Maisonneuve et Ch. Leclerc Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 26-53).


III

LE MOIS DE FÉVRIER

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La veille de la Chandeleur (1er février).
L’hiver se passe ou prend vigueur.


U ne jeune fille veut-elle connaître l’époux qui lui est destiné, elle doit, la veille au soir de la Purification, en tournant le dos au feu, jeter une poignée de cendre sur les tisons ardents, de manière à les recouvrir aussi complètement que possible. Mieux les tisons seront cachés, plus le charme aura de chances de réussite. Pendant cette opération, qui suppose toujours une certaine préparation, la jeune fille dit :

Chandelier, Chandeleur,
Je te cache à… heures (indiquer l’heure exacte) ;
Fais-moi voir en mon dormant
Celui que j’aurai en mon vivant.

Si elle va se coucher aussitôt et parvient à s’endormir sans avoir prononcé une seule parole, elle peut être certaine de voir dans son premier sommeil l’homme qui partagera, un jour, sa bonne et sa mauvaise fortune.

La même révélation peut être obtenue, sans tant de complications, à n’importe quel moment de l’année, mais avec un moindre degré de certitude, si la consultante prend soin de placer ses jupes en croix sous son oreiller, quand elle se met au lit, ou bien de disposer de la même façon, sous sa tête, les jarretières d’une personne avec laquelle elle couchera pour la première fois. Dans ce dernier cas, elle doit dire, avant de se laisser aller au sommeil :

Que Dieu me fasse voir en dormant
Le plus fidèle de mes amants !

Le montagnard vosgien attache une grande importance aux rêves : chacun d’eux renferme pour lui un conseil, une leçon ou un avertissement. Il s’applique donc, en toute occasion, à en rechercher le sens. Voici quelques-unes des interprétations le plus communément admises :

Quand on rêve de poux ou de poissons vivants, c’est signe d’argent ; plus on les verra nombreux, et plus nombreux aussi seront les écus que l’on aura à recevoir.

Rêver que l’on trouve ou que l’on manie de l’argent annonce que l’on aura, prochainement, besoin d’une somme égale à celle que l’on tient dans la main, mais qu’on ne pourra se la procurer. Si l’on voit, au contraire, un voisin ou un ami ramasser de l’argent à poignées, alors que l’on fait d’impuissants efforts pour l’imiter, on peut s’attendre à devenir riche sans tarder.

Rêver de poissons engourdis ou malades menace d’accidents, — de poissons morts, annonce qu’un membre de la famille touche à sa fin.

Rêver de puces présage disputes de femmes.

Rêver de chats présage trahison.

Rêver de loup présage malheur.

Rêver de chien présage sécurité.

Rêver de rats présage disette.

Rêver de taupes présage ravages par la pluie ou la grêle.

Rêver d’âne présage chagrins d’esprit et revers de fortune.

Rêver d’animaux domestiques — principalement de chevaux — qui nous poursuivent, présage persécutions, calamités.

Rêver de serpent au repos présage inquiétude.

Rêver de serpent déroulant ses anneaux présage prison.

Rêver de grenouille présage pauvreté.

Rêver d’incendie présage contentement.

Rêver d’oiseaux présage joie.

Rêver d’œufs vieux présage soucis.

Rêver d’œufs frais présage plaisir.

Rêver d’œufs à deux jaunes et d’œufs pourris présage adversité.

Rêver d’œufs qu’on laisse tomber présage mort.

Rêver de soldats présage bruit et querelle.

Rêver de filles qui chantent présage mariage avantageux.

Rêver de personnes mortes présage mauvais temps (si on les voit souvent, elles demandent des prières).

Rêver de fruits présage santé, si la saison de ces fruits est venue, — infirmités, si leur temps est passé ou encore éloigné.

Rêve-t-on que l’on assiste à un festin et que l’on fait honneur à la bonne chère, on est menacé d’une grande maladie. Doit-on se contenter de voir manger les autres, malgré tout le désir que l’on a de faire comme eux, on se sentira bientôt plus robuste et plus vaillant que jamais.

Qui rêve d’aiguilles sera trompé par sa femme.

