Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre G

Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 175-195).
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GABOUILLE, s. f. — Crotte liquide, eau fangeuse. Sors pas, ma coque, y a fait relême, y a de la gabouille qu’on a beau avoir de grollons neufs, ça humide les clapotons. — Subst. verbal de gabouiller.

GABOUILLER, v. a. — Remuer de l’eau, avec sens péjoratif, par exemple de l’eau sale. Ce salaud de Pétrus, tout son plési c’est de gabouiller dans le ruisseau. — D’un radical bol, qui, en germ. et en celt. signifie mare, plus le préfixe péjoratif ga et le suffixe ouiller, propre aux mots exprimant le rejaillissement de l’eau (comp. benouiller, gassouiller), et qui s’est ici confondu avec le thème.

GÂCHIS, s. m. — « Il y a du gâchis ; dites brouillamini, désordre, » ajoute Molard. Comme cela lui arrive souvent, il veut corriger l’Académie : « Il se dit, figurément et familièrement, de quelque affaire désagréable, dont il est difficile de se tirer. » (Dict. de l’Académie.)

GADIN, s. m. — Caillou. Fais-me don passer ce gadin ! — Il m’est impossible de savoir d’où vient ce mot qui n’a de congénère dans aucun dialecte. En argot gadin signifie bouchon. Le mot lyonnais (que je ne crois pas ancien) est-il le même avec déviation du sens ?

GADROUILLER, v. à. — Le même que gabouiller, avec sens plus péjoratif. Il se dit d’une eau plus sale. — Le thème primitif est peut-être gadoue, car on trouve dans divers patois (entre autres dans le lyonn.) la forme gadouiller ou son équivalent.

Les marins ont vadrouille, torchon au bout d’un manche, et qui, trempé d’eau, sert à nettoyer le pont.

GADRUE, s. f. — Prostituée du trottoir. Terme bas. — Je croyais ce mot emprunté à l’argot, mais je ne j’ai rencontré dans aucun dictionn. d’argot. Quelques formes dialectales peuvent faire songer à l’étymologie gadoue.

GAFFE, s. f. — Acte de sottise, maladresse. Figure-toi que j’ai fait une gaffe. On dansait à la Préfecture. J’ai dit à un mecieu à côté de moi : « Connaissez-vous cette grande fantôme de femme, qui danse en se dégôgnant ? » — « C’est ma femme, » qui m’a dit. — Moi, pas bête, j’ai raccommodé les épinards. J’y ai dit : « C’est pas celle-là que je voulais dire : c’est l’autre, la petite. » — Subst. verbal de gaffe.

À la gaffe du mortier, terme de maçonnerie. Se dit d’une pierre posée à bain de mortier : il faut que la pierre « gaffe » dans le mortier, par conséquent qu’on n’économise pas celui-ci.

GAFFER, v. a. — Patauger dans un liquide en le faisant rejaillir. J’ai gaffé dans la bassouille, qu’i m’en a jiclé dans les chelus. — Le provençal ayant gafa, passer à gué, le mot peut venir de vadum, mais l’insertion de f est assez difficile à expliquer. Serait-elle due à l’influence de gaffe, parce que, pour passer à gué, on sonde l’eau avec une gaffe ?

GAFFOUILLER, v. n. — Même sens que gabouiller. — De gaffer, avec un suffixe ouiller, exprimant le rejaillissement de l’eau.

GAGA, s. m. — Sobriquet donné aux gens de Saint-Étienne. Onomatopée destinée à exprimer le balbutiement ; d’où le nom de gaga, aussi donné aux crétins.

GAGAILLE, s. f., parlant par respect. — Flux de ventre. Avoir la gagaille, Avoir perdu sa clef. — Corruption de cacaille, moins commode au prononcer.

GAGE, s. m. — Le gage d’une bonne. Il paraît que gage, en ce sens, ne doit prendre que le pluriel. Que la crique me croque si j’en savais rien !

GAGES, s. m. pl. — Revendeur de gages, Marchand de meubles de rencontre. Pourtant des revendeurs de gages fournissent aussi des meubles neufs. Autrefois, ces marchands étaient tous au Puitspelu ou en rue du Bœuf. Puis il s’en est établi cours Bourbon, aux Brotteaux. — De ce qu’à l’origine le fond de ces magasins se composait principalement d’objets remis en gage contre des prêts d’argent, et vendus par suite de non-remboursement. Ce nom de gages s’est étendu dans la Basse Auvergne au sens général de meubles, objets mobiliers et même de troupeaux. M. Malval cite le piémontais gagi, même sens, mais Ponza ne le donne qu’au sens de « pegno, testimonianza ».

GAGNER. — Gagner à son avantage. On veut proscrire cette charmante expression de bienveillance, sous le prétexte qu’on ne peut gagner à son désavantage.

Gagner sa vie à reculons. C’est ce que font les cordiers.

Gagner son avoine, son foin. Métaphores élégantes pour « gagner sa vie ».

GAI, adj. — Se dit de tout objet trop lâche et qui vacille dans son alvéole. Un péne trop gai, Une clef trop gaie, Un piston un peu gai. Par métonymie, Un chapeau trop gai, Un chapeau trop large, et mille autres objets dans tous les genres. C’est une assez singulière dérivation de sens du franç. gai sous l’idée de « remuant », mais qui a son analogie dans la locution : « cette clef, ce piston jouent bien. » Si l’on joue, c’est qu’on est gai, croyablement.

Gai comme la porte de Roanne. Se dit d’un visage de jugement dernier. On sait que l’architecte Bugniet avait donné un caractère féroce à la porte de la prison de Roanne, au lieu où s’élève maintenant le Palais de Justice.

GAILLOT, s. m. — Flaque d’eau généralement malpropre. Les ordonnances du consulat obligeaient les Lyonnais à porter leurs équevilles dans un grand fossé appelé le Grand Gaillot.

De gaillot en gaillot j’ai gaffé jusqu’à toi !

a dit notre grand Hugo.

Parlant par respect, L’âne va toujours pisser au gaillot. Manière de dire que l’argent va toujours aux riches.

Ce mot parait avoir pour base une onomatopée gail, exprimant le rejaillissement de l’eau. Cependant on trouve en celtique kail, boue.

GALAN, s. m. — Ficelle bien tordue que l’on serre fortement autour d’une fiarde, et qu’on déroule en lançant celle-ci. — Vraisemblablement forme de galon.

GALANDAGE, GARANDAGE, s. m., terme lyonn., dit Humbert. — Cloison en briques sur chant. Proscrit naturellement par Humbert, Molard, Bonhote, mais Littré a recueilli l’orphelin. L’origine est garlande, guirlande, couronnement ; d’où gallander, couronner un mur de hourds ; gallendeis, hourds ; puis cloison. Dire qu’une guirlande est devenue un briquetage ! Il est vrai qu’un briquetage est devenu un faux-col.

GALAPIAN, s. m. — Vaurien, vagabond. T’as vu sur le journal ce galapian qu’a escoffié une femme ? — Partic. présent du gascon galapia, boire en avalant, manger sans mâcher, d’un radical galp (voy. galavard).

GALAVARD, s. m. — Vaurien, fainéant, vagabond. S’emploie surtout avec l’adjectif grand. Il est venu un grand galavard allonger la demi-aune. — D’un radical galp, galav, galaf, qui a produit dans les dialectes romans une quantité de mots où se retrouve la signification de glouton.

GALE. — Mame Picornu, est-ce une bonne femme ? — Elle ! elle est méchante comme la gale ! D’après tout ce que j’entends dire, la gale, c’est très méchant.

GALEFRETIER, s. m. — Gueux, vagabond, chenapan, truand. Cochard donne le mot mais non Molard. Il est probable que l’expression s’était déjà perdue, quoiqu’elle fût usitée au xviiie siècle. D’un radical galaf (voy. galavard), mais le mot a été confondu avec un composé de gale et frotter. — De là le vieux franç. galefrotier où l’on a vu l’idée d’un gueux qui frotte ses gales.

GALÈRE, s. f. — 1. Instrument servant à frotter les parquets et composé d’une brosse à cirer, chargée d’une grosse pierre cubique, le tout muni d’un long manche incliné. On peut ainsi frotter les parquets en ne travaillant que des bras.

2. Instrument de même genre qui sert à lisser les mosaïques. — De galère, parce qu’on a comparé ce travail à celui du galérien qui rame.

GALETTE, s. f. — Chapeau de forme aplatie. Ma coque, que me conseilles-tu de m’acheter pour c’t été ? Un bugne ou une galette ?

Galette à la rosée (parlant par respect), Bouse de vache.

GALIOT, s. m. — Galérien. Mot tombé en désuétude, mais encore usité il y a soixante ans. — C’est le vieux franç. galiot, celui qui montait une galée (galère).

GALOCHE (LA). — C’est le nom qu’on a donné au petit chemin de fer qui relie la gare de la Croix-Rousse à Trévoux, à cause de ses habitudes de simplicité rustique. Le nom s’est étendu à toute voiture qui ne va pas vite. J’ai pris l’autre jour le caloripert de Perrache. Quelle galoche !

GALOP. — Recevoir (ou donner) un galop, Recevoir une chasse, un savon, un ratichon, etc.

GALOPE, s. f. — Faire une chose à la galope, La dépêcher sans y porter grande attention. Un négocient soigneux, un peintre habile, un mari attaché à son devoir, ne font jamais rien à la galope. — Subst. verbal de galoper.

GALOPE-CHOPINE, s. m. — Se dit d’un homme qui aime à tirer des bordées et, failliblement, à faire escale dans les bouchons. Comme l’idée n’est pas de galoper une chopine, mais de « galoper (le pays en buvant) chopine », l’expression contient une forte ellipse.

C’était le nom reçu, presque officiel, des hommes s’offrant pour des courses ou un travail d’occasion. On le trouve dans les délibérations consulaires, dans les règlements des foires. Le sens du mot était : homme prêt à galoper pour gagner une chopine (M. D.).

GALOPER, v. a. — Faire une chose à la galope. M. le curé a galopé son sermon.

GAMBE, adj. des 2 g. — Qui marche difficilement. C’est le contraire d’ingambe. — Mlle Canard serait agriffante : dommage qu’elle soye toute gambe. — Adj. verbal d’un inusité gamber, qui est le simple de gambiller.

GAMBILLE, adj. des 2 g. — Boiteux, euse. Substantif verbal de gambiller.

GAMBILLER, v. n. — Boiter, clocher. Père Clopinet, qu’avez-vous don à gambiller comme ça ? — Je m’ai fait une forçure à la planche du pied, en descendant du tramevet. On dit aussi : Gambiller comme un canard aux navets. Gambiller comme un canard, c’est déjà fortement gambiller, jugez un peu voire si le canard est aux navets ! — De gamba, jambe, avec le suffixe fréquentatif et péjoralif iller.

GAMBILLOTER, GAMBIOTTER, v. n. — Boiter légèrement. Fréquentatif du fréquentatif gambiller.

