Librairie Fischbacher (p. 47-56).

Chapitre VI

La Visite des petits Cousins.

Un jour, une voiture arrive devant la grille du jardin.

Il y a une dame et deux enfants dans cette voiture.

« Maman, » dit Jeanne, « je crois que c’est tante Hélène avec Louis et Gabrielle. »

— « Tu as raison, » répond Maman. Courons vite au-devant d’eux. »

Les enfants aiment beaucoup tante Hélène : elle est bien bonne.

Je suis fâchée d’être obligée de vous dire que Louis et Gabrielle, les deux petits cousins, ne sont pas très gentils.

Ils sont gâtés, et les enfants gâtés sont toujours désagréables.

Maman et les enfants embrassent tante Hélène et les petits cousins.

Tante Hélène dit qu’elle passera tout l’après-midi au Nid, et Maman et les enfants en sont bien contents.

Tante Hélène rentre dans la maison avec Maman, mais elle demande si Louis et Gabrielle peuvent rester dans le jardin avec leurs cousins.

Maman dit :

« Oui, certainement. Enfants, menez Louis et Gabrielle voir les poules et Black et Carabi. »

Les petits cousins sont un peu timides d’abord.

Ils n’osent pas parler.

Louis a huit ans, et Gabrielle en a cinq et demi.

« Voulez-vous voir mes petits poulets ? » dit Jeanne.

Les cousins veulent bien, et Jeanne les mène au poulailler.

Gabrielle trouve que les poulets sont très gentils ; mais Louis fait : « Sch ! sch ! » pour leur faire peur. La pauvre Grisette, qui est très inquiète, fait :

« Glouck ! glouck ! » et tous les petits poulets se cachent sous ses ailes.

« Tu es méchant, Louis ! » dit Jeanne.

Mais Louis rit.

« Voilà Black, » dit Jean ; « Black ! viens ici. »

Black obéit tout de suite, et saute sur Jean pour lui lécher les mains.

« Quel vilain chien ! » dit Louis.

— « Il n’est pas vilain, il est très gentil, » dit Jean, d’un ton fâché.

— « Qui est Carabi ? » demande Gabrielle à Jeanne : « ta Maman a dit que nous verrions Carabi. »

— « Carabi, c’est notre cheval. Il est dans l’écurie. »

Les enfants vont voir Carabi.

Louis et Gabrielle trouvent que Carabi est un beau cheval.

« Voulez-vous jouer à cache-cache dans le jardin ? » demande Jeanne.

Tout le monde veut bien ; Jean compte : « Une poule sur un mur… » pour savoir qui doit chercher les autres.

C’est Pierrot.

Il se met derrière un arbre et ferme bien les yeux pour ne pas voir où les autres enfants se cachent.

Il compte jusqu’à cinquante ; puis il ouvre les yeux et regarde tout autour de lui.

Il marche doucement pour qu’on ne l’entende pas et cherche partout.

« Voilà Gabrielle ! » s’écrie-t-il, et il court si vite qu’il attrape sa petite cousine.

Il trouve bientôt tous les autres. Il attrape Louisette, mais il ne peut attraper ni Jean, ni Jeanne, ni Louis.

C’est au tour de Gabrielle de chercher, puisqu’elle a été prise la première.

Gabrielle se place derrière le même arbre que Pierrot, et fait semblant de fermer les yeux ; mais elle ne les ferme pas vraiment, et elle voit où les autres enfants se cachent, ce qui est très mal.

Quand les enfants sont fatigués de ce jeu, ils se promènent dans le jardin.

« Jean, » dit Louis, « vois-tu ce moineau sur le toit de l’écurie ? Je vais lui jeter une pierre, et je parie que je l’attraperai. »

— « Oh ! non, Louis ! Il ne faut pas faire cela ! » s’écrient tous les enfants.

— « Pourquoi pas ? »

— « Parce que cela fera mal au pauvre petit moineau ; » dit Louisette.

— « Que tu es sotte ! » dit en riant le méchant Louis.

Il jette la pierre.

Il n’est pas aussi habile qu’il le croit. La pierre n’a pas touché le moineau qui s’envole ; mais elle est allée tout droit à la fenêtre de la chambre de Victor, et a cassé une vitre.