Si l’on croit se débattre dans les ronces, on tombera prochainement sous les griffes des gens de loi. Il en est de même si, en regardant ses mains, on se voit les ongles rognés de frais.

Avoir la barbe longue présage fortune, bonheur, gain de procès.

Voir sa femme près de soi, quand elle n’y est pas, signifie qu’il y a du louche dans la conduite de celle-ci, et qu’il est prudent de veiller sur elle.

Vous arrive-t-il de rêver que l’on vous arrache votre dernière dent, ou que vous êtes occupé aux travaux de la fenaison, vous pouvez vous préparer à mourir dans l’année.

La première chose à faire quand un rêve nous reste présent à l’esprit, une heure après le réveil, c’est de chercher combien de jours compte la lune. Les rêves n’annoncent rien de certain ni même de probable quand la lune est dans son deuxième, troisième, cinquième, sixième, quatorzième ou vingtième jour. Ils ont, au contraire, une signification non douteuse, pendant le reste du mois lunaire, et les événements qu’ils présagent sont proches quand la lune entre dans son vingt-septième, vingt-huitième ou trentième jour.

Les jeunes filles ne s’en tiennent pas aux rêves pour savoir quel épouseur leur réserve la destinée : il est d’autres moyens auxquels elles ont fréquemment recours. En voici deux des plus usités :

La fillette qui veut savoir de quel côté viendra le galant auquel elle donnera sa main n’a qu’à monter sur un tas de fumier, le jour de la Purification, avant le lever du soleil, et à jeter son sabot en l’air. De la direction vers laquelle la pointe de son sabot sera tournée, quand elle le relèvera, accourra un jour le mari désiré.

La consultante obtient le même résultat en faisant, avec une poignée d’étoupes, trois petites poupées qu’elle range sur une même ligne. Les poupées de droite et de gauche figurent les amoureux qu’elle a ou voudrait avoir, celle du milieu la représente elle-même. Un tison brusquement approché de cette dernière a tôt fait de la mettre en flammes, et il suffit à la jeune fille d’examiner vers lequel des deux galants le feu se dirige tout d’abord pour savoir, de façon à peu près certaine, dans quel village demeure le jeune homme qu’elle épousera. Ce jeu innocent constitue l’une des distractions favorites des jeunes filles pendant les longues veillées d’hiver.

Le jour de la Purification, on fait bénir des cierges et de la cire, — les cierges, pour les allumer sous le ventre des bêtes que l’on attèle pour la première fois et les préserver ainsi d’accident ; — la cire, pour en fabriquer de petites croix que l’on attache à l’intérieur et à l’extérieur des étables et des écuries, en vue de garder de maléfices les bêtes à cornes et les chevaux.

De semblables croix placées sur les ruches conjurent les effets de l’orage et défendent les mouhhattes (abeilles) contre le feu du ciel.

Les cierges bénits le jour de la Purification mettent, de même, à l’abri du tonnerre les maisons où on les conserve pieusement. On les emploie aussi dans la médecine populaire, et notamment pour combattre le gihhe (érysipèle).

Après avoir laissé tomber dans de l’eau bénite trois gouttes de cire fondue provenant de l’un de ces cierges, l’opérateur fait le signe de la croix et lave le mal avec l’eau ainsi sanctifiée, en disant :

« Gihhe, de quelque façon que tu sois et que tu puisses être, je te conjure et te commande, au nom du grand Dieu vivant et des trois personnes de la Sainte-Trinité, de sortir de… (Indiquer le siège du mal, ainsi que les noms et prénoms du malade), et de t’en aller au plus profond de la mer. »

Pendant qu’il répète cette conjuration trois fois, le guérisseur applique sur la partie du corps envahie par l’érysipèle un cataplasme de farine de seigle, et clôt l’opération par un nouveau signe de croix. Quelques heures plus tard, il commence une neuvaine à saint Thiébaud, et prend soin, à partir du lendemain, de retrancher chaque jour un Pater et un Ave des prières qu’il dit à cette intention.

Si le soleil brille avant midi le jour de la Chandeleur, l’ours, qui est sorti pour le voir, rentre pour quarante jours dans sa caverne.

Qu’il brille avant ou après midi, d’ailleurs, on peut être certain que, s’il se montre ce jour-là, pendant les six semaines suivantes le soleil restera invisible.