GAMBIROT, OTTE, s. — Boiteux, euse. — De gamba, jambe, et ruptum, rompu.

GANACHE, s. f. — Apéritif composé d’eau de noix et d’arquebuse mêlées. — Impossible de discerner l’étymologie, sinon peut-être dans l’idée que ceux qui prennent des ganaches en sont.

On dit aussi, en parlant d’un magnifique repas : C’est les noces de Ganache.

Ganache, après charogne, est le plus cordial qualificatif dont on puisse saluer un vrai ami. — Te v’là, charogne ? — Comment, c’est toi, ganache ? (P. B.)

GANACHER, v. n. — Agir ou parler en sot, en ganache. Te dis que te veux marier la Liaude, qu’a huit cents francs à la Caisse d’épargne ! Allons, ganache don pas !

GANDAYER, v. a. — Faire la conduite de Grenoble à coups de pierres. Par extension, Chasser en général. « Nous éprouvons encore un grand plaisi tramé de joie, c’est de voir gandayé de l’armana gregoirien ce saint Napolyon… » (Adresse à Taillerin-Patrigot.) L’ange exterminateur est venu, que les a bien fessés et les a gandayés du paradis tarrestre. (Les Canettes, de L.-E. Blanc.) — Du vieux franç. gandir, céder, se retirer. Le neutre a pris le sens actif, comme dans « tomber un homme », pour « le faire tomber ».

GANDILLE, s. f. — Coureuse, dévergondée. Grande gandille ! — Subst. verbal de gandiller, au vieux sens français.

GANDILLER, v. n. — Reculer, céder, saigner du nez. Il ne faut pas gandiller, Il ne faut pas chercher des échappatoires. — Vieux franç. gandiller, s’échapper, s’enfuir, fait sur gandir.

GANDIN, s. m. — Bourde, piège, tromperie qui consiste surtout à en faire accroire. Monter un gandin. Exemple : I n’ont monté un gandin à ce grand benoît de Jean-Marie : i z’y ont fait croire que Mlle Fessond, la fille du fabricant, le belette. — Se rattache au bas latin gamnum, gamnatura, raillerie.

GANDOISE, s. f. — Plaisanterie, raillerie. Pistonaud, i nous a dit qu’à Paris, quand il était soldat militaire, il avait visité l’intérieur de l’Eau bélisque, que faut pour ça une carte de Louis-Philippe. Je crois qu’i nous conte de gandoises.

Au fig. Plaisanterie un peu libre. Il n’est pas convenable de conter des gandoises aux apprentisses.

Forme de gandin, avec substitution à in du suffixe oise, d’ensis.

GANDOISER, v. n. — Dire des gandoises.

GANDOU, parlant par respect, s. m. — Vidangeur. Du temps de Molard on disait aussi gadois, mais cette dernière forme a disparu. — Probablement de gadois, par substitution à ois, de ou, suffixe des noms de métier. Gadois a été lui-même fait sur gadoue.

GANDOUSE, parlant par respect, s. f. — Colombine de personne. — C’est gadoue, transformé en gandouse, par la nasalisation de a, et la substitution du suffixe ouse à la finale oue, assez rare en français et qui, à l’ouïr, a semblé masculin.

GAPIAN, s. m. — Employé de l’octroi. Ne s’emploie pas dans un sens aimable. « Gn’y aura plus de gâpians que brâssiont les appas de nos femmes pour voir si gn’a de camelotte. » (Adresse à Louis-Felippe.) — Messieurs les Gapians, s’écriait l’abbé Combalot, dans un sermon à la retraite pastorale du diocèse de Gap, Messieurs les Gapians, vous êtes les douaniers du ciel ! On prétend que le mot n’eut aucun succès parmi le clergé du diocèse. — En relation avec gabelle. Le mot primitif a dû être gabian, qui existe encore en provençal.

GARANDAGE, s. m. — Voy. galandage, qui est la forme primitive.

GARAUDE, s. f. — Femme de mauvaise vie. Le primitif était garoude, qui existe encore dans nos campagnes, de garou : courir le garou, courir le guilledou. Garoude est devenu garaude, sous l’influence de garaudes, sorte de grandes guêtres, dont le nom a disparu avec l’usage de la chose.

GARÇON. — D’après les grands connaisseurs, vous ne devez pas dire : Le garçon de M. Petard est parti pour son sort, ni même le fils Petard, mais il faut dire M. Petard fils, ou, si vous le connaissez beaucoup, Petard fils. — Mais voulez-vous savoir la vie des garçons ?

La vie des garçons n’est agriâble :
Quand i n’ont cinq sous,
I mangent tout.
I vont aux Breteaux, à Villeurbanne,
I reviennent soûls,
Et voilà tout.

Cela se chante sur l’air : Allons aux Breteaux, ma mie Jeanne.

Il y a de quoi appeler son père garçon. Se dit lorsqu’il vous advient quelque chose de tout à fait extraordinaire.

Si c’était à recommencer, je ferais comme mon père, je resterais garçon ? Cri du cœur qui s’échappe souvent de la bouche des maris.

GARÇONNAILLE, s. f., terme fort dépréciant. — Fille à garçons.

GARDE.— Descendre la garde. Voy. descendre.

GARDE-C… (parlant par respect), s. m. — Nos grand’mères appelaient de ce nom je ne sais plus quel ajustement, tournure ou jupon. Mais ça, c’était du vrai et pur français, quoique aussi roide en son genre que le lyonnais.

GARDE-MANGER, s. m. — Mot bas. Frapper au garde-manger. Donner un coup de pied au derrière.

GARDE-ROBE, s. f. — Grande armoire de noyer où les ménagères serrent le linge. C’était la gloire des ménages. Notre garde-robe, en plein style Louis XV, avec des ferrures immenses, est grande comme une chambre. Quand une dame dit à son mari ! Ma coque, je vais à la garde-robe, gardez-vous de l’entendre dans le sens que les médecins attachent à l’expression.

GARDEUR. — Mieux vaut bon gardeur que bon gagneur. Manière de dire qu’il est encore plus difficile de garder sa fortune que de l’acquérir.

GARDIATEUR, s. m. — Les pousse-culs ont tout saisi chez Patafiaud. C’est lui qui a été nommé gardiateur. C’est notre expression constante pour « gardien des scellés ».

GARENNE, s. f. — En garenne, En désordre, à l’aventure. Je lisais un jour dans un grand journal de Lyon : « Ces monolithes, par leur disposition en garenne, sembleraient provenir d’un solide édifice effondré en cet endroit. » — Du français garenne, pris au sens de terrain vague, inculte, où rien n’est ordonné, arrangé.

GARGAGNOLE, s. f. — Gosier, gorge, Depuis ce matin, je me suis rien metu dans la gargagnole. — Fait sur une racine garg, qu’on prétend représenter gurges, et qui a produit le vieux franç. gargatte, gorge, Gargamelle, Gargantua, etc.

GARGALISER. — Gargariser.

GARGAMELLE, s. f. — Même sens que gargagnole, et fait sur la même racine.

GARGOT, s. m. — Restaurant de bas étage. C’est le masculin de gargote.

GARGOTER. — 1, v. a. Gargoter une sauce. L’abîmer, comme dans un gargot.

2, v. n. — Bouillir bruyamment. — D’une onomatopée garg.

GARGOUANE, s. m. — Gosier. J’ai la gargouane sèche comme une barquette ! — Oh ! - Quel Brindas ! on voudrait avoir la gargouane longue comme la rue Impériale.

GARGOUILLER, v. n. — Faire un bruit de liquide traversé par l’air. Le ventre me gargouille. — C’est signe que ça va débonder. Cette expression si pittoresque est proscrite par l’Académie (qui admet cependant « gargouillement, Bruit que fait l’eau dans l’intestin » ), mais le bon Littré a donné à gargouiller en ce sens une juste hospitalité.

GARNISON. — As-te vu comme le Tignasse, il a de cheveux ? Autant de bauches de truffes ! — Voui, mais y a de garnison de quoi défendre la ville et les forts !

GARROT, s. m. — 1. Gros bâton noueux. Quand j’ai vu arriver ce galapian avè son garrot, ça m’a fait veni le sanque tout rouge.

2. Jambe. Velà le Glaude que s’amène avè ses deux garrots que battent le briquet.

Il est assez vraisemblable que 2 est le primitif ; du celtique gar, jambe. Pour le passage au sens 1, comp. jarrets de fagots, morceaux de bois ronds et forts.

Il y avait dans les anciens métiers lyonnais des sergents-garrots, sorte d’estafiers qui accompagnaient les maîtres gardes dans leurs visites.

GASPARD. — C’était le nom d’un énorme rat légendaire qui était censé habiter la cave de l’Hôtel de Ville (voy. cave). Les mamans disaient à leurs petits : Attatends, si te n’es pas sage, les Romains viendront et i te mettront avè Gaspard !

GASSER, v. a. — Secouer, agiter, dans un récipient. Si vous faites faire un loch blanc à l’Hôpital, pour votre rhume (remède favori de ma bonne mère, prix 2 francs), vous aurez soin de bien le gasser avant de le boire. Mon maître d’apprentissage disait aussi qu’il ne faut pas se secouer après dîner, parce que ça fait gasser le manger dans le gigier. — De quassare. Siliqua quassante, dit Virgile.

GASSOUILLAT, s. m. — Bourbier. Trou rempli d’eau dans un chemin. — Dérivé de gassouille.

GASSOUILLE, s. f. — Boue liquide (voy. bassouille). — Vieux franç. gassouil, flaque d’eau sale.

GASSOUILLER, v. a. — Remuer de l’eau malpropre. Fait sur gassouille.

GASSOUILLON, s. m. — Laveur de vaisselle, mauvais restaurateur. On dit aussi gassouille pour gargote.

GASTRIQUE, s. f. — Gastrite. — Confusion de l’adjectif et du substantif. Mais aussi pourquoi aller chercher des mots savants que personne ne comprend, quand il est si simple de dire qu’on a l’estôme ou le gigier dépontelé !

GÂTE, adj. des 2 g. — Mange don pas ce melon, il est gâte. Voy. arrête.

GÂTEAU :

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Gâteau à l’eau. Voy. craquelin. Le nom vient de ce qu’on trempe la pâte dans l’eau bouillante au moment de la mettre au four.

GATILLER, v. a. — Chatouiller. M. Fenassu, je vas vous ficher un emplâtre ! D’abô j’aime pas qu’on me gatille ! — Du méridional catilha, de caticulare.

GATILLU, USE, adj. — Chatouilleux, euse, Mameselle Fanchette, vous êtes ben si tellement gatilluse !

GATTE, s. m. — Chat. Moins usité que miron, mais encore souvent en usage à la Croix-Rousse et à Vaise. Quand on demandait sa profession au célèbre Battu, de la Croix-Rousse, il répondait : Je porte les gattes à l’Académie (pour les faire émasculer). — De l’italien gatto. Expression certainement importée par l’immigration italienne au xve-xvie siècle.

