Le Livre des sonnets/Ce iourd’huy du Soleil la chaleur alteree
Sonnet
Ce iourd’huy dit Soleil la chaleur alterce
A iauny le long poil de la belle Ceres,
Ores il ſe retire, & nous gaignons le frais,
Ma Marguerite & moy, de la douce ſerce.
Nous traçons dans les bois quelque voye eſgaree,
Amour marche deuant, & nous marchons apres :
Si le vert ne nous plaiſt des eſpeſſes foreſts,
Nous deſcendons pour voir la couleur de la prie.
Nous viuons francs d’eſmoy, & n’auons point ſoucy
Des Roys, ny de la Cour, ne des villes auſſi.
O Medoc mon pais ſolitaire & ſauuage,
Il n’eſt point de pais plus plaiſant à mes yeux :
Tu es au bout dit monde, & ie t’en aime mieux,
Nous ſçauons apres tous les malheurs de noſtre aage.
Étienne de la Boétie.