Quand on le voit à l’heure de la grand’messe, si le cultivateur a encore la moitié de son foin, il en a assez ; mais, s’il en a moins de la moitié, il devra en acheter.

Claires chandelles,
Claires javelles,

dit-on aussi du jour de la Chandeleur.

Si la belette est grise, le jour de la Chandeleur, signe de froid ; — si elle est blanche, signe de neige ; — si elle est rousse, signe de beau temps.

À la Chandeleur verdure,
À Pâques neige forte et dure.

On doit éviter de se faire tirer du sang le jour de la Purification.

Saint Blaise (le 3) est invoqué contre les inflammations produites par le venin, contre la puce maligne, la rage et la peste. Quand on requiert sa protection dans le but d’être préservé de cette dernière et terrible maladie, il est de rigueur, disent les gens de Rochesson, de suspendre au bout d’une longue perche, en dehors des habitations, un morceau de viande saignante, et de laisser cette chair à la même place, jusqu’à ce qu’elle soit complètement desséchée. Reconnaît-on, à ce moment, qu’elle est devenue noire comme de la suie, c’est un signe évident que le saint a entendu nos supplications et se fait notre défenseur. Il est alors ordonné de brûler le morceau de viande et d’en enterrer les cendres sans le moindre retard.

On prie aussi saint Blaise pour les troupeaux, et particulièrement pour les bêtes malades de l’étranguillon. Le jour de sa fête, on fait bénir du sel qui, répandu sur le foin destiné à la nourriture des animaux, assure leur conservation.

Sainte Agathe, patronne des jeunes mères, guérit les maux de seins. À l’issue de la messe que l’on dit en son honneur, le 5 février, jour de sa fête, les femmes de Vecoux font bénir de l’étoupe de chanvre mâle ou de la filasse de lin. Quand l’une d’elles a les seins malades ou taris, elle applique sur le siège du mal une poignée de cette étoupe ou de cette filasse, et nul remède, d’après la croyance commune, n’est plus efficace pour chasser la maladie et faire revenir le lait.

Au Thillot, les femmes soucieuses d’échapper aux infirmités que guérit sainte Agathe entendent la messe le jour de la fête de cette bienheureuse et déposent, comme offrande, aux pieds de sa statue, une quenouillée de chanvre ou un œuf. Ce jour-là, sous aucun prétexte, les hommes ne peuvent assister à la messe.

Sainte Appoline (le 9) est invoquée contre le mal de dents. L’oraison suivante, récitée d’un cœur fervent, n’est jamais, dit-on, restée sans effet :

« Sainte Appoline étant assise sur la pierre de marbre, Notre-Seigneur passant par là lui dit : « Appoline, que fais-tu là ? » — « Je suis ici pour guérir mon mal de dents. » — « Appoline, retourne-toi ; si c’est une goutte de sang, elle tombera ; si c’est un ver, il mourra. »

Dire cinq Pater et cinq Ave à l’intention des cinq plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ, faire ensuite le signe de la croix avec le pouce de la main droite sur la joue qui recouvre la dent malade, en ajoutant : « Dieu te guérisse par sa toute-puissance ! Ainsi soit-il. »

Il n’y a pas que l’oraison à sainte Appoline qui guérisse les dents malades ou assure leur conservation ; d’autres moyens sont tout aussi vantés, et il n’est pas sans utilité de les connaître.

Pour que les dents d’un enfant sortent sans douleur, il faut lui frotter les gencives, de temps en temps, avec de la cervelle de lièvre.

Dès que la première dent est apparente, on remplace la cervelle de lièvre par du vin. De là le dicton de Rupt : « Quand un enfant fait ses dents, la mère doit vendre sa chemise pour lui acheter du vin. » Il est cependant quelque chose de meilleur encore, c’est de lui frotter les gencives avec une crête de coq saignante.

Une dentition prématurée est l’indice de maladies prochaines auxquelles l’enfant aura de la peine à résister.

Quand un enfant a des dents de bonne heure, c’est qu’il réclame un frère ou une sœur. Dès qu’il commence à parler, s’il dit papa avant de dire maman, il aura un frère sans tarder ; dans le cas contraire, ce sera une sœur.