GAUCHE. — Passer l’arme à gauche, Mourir. Quand le soldat passe l’arme à gauche, c’est qu’il n’est plus sous les armes.

GAUDE, s. f. — Graine de maïs. On connait le célèbre dicton de la Comté : Mon bon monsieu, voulès-vous des gaudes ? Nos cochons n’en voulont plus, ils aimont mieux la mar…De la soupe de gaude, De la soupe de maïs. — De l’allem. wau, anglais weld (reseda luteola), plante qui sert à teindre en jaune.

GAUGNE, s. f. — Joue, mâchoire. Avoir la gaugne en pantoufle. — Se dit lorsque, par suite d’un mal de dents, on a la joue enveloppée d’un mouchoir noué sur la tête. Mameselle Fanie, que don que vous avez, que vous avez la gagne en pantoufle ? — J’ai un marteau qu’est gâte, que ça me donne des lancées que me désôlent. — Vieux prov. gaunha, ouïe de poisson ; peut-être de cavum.

GAUNÉ, ÉE, adj. — Mal habillé, fagotté. Se joint souvent à mal. As-tu vu la Louison, comme elle était mal gaunée ! La racine gaun (qui n’est pas celle du vieux franç. gonne, robe) paraît venir du celtique.

GAVAGNE, s. f. — Grande corbeille d’osier. — De cavanea, de cava.

GAVIOLE. — Aller de gaviole, Marcher de travers par suite d’ivresse. J’allais de gaviole hier en rentrant, dit Guignol dans Ma porte d’allée, pièce de l’ancien répertoire. C’est une transformation fantaisiste de traviole. La syllabe ga, ici substituée à tra, a un caractère essentiellement péjoratif.

GAVION, s. m. — Gorge, estomac. Se bourrer le gavion. Ce mot, signalé encore par Cochard dans le premier tiers du siècle, est tombé en désuétude. — De gave, jabot des oiseaux, probablement de cavum. Gavion figure encore au Dict. de l’Acad. avec le sens de gosier.

GAVIOT, s. m. — Petit faisceau de sarments. — De cavellum, poignée, javelle. Comp. l’orléanais javelle, fagot de sarments.

GAVOT, s. m. — Terme péjoratif appliqué aux habitants des montagnes. C’est un gavot. C’est un rustre. Parler gavot, Parler un patois grossier. En 1534, il y eut chez nous une sécheresse terrible ! « On ne voyait soir et matin, dit Rubys, que ces pauvres gens de village, qui allaient criant en leur gavot : Sancta Maria, d’ai-guy, d’aiguy, d’aiguy ! » — Le mot gavot signifiait primitivement habitant du pays de Gap. Le sens est dérivé à gens des montagnes en général.

GAZETTE. — Lire la gazette. Se dit de quelqu’un qui ne mange pas tandis qu’un autre mange. C’est très pénible de lire la gazette quand on a grand’ faim, je l’ai éprouvé.

GAZON, s. m. — 1. Perruque composée seulement d’un toupet, telles que les portait Louis-Philippe. Il me souvient qu’étant petit gone, je m’étais fait une magnifique barbe de sapeur avec un vieux gazon du papa. Seulement que ça sentait « l’huile antique ».

2. Caton. C’est caton corrompu sous l’influence de gazon.

GAZONNER, v. n. — Se mettre en gazon. Ma semouille qu’a gazonné.

GEAI. — Fromage de geai. C’est comme cela que nous appelons le fromage de Gex. Songez qu’après tout, si les geais avaient du lait, on en pourrait faire des fromages. Nous sommes donc excusables de nous tromper. À la maison, quand une nouvelle bonne apportait un fromage de chèvre d’un goût fort, on ne manquait jamais de la gronder en lui disant qu’elle aurait dû connaître que c’était du fromage de bouc. Et là-dessus, elle allait donner son ratichon à ln marchande.

GÉANE. — « Dite géante. » (Molard.) — Une grande quantité d’expressions signalées par Molard ont disparu. Cela importe peu quand il s’agit de simples estropiements de mots, mais s’agit-il de vieux vocables, c’est fort à regretter. Géane ne serait plus possible depuis que tout le monde sait lire les affiches des vogues, et, en tout cas, je ne l’ai jamais entendu,

Ne s’emploie plus aujourd’hui. Mais nous disons toujours une Bressande.

GEL, s. m. — Gelée. Le gel a rôti la vigne. — Subst. verbal de geler, bien préférable au mot formé sur le participe.

Geler de froid. On ne veut pas que cela se dise. Et de quoi voulez-vous qu’on gèle, bonnes gens !

GENDARME, s. m. — Hareng saur. Chez Casati beaucoup de gens demandent un gendarme avec la salade. — Non, comme on pourrait le croire, de la vulgaire plaisanterie sur l’odeur des bottes de gendarmes, mais de la forme du chapeau, dans laquelle on a vu quelque analogie avec celle d’un hareng.

Gendarmes, Chanes du vin. Voy. chanes. — Sans doute à cause des buffleteries blanches.

Un grand gendarme de femme. Quand je me figure la Mathilde de Dante cueillant des fleurs dans le Paradis terrestre, je n’ai pas la vision d’un grand gendarme de femme.

GENDRE. — Entrer gendre. Se dit d’un gendre qui, en se mariant, vient faire vie commune avec ses beaux-parents. C’est des fois économique, mais c’est rarement canant.

Chanson lyonnaise :

Le père, le fils et le gendre
Sont trois jean-f… ensemble.

Je n’ai jamais su que ces deux vers de cette chanson, mais ils sont très beaux.

GENDRESSE, s. f. — Belle-fille. L’expression ma bru est inconnue. On croirait que c’est un euphémisme pour dire ma brute. — Gendresse est de l’ancien français.

GÊNE, s. m. — Marc de raisin qui a été pressé. De mon temps, on n’avait point le biais de mêler de la castonnade au gêne pour faire du faux vin, qu’on vend comme le vrai. On en faisait pur t’et simplement de la buvande. — Subst. verbal de gehenner, gener, primitivement torturer, puis presser, serrer. « Et plus que ses voisins, — Dans son pressoüer gennera de raisins, » dit le bon Ronsard.

GÉNÉRALE. — Battre la générale, Détrancaner, divaguer.

GÊNES. — Être dans l’État de Gênes, Habiter l’État de Gênes. Mauvais calembours usités pour dire de quelqu’un qu’il n’est pas millionnaire.

GENEVOIS. — Prov. Genevois, quand je te vois, rien je ne vois. Cela ne me paraît avoir été inventé que pour la richesse de la rime.

Si te vois un Genevois que saute par la fenêtre, saute après lui, y a de l’argent à gagner. Ceci est près de la vérité. Les Genevois passent avec raison pour actifs et très industrieux. Pourtant, mon arrière-grand-père maternel, Pierre-Aymé Durafor, était Genevois, et je ne me suis jamais aperçu que j’en fusse plus industrieux.

Un Genevois vaut quatre Juifs. Manière d’indiquer combien ils sont forts en affaires, puisqu’un Israélite est déjà très fort.

GÊNOISE, s. f. — Corniche faite de plusieurs rangs de tuiles maçonnées, en saillie les uns sur les autres. Je n’ai pas remarqué à Gênes de corniche de ce genre.

GENOU. — Ce couteau coupe comme le genou de ma grand’, … comme le mollet de ma grand’. — L’antithèse serait plus marquée si l’on disait comme le genou d’une grosse dondon.

GENTIL, ILLE, adj. — L’Académie dit : « Joli, agréable, gracieux. » Le peuple lyonnais apprécie tellement les qualités travailleuses qu’il dit : Gentil, « Laborieux ». Être laborieux, pour nous, c’est tout ce qu’il y a de plus « agréable » et de plus « gracieux ». Qu’elle est gentille, cette Parnon ! toujours à passer sa navette avant cinq heures. — Cependant, s’il s’agit de petits enfants qui, par nature, ne peuvent développer les qualités laborieuses, nous employons l’acception ordinaire. C’est ainsi que nous disons : Gentil comme cinq sous ; Gentil comme un petit écu. C’est l’éloge que me donnait ma mère quand j’étais bien sage.

Nous avions une bonne qui répétait tout ce qu’elle entendait en l’estropiant. Or, une amie de ma mère avait eu un enfant splendide. La bonne l’alla voir. Quand elle revint : Eh bien, Marie, dit ma mère, comment avez-vous trouvé le petit de Mme D… ? — Oh, Madame, il est gentil comme un petit c… !

J’entendais un jour deux mariniers (c’est le corps d’état qui a le mieux conservé l’ancien parler lyonnais) : Et lo pitit Piarre ? — Oh, il est gentil, ce pitit, est-i gentil ! I n’a que cinq ans ; ça dit bogre à sa môre comme un homme ! — Sa-t-y prayi Diu ! — Oh, l’est incore trop juéne !

Le sens propre de ce mot n’est pas joli, agréable. Un gentilhomme n’est pas joli homme, mais un homme de race, gentilis, de gens, race. L’emploi que les Lyonnais font de gentil est conforme au sens primitif et mériterait d’être conservé.

GEORGET, s. m. — Habitant du quartier Saint-Georges.

GERLE, s. f. — Cuvier pour la lessive. — De gerula, déjà employé par les Latins, avec le sens de ce qui contient les liquides : cornua potuum gerula.

GERLOT, JARLOT, s. m. — Petit baquet, petite seille. On se sert du jarlot pour vendanger, pour prendre des bains de pied. Au fig. Chaire à prêcher. Quand le capucin, avè sa grand’barbe, est monté dans le jarlot, on aurait entendu peter une mouche.

GIBECIÈRES, s. f. pl. — Se dit quelquefois de certains appas dont la fermeté laisse à désirer.

GIFLARD, ARDE, s. — Qui a de grosses joues. As-te vu au thiâtre ce gros giflard que n’a point de nez, que les dames n’osiont pas le regarder ? — À cause ? — À cause qu’elles trouviont que c’était indecent.Giflard ne représente nullement l’idée de visage à gifles. Il vient de gifle, joue en vieux français.

GIFLE, s. f. — Il ne figurait pas encore au dictionnaire de l’Académie en 1798. Aussi Molard le proscrivait. Le fait est qu’il n’est pas encore usité dans les oraisons funèbres.

GIGAUDER, v. n. — 1. Folâtrer, s’amuser, se réjouir en dansant.

2. Gigoter. Mame Potanet n’a fait un mami si tellement vigoret, que ne fait que gigauder comme un veson dans du fromage de geai. — Je crois que c’est gigoter, transformé sous l’influence de gaudir.

GIGIER, s. m. — Gésier, estomac, et par extension, poitrine, gorge. J’ai le gigier bien plein, dira-t-on au sortir d’un grand diner. Se déponteler le gigier, Se déponteler l’estomac (voy. déponteler). Couleur gigier de pigeon, Couleur gorge de pigeon. — C’est du pur latin : gigerium.

