Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 382-389).

CHAPITRE XL.

LE CROYANT[1].


Donné à la Mecque. — 85 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Ha. Mim.[2]. La révélation du Koran vient du Dieu puissant et sage,
  2. Qui efface les péchés, agrée la pénitence, et qui est terrible dans ses châtiments.
  3. Il est doué de longanimité. Il n’y a point d’autre dieu que lui ; il est le terme de toutes choses.
  4. Il n’y a que les infidèles qui soulèvent des disputes sur les signes de Dieu ; mais que leur prospérité dans ces pays ne t’éblouisse pas[3].
  5. Avant eux, le peuple de Noé l’a traité d’imposteur ; après ceux-là, tant d’autres partis en ont fait autant. Chaque peuple tramait des machinations contre ses prophètes, et voulait s’en saisir par force ; on combattait avec le mensonge pour en étouffer la venté ; mais je les ai saisis tous, et voyez quel a été mon châtiment,
  6. C’est ainsi que s’est accomplie cette sentence de ton Seigneur contre les incrédules : ils seront livrés au feu.
  7. Ceux qui portent le trône et ceux qui l’entourent[4] célèbrent les louanges du Seigneur ; ils croient et implorent son pardon pour les croyants. Seigneur, disent-ils, tu embrasses tout de ta miséricorde et de ta science ; pardonne à ceux qui reviennent à toi et suivent ton sentier ; sauve-les du châtiment des flammes.
  8. Seigneur, introduis-les dans les jardins d’Éden, que tu leur as promis, ainsi que leurs parents, leurs épouses et leurs enfants qui auront bien vécu. Tu es le Puissant, le Sage.
  9. Préserve-les des mauvaises actions. Or celui qui se garantira contre les mauvaises actions, tu auras pitié de lui, et c’est un bonheur immense.
  10. Les infidèles entendront dans ce jour une voix qui leur criera : La haine de Dieu contre vous est plus grande que n’a été votre haine contre vous-mêmes, quand, invités à la foi, vous n’avez point cru.
  11. Seigneur, répondront-ils, tu nous as fait mourir deux fois et tu nous as ranimés deux fois[5]. Nous confessons nos péchés. Eh bien ! n’y a-t-il pas quelque moyen de sortir d’ici ?
  12. Voilà ce que vous aurez, vous qui n’avez point cru quand on vous prêchait le Dieu unique, et qui vous montriez croyants toutes les fois qu’on lui donnait des compagnons[6]. Mais la décision suprême appartient à Dieu, le Haut, le Grand.
  13. C’est lui qui vous fait voir ses miracles, qui vous envoie la nourriture du ciel ; mais celui-là seul profite de l’avertissement, qui se tourne vers Dieu.
  14. Priez donc Dieu en lui offrant un culte pur et sincère, dussent les infidèles en concevoir du dépit.
  15. Ce Dieu qui occupe les degrés les plus élevés, possesseur du trône de la majesté[7] ; de sa volonté seule il lance le souffle de son esprit en celui qu’il veut de ses serviteurs, pour l’avertir du jour de l’entrevue[8].
  16. À leur jour les hommes sortiront de leurs tombeaux, et aucune de leurs actions ne sera dérobée aux yeux de Dieu. Ce jour-là, à qui appartiendra le pouvoir suprême ? Au Dieu unique et fort.
  17. Ce jour-là, toute âme sera rétribuée selon ses œuvres. Ce jour-là, point d’injustice. Dieu est prompt à régler les comptes.
  18. Avertis-les du jour prochain, du jour où les cœurs, remontant à leur gorge, seront près de les étouffer.
  19. Les méchants n’auront ni ami ni intercesseur que l’on écoute.
  20. Dieu connaît les yeux perfides et ce que les cœurs recèlent[9].
  21. Dieu décide de tout avec justice. Ceux que les infidèles invoquent à côté de lui ne sauraient décider de quoi que ce soit, car Dieu seul entend et voit tout.
  22. N’ont-ils pas voyagé dans ces pays ? n’ont-ils pas vu quelle a été la fin des peuples qui les ont précédés ? Ces peuples valaient mieux qu’eux par leur force et par les monuments qu’ils ont laissés dans ce pays. Mais Dieu les a saisis pour leurs péchés, et nul n’a pu les défendre contre Dieu.
  23. Car les apôtres vinrent au milieu d’eux, accompagnés de signes évidents, et ils nièrent leur mission. Dieu s’empara d’eux. Il est terrible dans ses châtiments.
