Attinger Frères (p. 35-38).

XI

Droits à nous conférés par la rapacité de l’ennemi.

Comment traiter les Allemands autrement qu’ils proclamaient faire de nous après la victoire infinie dont ils ne doutaient pas ?

Certes, nous n’abuserons pas du triomphe comme ils se vantaient d’avance d’en user.

Ne nous occupons pas de la haine cuite et recuite d’il y a cent ans : du haineux philosophe Fichte, qui n’habitait pas les temples sereins de la sagesse ; du publiciste Gœrres ; du poëte Arndt ; de Ruckert, autre poëte qui a dit à peu près : « En sortant de France, retourne-toi et jette une pierre ; peut-être écraseras-tu une fleur ». Et tant d’autres fous furieux à ne pas les compter : parmi eux les grands historiens Treitschke, Mommsen.

N’ouvrons que des livres nouveaux ou récents, de généraux, de philosophes, d’historiens, de savants. Livres dont pas une seule fois l’« empereur du monde »[1] n’a flétri les auteurs de la formule chère aux ultra-rhénans : Halt’s Maul[2] ! Il les approuvait, il les inspirait.

Voici quelques extraits des gracieusetés de ces coryphées de la nation sans pareille. Le mépris y exulte, la haine y vibre, la générosité en est absente, la brutalité « s’y déboutonne », l’ambition n’y connaît pas de bornes.

Dignes continuateurs des venimeux « Discours de Fichte à la nation allemande », ces écrits répètent assidûment deux kyrielles, toujours les mêmes. L’une, c’est la barbarie de la Russie, l’égoïsme de l’Angleterre, la vanité, puérilité, servilité de la France et la déliquescence de tous les Latins d’Europe et d’Amérique ; l’autre, c’est le vertigineux panégyrique des vertus allemandes.

Inutile de s’y arrêter ; mais il importe de connaître d’eux les accrocs qu’ils prétendent faire à notre territoire ; en quoi ils nous encouragent à déclarer ceux que nous prétendons faire au leur.

Notons avant tout que ces atteintes à nos biens sont en désaccord formel avec les assurances proclamées par le sublime empereur lui-même dans un discours de 1905 où l’orgueil dépasse les limites de l’hypertrophie du moi :

« Je jure que si le monde parle jamais d’un pouvoir universel allemand ou d’un pouvoir Hohenzollern universel, ce pouvoir ne sera pas basé sur les conquêtes, mais sur l’effort mutuel des nations pour arriver à un centre commun. »

  1. Kaiser der Welt.
  2. Tais ta gueule !