GIGOT (prononcez o très bref). — Gigot de mouton est proscrit par Humbert, qui y voit un pléonasme. Cependant outre qu’il y a des gigots de faye, le mot s’entend de diverses manières. Ma Lucia, si vous voyez ces gigots qu’elle te vous a ! disait la bonne mère Rousselard (façon d’encourager les jeunes gens à demander sa fille en mariage). Et de ses deux mains elle figurait une colonne grosse comme celles du Palais de Justice (historique).

Gigot à la cloche. Voy. cloche.

GIGUE, s. f. — Jambe. S’emploie volontiers avec grand. Tire don tes grandes giques !

Une gigue de mouton, Un gigot. Se dit plus volotiers d’un gigot long et maigre.

GIN, particule négative. — Vieux mot patois qui s’est conservé dans quelques phrases toutes fait. Joset, boudeur, qu’est mollasse de nature : P’pa, je veux de gratons.Le p’pa : Avance ton assiette.Joset, boudeur, qui ne veut pas prendre cette peine : N’en vole gin. — De genus. Comp. res = rien.

GINGIVE, s. f. — Gencive. J’ai une gingive qu’est enfle. — Vieux franç. « Les gengives lui étoient enflées et pourries », dit Montaigne du philosophe Cléanthe. — latin gengiva.

GINGUER, v. n. — Donner des coups de pied avec vivacité, ruer. La bonne mère, en train de fesser le Jean-Louis : Veux-tu pas tant ginguer, ou je recommence !

Par extension, se dit d’une muraille qui tombe, ainsi qu’il appert du langage suivant, qui n’est pas à la plus grande gloire des goujats : Goujat, porta de mortia, la muraille va gingua ! — Quelle gingue, qu’elle crève, m’en vas dina ! Fait sur gigue.

GINGUET, ETTE, s. — 1. Méchant vin. Je suppose de ce qu’il fait ginguer en le buvant. Comp. du vin à faire danser les chèvres.

2. adj. — Un habit ginguet, Un habit étriqué, en étoffe mince. — Extension du sens 1.

GIRARDE, s. f. — Julienne (hesperis matronalis). — De gyrata, qui est de forme ronde. Comparez girande, girandole, et le prov. girarda, girada, gâteau de forme ronde.

GIRON, s. m., terme de construction. — Le giron d’une marche. C’est la mouture formant saillie au devant de la marche, et qui augmente ainsi la foulée pour poser le pied. — Dérivation de sens de giron, foulée de la marche, qui est le sens français et dont le nom est tiré de quelque analogie avec giron, figure du blason.

GIVORDIN. — Givordin, grand, gros el pas fin.

GLACE. — Il a passé devant la glace. S’applique à celui de deux concurrents convoitant le même objet, une femme, une place, etc., qui passe dans œuvre tandis que l’autre succède. Celui-ci a eu la réalité, l’autre l’image : il a passé devant la glace. Cette façon de parler est particulièrement usitée à Vaise.

GLAUDE, GLAUDINE. — Bonne prononciation de Claude, Claudine.

GLISSIÈRE, s. f. — 1. Chemin fait sur la glace par les glissades des gones.

2. Le jeu des gones lui-même.

GLOIRE. — Partir pour la gloire, S’enivrer. L’expression est admirable.

T’as changé de chemise, c’est pas de gloire ! Pour dire : « ce n’est pas de luxe, elle était assez sale ! » — C’est le vieux sens de gloire pour vaine gloire, qu’on retrouve dans le vers de la Fontaine : « Il fait bon battre un glorieux. »

GLOMBE, s. f. — Gobille. Aujourd’hui les gones, pour faire les instruits, ne se sont-ils pas mis à dire bille ! Ô Seigneur ! — D’un latin populaire globa (simple de globulla) avec nasalisation de o.

GLORIETTE, s. f. — Petite cadolle à côté du four, et où les boulangers remisent, je crois, leurs farines. Quand Bonnefond était à Saint-Pierre, comme on le trouvait un peu glorieux de ses succès, et qu’il était fils de boulanger, ses camarades lui avaient donné le sobriquet de La Gloriette. Nos boulangers et nos pâtissiers ont trouvé le mot trop humble. Ils appellent cela maintenant leur laboratoire (!).

Mon vieil ami Vingtrinier m’écrit qu’on appelle de ce nom les guinguettes de nos environs. Je n’ai jamais entendu le mot dans cette acception, et parmi nos amis personne ne l’a entendu davantage. Mais je ne doute pas que Vingtrinier n’ait raison ; seulement le mot a dû vieillir. Les Espagnols appellent glorieta un cabinet de jardin ; et d’après le Dict. de Trévoux, en Hollande, on appelle gloriette un pavillon à la campagne. Encore aujourd’hui dans les Vosges et dans la Lorraine, il n’y a pas d’autre nom que gloriette pour une tonnelle. D’une tonne dans un jardin, l’idée a dû facilement s’étendre à une guinguette où l’on dine en plein air sous une tonne. La rue des Gloriettes, où a vécu notre cher Soulary, était certainement ainsi dénommée à cause de diverses guinguettes où, dans les temps jadis, ou pouvait boire en bel air et magnifique vue.

GNAFRE, s. m. — Regrolleur, savetier. Nous disons de préférence un peju. À Paris, ils disent un gniaf.

GNAFRON. — Personnage du théâtre Guignol. On connait assez son chapeau en tromblon, son énorme ronfle écarlate, sa bouche où il ne reste qu’une dent. Il est le plus souvent peju de son état, ce qui motive le nom. Ce rôle a été tenu, à mon avis, d’une façon incomparable par le pauvre Henry qui avait été canut.

GNAGNES, s. f. pl. — Dents. Forme euphonique de gnaque.

GNAQUE, s. f. — Dent. Fais voir tes petites gnaques, Montre tes petites dents. — Se rapporte au german. Vieux haut. allem. nagan, mordre.

Faire la gnaque à quelqu’un, Montrer les dents à quelqu’un en signe de mépris, se moquer de lui, le défier. On répond aussi à quelqu’un qui vous enquiquine : Gnaque ! Comme qui dirait Bran ! mais en moins grossier. — De gnaque, dent.

GNARE, s. f. — Sotte, niaise, La Mariette, c’est une gnare. — Fait sur nid, comme niais.

GNIAQUE. — Orthographe adoptée par quelques-uns pour gnaque.

GNIGNETTE, s. f. — Une façonnière, une mijaurée, qui trouve toujours les morceaux trop gros pour sa bouche. En relation avec gnare, gnoune, etc.

GNIOCHE, GNOUNE, s. f. — Femme sotte, sans biais, niaise. La Félicité Torchon, de Saint-Irénée, était orpheline, et n’avait que sa marraine, Mme Beluchard. Or est-il que la Félicité devint embarrassée. Quand ce fut visible sans télescope, Mme Beluchard, qui était à cheval sur la vertu, fit appeler la Félicité, et vous jugez de la tempête ! Quand elle eut donné vent à sa colère : Et avec qui cela est-il arrivé, malheureuse ? — Je ne sais pas, marraine, fit la Félicité en pleurant ; je vous jure que je n’ai jamais vu d’homme ! c’est peut-être l’opération du Saint-Esprit (historique). — Elle est si gnoune, faisait Mme Beluchard, que j’y ai pardonné. — Même origine que gnare.

GNOGNOTE, s. f. — Ça, c’est de la gnognote ! C’est des bêtises, il n’y a rien de vrai, rien qui vaille la peine qu’on y regarde. — Encore fait sur nid, niais, avec une répétition de syllabes qui accentue le caractère péjoratif.

GNOUNE, s. f. — Voy. gnioche.

GNOQUE, s. f. — C’est une grosse gnoque, Se dit d’une grosse fille, épaisse et sotte. — Ital. gniocco, sot. Sur le caractère de la finale oque, comp. mastoque.

GOBE, adj. des 2 g. — Se dit des doigts engourdis par le froid. Je peux pas remonder, j’ai les doigts gobes. — De gybbus, parce que l’engourdissement donne la sensation de l’enflure.

GOBEAU, s. m. — Gobelet, tasse. Si vous avez ramassé froid, si vous avez des maux de tête, faites-vous faire par la grosse un bon gobeau d’infusion de moldavie, et faites-vous transpirer en mettant vos jarretières et vos bretelles sur votre lit. La recette est infaillible. — De cupellum, de cupa.

GOBILLE, s. f. — Petite bille de marbre ou d’agate, dont les gones se servent pour jouer. — De globicula.

GODAN, s. m. — Piège, amorce, tromperie. M. Ficelle a voulu me faire prendre des actions d’un chemin de fer sur l’eau, mais j’ai pas donné dans le godan. — De l’étymologie on peut dire ce que mon père me répondait quand je lui disais : « P’pa, comment s’appelle ce mecieu ? — Comment, tu ne sais pas que c’est M. Pasconnais ! » — Le Hainaut a godan, appât, mais cela ne nous dit rien sur l’origine.

GODELLE, s. f. — Chez nous, blé grué avec quoi l’on fait de la soupe (je vous assure que la soupe de godelle avec du lait, c’est à s’en lécher les cinq doigts et le pouce), mais en réalité la godelle est une espèce particulière de blé, de la section dite blés Poulard. Mon père m’a plus d’une fois conté que lorsqu’on le ramena de nourrice chez mon grand-père, on était en train de manger une soupe de godelle. On voulut lui en faire manger, mais il se mit à pleurer à chaudes larmes. Heu, heu, fit-il dans ses sanglots, j’aime pôs la sopa de pioux ! Il avait été trompé par la raie noire que le grain de godelle porte sur le dos. — Un spirituel écrivain lyonnais, qui a beaucoup écrit sur l’agriculture, avait pris le nom de La Godelle. — Je suppose de gaude. Godelle : petite gaude.

GODIVIAU, s. m. — S’emploie surtout avec grand. Un grand godiviau, Un grand dadais, Un grand Benoît. — Tiens à gaudere, gaudir, sur lequel a été fait un verbe patois gaudivelô, s’amuser ; d’où gaudivella, grande fille qui s’amuse comme lesenfants, ebun masculin gaudiviau, devenu godiviau, par analogie comique avec godiveau.

GOGAILLER, v. n, — Faire la gogaille.

GOGNANDISE, s. f. — Bourde, plaisanterie, spécialement avec le caractère un peu grivois. Allons, dis donc pas de gognandises devant les demoiselles, que c’est pas joli.

Faire des gognandises, Agir un peu librement. Une chanson canuse sur l’air : Fanchon, d’en n’haut de ta banquette, dit :

Te m’as ben fait de gognandises
Aux Charpennes, dimanche soir !
Si te l’as fait, c’est par bêtise,
Et je passions le polissoir !

Fait sur gognant, comme chalandise sur chaland.

