Le Théâtre danois/Tome I/01
AU ROI
SIRE,
i je prends la liberté de préſenter,
auec la plus profonde ſoumiſſion à Votre Majesté, cette traduction Françoiſe du Théâtre Danois, ce n’eſt pas ſeulement l’uſage ancien de dédier les livres, qui auroriſe
ma liberté : J’ai cru que c’étoit
encore un devoir de ma part.
La Juſtice exige, qu’un Sujet témoigne
à ſon Roi, par quelque
petite offrande, ſon reſpect &
ſon hommage, lorsqu’il n’eſt pas
dans l’occafion de les témoigner
par des ſervices plus marqués.
Cette humble offrande eſt duë
à ce rayon de la Divinité, qu’on
voit reluire dans les Souverains.
Du reſte Sire, je n’ai point craint
de ſuſpendre, pour quelques
momens, ces ſoins ſi utiles & ſi
aſſidus, que Votre Majesté ſe
donne, pour regler les États. S’il eſt de nobles travaux pour
les Rois, il eſt auſſi pour Eux de
nobles Plaiſirs. Plus ils travaillent,
plus ils ont beſoin de Divertiſſement.
Je me trouverai
doublement heureux, ſi ma Traduction
du Théâtre Danois peut
contribuer au Delaſſement de
Votre Majesté : d’un côté je
ceſſerai de me regarder comme
un Sujet inutile : de l’autre je ſerai
ſur de l’approbation de tout
le monde ; car perſonne ne blâmera
jamais un ouvrage, que
Votre Majesté aura goûté. Si
je n’ai pas le bonheur d’avoir
réuſſi, j’aurai du moins le mérite de la bonne intention, & la ſatisfaction
d’avoir donné une
preuve publique du dévouëment
entier & du profond reſpect,
avec lesquels je fais gloire
d’être.