Le Trésor de la caverne d’Arcueil
La Revue de ParisTome Seizième (p. 221-222).
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Le trésor
de
la caverne d’Arcueil.

I.


Au commencement du siècle dernier, il y avait à la Bastille un jeune homme qui se disait Hollandais, prenait le titre de comte, et prétendait appartenir à l’illustre maison des marquis de Brederode, seigneurs de Vianen, près Utrecht.

Chaque fois que ses compagnons de captivité le questionnaient sur la cause de son incarcération, ce mystérieux personnage ne leur répondait que par le récit bizarre qui va suivre.

À la faveur d’une fable, voulait-il cacher le véritable motif de son emprisonnement ? Une longue et cruelle détention avait-elle aliéné son esprit ? Disait-il vrai, bien que la chose fût peu vraisemblable, ou cette aventure n’était-elle qu’une imagination de sa tête égarée ? — On ne sait ; — je l’ignore, — et sans doute on l’ignorera toujours.

Les registres même de la Bastille ne portent que la date de son entrée et la date de sa sortie ; et sans ce que nous ont appris quelques prisonniers qui avaient reçu ses confidences, et qui, plus heureux que lui, virent un terme à leur infortune, cette victime d’une faute assurément moins grande que le châtiment fût restée tout-à-fait inconnue.

Quoi ! naître, — avoir vingt ans, — être jeté dans un cachot, — y mourir, — sans même laisser après soi la trace d’un pas ou le bruit d’une plainte !… Quoi ! souffrir et se dire : — La postérité pour moi n’aura point de larmes, et ne refera point le jugement de mes juges ! — Peut-il être au monde un sort plus affreux ?

Mais détournons bien vite notre esprit d’une réflexion aussi sombre. Venons sans préambule à l’histoire étrange ou plutôt au rêve que racontait notre prisonnier, et tâchons comme lui, au moyen de malheurs bien singuliers, sinon imaginaires, d’oublier des malheurs plus réels.

Brederode, que nous allons laisser parler lui-même, de peur d’altérer en rien la naïveté et l’originalité de sa parole, s’exprimait ainsi d’ordinaire :