GOGNANT, ANDE, s. — Personne gauche, qui a mauvaise tenue. S’emploic surtout dans l’expression Grand gognant, grand dégingandé qui se dandine, maladroit, paresseux. « La dame Phigénie — Qu’un gognant voliet buclô, » dit Revérony dans sa chanson sur l’aérostat. — Sur l’étymologic, voy. dégôgner. Un coxinantem donne goignant, gognant.

GOGOSSEL. — Signalé par Molard dans la locution : Manger à la gogossel, Manger sans autre assaisonnement que le sel. Gogossel doit être une faute d’impression pour gorgossel, qui figure dans l’édition de l’an XII. — De croque-au-sel, par une déformation qui a obéi à de certaines règles (voy. cancorne). Les irrégularités ont leur régularité. L’expression est aujourd’hui inusitée. On dit une volaille au gros sel.

GOIFON, s. m. — Goujon. On mangeait à Lozanne de bonnes fritures des goifons de l’Azergues. Goifon est signalé par Cotgrave comme « Lionnois ». — De gobionem.

GOLET, s. m. — Trou, défilé étroit. Le golet de la bouteille. — « Mais la bise que soflave, — Per mais de cinq cents golets, » dit un noël du xviiie siècle.

Qui n’entre pas dans les golets ne risque pas d’y trouver de sarpent. C’était un des proverbes favoris de mon maître d’apprentissage. — De gula.

GOLICHINANTE, s. f. — Golet étroit et compliqué qu’il faut enfiler avec adresse. Au jeu de boules : Tâche moyen de bien prendre la golichinante pour arriver sur le petit. Se dit des moyens difficiles pour atteindre un but : Quand on veut faire de bons vers, me disait un ami, le tout, c’est de bien prendre la golichinante en commençant. Puis ça va tout seul. C’est comme ça que faisait Lamartine. — C’est golet, dont le suffixe a été remplacé par un suffixe très allongé pour mieux marquer le caractère comique.

GONDIVELER, v. a. — Réjouir. « Et la peinture — De tes appas — Me gondivelle aussi dans mes repas. » (Jirôme à Fanchon.) — C’est gaudiveler (voy. godiviau), passé à godiveler (comme gaudiviau à godiviau) ; puis à gondiveler par nasalisation de o.

GONDOLÉE, s. f. — Un grand gobelet de liquide. Je t’avais demandé une larme de mortavie, et te m’en donnes une gondolée ! Te veux don me fiôler ? — De gondole, qui signifiait primitivement vase à boire, et qui a disparu en ce sens, ne laissant que le dérivé.

GONE, s. m. — Gamin. Par extension se dit d’un adulte, au sens péjoratif. As-te vu ce gone, comme il avait mauvaise câle !

Gone mouvant, Petit gone. Un mouvant, c’est un moineau qui sort du nid. Donc, gone mouvant, gone qui sort du nid.

Assez vraisemblablement du grec γόνος, fils, enfant. On ne le rencontre, il est vrai, dans aucun vieux texte lyonnais, mais il figure sous la forme gonet dans un texte dauphinois du premier tiers du xviiie siècle. Et arton, qui est bien grec, ne se rencontre non plus dans aucun document.

Arton nous est venu par le provençal, où plusieurs mots grecs ont laissé trace, tandis que gone est purement lyonnais et pas fort ancien. Gone se rattache plutôt au vieux français gone ou gonne, robe, et la forme dauphinoise gonet confirme cette dérivation.

GONFLE, s. f. — 1. Vessie d’habillé de soie.

2. Ampoule. Je me suis ébouillanté la main ; ça m’a fait venir de gonfles.

3. Bulle. L’amour : une gonfle de savon, le mariage la poche, disait mon maître d’apprentissage, le philosophe.

Gonfle, adj., Gonflé. — Sur la formation, voy. arrête.

Gonfle comme un n’haricot crevé. Se dit de quelqu’un qui revient d’un grand diner.

Gonfle-b…, Haricots. C’est l’expression employée par les hautes classes. Le menu peuple dit fiageôles.

GONGON, s. f. — Femme qui gongonne. On dit aussi Une gongonneuse. Les femmes sont en partie toutes des gongonneuses.

GONGONNER, v. n. — 1. Grommeler. C’est le sens primitif.

2. Rabâcher des reproches. C’est le sens le plus commun. I faut que je me dépêche de rentrer, la bourgeoise gongonnerait. Onomatopée. Comp. le prov. boumbouna, même sens.

GORGEON. Voy. avaler.

GORGOSSON, s. m. — Râle. Mon Dieu, il va mourir ! il a le gorgosson ! — De gurgitem. Par ext. Gosier.

GORRE, s. f. — Méchante vache. S’emploie souvent avec vieille. De la vieille gorre. Un boucher de Saint-Just avait une margot. Comme c’est l’habitude des femmes de ronchonner quand elles achètent, beaucoup de clientes, en regardant le morceau qu’on leur servait disaient : C’est de vieille gorre ! La margot avait retenu le mot. Un jour entre Mme Potasson : M. Nagu, donnez-me donc un joli morceau de prein. C’est pour ma file, que relève de couche ! — Voilà, petite mère, un morceau que sera tendre comme de bave ! — C’est de vieille gorre ! fait la pie. Furieux, le boucher attrape la margot et la jette dans le puits. La pauvre bête ne se noya pas pourtant, et s’aidant des pieds, du bec, parvint à remonter la paroi à demi ruinée. Toute trempe, la margot vient se sécher tristement sur le pas de la porte. Rentre Miraud, le chien du boucher, qui avait gobé une avale d’eau et semblait un torchon qu’on a mis dans la buye. Étonnée, la margot le regarde : T’as don dit que c’était de gorre ? — Telle est l’histoire que m’a contée le véridique La Godelle. — Du vieux franç. gorre, truie.

GOSSE, s. f. — Craque, hourde inventée pour se moquer. Y a Picandeau qui m’a dit comme ça qu’à Paris, chez M. Pasteur, i fabriquiont de z’enfants tout faits avè de drogues dans des cantines. Pt’ ête c’est vrai, pt’ ête c’est une gosse. — Subst. verbal de gosser.

GOSSER, v. n. — Dire des gosses. C’est le franç. gausser sous la forme qu’il avait au xvie siècle. Et ne se parle que de rire — Et de gosser en liberté, dit Bouchet. Et Henri Estienne emploie le mot gosserie.

GOUILLAT, s. m. — Mare, flaque d’eau, le plus souvent bourbeuse. J’ai mis mes clapotons au beau mitan du gouillat. Le phonème gouil pour exprimer l’eau, et spécialement l’eau bourbeuse, se trouve dans presque tous les patois.

GOULUSE, fém. de Goulu. — « Ah ! ces maudites fiageôles, la Barnadine n’en mangeait comme une goluse, margré ce que je disais. » (Ressit des Amours.) — Tiré de goulu, par analogie avec cabuse, de cabus ; obtuse, d’obtus, etc.

GOUPILLON. — Il est venu au monde le goupillon à la main. Se dit d’un prêtre qui a bonne tournure en officiant.

GOUR, s. m. — Endroit d’une rivière où l’eau est dormante. — De gurges.

GOURDER, v. n. — Se noyer, aller au fond de l’eau. Métaphore tirée de la gourde qui flotte sur l’eau, et plonge au fond à mesure que l’eau pénètre par le goulot.

GOURER, v. a. — Tromper. Prends la riche, tu te goureras ; prends la pauvre tu te goureras. Vois où tu feras le meilleur repas. (Quand je vous dit que les Lyonnais sont de petits la Rochefoucaulds !)

Voilà gourer devenu français de par le bon Littré. Du reste, il l’était jadis. « Le marchand pensant que ce fussent gens attiltrez pour gourrer (voler) sa chasuble, » dit le bonhomme Bouchet.

GOURGAND, s. m. — Mauvais traiteur. Nous ons t’ayu la ricle, parlant par respect, toute la sainte nuit. C’est ce gourgand que nous a donné le bocon. — Subst. verbal de gourgander.

GOURGANDER, v. n. et a. — Faire de le détestable cuisine. Gourgander un plat, L’abîmer. — Me paraît fait avec une racine gorg, gourg, onomatopée d’un liquide qui brûle sur le feu.

GOURGUILLON, s. m. — Charançon du pois. — De curculionem.

GOURMAND. — Pois gourmands. Parce que c’est très gourmand de quindure. Le franç. dit pois goulus. Il n’y a pas la différence d’un cheveu de Vénus refendu en quatre.

GOURRINE, s. f. — Femme de mauvaise vie. Il est bas. — De gourre, truie. Voy. gorre.

GOÛT. — Faire passer le goût du pain, Escoffier, tuer.

C’est le goût du peintre, C’est une fantaisie. La locution se réfère à la bizarrerie supposée des artistes.

GOÛTER. — Un goûter soupatoire. Cet adjectif soupatoire fait mes délices. Après tout, l’expression n’est que le pendant de Un déjeuner dinatoire, qui est français.

GOUTTE. — L’amour n’y voit goutte est blâmé par Molard, qui veut qu’on dise Ne voit goutte. Il n’avait donc pas lu La Fontaine : « J’avoue en bonne foi — Que mon esprit d’abord n’y voyait goutte. »

De même Humbert n’entend pas qu’on dise La goutte au nez, mais La roupie au nez. Ô pileurs d’eau dans un mortier ! Mais Littré donne en exemple : Il a toujours la goutte au nez. — À Lyon, nous disons de préférence aux priseurs dans ce cas : « Torche donc ton jus noir ! »

GOUTTE-DE-SANG, s. f. — La fleur nommée Adonis.

GOUTTEUX, EUSE, adj. — Se dit d’un terrain, d’une terre humide. On a eu beaucoup de peine dans le temps à percer le tunnel de Tarare parce que le terrain était très goutteux.

GOUTTIÈRE, s. f. — Voie d’eau produite à la toiture, généralement par le bris d’une tuile. On prétend qu’à Lyon, pour boucher une gouttière, le maçon prend une tuile un peu plus loin sur le toit. Cela a l’avantage de faire une nouvelle gouttière qu’il faudra réparer avec une autre tuile, et ainsi de suite. — De gutta.

GOUVERT. — Être de bon gouvert, Être facile à gouverner. Peu de femmes sont de bon gouvert. — Subst. verbal de gouverner. Comp. Être de bon command.

GOYARDE, s. f. — Grosse goye. Voyez ce mot.

GOYART, s. m. — Goyarde très forte. On donnait jadis ce nom à une arme de guerre. Dans une Visitacion des arnoys de guerre de la ville, en 1412, les goyarts figurent parmi les armes diverses.

GOYE (go-ye), s. f. — Grosse serpette. — Parait se rattacher au bas latin guvia, qui a donné gouge.

GOYETTE, s. f. — Petite goye.

