tanks monstrueux ? En réalité, quand on parcourt les splendides organisations des services de l’arrière de l’armée anglaise, on demeure absolument confondu à la pensée de l’effort et de la main-d’œuvre dépensés rien que dans le transport des matériaux et des stocks accumulés. C’est là que l’on touche du doigt la simplification gigantesque que le tunnel eût permise, en présence de ces abondances extraordinaires de vivres, d’armes, de munitions, de dépôts d’infanterie, de dépôts de munitions, de parcs d’artillerie de tous calibres, de parcs d’automobiles, de centres d’aviation, d’écoles d’instruction, devant ces véritables villes blanches (camps et hôpitaux sous la tente), créées en pleine campagne, devant ces infirmeries pour chevaux, des voies ferrées absolument nouvelles, des files interminables de docks, tout cela constitué avec une opulence qui nous paraissait être du luxe au début de la guerre et qui atteste simplement l’esprit de prévoyance de nos alliés.

Il y a là une dépense de main-d’œuvre fantastique que le tunnel eût épargnée en grande partie.

De même, quelle économie de tonnage à peine imaginable le tunnel eût procurée aux flottes marchandes alliées et neutres ! C’est par centaines de millions d’unités qu’il faut compter, et c’est encore M. Lloyd George qui disait récemment qu’une économie de dix millions de tonneaux de jauge représente pour l’Angleterre douze mois d’approvisionnement. Or le tunnel eût libéré un nombre de tonneaux de jauge trois, quatre, cinq fois supérieur au tonnage qu’il eût attiré à lui. En effet, le soulagement qu’il eût apporté à la marine marchande pour les transports par Gibraltar se fût appliqué à des parcours trois, quatre et cinq fois plus longs que celui de la voie ferrée.

Que dire de l’économie d’argent qui se fût chiffrée par des milliards, alors que le tunnel n’eût coûté à construire que 400 à 500 millions avant la guerre[4], plus encore, de la sécurité donnée à d’innombrables transports ? La guerre sous-marine eût été déjouée dans tout le secteur qui s’étend des côtes anglaises jusqu’à Marseille et Brindisi, c’est-à-dire là où elle est le plus active.

Du même coup eussent été rendus aux formations de combat les légions de navires de guerre employés à convoyer les transports de tous genres.

Puis, il y a les blessés. Quelle famille anglaise ayant des combattans au front ne se fût réjouie de l’existence du tunnel ? J’étais à Calais au mois d’octobre 1914, tâchant de réorganiser au point de vue des chemins de fer la vie économique et dirigeant avec mes collaborateurs, de ce point non envahi du réseau du Nord, le transport improvisé de l’armée anglaise, qui remontait de la région de Soissons vers le Nord. J’ai assisté à toutes les opérations douloureuses du débarquement des blessés héroïques de l’Yser, amenés du front par la voie ferrée ; j’ai vu le tri opéré dans les ambulances d’évacuation entre les soldats qu’on dirigeait vers l’Angleterre et ceux que l’on était obligé de garder parce que la traversée maritime, avec tous ses transbordemens, rendait le voyage trop pénible, trop long, trop dangereux. J’ai constaté le temps énorme qu’il faut pour faire le plein d’un bateau de blessés ; j’ai vu des capitaines de navire préférer de la façon la plus louable ramener leur bateau aux trois quarts vide au port anglais plutôt que de laisser se prolonger le supplice des blessés dans l’attente. Le zèle, l’initiative, l’activité des commandans anglais a été dès ce moment au-dessus de tout éloge et, depuis lors, les services sanitaires de nos Alliés ont été portés à un degré de perfection qui fait notre admiration. Il n’empêche que les complications sont restées infinies. Par-dessus tout, le tunnel sous la Manche eût épargné d’innombrables souffrances, sauvé des existences extrêmement précieuses, et cela seul en impose l’idée à tous. On sait d’ailleurs que la barbarie allemande n’a pas épargné les bateaux de Croix-Rouge et nous avons l’horreur de voir des navires-hôpitaux torpillés. Ces crimes ont même conduit le Gouvernement britannique à réduire le plus possible le nombre des transports de blessés de France en Angleterre, en développant les formations sanitaires du front, de sorte que les malheureux blessés restent séparés des semaines et des mois de leurs familles. Quoi d’étonnant que le tunnel sous la Manche soit devenu entre eux, comme on nous le rapporte, un de leurs sujets favoris d’entretien. La simple humanité inspire les regrets les plus fervens que cette route sous-marine nous ait manqué.

Un dernier rôle du tunnel, enfin, dont l’importance eût été primordiale : le tunnel eût hâté la coordination des efforts des Alliés. Nul doute que le détroit n’ait été un obstacle à l’organisation rapide de « l’unité d’action sur l’unité de front. » N’est-ce pas le colonel Repington qui signalait avec sa haute autorité, dans le Times du 24 août 1916, qu’il a fallu un temps terriblement long aux Alliés pour les décider à agir de concert :

« La nouveauté de l’idée de l’unité d’action, la distance qui séparait les Alliés et les sentimens de chacun, plus empreints de nationalisme que de l’idée d’alliance, ont fait que nous nous sommes confinés chacun presque exclusivement dans notre tâche et que nous n’avons pris qu’un intérêt languissant à ce que faisaient nos Alliés. Depuis le mois d’août 1911 jusqu’au mois de mai 1916, chacun des Alliés s’est battu presque pour son compte, où et quand il lui plaisait de sorte que c’est l’Allemagne qui a pu régler le rythme de la campagne et faire la loi en matière de stratégie. Nous autres, les Alliés, nous avons combattu tour à tour et lorsqu’il y eut simultanéité entre nos efforts, ce fut presque un hasard heureux. »

Depuis lors, la collaboration entre les états-majors alliés s’est établie aussi étroite que possible, mais comment ne pas admettre qu’un moyen de communication rapide comme le tunnel sous la Manche ne l’eût permise beaucoup plus tôt ?

