Attinger Frères (p. 68-71).

XXI

Pourquoi pas la neutralité ?

Les neutres n’ont pas brillé depuis le premier coup de canon de 1914. Ils se sont tus, courbés, terrés ; ceux mêmes dont l’indépendance et, plus tard, la nationalité auraient péri de la victoire des Allemands.

Il s’agissait pour eux d’être ou de n’être pas. Leur devoir était d’aider les défenseurs de leurs droits, les protecteurs de leur avenir, les chevaliers de la paix contre les soudards de la guerre. Tel le Danemark ; telle la Hollande, plus menacée que personne au monde parce qu’elle tient les embouchures du Rhin et qu’elle possède des colonies splendides.

Les neutres inattaquables par leur éloignement, par leur puissance, les Yankees, par exemple, n’ont pas été plus reluisants ; ils ont souffert bien des insolences, subi bien des avanies, toléré la noyade de nombre des leurs par les Deutschs, eux qui jadis trépignèrent de fureur contre la pauvre Espagne lors de l’explosion du Maine, dont les « hidalgos » étaient parfaitement innocents. À quoi ils gagnèrent Porto-Rico, Cuba, les Philippines.

La vraie neutralité, c’est la force. Si la Belgique, ne se fiant qu’à elle seule, et non pas aux « chiffons de papier », s’était armée jusqu’aux dents ; si ses forts, ses arsenaux, ses canons, ses mitrailleuses avaient atteint leur plein ; si elle avait aligné les 700 000 hommes qui correspondent à sa population de plus de 7 millions d’âmes, l’Allemagne eût peut-être préféré la trouée par Verdun et la route par la Seine, la Marne, l’Aisne, à la randonnée par Liège, Charleroi, Maubeuge. Elle aurait respecté le territoire belge.

La neutralité ne vaut guère ou ne vaut rien puisqu’elle dépend de l’honneur des États qui l’ont garantie. Or les alliances se nouent et se dénouent ; l’honneur manque souvent et l’intérêt décide presque toujours.