En prenant la précaution de suspendre au cou d’un enfant — de préférence pendant la semaine sainte — une dent provenant de l’un de ses grands parents morts, on lui assure des dents de lait superbes, et celles qui les remplaceront ne se gâteront jamais.

Quand un enfant perd une de ses dents de lait, il doit se hâter d’aller la déposer dans un trou de muraille, en disant : « Petite souris, je t’apporte une de mes dents, donne-m’en une autre ! »

À l’enfant qui reprend ce qu’il a donné, il poussera de longues dents.

Ne prenez pour valet ou pour ouvrier ni un homme à longues dents, — il aimerait trop ses aises ; — ni un homme à dents de fouine (pointues), — il vous jouerait quelque méchant tour ; — arrêtez votre choix sur un homme aux dents courtes et carrées, celui-là sera diligent, vaillant et fort.

Si, le jour où l’on ressent pour la première fois le mal de dents, on avait la chance de se procurer une dent de mort, on pourrait tenir pour certain, à la condition de la porter toujours sur soi et de ne pas s’en séparer, que l’on n’aurait plus jamais à se plaindre de cette horrible souffrance.

Quand les dents se déchaussent, il faut, pour les raffermir, frotter les gencives avec un onguent composé de miel et de corne de pied de bœuf brûlée.

Prendre l’habitude de ne se couper les ongles des pieds et des mains que l’un des jours de la semaine dans le nom desquels n’entre pas la lettre R, est un bon moyen pour se défendre du mal de dents, mais, si l’on veut être sûr d’y échapper tout à fait, on doit choisir exclusivement le lundi.

Il est encore recommandé, dans le même but, de se baigner au mois d’août, entre neuf et dix heures du soir, mais alors seulement que le brouillard s’élève des rivières et que la lune est dans son premier quartier.

Une jeune fille accepte-t-elle des noisettes de son amoureux, qu’elle ne s’avise pas de les casser avec ses dents, pendant la semaine qui précède la Toussaint : autrement, toutes ses dents seraient gâtées pour Noël et tombées pour Pâques.

Parmi les nombreux moyens recommandés pour combattre le mal de dents, les plus en vogue sont ceux que l’on trouvera ci-dessous :

A) Dire trois Pater en tenant les yeux fixés sur le cercueil d’une personne que l’on vient de descendre dans la fosse, et, si le mal persiste, réciter la même prière, à minuit, sur une tombe fraîchement fermée, dans un cimetière où l’on se sera rendu seul.

B) Presser la dent douloureuse entre les deux premiers doigts de la main gauche et dire : « Dent, je te conjure, de la part du grand Dieu vivant, de ne faire non plus de tort à la créature N… (nom et prénoms du patient), que la lance n’en a fait au sacré côté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Faire ensuite trois signes de croix sur la dent et dire trois Pater et trois Ave, en l’honneur de la Sainte-Trinité.

C) Écrire ces mots « Stragiles[1] falcesque dentatæ, dentium dolorem persanate » sur un morceau de parchemin, et porter ce talisman suspendu au cou, jusqu’à ce que la dent soit radicalement guérie. Ce moment venu, se hâter de jeter la conjuration au feu.

D) Appliquer sous forme de cataplasme, du côté du mal, au-dessus ou au-dessous de l’oreille, suivant que la dent dont on souffre appartient à la mâchoire supérieure ou à la mâchoire inférieure, une gousse d’ail pilée, réduite à l’état de pâte, et fortement additionnée de sel.

E) Faire saigner les gencives avec un clou provenant d’un vieux fer à cheval, et enfouir ensuite ce clou dans un trou assez profond, pour que ni les rayons du soleil ni les rayons de la lune ne puissent arriver jusqu’à lui. Tant que le clou restera à l’abri de la lumière, la personne qui l’aura enterré sera exempte du mal de dents.

F) Faire, avec la pointe de n’importe quel clou, le tour de la dent malade, en invoquant les saints, enfoncer ensuite ce clou dans le tronc d’un arbre, avec la ferme volonté de clouer le mal à cette même place. Le résultat cherché ne se fera pas attendre, mais malheur à l’imprudent étranger qui s’aviserait d’arracher le fer de l’arbre ! Le mal de dents s’emparerait aussitôt de lui.