GRABOT, s. m. — Criblures du blé. On met de côté le grabot pour les poules qui y picorent avec délices les quelques grains mêlés aux coffes. Au xive siècle, dans une charte du chapitre d’Ainay, on trouve grabotum, « ce qui est rejeté du van ». — Subst. verbal de grabotter, au sens primitif de fouiller. Le grabot est ce qui est mêlé, confus, rejeté du van, comme le déblai de la fosse.

GRABOTTE, s. f. — Mauvais ouvrier qui s’éternise sur le travail, qui fait les choses à demi. Le Pierre a-t-il fini sa pièce ? — M’en parle pas, c’est une grabotte ! — Sub. verbal de grabotter. Grabotte, littéralement celui qui gratte au lieu de creuser.

GRABOTTER, v. a. — Gratter, fouiller légèrement. Les poules, en grabottant, ont tout abimé ces pieds-d’alouette. — Les enfants sont forts pour dire des bêtises en rimes. Voici un dicton enfantin que j’ai souvent entendu : Bibite, bibote, — Mon chien grabotte ; — Il a bien tant grabotté, — Qu’il a mangé mon déjeûner. — D’une racine germ. grab, qui à le sens de graver, creuser. Les dérivés ont pris le sens de gratter.

GRÂCE. — Bonne grâce. Enjolivure, ornementation en fait de toilette. Il est bien cher, votre bonnet, Madame Canezou, et tout simple. Vous m’y mettrez bien pour le même pris un petit floquet, quelque bonne grâce en beau devant.

GRÂCES. — L’excellent père Trouillas, l’ami de mon grand-père maternel, était un homme juste et craignant Dieu. Il disait à haute voix, avant et après le repas, des prières de sa façon. J’ai oublié son benedicite, mais voici authentiquement ses grâces :

In nomine Patri et Fili et Espiritu santi.
Mon Diu, je vos remarcie de ce repâs !
Faites que l’autre ne târde pâs !
A tot le moins que se retârde, que ne manque pâs !
In nomine, etc.

GRAFFINER, ÉGRAFFINER, GRAFFIGNER, v. a. — Égratigner. L’emploi des deux premières formes est très usité. On le trouve en vieux français. « Il (Gargantua) leur mordoit les aureilles, et ils (les chiens) lui graphinoient le nez, » dit le bon papa Rabelais, — Du vieux haut allem. crapho, croc, crampon.

GRAFFINURE, ÉGRAFFINURE, s. f. — Égratignure.

GRAILLE, s. f. — Corbeau. J’ai vu passer une bande de grailles ; c’est signe que les rissoleurs vont arriver. — De gracula.

GRAILLON. — Une Marie Graillon, Une fille sale. Une jolie chanson dit :

Voulez-vous danser, Mari’ Guenillon ?
Salopiaut vous demande !
La Mari’ Graillon jouera du violon ;
Nous danserons ensemble !

GRAILLONS, s. m. pl., terme de maçonnerie, — Petits éclats de pierre servant à garnir les interstices des maçonneries. — Non de gresle, mais de gracilem. Comp. le vieux franç. graile, mince, même origine.

GRAIN DE SEL. — Quand j’étais petit, à Sainte-Foy, j’avais toujours des foisons de sel dans ma poche pour mettre sous la queue des petits oiseaux. Le difficultueux, c’est de le mettre. Le reste n’est rien. Mais je n’ai jamais pu réussir dans la première partie de l’opération. De même dans la vie. Je n’ai encore vu personne mettre le grain de sel sous la queue du bonheur.

GRAINE. — Casser la graine. Voy. casser.

GRAISSE. — Graisse de baveux. Voy. baveux.

Graisse blanche, Saindoux.

Donner (ou recevoir) une graisse, Donner une chasse, un savon, un suif.

Graisse de chrétien. C’était une graisse que donnait M. Chrétien. Lorsque l’on avait des points de côté, surtout des crampes d’estomac, etc., on s’en oignait la partie malade, et cela produisait des résultats merveilleux. Tout le monde était convaincu que cette pommade était faite avec de la graisse de supplicié. Je m’en ouvris un jour à M. Chrétien qui me dit qu’au temps jadis, en effet, cela se faisait ainsi, mais que la police n’avait plus voulu. Alors il avait composé une pommade qui avait tous les éléments de la graisse de chrétien et où entrait de la graisse de toute espèce d’animaux bizarres, mais la science ne vaut jamais la nature, et il reconnaissait loyalement qu’avec cette pommade les résultats, encore bien qu’excellents, n’étaient pas aussi miraculeux qu’avec l’autre.

GRAMIN, s. f. — Chiendent. — De gramen.

GRAND. — Ma Grand’Mon Grand, Abréviation de Ma grand’mère, Mon grand-père. Mon grand est mort à huitante-cinq ans.

GRAND’CÔTE. — Recevoir un coup de pied au bas de la Grand’Côte. Les Italiens, qui sont classiques, disent nel preterito.

GRANDIR. — Oh, comme vous avez grandi, votre tête dépasse vos cheveux ! Agréable gandoise que l’on dit aux personnes chauves.

GRANGE, s. f. — Chez nous, ce n’est pas seulement le bâtiment de ferme destiné aux récoltes, c’est aussi l’habitation du fermier, et même l’ensemble de l’exploitation rurale. J’ai deux granges dans la montagne.

GRANGER, s. m. — Se dit de celui qui fait valoir un domaine, moyennant un gage, les fruits restant au propriétaire. À Nyons se dit du métayer, mais chez nous le métayago est à peu près inconnu. Breghot remarque que le mot n’existe pas dans les dictionnaires. Mais depuis lors Littré l’a recueilli et l’on s’étonne que l’Académie n’ait pas suivi son exemple.

GRANIQUE, s. m. — Granit. On fait maintenant des pavés en granique. Très reçu.

GRAPIGNAN, s. m. — Grippe-sous. Le mari : Y a le regrettier que veut nous augmenter.La femme : Faut parler au propriétaire ; i sera pt’ ête moins grapignan. — Même origine qu’agraper (voy. ce mot).

GRAPILLON, s. m. — Montée très roide. Le mercredi 9 avril 1834, la famille, se sauvant devant l’émeute, prit, pour aller à Sainte-Foy, le grapillon qui est au bout du pont de la Mulatière. — Corruption de grimpillon.

GRAPILLONNER, v.a. — Ramasser les grappillons.

GRAPPIN, s. m. — 1. Pique-feu. Dérivation du sens du français grappin.

2. Surnom du diable, mot qu’on évite de prononcer. Toi, quand tu viendras à muri, Grappin aura tôt fait de te mettre l’harpe dessus.

GRAS (LES). — Euphémisme pour les parties charnues qu’il serait messéant de nommer.

GRAS, adj. — Gras comme un cayon ! C’est un compliment courtois de dire à quelqu’un : Ça me fait plaisir de voir que vous êtes gras comme un cayon.

Gras à fendre à l’ongle. Image très bien observée.

Gras comme un cul de becfi.

Gras (parlant par respect) comme une v… de carême. Se dit de quelqu’un de très maigre. Cette métaphore, malgré son pittoresque, ne doit pas s’employer devant les dames.

Gras comme un gril. Même sens. Cependant les grils à côtelettes sont parfois très gras.

Il y a gras. Exclamation en présence de quelque chose qui révèle la richesse. Je n’ai jamais vu passer quelque joli enterrement, avec suisse en rouge, enfants de chœur, longue file de clergé, ophicléide, vieux de la Charité, une torche à la main, sans entendre autour de moi : Y a gras ! c’est-à-dire, c’est un gros riche qu’on enterre. — De même quand les entrepreneurs s’apprêtent à jeter un propriétaire dans des dépenses inutiles, disent-ils entre eux : Ne crains rien, y a gras !

GRASPILLE. — À la graspille. À la gribouillette. Dans les noces comme il faut, à la sortie de l’église, le marié jette aux gones des dragées à le graspille ; on dit encore plus volontiers À tire-cheveux.

GRATON. — Terme du jeu de boules. — Petit gravier qui retient la boule ou la détourne. Ta boule était bien jouée, seulement qu’elle a rencontré un gralon. C’est graton, petit morceau de lard rissolé, pris au figuré.

GRATONS, s. m. pl. — Petits fragments grillés et rissolés, résidus de la graisse de porc après qu’elle a été fondue. Avec des pigeons ficelés pour entrée, des gratons pour rôti, des retailles pour entremets et du lèche-etc. pour dessert, on fait un déjeuner succulent et pas trop cher. — Dérivé de cratem, gril.

GRATTE, s. f. — 1. Action de gratter. Je m’ai fait saigner les fumerons à force de gratte.

2. La gale. Dans mon jeune temps les anciens nous recommandaient de mettre toujours des gants pour danser dans les bals publics, histoire de ne pas attraper la gratte.

3. Petits profits illicites, grivelages. — Sais-tu si les gandous sont bien payés ? — Heu, heu, s’i n’aviont pas la gratte pour les rattraper ! Paraît qu’i volent tous de la marchandise ! — Subst. verbal de gratter, indubitablement.

GRATTE-C…T’as vu la nouvelle mariée ? Est-elle bien fraiche ? — Fraîche comme un gratte-c… Une jeune personne doit éviter de faire en public cette comparaison ironique.

GRATTER, v. n. — Lorsque, dans une partie au jeu de boules, on ne fait point de point on dit qu’on a gratté. Il y a là quelque chose de sous-entendu que je ne comprends pas. Gratter est un euphémisme poli pour « baiser le c… de la vieille » (voy. baiser).

Gratter le blanc des yeux avec un clou rouillé. Figure ironique. Quand t’iras voir ton regrettier, faudra n’être bien poli ; faudra lui gratter le blanc des yeux avec un clou rouillé.

Gratter la rogne, Flatter. Pardi, il fait lamper le Colas, parce que le Colas lui gratte la rogne !

GRATTIL (grati), s. m. — Chatouillement. La Fine craint le grattil. — Subst. verbal de gratiller.

GRATTILLER, v. a. — Chatouiller. — Diminutif de gratter.

GRATTUSE, s. f. — Râpe. Où don t’as mis la grattuse ? — À cause ? — Pour râcler de racines jaunes pour la jaunisse de M. Godelon. — De gratter.

GRAVÉ. — Gravé de petite vérole. « Dites marqué de petite vérole, » ajoute Molard. La même observation m’a déjà été faite. Je ne comprends pas l’erreur. Gravé de petite vérole, qui figurait dans la première édition du Dictionn. de l’Acad., en 1694, figure encore dans celle de 1884.

GRAVELIN, s. m. — Homme gravé de petite vérole. C’est un gravelin, Ce gravelin que vous avez vu. Ce mot, signalé par Bréghot en 1829-1831, avec ces exemples, me parait tombé en désuétude. — Sur la formation du mot, comp. gravelle, graveleux.

GRAVIER. — Eh ben, comment va la tousse ? — Gn’y a qu’une infusion de graviers, sucrée avè de jus de pioche, que me guérira, c’est-à-dire la tombe.

