Le Puits de la vérité/L’âme de la femme

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L’ÂME DE LA FEMME



Si singulier que cela paraisse, on discute encore, (voyez l’Intermédiaire en un des derniers cahiers), non si la femme a, ou non, une âme, mais si le Concile de Mâcon a, ou n’a pas, agité cette question. Il semble bien qu’on puisse dire que c’est là une pure légende et que ce concile, qui a laissé vingt canons, que l’on possède, s’occupa de tout autre chose que de psychologie amusante. Cependant, et l’anecdote nous fut transmise par Grégoire de Tours, il s’y passa, sans doute hors séance et entre amis, quelque chose qui a pu donner naissance à la créance que les évêques n’y furent point d’accord sur l’égalité essentielle de l’homme et de la femme. Un brave homme d’évêque probablement illettré, c’est-à-dire ne sachant à peu près rien en dehors du latin de conversation ou du latin de sa messe, demanda à ses confrères si le mot homo (homme) s’entendait également de la femme et il ajouta que cela lui semblait douteux. Il s’entêta dans son opinion et il fallut, pour le convaincre que ce mot générique s’appliquait aux deux sexes, lui citer toutes sortes de textes bibliques et ecclésiastiques. Cette anecdote que les érudits catholiques ont voulu ramener à une discussion philologique demeure assez obscure, mais rien ne prouve absolument qu’il n’y avait pas, dans l’esprit du brave évêque, je ne sais quel doute sur l’essence de la femme. En tout cas, la question, ou ne fut pas discutée au concile même, ou n’a laissé aucune trace écrite, ce qui n’empêche pas la légende d’avoir une origine légitime. Bien des légendes reposent sur une base encore moins solide. Si d’ailleurs les écrivains ecclésiastiques ne discutèrent jamais un tel sujet, ils ne perdirent aucune occasion de clamer leur mépris pour la femme, « confusion de l’homme, bête inguérissable, rose fétide, paradis lamentable, etc. » La légende ne repose pas sur un fait, soit, mais elle repose sur un état d’esprit, qui devait étonner plus tard ceux qui le découvrirent. Mais quant à s’en servir contre l’Église, il y faut bien de la naïveté et je crois que l’époque en est passée.


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