Le Pædagogium, revue mensuelle paraissant à Vienne (Autriche)

Revue pédagogique2, second semestre 1878 (p. 566-568).

Le Pædagogium, revue mensuelle paraissant à Vienne (Autriche). — Un écrivain bien connu du monde pédasogique, M. le Dr Friedrich Dittes, de Vienne, le disciple et le continualeur de Diesterweg[1], vient d’entreprendre la publication d’une revue mensuelle qui paraît à Leipzig et à Vienne sous le titre de Paedagogium, Monatsschrift für Erziechung und Unterricht. Il s’est assuré la collaboration d’un certain nombre de pédagogues distingués de divers pays, et dans un article qui sert d’introduction au premier numéro de la nouvelle revue, il en trace le programme en ces termes :

« Notre conviction, c’est que la seule voie qui puisse conduire l’humanité à un bonheur réel et durable, c’est la voie longue et ardue de l’éducation, mais d’une éducation qui s’étende sans exception à toutes les classes de la population, etqui, en donnant à chaque individu les moyens de se faire une existence vraiment digne d’un homme, imprime en même temps dans tous Les cœurs les devoirs envers le prochain et la société. Lorsqu’on veut restreindre le programme éducatif en vue d’une sphère d’intérêts spéciaux, on aboutit infailliblement à l’égoïsme, aux inimitiés et à la ruine ; aussi ne voulons-nous pas travailler au profit d’une classe, d’un parti, d’une secte, d’une nation, mais pour le bien général de l’humanité : notre point de vue est cosmopolite, international : c’est le point de vue humain. Nous souhaitons trouver des collaborateurs pour notre entreprise au sein de tous les peuples civilisés : ce qui est la cause commune de l’humanité doit être étudié, discuté et défendu en commun. Nous soumettrons à un examen approfondi les systèmes d’éducation de toutes les nations contemporaines, tant pour en signaler les défauts que pour en montrer les avantages, et préparer la voie aux réformes désirables. Ainsi, les efforts des différents peuples se trouveront rapprochés et dirigés vers un but commun ; tous auront à s’enseigner mutuellement quelque chose, tous s’offriront des exemples et des conseils. »

Ce premier numéro contient le commencement d’une étude historique sur l’enseignement primaire en Allemagne et en Suisse, par M. Morf, directeur de l’École normale de Winterthur ; un article philosophique intitulé : La morale est-elle ennuyeuse ? par M. Adolphe Horwiez, de Magdebourg ; un premier article sur l’Exposition universelle de 1878 au point de vue scolaire, par M. Eugène Scherdlin, professeur à l’École polytechnique et au lycée Charlemagne à Paris, et le compte rendu du neuvième Congrès des instituteurs allemands aux États-Unis, par M. le Dr Adolphe Douai, de Newark.

Nous remarquons, dans quelques notes de M. Dittes qui terminent cette première livraison du Paedagogium, une réponse à certains gallophobes d’outre-Rhin qui voudraient proscrire la langue française, ou du moins en restreindre considérablement l’enseignement dans les écoles d’Allemagne. L’un d’eux, M. Vieweger, a écrit, tout d’une haleine, une interminable phrase de dix-sept lignes, dans laquelle il fulmine contre cet idiôme subversif « dont l’influence a empoisonné et empoisonne encore la littérature et la nation allemandes ». M. Vieweger du moins — son style en témoigne — a su échapper à la contagion ; nulle élégance étrangère n’atténue la barbarie native de sa formidable syntaxe. M. Dittes raille doucement le fanatisme par trop teuton de ces puritains, déjà sifflés par Heine, qui affirment que « l’étude de la langue française souille le cœur de la jeunesse », et les rappelle au bon sens et à la charité.

Nous souhaitons à la revue de M. Dittes le succès qu’elle mérite. Puisse-t-elle devenir un nouveau lien entre les esprits dégagés de préjugés, qui saluent le bien et la vérité de quelque part qu’ils viennent, et qui souhaitent de voir l’éducation des jeunes générations dirigée dans le sens de l’apaisement des haines nationales et du progrès de la civilisation.


  1. M. Dittes, après avoir rempli les fonctions de conseiller scolaire (Schulrath) à Gotha, est actuellement directeur du Pædagogium ou École normale de Vienne.