Comme on comprend aujourd’hui le mot fameux de de Moltke : « Il faut s’opposer au tunnel parce qu’il ne pourrait pas servir à attaquer l’Angleterre et qu’en cas de conflit avec l’Allemagne, il serait funeste à celle-ci ! »

Les Allemands ont joué avec une maîtrise réelle de l’avantage des lignes intérieures. Les Alliés, en vérité, ont manqué d’une de leurs principales lignes extérieures.


II. — LA CONSTRUCTION DU TUNNEL — HISTORIQUE ET PLAN

Voilà donc le rôle prodigieux qu’aurait eu le tunnel pendant la guerre. Avant de passer à l’exposé des services non moins immenses que cette route sous-marine rendra dans l’avenir, il est bon de rappeler brièvement en quoi consiste le projet.

Ce n’est pas une conception de l’imagination. C’est un projet parfaitement assis, parfaitement mûri, qui a été voulu il y a environ quarante ans aussi pleinement par le Gouvernement britannique que par le Gouvernement français, et que depuis lors j’ai pu entièrement réviser et mettre au point, d’accord avec mes collègues anglais, notamment avec l’illustre ingénieur sir Francis Fox, pendant ces dernières années. Demain, si le Parlement britannique le veut, on peut se mettre à l’œuvre. Car la Compagnie française et la Compagnie anglaise du Chemin de fer sous-marin entre la France et l’Angleterre peuvent reprendre bien vite les travaux qu’elles ont abandonnés avec tant de chagrin le 18 mars 1883.

L’arrêt des travaux n’a guère eu d’autre cause que le nuage politique soulevé à cette époque entre les deux pays par la question d’Egypte, si heureusement résolue par les accords marocains de 1904, qui ont été le retour à la politique traditionnelle de l’amitié avec la Grande-Bretagne.

En réalité, l’entente sur la construction du tunnel a été aussi complète que possible et elle a duré près de quinze années (de 1870 à 1883). Elle a même été si prompte, si aisée, presque si spontanée que l’on peut à peine parler de pourparlers. Ouverts au mois d’avril 1870, ils n’ont été interrompus que pendant la guerre franco-allemande. Les années qui suivent, jusqu’en 1871, sont remplies par une succession de notes diplomatiques qui toutes affirment un accord de plus en plus formel et de plus en plus précis. En 1873, c’est même le Gouvernement britannique qui reprend la question, qui n’avance pas assez vite à son gré. Enfin, en 1874 (24 octobre), le Gouvernement français a communiqué au Gouvernement anglais le projet même d’acte de concession qu’il se proposait de faire à une Société et ce n’est qu’après avoir reçu l’approbation du Cabinet britannique, presque article par article, que le Gouvernement français a fait voter la loi donnant à la Société française la concession de la partie française du tunnel.

Il y a plus encore : en 1875, une commission dite « Commission internationale du Chemin de fer sous-marin, » composée de trois délégués français et de trois délégués anglais[5], a siégé tantôt à Paris, tantôt à Londres, et ses travaux ont abouti à la rédaction d’un protocole où sont réglées par le menu toutes les questions internationales que pourra soulever l’existence du tunnel : frontière sous-marine, durée de concession, droit de rachat, délai d’exécution, exploitation, entretien, et, enfin, le droit formellement réservé pour chaque gouvernement, quand il le jugera convenable dans l’intérêt de son propre pays, de suspendre l’exploitation du chemin de fer sous-marin, d’endommager ou de détruire les travaux du tunnel sur son propre territoire, ou encore même de noyer le tunnel.

Ce protocole, revêtu de la signature des six membres de la Commission, est demeuré l’instrument prêt à régler les rapports des deux Gouvernemens et des deux compagnies exploitantes. Il constitue la charte toute prête du chemin de feu sous-marin.

En 1890, — séance du 5 juin, — Gladstone pourra dire à la Chambre des Communes :

Je ne crois pas qu’à part une exception unique, on puisse citer, parmi les autorités les plus hautes, les autorités moyennes et celles du dernier échelon, le nom d’un homme qui, à l’origine, ait élevé la voix contre le tunnel sous la Manche[6].

Le jour donc où les pouvoirs publics anglais donneront leur adhésion définitive au percement du tunnel, il n’y aura qu’un prolongement, — comme le dernier acte, inlassablement attendu, — de l’entente extraordinairement parfaite de jadis.

C’est à l’abri de cet accord entre les deux Gouvernemens que les deux Sociétés anglaise et française se sont constituées et mises à l’œuvre. Un grand enthousiasme régnait alors. La Société française s’est formée le 1er février 1875 sous les plus brillants patronages (Michel Chevalier, l’illustre économiste comme président ; Léon Say, le grand administrateur des finances françaises ; Lavalley, l’éminent ingénieur du canal de Suez, parmi ses membres). Elle est restée parfaitement vivante et en possession de tous ses droits ; elle est toujours titulaire de la concession définitive, d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans (et approuvée préalablement par le Gouvernement britannique, comme nous l’avons dit), qu’elle a reçue du Gouvernement français le 2 août 1875. Elle a satisfait à toutes les obligations de son cahier des charges. Elle est restée en possession des ouvrages, des usines, des galeries, des terrains, qu’elle a acquis sur la côte française entre la mer et la route d’Escalles, à quelques pas de Sangatte. Elle paye annuellement ses impôts, les frais de contrôle par kilomètre dus à l’Etat, et elle attend[7].

La Société anglaise « Submarine Railway Cy » est, à notre connaissance, dans une situation analogue, mais moins avancée au point de vue législatif ; son retour à l’activité dépend du vote favorable du Parlement anglais, tandis que le Parlement français a résolu la question il y a plus de quarante ans pour la Société française.