  24. Nous envoyâmes Moïse, accompagné de nos miracles el d’un pouvoir évident,
  25. Vers Pharaon et Haman, et Karoun[10] ; mais ils dirent : C’est un magicien, c’est un imposteur.
  26. Lorsqu’il vint à eux, leur apportant la vérité qui venait de nous, ils s’écrièrent : Mettez à mort ceux qui le suivent, n’épargnez que leurs femmes ; mais les stratagèmes des incrédules s’égarèrent et échouèrent.
  27. Laissez-moi tuer Moïse, dit Pharaon ; qu’il invoque alors son Dieu ; je crains qu’il ne vous fasse changer votre religion, ou ne sème le désordre dans le pays.
  28. Moïse répondit : Je cherche un abri auprès de celui qui est mon Seigneur et le vôtre, contre les orgueilleux qui ne croient point au jour du compte.
  29. Un homme croyant de la famille de Pharaon, mais qui cachait sa croyance, leur dit : Tuerez-vous un homme, parce qu’il dit : J’adore Dieu, qui est mon maître, et qui vient accompagné de signes évidents ? S’il est menteur, son mensonge retombera sur lui ; s’il dit la vérité, il fera tomber sur vous un de ces malheurs dont il vous menace, car Dieu ne dirige pas les transgressées ni les menteurs.
  30. O mon peuple !disait-il encore, aujourd’hui le pouvoir est à vous, pendant que vous êtes puissants dans ce pays-ci (en Égypte) ; mais qui nous défendra contre la colère de Dieu si elle nous atteint ? Je ne vous fais voir, répondit Pharaon, que ce que je vois moi-même, et je vous guide sur un chemin droit.
  31. L’homme croyant leur dit alors : O mon peuple ! je crains pour vous le jour pareil au jour des partis[11],
  32. Le jour pareil à celui du peuple de Noé, d’Ad et de Thémoud,
  33. Et de ceux qui leur succédèrent. Dieu cependant ne veut point opprimer ses serviteurs.
  34. O mon peuple ! je crains pour vous le jour où les hommes s’appelleront les uns les autres[12],
  35. Le jour où vous serez forcés de rebrousser chemin et refoulés dans l’enfer. Vous n’aurez alors personne qui vous protège contre Dieu ; car celui que Dieu égare, qui lui servira de guide ?
  36. Joseph était déjà venu au milieu de vous, accompagné de signes évidents ; mais vous n’avez cessé de douter de leur vérité, jusqu’au moment où il mourut. Vous disiez alors : Dieu ne suscitera plus de prophète après sa mort. C’est ainsi que Dieu égare les transgresseurs et ceux qui doutent.
  37. Ceux qui disputent sur les miracles de Dieu sans avoir reçu aucun argument à l’appui, s’attirent une grande haine de Dieu et des croyants. Dieu imprime un sceau sur le cœur de tout homme orgueilleux et violent.
  38. Pharaon dit à Haman : Construis-moi un palais pour que je puisse atteindre ces régions,
  39. Les régions du ciel, et que je monte auprès du Dieu de Moïse, car je le crois menteur.
  40. C’est ainsi que les actions criminelles de Pharaon parurent belles à ses yeux ; il fut repoussé du bon chemin, et les machinations de Pharaon furent mises au néant.
  41. L’homme croyant parmi les Égyptiens leur disait : O mon peuple ! suivez mes conseils, je vous conduirai sur la route droite.
  42. O mon peuple ! la vie de ce monde n’est qu’un usufruit ; celle de l’autre est une demeure durable.
  43. Quiconque aura fait le mal ne recevra eu retour que le mal ; quiconque aura fait le bien (qu’il soit homme ou femme) et qui aura cru sera au nombre des élus qui entreront dans le paradis, et jouiront de tous les biens sans compte.
  44. Je vous appelle au salut, et vous m’appelez au feu.
  45. Vous m’invitez à ne point croire en Dieu, et à lui associer des divinités dont je n’ai aucune connaissance, et moi je vous appelle au Puissant, à l’Indulgent.
  46. En vérité, les divinités auxquelles vous m’appelez ne méritent point d’être invoquées ni dans ce monde ni dans l’autre, car nous retournerons tous à Dieu, et les transgresseurs seront livrés au feu.
  47. Vous vous souviendrez alors de mes paroles ; quant à moi, je me confie tout entier en Dieu, qui voit les hommes
  48. Dieu préserva cet homme des mauvais desseins qu’ils avaient imaginés contre lui, et la famille de Pharaon fut enveloppée des peines du châtiment.
  49. C’est le feu où on la mène le matin et le soir, et le jour où surgira l’heure[13], on lui criera : Famille de Pharaon, allez au plus terrible des châtiments.
  50. Lorsque, au milieu du feu, les impies disputeront entre eux, les faibles de ce monde diront aux orgueilleux (aux grands ) : Nous vous avions suivis sur la terre, pouvez-vous nous servir à quelque chose dans ce feu qui nous est échu en partage.