GRAVIR. — J’admire de plus en plus les maitres d’école qui corrigent l’Académie. Molard défend de dire gravir une montagne, il faut dire gravir sur une montagne, et l’Académie donne en exemple gravir un retranchement.

GREDIN, s. m. — Avare. Le père Grattier, un gredin que donnerait pas un liard à un affigé ! — C’est la signification étymologique : moyen haut allem. grit, avidité; anglais greedy, avide, gourmand.

GREFFIER, s. m. — Ne s’emploie qu’avec l’article le. Va don acheter de melette pour le greffier, c’est-à-dire pour le chat. — Jeu de mots sur griffe : greffier pour griffier.

GRÊLE, GRÊLASSON ou GROS. — Charbon plus gros que les dragées et moins gros que le pérat.

GRELET, GRELU, adj., ordinairement employé seulement au masculin. — Étriqué, chétif, misérable au physique. J’ai vu le futur, un petit grelu qu’a de la mogne comme un cog saigné. La Nanon, qu’est d’un gros sang, va vous le faire tomber en bave : ça, c’est sûr ! — De gracilem.

GRELUCHON, s. m. — N’a pas du tout chez nous la signification qu’il a en français. C’est simplement grelu, avec un suffixe méprisant qui rend le mot plus péjoratif. Un Greluchon, un pauvre hère, au physique et au moral.

GRENETTE. — Une femme commandée à la Grenette, c’est-à-dire d’un caractère parfait, parce que la rue Grenette était la rue des tourneurs, des marchands d’objets en buis, et qu’une femme tournée en buis n’a jamais mauvais caractère.

GRENOBLE. — Conduite de Grenoble. Voy. Conduite.

GRENOUILLE, s. f. — Treuil qui sert à élever les fardeaux. — La même analogie qui a fait voir une chèvre dans l’appareil composé de deux mâts inclinés pour soulever les fardeaux, une grue dans l’appareil qui n’a qu’un mât, a fait voir, dans un treuil horizontal reposant sur deux tréteaux, une grenouille ramassée sur elle-même.

Nager à la grenouille, par opposition à nager à la brassée. L’image est d’une justesse parfaite. C’est évidemment la grenouille qui a donné à l’homme l’idée de dégôgner ses bras et ses jambes de cette façon pour se maintenir sur l’eau.

N’être pas l’auteur que les grenouilles n’ont pas de queue. Voy. auteur.

GRÊPE. — Signalé par Molard pour grèbe, oiseau aquatique, podiceps. Je crois le mot tombé en désuétude. Je ne l’ai jamais entendu.

GRÈSE, adj. f. — Soie grèse, Soie grège. Signalé par Molard. Le même mot existe à Genève. L’ital. a greggio et grezzo. Le mot franç. est vraisemblablement venu de la première forme, et le lyonnais de la seconde.

GRÉSILLONS, s. m. pl. — Scories de houille. Une bonne ménagère ne jette pas ses grésillons aux équevilles. Elle les jette dans le poêle quand il est bien rouge, et il en rebrûle une bonne part. — Non de grésil, mais de grésiller. Grésillon, ce qui a été grésillé.

GRIBOUILLER. — Signalé par Molard, a été introduit dans le Dictionn. de l’Acad., édit. de 1835.

GRIFFE, s. f. — Organe de la Jacquard. C’est une série de lamelles inclinées qui, à chaque fois que le canut enfonce la marche, ont pour fonction d’enlever, dans un mouvement ascensionnel, les crochets que les aiguilles (voy. ce mot) ont laissé saisir, et, par conséquent, d’enlever avec ces crochets les fils correspondant à chacun d’eux.

GRIGNET, ETTE, adj. — Le féminin s’emploie souvent pour le masculin. Avoir l’air grignet ou l’air grignette, Avoir une apparence pauvre, chétive, misérable, étriquée. C’est la seule locution où on l’emploie. Mets don pas ton chapeau d’ânier ; ça le donne l’air trop grignette ! — Du vieux haut allemand grinan, grimacer.

GRILLET, s. m. — 1. Grillon, insecte. Pincé comme un grillet, Pris au piège. Je ne m’explique pas très bien ce dicton. Y avait-il des pièges à grillons ?

Avoir des grillets dans la tête, N’avoir pas le cerveau bien sain.

2. Grelot des mulets.

3. Muguet de mai, convolaria maialis.

Pour 1, de grillum ; pour 2, de la souche qui a fait le franç. grelot ; pour 3, même étymologie que pour 2, à cause de la ressemblance de la fleur avec une petite clochette.

GRIMPILLON, s. m. — Montée très raide. Voy. grapillon. — De grimper, avec un suffixe fréquentatif.

GRINEPILLE, s. m. — Chétif, misérable, sans courage. « Faut leur z’y faire voir. — Qu’on est de bons lurons, et pas de grinepilles. » (Gnafron fils.) — Fait sur le radical de grignet (voy. ce mot), avec un suffixe péjoratif pille, par analogie avec sampille, tirepille.

GRINGOTTER, v. n. — Trembler de froid, claquer des dents, faire un certain grrr, grrr sous l’action du froid. — Du vieux franç. gringotter, faire des trilles ; gringottis, bruit répété. Même analogie que celle qui de grelotter, faire résonner des grelots, a fait grelotter, trembler de froid (vraisemblablement, à l’origine, claquer des dents).

GRINGRIGNÔTE, s. m. — 1. Parlant par respect, Gringuenaude.

2. Par extension ironique, Menus débris, miettes. En dépit de la bassesse de la métaphore, lorsque, à la maison, on me disait : Lustucru, veux-tu ces gringrignôtes de tourte ? je ne me faisais pas prier !

GRIOLET, s. m. — Petit vin sur. Nous nous sont fiôlés avè du griolet. — D’aigrelet, sans doute, mais par une formation obscure.

GRIPPE. — Prendre quelqu’un en grippe. Molard exige qu’on dise : Se prendre de grippe contre quelqu’un, mais l’Académie donne les deux exemples.

GRISPIPI. — À la grispipi, À la gribouillette, à tire-cheveux. Jeter des dragées à la grispipi. — D’une racine german. greip, grip, avec un suffixe comique de fantaisie. C’est peut-être par analogie avec graspille (voy. ce mot) que grip est devenu grisp.

GROBE, s. f. — Grosse bûche, quartier de bois ; spécialement ce qui reste d’un tronc coupé. La grobe de Noël, Énorme bûche que l’on réservait autrefois pour la nuit de Noël. Au fig., quelqu’un de lourd, qui ne remue pas facilement. Ma fenne, autant une grobe. Voy. dégrobé, et agrobé. De l’allem. grob, gros, épais, arrondi. Il y a bien de cela dans une grosse femme.

GROBILLON, s. m. — Un rondin de bois. Grobillon, petite grobe.

Se tenir à grobillon, Se tenir ramassé en rond. — De grobe, parce que la grobe est ramassée, pelotonnée ; elle ne s’étend pas en branches.

GROBON, s. m. — 1. Petite bûche en forme de grobe. Grobon, petite grobe.

2. Beignet. — De grobe, le beignet représentant une agglomération de pâte autour d’un noyau, assez analogue de forme au quartier de bois formant grobe.

Prendre son grobon, S’enivrer. L’idée est : se réduire à l’état de grobe.

GROGNON. — Une Marie Grognon. Se dit d’une femme qui ne fait que grogner. — Molard proscrit le mot de grognon, et, de fait, en son temps, il ne figurait pas au Dictionn. de l’Acad. Mais que de mots bannis par les purs ont ainsi fini par conquérir droit de cité !

Le grognon du pain. Voy. grougnon.

GROIN, s. m. — Seule expression admise pour visage. Le p’pa : Jean-Jean, va te décochonner, t’as le groin sale.Jean-Jean, surpris : Mais p’pa, je m’ai lavé le groin dimanche, et je sommes que jeudi ! L’usage est ancien. Au xviie siècle, Dame Gervaise s’écriait : « Que veux-tu dire, groin tiré ? »

GROIN-D’ÂNE, s. m. — Crépide à feuilles de pissenlit, barkausia taraxacifolia. On prétend que le nom vient de ce que les ânes sont friands de cette plante, mais la dérivation logique ne s’y prête pas. Le nom doit plutôt être tiré de quelque rapport de ressemblance que je ne saisis pas.

GROLIER, s m. — Savotier. Vieilli. On dit communément regrolleur ou peju. Cependant j’ai entendu quelquefois mon père dire en plaisantant : Je vais chez le grolier. En 1421, Jehan le Grolier réparait les tybiaux (bottes d’égoutier). — De grolla, avec le suffixe des noms de métier.

GROLLE, s. f. — Savate, vieux soulier éculé. Traîner la grolle, Être dans la misère, avec sens péjoratif. — Subst. verbal du vieux prov. crollar, de corotulare, branler, remuer.

Passe la grolle, la grolle, la grolle, jeu du furet mis à la portée des gones qui ne vont pas nu-pieds.

GROLLON, s. m. — La même chose que grolle, avec sens encore plus péjoratif. De grollons à soupape, Des souliers qui prennent l’eau. S’emploie aussi pour soulier. S’acheter de grollons neufs.

GROS. — Le gros de l’été, le gros de l’hiver, Le cœur de l’été, le cœur de l’hiver. Au gros du soleil, à la grosse chaleur, et autres expressions semblables.

Être d’un gros sang. Se dit des personnes rouges et sanguines.

De gros en gros, Approximativement, sans entrer dans le détail. Faire une chose de gros en gros, La faire à la six-quatre-deux.

Coûter gros.Cette campagne a dû coûter gros d’argent. — On ne l’a pas rien eue pour des mouchons de chandelles ! On dit aussi Avoir gros de peine, beaucoup de peine.

Le Gros visage… « Laissez-le sêrement asseoir son gros visage sur la chaise ancurule de la Chambre nationâle.. » (Cirqulaire, juin 1831.)

GROS, s. m. — Sorte de charbon. Voy. grêle.

GROS-BLÉ, s. m. — Blé de Turquie. Une paillasse de paille de gros blé.

GROSSE. — La Grosse, Nom que l’on donne des fois à la bourgeoise, lors même qu’elle serait maigre. Te viens tout seul ; t’as pas amené la grosse ? Ce terme nous vient de la campagne, où le mari s’appelle aussi le Gros. De 1830 à 1840, il se passa dans la canuserie le phénomène inverse d’aujourd’hui, où les canuts quittent la ville. À cette époque des gens de la campagne envoyaient leurs enfants en apprentissage à la ville, où ils devenaient compagnons, puis maitres et chefs d’atelier. J’ai été quelque temps dans un atelier où tous les gens, du bourgeois à l’apprenti, étaient de Chaussant et de Saint-Vincent. C’est ainsi que quelques expressions villageoises se sont introduites dans notre parler.

Grosses gens, bonnes gens. Parce que l’envie, la méchanceté font maigrir.