Ces deux Sociétés ne se trouvaient pas en présence d’une idée neuve. Déjà, en 1802, l’ingénieur français Mathieu avait eu l’idée d’établir sous la Manche une route pavée sous-marine, éclairée avec des quinquets à l’huile. Ce projet, qui ne paraît pas avoir été précédé d’études sérieuses sur la nature des terrains sous-marins du détroit, inspira au grand homme d’Etat anglais Fox cette réponse à Bonaparte : « Oh ! c’est une des grandes choses que nous pourrions faire ensemble. »

Il y avait eu ensuite toute l’enquête géologique très importante conduite depuis 1835 jusque vers la fin de sa vie par Thomé de Gamond sur la nature du fond du détroit et, dès 1856, Thomé de Gamond avait présenté à la reine d’Angleterre en même temps qu’à Napoléon III un projet de communication sous la Manche. La reine Victoria avait répondu : « Si M. Thomé de Gamond fait cela, vous pouvez lui dire que je lui donne ma bénédiction en mon nom et au nom de toutes les dames anglaises. »

A la suite de Thomé de Gamond, dont le projet en ligne droite n’était pas réalisable parce qu’il traversait des terrains perméables, les trois illustres ingénieurs anglais Isambart Brunel, Joseph Locke et Robert Stephenson avaient repris ses études. Puis était venu sir John Hawskhaw, qui avait fourni à son tour une moisson de renseignemens les plus précieux.

En 1875, toutes les recherches faites jusqu’alors tendaient à faire admettre qu’il existait dans le fond du détroit une couche de craie, connue sous le nom de craie cénomanienne ou craie grise de Rouen ; que cette couche courait sous la mer d’une rive à l’autre, avec une imperméabilité complète, à une profondeur suffisante (environ 60 mètres) sans faille ni interruption, et qu’elle pourrait recevoir ainsi le tunnel destiné à relier la France et l’Angleterre.

Cette hypothèse, la Société française du tunnel sous la Manche s’est attachée à la vérifier d’une façon définitive : la maîtresse pièce de son enquête est la carte du fond du détroit établie à sa demande par les deux éminens ingénieurs du corps des mines, Potier et de Lapparent, au moyen du chiffre colossal de 7 672 sondages, pratiqués à l’aide d’une petite cloche d’acier à bord coupant et dont 3 000 ont fourni une certitude géologique. Cette carte, qui est un chef-d’œuvre peut-être unique d’hydrographie et de géologie combinées, n’est en quelque sorte que la prolongation sous le détroit, — avec une précision presque aussi grande, — des cartes géologiques des sols anglais et français établies par les savans des deux pays. On y voit le sol sous-marin découpé en larges bandes constituées par des couches géologiques affleurant en biseau et courant d’une rive à l’autre et qui ne sont autres, d’après les échantillons recueillis et classés un à un, que les couches observées dans les falaises des deux côtés du détroit et qui plongent sous la mer en s’inclinant très fort. L’ordre de succession des couches est si bien reproduit, les courbes d’affleurement de chacune d’elles sont si continues, leur épaisseur s’y révèle si constante que MM. Potier et de Lapparent ont pu conclure en 1877 : « Si, en un point quelconque, à terre ou sous l’eau, on a reconnu le banc qui constitue la surface, on connaît, comme si on y avait creusé un puits, la série des bancs dont est formé le terrain dans ses profondeurs… Les sondages superficiels du fond de la mer suffisent donc pour déterminer la position des couches en chacun des points d’où la sonde a apporté des échantillons. Ces points sont très nombreux, et les espaces sur lesquels ils manquent complètement sont trop peu étendus pour qu’un accident ou une ondulation de quelque importance ait pu nous échapper. »

La Société française a voulu aller plus loin ; sous la conduite de son éminent et regretté directeur des travaux, Ludovic Breton, elle a fait un essai direct de pénétration sous-marine dans la couche de craie qui doit donner asile au tunnel. À cette fin, elle a creusé à Sangatte, sur le rivage, un puits d’une profondeur atteignant 60 mètres au-dessous du niveau de la mer, et, du fond de ce puits, elle a poussé une galerie qui s’est avancée jusqu’à 1 840 mètres sous le détroit. Le puits a traversé d’abord une couche aquifère, ensuite il a pénétré dans la couche de craie grise imperméable et c’est de la partie inférieure de cette couche qu’a été lancée la galerie sous-marine en remontant. Cette galerie a été maintenue très aisément dans la dite couche et, le 26 février 1883, elle recevait la visite du Conseil d’administration du chemin de fer du Nord et des membres de la Société française du tunnel.

M. Breton note dans ses Souvenirs : « Au départ du petit train, composé de six wagonnets, qui nous entraînait vers le fond de la galerie, j’ai reçu une pluie de félicitations. Le baron Alphonse de Rothschild m’a dit : « J’ai passé une bien belle journée, j’étais loin de m’attendre à ce que j’ai vu ; si le tunnel ne se fait pas, je ne regretterai pas les dépenses faites, car elles auront servi à de belles études ; espérons, monsieur Breton, que nous continuerons. En attendant, je vous félicite sincèrement. »

De l’autre côté du détroit, les travaux entrepris par la Société anglaise n’ont pas eu moins de succès ; vers la fin de 1882, il y avait, au pied de la falaise de Shakspeare-Cliff, une galerie d’environ 2 kilomètres sous la mer : « Il ne se produisit, pour ainsi dire, aucune infiltration d’eau, bien que la voûte du tunnel ne fût revêtue ni de fer, ni de briques, les parois de craie étant à découvert. Des excursions également furent organisées pour permettre au public de voir la galerie et, bien que les visiteurs portassent leurs vêtemens habituels, ils ne furent nullement incommodés, ne rencontrant ni humidité ni boue[8]. »

Les deux galeries d’études sont toujours en bon état. L’importante usine construite à Sangatte par la Société française du tunnel existe toujours. Elle comprend trois machines à vapeur de 300 chevaux, des compresseurs d’air, un puits avec chevalement, des pompes d’épuisement puissantes, etc.