  51. Et les orgueilleux répondront : Nous y voilà tous. Dieu vient de prononcer son arrêt sur les hommes.
  52. Les réprouvés livrés au feu diront alors aux gardiens de la géhenne : Priez votre Seigneur de nous adoucir pendant un jour au moins ce supplice.
  53. Mais les gardiens leur répondront : N’avez-vous pas eu vos prophètes qui vous ont fait voir des preuves évidentes de leur mission ? — Oui, répondront-ils. — Alors, appelez-les à votre secours. — Mais le cri des infidèles se perdra sur sa route.
  54. Assurément nous prêterons secours à nos envoyés et à ceux qui auront cru à la vie future, le jour où des témoins se lèveront ;
  55. Le jour où les excuses des méchants ne leur serviront de rien ; à eux alors la malédiction et un affreux séjour.
  56. Nous donnâmes à Moïse la direction (notre révélation pour guide ), et nous mîmes les enfants d’Israël en possession du Livre. C’était pour le faire servir de direction et d’avertissement aux hommes doués de sens.
  57. Prends donc patience, ô Mohammed ! car les promesses de Dieu sont la vérité même ; implore auprès de lui le pardon de tes péchés, et célèbre les louanges de ton Seigneur le soir et le matin
  58. Ceux qui disputent au sujet des signes de Dieu sans avoir reçu aucun argument à l’appui, qu’ont-ils dans leurs cœurs, si ce n’est l’orgueil ? Mais ils n’atteindront point leur but. Toi, Mohammed, cherche ton refuge auprès de Dieu, car il entend et voit tout
  59. La création des cieux et de la terre est quelque chose de plus grand que la création du genre humain ; mais la plupart des hommes ne le savent pas.
  60. L’aveugle et l’homme qui voit, les hommes aux bonnes œuvres et le méchant ne sauraient être égaux. Que les hommes réfléchissent peu !
  61. L’heure viendra, il n’y a point de doute là-dessus, et cependant la plupart des hommes n’y croient pas.
  62. Dieu a dit : Appelez-moi, et je vous répondrai, car ceux qui par orgueil se refusent à m’adorer entreront dans la géhenne couverts d’ignominie.
  63. C’est Dieu qui vous donne la nuit pour vous reposer, et le jour qui fait voir. Certes, Dieu est plein de bonté envers les hommes, mais la plupart d’entre eux ne lui sont pas reconnaissants.
  64. Ce Dieu est votre Seigneur, créateur de toutes choses ; il n’y a point d’autre dieu que lui ; pourquoi donc vous détournez-vous de lui ?
  65. Ainsi se détournaient ceux qui niaient ses miracles,
  66. C’est Dieu qui vous a donné la terre, pour fondations et la ciel pour édifice ; c’est lui qui vous a formés, et quelles admirables formes il vous a données ! qui vous nourrit de mets délicieux ; ce Dieu est votre Seigneur. Béni soit Dieu, le maître de l’univers !
  67. Il est le Dieu vivant, il n’y a pas d’autre Dieu que lui. Invoquez-le donc, en lui offrant un culte pur. Gloire à Dieu, maître de l’univers !
  68. Dis : Il m’a été défendu d’adorer les divinités que vous invoquez à côté de Dieu, depuis que des preuves évidentes me sont venues de la part de Dieu. J’ai reçu l’ordre de m’abandonner au maître de l’univers.
  69. C’est lui qui vous a créés de poussière, puis d’une goutte de sperme, puis d’un grumeau de sang coagulé ; il vous fait naître enfants, il vous laisse atteindre la force de l’âge, et puis vous laisse devenir vieillards. Tel d’entre vous meurt avant cette époque : ainsi vous atteignez le terme fixé d’avance pour chacun ; tout cela, afin que vous compreniez.
  70. C’est lui qui fait vivre et qui fait mourir ; quand il a résolu quelque chose, il dit : Sois, et elle est.
  71. As-tu vu ceux qui disputaient au sujet des signes de Dieu ? que sont-ils devenus ?
  72. Ceux qui traitent d’imposture le Livre et les autres révélations que nous avions confiées à nos envoyés connaîtront la vérité un jour.
  73. Alors les colliers aux cous et enchaînés, ils seront traînés dans l’enfer, puis livrés en pâture au feu.
  74. On leur criera alors : Et où sont ceux que vous associiez à Dieu ? Ils répondront : ils se sont égarés quelque part ; du reste, nous n’avons jamais rien invoqué. C’est ainsi que Dieu égare les infidèles.
