Le Premier Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Pontigny/Chapitre II-IV

Texte établi par Martine GarriguesBibliothèque nationale de France (p. 57-59).

IV. L’utilisation ultérieure du cartulaire.

Il nous reste à voir ce qu’est devenu au cours des siècles le premier cartulaire de Pontigny et l’utilisation que les érudits ont pu en faire.

Nous savons déjà que peu de temps après la rédaction de la seconde partie du cartulaire, cet ouvrage fut mis à profit pour préparer la rédaction d’un nouveau recueil des titres du monastère[1]. Ces deux livres ont dû, à leur tour, servir de base au xive siècle, pour la confection d’un autre cartulaire de l’abbaye qui subsiste encore à la Bibliothèque nationale[2] ; aussi retrouvons-nous certains de nos actes retranscrits dans ce volume, ce qui nous a permis de donner le texte d’actes tronqués de notre cartulaire, alors que l’original en avait disparu.

Il faut ensuite se transporter au xviiie siècle pour voir le cartulaire de nouveau utilisé on en entreprit, en effet, à cette époque la copie en un in-folio sur papier, de 349 pages[3]. Ce volume est formé de sept cahiers et débute par un index des actes. Ce dernier est rédigé entre deux larges marges dont l’une, celle de droite, indique le numéro du folio de l’ancien cartulaire. Le texte porte une numérotation, en haut à droite pour le recto et à gauche pour le verso, en chiffres arabes. Il est à noter enfin que la date est portée en marge, quand il y en a une. Cette copie, qui d’ailleurs est notée comme celle d’un cartulaire disparu dans l’Inventaire sommaire des Archives départementales de l’Yonne[4], est la seule utilisation qui ait été faite de notre cartulaire à cette époque.

Les érudits lui préférèrent, en effet, le cartulaire rédigé au xive siècle et qui, après avoir appartenu à Molé et à Colbert, était entré à la Bibliothèque du roi en 1732[5]. Du Chesne, Baluze ou Gaignières ne se servent que de lui, et les éditeurs, tels Martène ou les rédacteurs de la Gallia christiana, firent de même[6]. Cependant, l’on peut penser que l’ouvrage que l’on connaît sous le nom de cartulaire de Depaquy[7] a fait appel à notre cartulaire, bien que ce soit surtout un recueil d’originaux. En effet, ce travail est l’œuvre de Dom Robinet qui fut appelé en 1720 par l’abbé de Pontigny, Pierre de Calvairac, pour rassembler les titres du monastère. Ce fut Jean Depaquy, dernier abbé de Pontigny, qui transcrivit cette collection d’actes rassemblés pendant douze ans par Dom Robinet, et il se proposait de la livrer à l’impression quand éclata la Révolution. Il avait ainsi réuni quatre volumes in-8o de quatre à cinq cents pages chacun : dans le premier figurent une notice sur les abbés de Pontigny et la filiation de l’ordre ; les deux suivants contiennent des actes divers, les dons des seigneurs du voisinage, alors que dans le dernier se trouvent les édits des rois concernant tout l’ordre, la règle et les divers statuts.

La Révolution fit quitter l’abbaye à notre cartulaire. Un article du décret de pluviose an III qui permit la formation des bibliothèques de districts, et celui du 3 brumaire an IV sur la création des bibliothèques des écoles centrales prescrivirent la réunion des chartes et des cartulaires monastiques dans ces nouveaux dépôts. Bientôt, le ministère de l’Intérieur ordonna d’envoyer à la Bibliothèque nationale tous ces cartulaires. Aussi le père Laire, bibliothécaire à Sens de l’École centrale du département, fut-il obligé de s’exécuter : il envoya le 29 mai 1799 quatre cartulaires dont celui de Pontigny qui reçut alors la cote 9887[8].

Or, les études qui furent faites par la suite sur Pontigny sont l’œuvre d’érudits locaux qui préférèrent utiliser les documents qu’ils trouvaient sur place : qu’il s’agisse de Chaillou des Barres[9] ou d’Henry[10], qui, tous deux, écrivirent des histoires du monastère, c’est la compilation de Depaquy qui fut utilisée. Même Quantin se servit de ce recueil dans sa publication du Cartulaire général de Yonne[11] ; ou bien il utilisa la copie de notre volume[12] ou encore le cartulaire du xive siècle[13].

Il semble bien que le premier historien à avoir largement utilisé notre cartulaire soit André Courtet dans sa thèse de l’École des Chartes. Malheureusement son ouvrage n’a jamais été publié, le manuscrit en a disparu et nous n’en avons que les positions[14].

En fait, le premier cartulaire de Pontigny, à l’image de l’abbaye dont il forme le livre des biens, a été laissé dans l’ombre et fort peu utilisé.


  1. Cf. supra, p. 52-53.
  2. Bibl. nat., ms. latin 5465.
  3. En fait, les six dernières pages ne sont pas écrites.
  4. Inventaire sommaire des Archives départementales de l’Yonne, t. III, série H, p. 322.
  5. L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale, t. III, p.412.
  6. Voir la bibliographie.
  7. Bibliothèque d’Auxerre, manuscrit n° 158.
  8. Bibl. nat., ms. latin 9887.
  9. Cl. Et. Chaillou des Barres, Histoire de l’abbaye de Pontigny, Paris, 1844, 244 p.
  10. W. B. Henry, Histoire de l’abbaye de Pontigny, Auxerre, 1839.
  11. M. Quantin, Cartulaire général de l’Yonne, 3 vol. Auxerre, 1854-1860.
  12. Ex. : t. III, p. 31, n° 66.
  13. Ex. : t.III,p. 16, n° 33.
  14. A. Courtet, Étude historique sur l’abbaye de Pontigny, suivie d’un essai sur la formation du temporel, dans École nationale des Chartes. Positions des thèses. Promotion 1920, p. 4-18.