Depuis lors, le temps de l’attente n’a cessé d’être mis à profit et il n’est pas douteux que le percement du tunnel sous la Manche sera entrepris dans des conditions infiniment plus favorables qu’il y a quarante ans. Il n’y a pas à comparer entre ce qu’était l’art des travaux souterrains alors et ce qu’il est maintenant. Il y a eu tous les enseignemens fournis par le percement des grands tunnels de montagne, notamment le Simplon ; par les tunnels sous-marins tels que celui de la Severn ou de la Mersey, — ce dernier construit par le grand ingénieur sir Francis Fox, l’ingénieur précisément de la Compagnie anglaise du tunnel ; — ou par les galeries des mines d’étain ou de cuivre de la Cornouaille s’étendant jusqu’à plus de 5 kilomètres de la côte, avec des rameaux transversaux qui ont un développement aussi grand que celui du tunnel projeté sous la Manche, sans que jamais l’eau y ait pénétré. Sur la question des certitudes géologiques, d’illustres savans tels que MM. Barrois, Olry, Gustave Dolfus, Gosselet, en France, et, chez nos voisins : Prestwich, Topley, Jules Browne et sir Archibald Geikie, le célèbre directeur de la carte géologique de la Grande-Bretagne, sont venus ajouter leurs suffrages à ceux de leurs prédécesseurs. Enfin, l’intervention de l’électricité en tout et pour tout simplifiera le travail dans une mesure à peine imaginable. La traction sera naturellement électrique, ce qui permettra de suivre tous les contournemens et les dénivellalions de la craie cénomanienne en adoptant des courbes descendant jusqu’à 250 et 300 mètres, au lieu de courbes de 800 à 1 000 mètres qu’eût exigées la traction à vapeur, et des pentes de 10 à 15 millimètres au lieu de 6 à 10 millimètres. Le problème de la ventilation sera supprimé ou très simplifié, puisqu’il n’y aura pas de fumée et que le trajet dans le tunnel ne dépassera pas environ quarante minutes. La question de l’évacuation des déblais, — dont le volume atteindra environ 4 à 5 millions de mètres cubes correspondant à un poids de plus de 6 millions de tonnes, — ou du transport du personnel ouvrier, qui comprendra au moins 600 hommes représentant 1 200 voyageurs par jour (trajet d’aller et retour), — aura pour solution très simple l’installation d’un petit chemin de fer électrique à double voie, chacune de 60 centimètres, à circulation rapide et continue. — Le téléphone, — avantage énorme sur ce qui existait il y a quarante ans, — permettra la liaison continue entre chaque front d’attaque dans les antres du tunnel et le poste de l’ingénieur sur la côte. De même, la lumière électrique permettra de scruter le sol dans tous ses replis. Enfin, il y a tous les perfectionnemens réalisés dans le bétonnage, etc. A tous égards, on se trouvera dans une situation incomparablement meilleure pour l’ingénieur, D’un autre côté, le projet a été complètement remanié et on a pu même arrêter un ordre des travaux. C’est évidemment une entreprise d’un genre tout nouveau. Par sa longueur, par la forme de son profil, par la nécessité de le maintenir dans une couche géologique appropriée, la craie cénomanienne, le tunnel sous la Manche sera un travail sans précédent.

A un certain point de vue, il sera beaucoup plus aisé à percer que ne l’a été, par exemple, le Simplon, puisque l’on avancera dans de la craie facilement forable, suffisamment dure et imperméable. On n’aura à redouter ni trombe d’eau comme celles qui ont inondé les chantiers du Simplon, ni une température dangereuse pour les ouvriers. En revanche, le point délicat sera d’obéir à cette nécessité de n’avancer que dans la couche de craie cénomanienne, de la suivre dans son plongement et dans ses divers contournemens, de se tenir suffisamment loin des formations placées en-dessus et en-dessous, beaucoup moins imperméables.

Alors, comment fera-t-on ?

Rappelons brièvement ce que nous disions dans la livraison du 1er octobre 1913 de cette Revue. A l’inverse des tunnels de montagne, dont le parcours est en des d’âne, le tunnel sous la Manche devra avoir un profil en fond de bateau, avec ses points les plus élevés à l’entrée et à la sortie. Son point le plus bas sera vers le milieu. Autrement, il faudrait faire remonter le tunnel au jour de points situés à une grande profondeur à partir de la côte, ce qui entraînerait un allongement considérable de parcours en même temps que des déclivités probablement impraticables.

Force sera donc de faire partir le tunnel d’un point de la côte situé au-dessus du niveau de la mer, pour descendre vers le milieu du détroit, à une profondeur qui le placera à environ 95 mètres au-dessous de ce niveau et à 50 mètres au-dessous du fond de l’eau. Ce plafond de 50 mètres d’épaisseur constituera une protection amplement suffisante contre les sous-marins et les explosifs.

Mais il y a un danger : si, malgré l’imperméabilité de la couche, des infiltrations se produisent, ces eaux viendraient butter au point le plus bas du tunnel, c’est-à-dire en son milieu, d’où il serait très difficile de les retirer.

Dans ces conditions, le mieux sera sans doute de creuser, au-dessous du tunnel, une galerie d’écoulement indépendante du tunnel lui-même. Partant, — au fond d’un puits, — d’un point bas de la couche de craie grise à environ 120 mètres au-dessous du niveau de la mer, à la côte, cette galerie remontera vers le milieu du détroit jusqu’à la hauteur déjà indiquée de 50 mètres au-dessous du fond de l’eau, pour y rencontrer le tunnel lui-même. La pesanteur entraînera les eaux vers le fond du puits, — ou des puits, car il y en aura sans doute plus d’un, — et des pompes puissantes les épuiseront.