« Qui est-ce qui jette des pierres ? » dit une voix tout près des enfants.

C’est Nounou qui arrive avec bébé Paul, et qui a entendu la vitre se casser.

« Ce n’est pas moi, Nounou ! » disent tous les enfants.

Et Louis dit aussi :

« Ce n’est pas moi. »

Les enfants regardent Louis d’un air étonné.

Maman leur a souvent dit que c’est très vilain de mentir. Ils ne voudraient pas le faire, et ils sont très surpris d’entendre mentir leur cousin.

Pourtant ils ne disent pas que c’est Louis qui a jeté la pierre, parce qu’ils savent qu’on ne doit pas rapporter ce que d’autres ont fait de mal.

Nounou devine qui a jeté la pierre, mais elle n’en parle plus, et elle reste avec les enfants pour les surveiller.

On s’est approché de la grille du jardin pour regarder sur la route.

« Regarde, Nounou, » dit Pierrot, « ce pauvre homme qui porte un fagot sur son dos. »

Au moment où Pierrot dit cela, la corde qui retenait le fagot se casse, et voilà toutes les branches par terre.

Louis et Gabrielle se mettent à rire.

« Fi ! les vilains sans-cœur ! » dit Nounou.

Les autres enfants ne rient pas.

Ils disent :

« Oh ! le pauvre homme ! »

Puis ils ouvrent la grille et courent vers le pauvre homme pour lui aider à ramasser son bois.

Cet homme est très vieux, et il peut à peine se baisser.

Les enfants lui disent :

« Ne vous baissez pas, nous allons tout ramasser pour vous. »

Jean noue ensemble les deux bouts de la corde cassée, et Pierrot l’aide à attacher solidement le fagot.

Puis ils le remettent sur le dos du vieillard.

Le pauvre homme dit :

« Merci, merci, mes enfants. Vous êtes bien gentils, et le bon Dieu vous bénira. »

« Venez goûter maintenant, » dit Nounou : « Tante Hélène dit qu’il sera bientôt temps de partir, et il faut que vos cousins goûtent d’abord. »

— « Est-ce que c’est Julie qui a fait ces gâteaux ? » demande Jeanne. « Comme ils paraissent bons ! »

— « Oui, c’est Julie qui les a faits ; » répond Nounou : « Vous allez manger des tartines de confiture d’abord, et puis vous mangerez les gâteaux avec des fraises et de la crème. »

« Moi, je veux manger les gâteaux tout de suite ! » dit Louis.

— « Comme vous voudrez. Mais un petit garçon ne doit pas dire : je veux. Ce n’est pas gentil du tout. »

— « Donnez-moi de la crème, Nounou, » dit Gabrielle.

« On dit : s’il vous plaît quand on demande quelque chose ; » répond Nounou.

Gabrielle ne veut pas dire : s’il vous plaît ; mais comme Nounou ne lui donnera pas de crème si elle ne le dit pas, la petite fille finit par le dire, d’un ton maussade.

Les enfants sont très étonnés de voir leurs cousins se conduire si mal, et ils sont contents quand tante Hélène appelle Louis et Gabrielle et leur dit qu’il est temps de partir.

« Oh ! Maman ! » dit Jeanne, lorsque la tante et les cousins sont partis, « Louis et Gabrielle ne sont pas du tout gentils : je ne les aime pas. »

— « Je ne les aime pas non plus, » dit Jean.

— « Ni moi, » dit Pierrot.

— « Ni moi, » dit Louisette.

Mais Maman dit :

« Il ne faut pas dire cela. Ce n’est pas de la faute de vos cousins s’ils sont mal élevés. Vous savez que tante Hélène a été malade bien longtemps. Elle ne pouvait pas s’occuper d’eux. Vous, vous avez une Maman qui est toujours avec vous pour vous dire ce qui est bien et ce qui est mal. Vos petits cousins ont toujours été avec leur bonne, qui les gâtait et ne leur disait jamais ce qu’ils devaient faire et ce qu’ils ne devaient pas faire. Vous voyez donc qu’ils sont plus à plaindre qu’à blâmer. »