L’Édition populaire (p. 77-79).

ÉPILOGUE


Est-il bien nécessaire d’ajouter un épilogue à ce roman ? Oui, pour les lecteurs qui veulent à tout prix que les héros aient une fin heureuse ou tragique. Cet épilogue ne nous empêchera pas d’être sincère.

Ouvrons d’abord une parenthèse pour expliquer par quel prodige le chevalier d’Arsac était tombé une seconde fois du ciel pour sauver l’innocence en péril. Un mois, jour pour jour, après avoir fait un prisonnier, comme on sait, notre héros s’était rendu incognito dans la taverne de Jack. Il y avait vu entrer Harry. Un instant, l’idée lui vint de l’attaquer, mais sa prudence refréna son audace. À l’effet de connaître le refuge de Mlle Montluc, il suivit le bandit jusque dans son hôtel de Montréal. Quelle ne fut sa surprise, au cours de sa filature, de voir le noir et barbu Harry se transformer en un jeune homme blond et imberbe.

Voulant tirer cette mystérieuse affaire au clair, il obligea César Poiroteau à entrer comme domestique dans la maison. La providence voulut que le nouveau laquais assistât à la tentative de meurtre de George Brassey et entendît, derrière une portière, les menaces faites à Mlle Montluc. Il s’empressa d’aviser le chevalier… Il était temps.

Mlle Maud Montluc fut reconduite chez elle par le chevalier d’Arsac. Dans un élan de reconnaissance, elle avoua à son sauveur, fort ingénument, inconsciemment même, qu’elle l’aimait.

Bien que fanfaron par nature, notre Gascon ne s’en était pas rendu compte. Il redevint très vingtième siècle pour expliquer posément à la jeune fille, en termes délicats, qu’il était sans fortune et, en même temps, trop fier pour épouser une dot, comme les jeunes gens de son temps. Il lui promit de lui garder un souvenir inaltérable au fond du cœur et de revenir si la… gloire daignait lui sourire un jour. Elle lui jura de l’aimer éternellement et de l’attendre fidèlement.

Le chevalier d’Arsac partit, en quête de nouvelles aventures, suivi de son inséparable César Poiroteau. Nulle fidélité n’égale celle d’un créancier.

Chemin faisant, la langue du Gascon se délia et, comme le chemin n’avait point d’arbres « à qui » parler, il fit des confidences à son garde du corps. Oui, dans un élan d’expansion, il confia à César Poiroteau l’entretien qu’il avait eu avec Mlle Maud Montluc.

L’âme du créancier se réveilla :

— Monsieur le Comte ! s’écria M. Poiroteau, voulez-vous mon avis ? Eh bien ! la fortune est passée près de vous et vous l’avez dédaignée. C’est un grand tort, une faute irréparable !…

— Sachez, « Monsieur Poiroteau », répliqua sévèrement le chevalier, que je ne permets à personne de faire l’éloge ou la critique de mes actes.

— Je le sais, monsieur le Comte, mais vous permettrez que je ne vous quitte pas avant que vous n’ayiez fait fortune.

— Très bien, « César » ! En ce cas, j’augmente vos gages mensuels de vingt francs. En revanche, vous tâcherez, par votre discrétion et votre… désintéressement, de vous montrer digne de votre maître.


FIN