Les entrepreneurs français et anglais qui exécuteront le travail suggéreront peut-être de meilleurs moyens, mais il semble que la galerie d’écoulement ne sera pas seulement galerie d’écoulement, mais qu’elle devra jouer le rôle, peut-être encore plus important, de galerie d’essai, permettant de tracer le tunnel avec sûreté et du même coup avec rapidité et au meilleur compte.

Il serait peu prudent, en effet, d’attaquer d’emblée le percement du tunnel lui-même avant d’avoir reconnu expérimentalement le sol : si l’on sait que la couche souterraine de craie grise existe avec une épaisseur suffisante, on n’est pas fixé avec une certitude absolue sur la position exacte, à quelques mètres près, de cette couche. C’est ce que la galerie d’écoulement permettra de vérifier. On avancera en tâtant la couche : tous les 100 ou 200 mètres, on fera des sondages au-dessus et au-dessous, à droite et à gauche, pour savoir exactement comment on est placé. Si quelques sondages révèlent une proximité trop grande des limites, soit inférieures, soit supérieures, on infléchira le tracé de façon à se maintenir bien. La condition essentielle sera remplie.

Enfin, troisième avantage : la galerie d’écoulement, devenue galerie d’essai, pourra, à défaut de moyens meilleurs imaginés par les entrepreneurs, devenir galerie de service pour la construction du tunnel proprement dit. Dans cet ordre d’idées, on n’attendra pas d’avoir achevé cette galerie pour attaquer le percement du tunnel, et, en réalité, la galerie d’essai et le tunnel seront exécutés presque simultanément.

On procédera de la manière suivante :

De la galerie d’essai, — probablement tous les quatre kilomètres, plus s’il le faut, — on lancera des rameaux obliques, selon l’inclinaison du plan de la couche de craie, vers le tracé théorique du tunnel proprement dit. Ces rameaux auront pour premier rôle de continuer la reconnaissance de la couche de craie et, pour deuxième rôle, — subordonné aux constatations satisfaisantes obtenues à l’aide du premier, — d’installer, à chacun des points de rencontre avec ledit tracé, un chantier dont la fonction consistera à creuser une section du tunnel face à la côte et en remontant vers la côte, ce qui assurera encore l’évacuation des eaux de suintement, en même temps que des déblais, selon le sens de la gravitation. Successivement, toutes les sections ainsi creusées en suivant le tracé prévu pour l’ensemble devront se rejoindre. De cette manière, il y aura autant de fronts de taille qu’il y aura de rameaux lancés obliquement, de sorte que la durée d’exécution du tunnel proprement dit dépendra de la vitesse du percement de la galerie d’essai et du nombre de rameaux qui auront été détachés. Le nombre des rameaux variera d’ailleurs selon la vitesse du percement ; on aura besoin d’un nombre d’autant moins grand de ces rameaux que la vitesse d’avancement de la galerie d’écoulement sera plus grande ; mais, quel qu’en soit le nombre, on aura, grâce à eux et à la galerie préalable, atteint le triple but : 1° d’évacuer les eaux et les déblais suivant la déclivité du sol ; 2° de tracer le tunnel avec sûreté ; 3° de le percer dans le minimum de temps et avec le moins de frais.

Inutile d’ajouter que chaque rameau sera pourvu d’une voie reliée au petit chemin de fer électrique dont nous avons parlé pour les déblais.

Le diamètre moyen de la galerie préalable sera d’environ 3 mètres. Les voies du tunnel proprement dit passeront, comme les trains du Métropolitain de Londres, dans deux tunnels circulaires indépendans, distans de 15 mètres, de manière à ne pas réagir l’un sur l’autre. La forme circulaire, d’autre part, est celle par excellence qui résiste aux pressions intérieures et extérieures. Des rameaux transversaux, à intervalles de 100 mètres probablement, relieront les deux tunnels, d’un diamètre de 6 mètres environ, et feront des deux galeries un ensemble en rapport étroit.

La longueur totale du tunnel sous la Manche sera de 60 kilomètres environ, dont 39 sous la mer, 14 sous terre et 7 kilomètres à ciel ouvert pour les raccordemens en France et en Angleterre.

Du côté français, les trains déboucheront près de Marquise, sur la grande ligne de Calais à Boulogne, où sera installée une gare d’échange avec raccordemens vers Lille et Bruxelles. Du côté anglais, la bouche du tunnel se trouvera à l’intérieur des terres, sans doute sous le feu direct des batteries du château de Douvres et des forts des hauteurs de l’Ouest (Western Heights Forts). Une des principales objections au tunnel sous la Manche, il y a vingt-cinq ans, était qu’il faudrait établir une garnison permanente pour en défendre l’entrée. Depuis lors, le port naval de Douvres a été construit, ce qui a entraîné l’établissement des forts sur les hauteurs de l’Ouest ; aucune nouvelle garnison n’est donc nécessaire. Mais la protection la plus efficace résultera du fait que les deux galeries permettant le passage des locomotives électriques ne pourront donner passage à des locomotives à vapeur ou à eau chaude, qui ne pourraient y respirer, et que, d’autre part, le courant électrique fabriqué en France pour les trains venant d’Angleterre et en Angleterre pour les trains venant de France pourra être coupé instantanément. Rien ne serait plus facile, en outre, que d’inonder le tunnel ou d’en détruire les abords. Enfin, les usines électriques seront établies à l’intérieur des terres, sous la protection des forts, et commanderont tout le trafic[9].

Les trains pourront passer du continent sur les lignes anglaises sans aménagement de voies et réciproquement, la largeur des voies ferrées en France et en Angleterre étant presque identique. À l’heure actuelle il circule des milliers de wagons anglais en France.

