Le Livre pour toi/Je t’aime

Le Livre pour toiE. Sansot et Cie. (p. 3-4).



I


Je t’aime

Personne ne m’a appris ce mot. Je l’ai senti venir des profondeurs de ma chair, monter de mon sang à mes lèvres et s’envoler vers ta jeunesse et la force féconde qui est en toi.

Je l’ai entendu sortir de ta bouche avec ivresse.

C’est un oiseau doré qui s’est posé sur mes yeux, si doucement d’abord, et puis si lourdement que tout mon être en a chancelé.

Et je me suis abattue dans tes bras, tes grands bras où je me sens fragile et protégée.

La parole qui promet et qui livre, la parole sacrée jaillie de notre vie ardente, planait sur nos têtes dans un clair rayon. Sylvius, te souviens-tu ?

Alors, j’ai vu passer l’Heure, l’Heure unique qui nous souriait et levait dans ses mains un caillou blanc.

Sur sa tunique, une à une, lentement les roses de son front s’effeuillaient.

J’ai vu cela à travers mes paupières fermées, la joue appuyée contre ton cœur qui marque des secondes éblouissantes, comme un balancier de rubis.