GROTON, s. m. — Forme de grouton et plus usitée.

GROTTE, s. f. — C’est un chanteau du dernier pain bénit, que le sacristain porte chez un paroissien pour lui annoncer que c’est son tour d’offrir le pain bénit le dimanche suivant. — De crusta.

GROUGNER, ÉGROUGNER, v. a. — Entamer avec les dents. Jean-Marte, n’égrougne don pas ton pain comme ça, on dirait que t’as gin d’éducance ! — Vieux franc. esgruignier, ébrécher.

GROUGNON, GROGNON, s. m. — Endroit où les pains se sont baisés dans le four. Êtes-vous comme votre serviteur ? Je n’ai jamais pu manger le grognon. — De grougner.

GROUILLER. v. n. — J’ai trop mangé de fiageôles, le boyes me grouillent. — Le feu d’articifle ne tardera pas !

GROUPER, v. a. — Prendre, saisir. Je prends d’âge ; j’y vois trouble. Heureusement je sais pas lire, ça me gêne pas. Quoique ça, faut grouper les lunettes pour remonder.

Des fils qui se groupent, terme de canuserie, Des fils qui s’accrochent par suite de râches.

GROUTON. — Un grouton de pain. Un croûton de pain. — Comp. grotte, de crusta.

GRUNE, s. f. — Voy. sous casser.

GUENILLARD, s. m., terme très péjoratif. — Il est venu un guenillard ; il avait si tellement mauvaise câle, que si le grosse l’avait vu, y avait de quoi la faire blesser.

GUENILLE. — Ses quatre quenilles, L’ensemble de ses hardes. La femme, à son mari : Si te continues à m’enquiquiner comme ça, j’aurai tôt fait de ramasser mes quatre quenilles. et de m’en aller chez ma m’man !

GUENILLON. — Une Marie Guenillon, Une femme sans ordre, qui va en guenilles. Voy. Graillon.

GUENIVELER, v. n. — Vaciller, bouger. Y a un ponteau que s’est lâché ; ça fait gueniveler le méquier. — De niveler, avec un préfixe péjoratif ga, qu’on retrouve dans le patois lyonnais. La forme primitive a dû être ganiveler = déniveler, avec légère déviation du sens.

GUÊPIER, s. m. — Anthrax dont le pus s’écoule par plusieurs trous, ce qui a quelque rapport avec les alvéoles d’un nid de guêpes.

GUÉRI. — Un homme guéri de bien faire, Un pas-rien.

GUÉRIR. — Se guérir, aux bèches, c’est se faire jicler de l’eau sur les membres, sur le corps, avant de se jeter à l’eau, afin de ne pas être trop saisi par l’impression du froid. Les vrais nageurs ne prennent pas la peine de se guérir. — Pouf ! une tête ou un hausse-pieds ! — Se guérir est pour s’aguerrir.

GUÉRITE, nom propre. — Marguerite. On disait plutôt Garite pour Marguerite. Le nom de Garite figure en effet sur des actes de naissance dont les titulaires ont été baptisées Margarita.

GUERLE, adj. des 2 g. — Louche. C’est franc dommage que la Parnon soye guerle : ça serait une belle bôye ! — Laisse don, c’est ben mai agriâble. L’autre jour, à table, chez Mille, le faisait à gauche un œil doux au Pacôme, el à droite un œil doux au Boniface ! — Ouin ! et t’oublies que j’étais en face, qu’elle m’écrasait le clapoton ! — Vieux français guerle, même sens.

GUERRE. — Le sanque me fait la guerre, L’excès de sang me cause des incommodités. La monnaie nous fait la guerre, Nous avons de la peine à nous procurer de la monnaie, et autres phrases de même nature.

GUEULE-DE-LOUP, s. m.— Mûflier, antirrhinum majus. — De ce qu’en pressant les deux côtés de la fleur, on la fait ouvrir et fermer comme une gueule. D’autres disent Gueule-de-viau, ce qui est peut-être plus distingué.

GUICHET. — La bourgeoise qu’a bien mal au ventre : va-t-en vite chercher Madame du Guichet (l’accoucheuse).

GUIDANE, s. f., terme d’ourdissage. — Avant d’ordonner son étoffe, le fabricant fait ourdir une portée de 80 fils, ce qui lui permet de calculer la quantité d’organsin qui lui est nécessaire pour toute la pièce. Cette portée se nomme guidane parce qu’elle sert de guide pour l’ensemble de la pièce. — Par extension on donne aussi le nom de guidane à une petite quantité de fils que l’on fait ourdir pour compléter une chaine qui, par une erreur ou un accident, n’a pas la largeur voulue. — De l’ital. guidana, même sens.

GUIDE, s. f., terme de construction. — Fil à plomb courant sur un fil horizontal à l’aide d’une poulie.

GUIDE-ÂNE, s. m. — Feuille de papier rayée avec des lignes bien noires, que l’on place sous la feuille sur laquelle on doit écrire, afin que, par la transparence, on puisse suivre les lignes sans monter au grenier ou descendre à la cave, comme lorsqu’on est livré à sa propre inspiration. On l’appelle aussi transparent, parce que c’est la feuille sur laquelle on écrit qui est transparente, et le transparent qui est opaque. — Au fig. toute chose qui sert à guider l’ignorance. Par exemple Daphnis avait besoin d’un guide-âne, et ce fut Lycénion qui le lui prêta.

GUIGNE-QUEUE, s. m. — Bergeronnette. C’est hoche-queue dans lequel la première partie du mot a été remplacée par guigne, le verbe guigner ayant pris chez nous la signification de remuer, frétiller. Comp. guignoche.

GUIGNER, v. a.— En franç. il signifie cligner de l’œil, regarder sans faire semblant. Chez nous il signifie faire signe, soit de l’œil, soit de la tête, soit du doigt, mais il comporte l’idée de remuer. Comp. le provenç. guigna, remuer, hocher, montrer du doigt. J’ai vu le Pierre que guignait la Colette. Elle est partie tout de suite.

GUIGNOCHE, s. f. — Détente d’une arme à feu. Tirer la guignoche, presser la détente. — De guigner.

GUIGNOL. — Le théâtre et le personnage et ses principaux interprètes sont trop connus pour qu’il y ait lieu de répéter ce qui a été dit tant de fois. Mentionnons seulement la locution : C’est un guignol ! qui se dit de quelqu’un de pasquin, qui fait des grimaces.

GUIGNOLANT, adj. — Ennuyeux, pénible. Ne s’emploie que sous une forme impersonnelle : Se dévorer les sangs pour une femme, lui faire des vers copiés sur Lamartine, et se voir traiter de vieille courle, c’est guignolant ! — Guignol n’a pas de responsabilité dans l’expression. Guignolant n’est qu’une forme de guignonnant.

GUIGUITE, nom propre. — Marguerite.

GUILLE, s. f. — Fausset d’un tonneau. — Du vieux haut allem. chil, « parvum lignum » ; moyen haut allem. kil, morceau de bois aiguisé. Le vénérable Rabelais écrit dille. Serait-ce une faute ? « Autant que je vous en tireray par la dille, autant je vous entonneray par le bondon. »

GUILLE (LA). — Nom, pas très distingué, que des fois l’on donne à la Guillotière, lorsque l’on n’emploie pas le nom poétique de Jardin de la France. Un noble poète de l’Académie française du Gourguillon, le grand François Coppié, a écrit :

C’étaient de tout petits espiciers de la Guille,
Vendant de l’humble vin qu’ils tiraient à la guille,
Du poivre, du fumant et du sucre candi,
Trois gones, tout nambois, habillés de cadi,
Maniaient savamment le quinet, la gobille :
L’un guerle, l’autre bègue, et le culot gambille…

GUILLER. — 1, v. n. Voy. déguiller.

2, v. a. Tromper. La Catherine m’a guillé, me disait le pauvre Cornaudin : en me mariant, je comptais prendre un méquier tout neuf, et j’ai pris qu’une vieille brocante ! — Du germ. wile, ruse.

GUILLOTINE-ROULANTE (LA). — C’est le nom donné au tramwey à vapeur de Neuville, qui a esquinté déjà force pauvre monde. Moi, disait un canut, quand je vas à la pêche, je prends la Galoche, pas la Guillotine. Faut ben être fou pour s’embarquer dans cete machine.

GUIMBARDE, s. f. — 1. Quoique le mot soit au Dict. de l’Académie de 1798, avec cette définition : « Sorte de chariot long et couvert à quatre roues, qui sert de coche ou de fourgon, » Breghot (1829-1831) le signale comme « lyonnaisisme ». Il ajoute : « Le dictionnaire de Trévoux indique le mot et la chose comme étant en usage du côté de Lyon. » Breghot, continuant à citer Trévoux, dit qu’on se sert de cette espèce de voiture « quand les rivières ne sont plus navigables, à cause de la grandeur des eaux, ou à cause des glaces ». Les guimbardes étaient en usage en tout temps, car je lis dans l’almanach de 1770 : « À l’arrivée de ces Voitures (les coches d’eau) à Châlons, les Marchandises sont chargées sur des Guimbardes. »

2. Sorte d’instrument de musique. La définition donnée par l’Académie ne s’applique pas absolument à notre instrument, car elle dit que « on fait vibrer la languette en la poussant du doigt ». Or, dans notre guimbarde, c’est le souffle qui fait vibrer la languette d’acier.

GUIMPIER, s. m. — L’ouvrier qui reçoit le fil d’or et d’argent du tireur d’or et qui, après lui avoir fait subir diverses manipulations dont la dernière consiste à l’enrouler en spirale autour d’un fil de soie, le livre au passementier ou au tisseur. C’est une industrie lyonnaise, aujourd’hui bien déchue, mais dont le rôle était considérable au temps où le métal se mariait couramment à la soie dans les tissus. — Il y a, au premier abord, peu de relations entre une guimpe et un fil d’or. Il faut se rappeler qu’aux xvie et xviie siècles les guimpiers étaient des canuts tissant la gaze de soie et spécialement la gaze d’or ou d’argent. De l’ouvrier qui la tissait, le sens est dérivé à l’ouvrier qui en préparait les fils.

GUINCHER. Voy. aguincher.

GUINDRE, s. f., terme de dévidage. — Appareil composé de deux cylindres, un grand et un petit, sur lequel on place la flotte à dévider. Le gros cylindre, placé au-dessus de l’autre, s’appelle chapeau du guindre. La mécanique à dévider est composée d’une série de guindres placés circulairement. Du guindre le fil passe dans un agnolet de verre qui a un mouvement de va-et-vient afin que le fil se croise sur le roquet ou bobine sur lequel il vient s’envider. Cet agnolet est soutenu par un support en bois nommé poupée (voy. ce mot).

GUISE. — Touche-moi la main de bonne guise ! (l’autre touche). — Tu as fais pipi dans ta chemise ! — Charmante plaisanterie usitée surtout chez les jeunes personnes.