Le tunnel sera exécuté beaucoup plus rapidement qu’il ne l’eût été autrefois. Il y a quelques années, on estimait la durée totale de la construction à huit ou dix ans, dont trois à quatre pour les travaux préparatoires (fonçage sur la côte, de chaque côté du détroit, de puits de grand diamètre analogues aux puits des houillères et construction de voies d’accès pour l’évacuation des déblais) et six pour l’exécution proprement dite du tunnel. Aujourd’hui, grâce aux machines perforatrices perfectionnées et à l’intervention de l’électricité en tout, grâce aussi à l’installation qui sera faite simultanément des travaux d’approche et des gares d’échange, il est permis d’espérer que l’on sera au terme de l’ouvrage dans un délai d’environ quatre à cinq ans après l’exécution du puits.

Voilà donc le projet actuel que la Compagnie française du Chemin de fer sous-marin entre la France et l’Angleterre demande, avec la Compagnie anglaise, à mettre à exécution.


III. — LE RÔLE DU TUNNEL APRÈS LA GUERRE

C’est en songeant à l’utilité du tunnel pour l’avenir que nous avons insisté sur le rôle considérable qu’il aurait joué pendant la guerre.

Plus que jamais, après les hostilités, pendant la période de reconstitution économique de la France et de l’Angleterre, il aura à exercer sa fonction d’épargneur de main-d’œuvre et de tonnage maritime. Le problème de la main-d’œuvre avec le renchérissement désordonné du prix de la vie s’annonce comme un des grands problèmes de l’avenir, un des plus ardus à résoudre. D’autre part, la crise de la (lotte marchande devient de jour en jour plus aiguë. Sans doute, les innombrables bâtimens de commerce actuellement réquisitionnés seront rendus à la navigation libre, mais dans quel état effroyable d’usure ! Et pourtant, la nécessité pour les Alliés de se refaire par les échanges s’imposera plus que jamais. Il y a quelques années, on opposait quelquefois au projet du tunnel sous la Manche la concurrence qu’il ferait à la navigation, idée bien superficielle déjà alors. Aujourd’hui, on peut dire que tous les moyens de transport seront nécessaires, qu’ils seront tous insuffisans, et que le tunnel sous la Manche, par sa puissance, sera un instrument de salut.

Tout d’abord, il y a une vérité incontestable : aucun service maritime, si bien organisé soit-il, ne peut développer les échanges avec la puissance de la voie ferrée. C’est l’expérience qui parle. Les Compagnies du chemin de fer du Nord en France et du South-Eastern en Angleterre ont fait tout ce qui était possible pour perfectionner les services directs entre Paris et Londres ; elles ont mis les trains en face des bateaux ; elles ont assuré le transport des gros bagages par wagons complets transbordés par des grues ; elles ont réduit progressivement la durée du trajet à six heures et demie (impossible de faire plus), au lieu de douze heures qu’il fallait en 1875, l’année même de la fondation de la Société française du tunnel sous la Manche. Sait-on à quel résultat on est arrivé ? A un chiffre misérable de 599 000[10] voyageurs par tous ports français entre la Grande-Bretagne et la France, pendant l’année 1912, dernière année bien nette des statistiques, et cela pour une population de 83 millions d’habitans, soit une proportion d’environ 0,5 pour 100. Prenons, au contraire, les voyageurs échangés entre la France, la Belgique, la Hollande et l’Allemagne. Là on trouve un chiffre de 3 500 000 voyageurs pour une population de 114 millions d’habitans, soit une proportion sextuple (3 pour 100).

Avec tout le Continent, la même année 1912, l’Angleterre n’a échangé par les principaux ports de la Baltique, de la mer du Nord et de la Manche, que 1 700 000 voyageurs, chiffre proportionnellement aussi faible.

Quant aux marchandises, — les charbons mis à part[11], — l’Angleterre et la France n’ont échangé en 1912 également que 2 828 000 tonnes de marchandises diverses, marquant sur dix années en arrière une progression annuelle de 3,6 par an, alors que la progression de notre commerce pendant la même période a été par an de : 9,8 pour 100 avec l’Allemagne, 7,2 pour 100 avec la Belgique, 5,8 pour 100 avec la Suisse, 5,5 pour 100 avec l’Espagne.

Rien d’étonnant à cela. Tenons-nous-en aux difficultés techniques résultant de la traversée. On ne fait pas passer dans le Channel un bateau comme on fera passer un train dans le tunnel. Un bateau coûte beaucoup trop cher. C’est un bloc. Un train se désarticule, on augmente ou on réduit à volonté le nombre des voitures. On supprime même ou on ajoute un train très aisément. Pour un bateau, d’abord sa mise en marche est toute une préparation ; le jeu de matériel est à peu près fixe ; ensuite, il faut pouvoir faire « le plein du bateau, » pour ne pas perdre d’argent, ce qui limite le nombre des traversées. On est obligé en conséquence de concentrer au départ ou à l’arrivée de chaque bateau plusieurs trains.

C’est ainsi qu’avant la guerre, le bateau partant de Calais à une heure trente de l’après-midi pour Douvres recevait l’apport du train venant de Paris, ensuite du train de luxe venant de Vintimille et de la Méditerranée, puis du train desservant particulièrement les centres intermédiaires du réseau du Nord entre Paris et Calais, enfin le train venant de Bruxelles. D’où un nouvel inconvénient : on est obligé de fixer les heures de traversée par une véritable cote mal taillée entre les heures qui conviendraient spécialement à chaque train pour les points qu’il dessert. De la sorte, on sacrifie un peu les relations importantes et beaucoup les relations de second ordre. On ne contente personne et même on mécontente plus ou moins tout le monde, et il n’y a pas moyen de faire autrement.

Voilà une collection d’entraves que ne connaîtra jamais le tunnel. Les trains de toutes directions continueront avec le même matériel sans autre arrêt que pour le changement de machine et peut-être le service de la Douane. On fera des trains qui permettront, avec un trajet d’une durée d’environ cinq heures et demie dans chaque sens, d’aller à Londres et d’en revenir dans la même journée, après y avoir fait ses affaires, absolument comme pour Bruxelles et Liège[12]. Cela est essentiel pour le voyageur de commerce, car ce n’est qu’à sa suite que s’établissent les courans commerciaux.

