Le Salon de Lady Betty/Introduction indispensable

Traduction par Marceline Desbordes-Valmore et Antoine Fontaney.
Le Salon de Lady BettyÉditions Charpentier Voir et modifier les données sur Wikidatavolume 1 (p. i-vi).
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INTRODUCTION INDISPENSABLE.



Ce que c’est que le Salon de lady Betty.

Dans l’une des principales rues de Westminster, à Londres, est un vaste et bel hôtel que les gens du quartier ont surnommé Betty’s house. Cet hôtel, propriété de la famille Melvil, depuis environ deux siècles, est habité aujourd’hui par la veuve de lord John Melvil, pair d’Angleterre et d’Écosse, mort en 1829. Lady Betty Melvil, à qui sa beauté, son âge et les grâces de son esprit permettraient d’aspirer encore aux hommages et à l’adoration du monde, a concentré ses relations dans un petit cercle d’amis intimes. Trois fois par semaine son salon est ouvert a une douzaine de personnes également distinguées par leurs talens et par leur naissance. Des causeries vives et animées, des anecdotes piquantes, des observations et des critiques sur les ridicules du temps, remplissent d’ordinaire tous les instans de ces réunions, où les traditions de la bonne compagnie sont rehaussées par le charme d’un heureux abandon.

Lors de mon dernier séjour à Londres, j’eus l’honneur d’être plusieurs fois admis chez lady Betty ; une lettre de recommandation écrite de Paris par la comtesse D***, était mon seul titre à une faveur, que beaucoup d’Anglais ont briguée sans pouvoir l’obtenir. Je n’oublierai jamais l’aimable et bienveillant accueil que daigna me faire lady Melvil, à moi, pauvre étranger, aussi peu instruit des usages britanniques qu’inhabile à exprimer mes pensées dans la langue du pays. Je n’oublierai jamais non plus ces conversations délicieuses où chacun rivalisait de gaîté, de verve et d’à-propos. La soirée se terminait rarement sans qu’une ou deux personnes de la société payassent leur écot. Or, payer son écot, c’était raconter une anecdote, une nouvelle, dont le sujet était emprunté d’ordinaire aux mœurs actuelles de la Grande-Bretagne. Chaque narrateur avait sa spécialité. Le capitaine Aresby frondait les ridicules de ses compatriotes ; mistress Daring aimait avant tout les histoires romanesques ; lord Feeling excellait à décrire les passions du cœur ; plusieurs autres abordaient tous les genres, sans cesser d’être intéressans et vrais.

Lady Melvil, à qui j’exprimai différentes fois le désir d’initier le public français à cette peinture si vivante et si intime des mœurs anglaises, voulut bien se prêter à mes projets en traçant elle-même le canevas des nouvelles les plus attachantes contées dans son salon.

Ce sont ces nouvelles, reproduites en français, que j’offre aujourd’hui au public sous le titre de Salon de lady Betty. La plupart, modifiées et développées par madame Desbordes-Valmore, ont revêtu sous sa plume des couleurs si brillantes, que cet élégant écrivain s’est pour ainsi dire approprié le fond par la richesse et la nouveauté de la forme.

L’éditeur.