  75. Voici la rétribution de votre injuste insolence sur la terre et de vos joies immodérées.
  76. Entrez dans les portes de la géhenne pour y rester éternellement. Quelle affreuse demeure que celle des orgueilleux !
  77. Prends patience, ô Mohammed ! Les promesses de Dieu sont la vérité même, et, soit que nous te fassions voir quelques-unes de ces peines dont nous les menaçons, soit que nous te recueillions chez nous avant ce terme, ils retourneront auprès de nous.
  78. Avant toi aussi nous avions envoyé des apôtres ; nous t’avons raconté l’histoire de quelques-uns d’entre eux, et il y en a d’autres dont nous ne t’avons rien dit. Ce n’est pas à un envoyé qu’il appartient de faire un miracle, excepté si Dieu le permet ; mais, quand l’ordre de Dieu arrive, alors il s’accomplit en toute vérité, alors ceux qui le traitaient de chimère périssent.
  79. C’est Dieu qui a créé pour vous les bestiaux ; les uns pour vous servir de montures, d’autres pour vous nourrir de leur chair.
  80. Vous y trouvez de nombreux avantages : à l’aide d’eux vous réalisez le projet que vous nourrissiez dans votre cœur. Vous êtes portés par les bestiaux, vous êtes portés aussi par des navires.
  81. Dieu vous fait voir ses signes ; lequel des signes de Dieu nierez-vous ?
  82. N’ont-ils pas voyagé dans le pays ? n’ont-ils pas remarqué quelle a été la fin de leurs prédécesseurs, plus nombreux qu’eux, plus remarquables par leur force et les monuments qu’ils ont laissés dans le pays ? Mais leurs travaux ne leur ont servi de rien.
  83. Quand les envoyés, munis de preuves évidentes de leur mission, parurent au milieu d’eux, ils se réjouissaient avec orgueil de la science qu’ils possédaient ; mais le supplice dont ils se riaient les enveloppa de tous côtés.
  84. Et quand ils eurent éprouvé la violence de nos coups, ils se mirent à crier : Voilà, voilà ! nous avons cru au Dieu unique ; voilà, voilà ! nous ne croyons plus aux divinités que nous lui associions.
  85. Mais leur foi soudaine ne leur servit de rien, quand déjà ils eurent reconnu notre violence. Telle a été la coutume constante[14] de Dieu à l’égard des hommes qui ne sont plus. Ainsi périssent les infidèles.

  1. Ce chapitre est intitulé Croyant, car il est fait mention d’un croyant de la famille de Pharaon.
  2. Voy ; II, 1
  3. Mot à mot : leur mouvement en tout sens dans ce pays. Mahomet entend par là leurs allées et venues à cause du commerce qu’ils faisaient en Arabie et en Syrie, et du bien-être qu’ils en recueillaient. Voy. III, 196.
  4. On entend par le les Chérubins, anges de l’ordre le plus élevé et créés les premiers.
  5. Les commentateurs entendent différemment ce passage. Selon les uns, la première mort est cet état d’insensibilité dans lequel l’homme est avant sa naissance ; la seconde est la mort par suite de laquelle il quitte le monde ; on renaît deux fois, l’une pour le monde, une autre pour le jugement dernier. Selon d’autres, la première mort, c’est la mort naturelle ; la seconde, c’est quand le défunt, après avoir été interrogé dans le tombeau, meurt jusqu’au jour de la résurrection.
  6. Vous ne croyez pas à l’unité de Dieu, mais vous étiez disposés à croire à la pluralité de Dieu.
  7. Le mot arch du texte veut dire le trône de la majesté, qui est au-dessus de tous les cieux et bien au-dessus du korsi, qui est le trône de la justice.
  8. Le jour de l’entrevue (avec Dieu) est le jour du jugement dernier.
  9. Littéralement : Dieu connaît des perfides d’yeux, c’est-à-dire ces hommes qui ont des yeux perfides, et qui jettent un regard de connivence coupable, ou un regard de convoitise sur ce qui est illicite.
  10. Sur Karoun, qui est le Coré de la Bible, voy. chap. XXVIII, 76, note.
  11. Le mot elahzab, pluriel de hizb, que nous traduisons par partis, et qui est rendu dans d’autres traductions par confédérés, s’applique dans le Koran aux anciennes peuplades de l’Arabie, telles qu’Ad, Thémoud, etc., et, du temps de Mahomet, aux diverses tribus qui formaient des alliances temporaires.
  12. C’est le jour du jugement dernier, où les méchants s’appelleront les uns les autres, soit pour s’accuser réciproquement, soit pour invoquer te secours les uns des autres.
  13. C’est-à-dire, lorsque sonnera l’heure, lorsque se lèvera le jour du jugement dernier.
  14. Telle, a été la voie, l’usage, la sonna de Dieu.