C’est précisément cette facilité qui sera d’un intérêt immense après le rétablissement de la paix. Une des révélations les plus inquiétantes de la guerre a été l’étendue de la dépendance économique dans laquelle se trouvaient la France et l’Angleterre par rapport à l’Allemagne. L’Angleterre achetait à l’Allemagne près du double de ce qu’elle achetait à la France (plus de 2 milliards à l’Allemagne, à peine plus d’un milliard à la France en 1913). Une enquête faite par l’Office national du commerce extérieur à Paris a montré d’une façon saisissante comment la France a été progressivement évincée par l’Allemagne sur le marché britannique pour une quantité de produits. De même, l’Allemagne s’était substituée chez nous à l’Angleterre. Nous achetions à l’Allemagne pour des millions de francs de papier, de tissus de coton, de laines et d’effets de laine, etc., et toute une collection de produits pour lesquels nous ne demandons qu’à devenir les cliens de la Grande-Bretagne.

L’Angleterre et la France doivent reprendre l’une chez l’autre la place dont elles ont été délogées par l’Allemagne. L’Angleterre était arrivée étonnamment vite à devenir le plus gros client de l’Allemagne et, ce qui frappe le plus dès qu’on jette les yeux sur les statistiques, c’est combien fut régulière, continue dans son énormité, l’augmentation des exportations allemandes en Angleterre. C’est une augmentation moyenne de 100 millions pendant les cinq années qui précédèrent la guerre.

Pourtant, la France et l’Angleterre ont une raison toute particulière de multiplier leurs échanges. Comme le disait notre éminent ambassadeur à Londres, M. Paul Cambon, la nature a doté magnifiquement, mais de façons différentes, les deux pays. N’ayant ni les mêmes qualités de sol, ni les mêmes productions, ni le même climat, ils peuvent se compléter en prenant l’un chez l’autre ce qui manque à chacun d’eux. Je soulignais déjà l’importance de cette vérité ici même dans mon étude de 1913. Elle est du nombre de celles qu’il faut répéter tant, que nos industriels et commerçans n’auront pas su en tirer tout le parti qu’il convient. J’ajouterai même qu’il en est ainsi parce que les deux pays sont à peu près sur le même méridien et que, pour aller de l’un à l’autre, on va du Nord au Sud et du Sud au Nord, au lieu d’aller de l’Est à l’Ouest ou de l’Ouest à l’Est. Comme le disait encore M. Cambon, la nature travaille en quelque sorte automatiquement à favoriser nos échanges et, pourtant, nous constatons que, tant au point de vue des voyageurs qu’au point de vue des marchandises, les échanges sont loin d’avoir l’importance qu’ils devraient avoir entre deux pays si riches, si intelligens et, si j’osais me servir de cette expression, si complémentaires.

Dans les rapports de l’Angleterre avec le Continent, on peut dire que le rôle du tunnel s’élargira encore. Là, en vérité, les résultats à attendre sont à perte de vue. Il appartient à nos chers Alliés et à eux seuls de se prononcer sur l’utilité d’être rattachés par une communication directe au Continent. Ils nous pardonneront cependant de penser que le chemin de fer sous la Manche, si désirable pour la France, sera encore infiniment plus profitable au Royaume-Uni.

Il est d’ailleurs probable que le tunnel fera insensiblement du marché britannique le pivot de l’activité commerciale de l’Europe et probablement du monde. Vers l’Ouest, la Grande-Bretagne sera comme la sentinelle avancée du vieux continent vers le nouveau monde pour tous les échanges avec lui. Vers l’Est, elle sera le pôle d’attraction de toute l’activité commerciale de l’Europe et de l’Orient et, comme on l’a déjà signalé, il est fort probable que, d’ici peut-être une quinzaine d’années, lorsque nos départemens dévastés auront pu renaître de leurs cendres, elle formera avec eux et la Belgique restaurée la région où se fixera l’activité industrielle de l’Europe.

On sait avec quel soin jaloux, au cours de ces vingt dernières années, les puissances de l’Europe centrale se sont emparées du contrôle de toutes les grandes communications transcontinentales, « fidèles au rôle historique auquel les Hohenzollern ont dû leur nom et les anciennes villes libres leur fortune[13]. » Elles se sont interposées en quelque sorte « en manière de tampon et d’épongé » entre l’Orient et l’Occident, absorbant et exploitant à leur profit les ressources de la Russie et s’apprêtant, par le Hambourg-Bagdad et tout un système puissant de canaux, à mettre la main sur les richesses de l’Extrême-Orient. On doit espérer que le traité de paix arrachera à l’Allemagne ces privilèges et qu’il imposera par des stipulations précises, sur les tarifs de chemin de fer en particulier, la liberté de la route à notre ennemie qui réclamait la liberté des mers.

Le Londres-Bagdad prendra la place du Hambourg-Bagdad qui était une ligne d’accaparement au profit des puissances du Centre et mettra l’Orient à portée des besoins de l’Occident. « Toute la partie occidentale, surpeuplée, de l’Europe souffre d’un déficit chronique de matières premières et de produits alimentaires. Toute la partie orientale produit des matières premières et des alimens en excès[14]. » Le Londres-Bagdad aura pour premier rôle de les réunir ; et puis, par ses antennes avancées, cette route n’est-elle pas la ligne tout indiquée, presque nécessaire, au moment où la Grande-Bretagne resserre les liens avec ses colonies, puisque, d’après M. Charles Woods[15], elle permettra d’aller de Londres à Bombay en neuf jours au lieu de quatorze par Gibraltar et Suez, avant la guerre ?

Et, en même temps, de Londres partiront tous les grands express internationaux : Londres-Nord-Express ; Londres-Constantinople-Express ; Londres-Bagdad-Express ; Londres-Rome et Brindisi-Express ; Londres-Méditerranée-Express ; Londres-Sud-Express.

Mais surtout seront réunies entre elles l’Angleterre, la France et l’Italie, les trois nations sœurs de l’Europe occidentale, comme les appelait, dans un étincelant discours, M. Mackinder, l’éminent député et professeur d’Oxford, parlant au nom de la Grande-Bretagne à la réunion du Parlement interallié, — le Parlementino, — à la Sorbonne, le 6 mai dernier.

Proximi Gallis et similes sunt, « les peuples celtiques de l’Angleterre sont pareils à ceux de notre pays, » écrivait déjà dans l’antiquité Tacite retraçant la vie d’Agricola, gouverneur de la Grande-Bretagne. Et, en remontant au cours lointain des âges, les géologues, comme M. Stanislas Meunier, nous disent que le tunnel sous la Manche, en réunissant par terre ferme la France à l’Angleterre, ne fera que rétablir les dispositions primitives de la nature au temps où l’Angleterre était reliée par un isthme au continent. Tout au long de l’histoire enfin, la Grande-Bretagne n’a cessé de recevoir l’influence bienfaisante de la latinité. L’époque de la Renaissance pour l’Angleterre a été la même que pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la France.

Le développement de la nation anglaise est d’accord avec le progrès de tous les peuples latins et suit le sillon de la culture française et européenne. Shakspeare appartient au siècle de Michel-Ange, de Cervantes, de Camoëns, de Ronsard. Dans l’ordre politique, la France et l’Angleterre ont été les deux patries des institutions libres, et M. Mackinder observe :

« Nous sommes inspirés de sentimens d’amitié envers tous les Alliés, mais la géographie et l’histoire ont décidé que nos trois nations, anglaise, française et italienne, ne sont pas seulement sœurs, mais aussi vivent dans la même maison. De nos fenêtres insulaires et péninsulaires, nous regardons les mêmes mers de l’Occident et la même clôture vers le même ennemi d’Orient. Quand la paix reviendra, nous aurons tout le temps de nous souvenir de l’origine commune de notre civilisation dans les siècles passés et de ce que veulent dire pour l’historien, les noms de Rome, de Paris et de Londres. »

En l’écoutant à la Sorbonne, nous songions que le tunnel sous la Manche serait un excellent moyen d’aménager cette belle maison anglo-franco-italienne et, tout aussitôt, nous avons eu la joie d’entendre les paroles suivantes couvertes d’applaudissemens par toute la salle :

« Cette famille ne doit pas se séparer. Nos caractéristiques doivent rester. Nous nous compléterons, au lieu de nous concurrencer. Si nous le voulons, nous pouvons constituer une parfaite unité défensive. Je ne vais parler ici, bien entendu, qu’à un point de vue personnel, notre Gouvernement n’a rien arrêté à ce sujet ; mais je crois que le tunnel sous la Manche, en complétant l’œuvre des grands tunnels sous les Alpes, fera de nos trois territoires une seule forteresse, la citadelle imprenable de la liberté. »

C’est ce vœu que les Sociétés anglaise et française du tunnel sous la Manche ne demandent qu’à exaucer.


A. SARTIAUX.

  1. On peut estimer qu’une puissance de 20 000 kilowaths pour chaque usine sera plus que suffisante. La Compagnie Parisienne de distribution d’Électricité dispose dans ses deux magnifiques usines d’une puissance de 75 000 kw pouvant être portée à 100 000 kw avec des turbos alternateurs de 10 000 kw.
  2. Rapport de sir Douglas Haig du 23 décembre 1916.
  3. 1° Embarquement sur chemin de fer au départ en Angleterre ; 2° débarquement au port anglais d’arrivée ; 3" Réembarquement sur navire ; 4° Débarquement au port français d’arrivée : 5° Réembarquement sur chemin de fer ; 6° débarquement à destination.
  4. Ce chiffre devra maintenant être majoré, — et c’est un regret de plus, — en raison du renchérissement formidable de toutes choses (main-d’œuvre, matériaux, etc.).
  5. Les trois commissaires français étaient : MM. Ch. Gavard, C. Kleitz et A. de Lapparent. Les trois commissaires anglais étaient : MM. H. W. Tyler, C. M. Hennedy et Horace Watson.
  6. « …I know of one single exception, and with that exception. I do not believe that the name of a man can be quoted among the highest authorities, the middling authorities or the lowest authorities, who at that time raised his voice against the Channel Tunnel »
  7. Voici la composition du Conseil d’Administration de cette société, dite « Compagnie du Chemin de fer sous-marin entre la France et l’Angleterre : » Président : M. G. Griolet. Administrateur Délégué : M. A. Sartiaux. Administrateurs : MM. Agache, Caillaux, d’Eichtal, May, Picot, Renaudin, Vernes (Félix), Vernes (Philippe), Wendel.
  8. Sir Francis Fox, « Le Tunnel sous la Manche, » Revue Franco-Étrangère novembre-décembre 1916).
  9. Sir Francis Fox, loc. cit.
  10. Un trajet d’aller et retour est compté pour un voyageur.
  11. L’importation des charbons anglais en France a été de 10 689 000 tonnes en 1912.
  12. Il n’est pas sans intérêt de faire remarquer que, si le chemin de fer du Nord a été conduit avant la guerre à adopter pour les grands trains des vitesses qui n’ont pas été admises ailleurs, le but n’était pas de satisfaire à une vaine gloriole, mais de permettre aux voyageurs entre Paris, Lille, Bruxelles, Liège, etc. d’aller et revenir dans la même journée à des heures commodes. On évitait ainsi des voyages de nuit, des découchers, la nécessité de se charger de bagages, etc.
  13. M. Paul Claudel, attaché commercial de France à Rome.
  14. M. Paul Claudel, déjà cité.
  15. Conférence de M. Woods à la Société Royale de Géographie, le 19 février 1917.