Ce mode de transmission du mal rencontre quelquefois des incrédules, et c’est à l’un d’eux, sans doute, qu’est dû l’irrévérencieux récit que l’on va lire :

« Un homme de la montagne avait pour habitude d’enfoncer dans le tronc d’un même sapin tous les clous qui lui servaient à se guérir du mal de dents. Un beau jour, l’arbre fut abattu et porté à la scierie. Le sagar, qui ne se doutait mie de la présence de tous ces clous, endommagea si fort sa scie, quand celle-ci vint à les rencontrer, qu’il se vit dans la nécessité de suspendre son travail et de jeter son outil au rebut. Ceci prouve, clair comme le jour, aux ignorants, que quiconque s’attaque aux clous guérisseurs attire sur lui le mal qu’ils retiennent prisonnier. La scie dont il vient d’être parlé l’apprit chèrement à ses dépens, puisque, pour avoir serré les clous de trop près, elle fut si bien prise du mal de dents qu’elle les eut toutes brisées du même coup. »

L’esprit facétieux des paysans vosgiens se révèle encore dans les deux formules que voici :

« S’il vous arrive d’avoir une rage de dents, remplissez-vous la bouche d’eau, et asseyez-vous sur un fourneau bien chaud : quand l’eau sera bouillante, le mal de dents sera passé.

« Si vous le préférez, tenez par la queue une pomme entre vos dents et tournez le dos au feu : quand la pomme sera cuite, vous serez guéri. »

Il est d’usage, en vue d’échapper à un certain nombre de maléfices, de jeter au feu toute dent tombée ou arrachée. Quelques personnes pourtant conservent précieusement les leurs dans une boîte ou dans un coffret : c’est pour avoir, paraît-il, la satisfaction de dire sans mensonge qu’elles ont encore toutes leurs dents. D’autres, enfin, les enterrent secrètement, en prenant bien garde au lieu où elles les mettent, afin de pouvoir les retrouver sans difficulté le jour de la résurrection des corps.

Ajoutons, pour finir, qu’il serait de la dernière imprudence de se faire arracher des dents un jour de Vigile ou de Quatre-Temps, un jour impair des six premiers mois, un jour pair des six derniers.

Saint Valentin (le 14) est le patron des amoureux.

Une très ancienne coutume conservée dans quelques localités des Vosges, et qui, dans l’origine, se rattachait étroitement à la fête de ce bienheureux, est celle de donner les Valentins, c’est-à-dire d’assigner d’office, en public, un galant, propre à faire un mari, à toute fille ou femme en état d’entrer en ménage. Voici comment on l’observe encore de nos jours à Corcieux :

Le dimanche-gras, à l’issue des vêpres, le gros de la population se porte sur la place de l’église. Accourus des premiers, les conscrits de l’année vont d’un groupe à l’autre, graves, affairés, interrogeant du regard les jeunes filles et feignant de recevoir d’elles de mystérieuses confidences. Après ce prélude, ils se rassemblent autour des chefs qu’ils se sont donnés pour la circonstance, se partagent en deux bandes et envahissent, les uns à droite, les autres à gauche, deux maisons situées vis-à-vis l’une de l’autre, à l’entrée de la rue voisine. Presque aussitôt on entend s’ouvrir dans chacune de ces maisons les fenêtres du premier étage, et, à travers les persiennes closes, s’établit le dialogue suivant :

— Donne qui donne !

— Donne qui donne !

— Je donne Pierre A… à Louise B…

— Je donne Léonard X… à Célestine Z…

— Je donne, etc.

Et les chefs des deux bandes s’envoient ainsi la réplique, jusqu’à ce que toutes les personnes de la commune, en âge et en situation de contracter mariage, y aient passé.

Cette énumération qu’assaisonne, de temps à autre, un grain de malice, n’est point abandonnée au caprice ou au hasard de l’inspiration, elle suppose une étude approfondie des faits et gestes des personnages, de leurs habitudes, de leurs inclinations. Aussi la liste des Valentins et des Valentines est-elle préparée de longue main. Mais tout le monde — il y a partout des timides et des gens à l’imagination lente — ne songe pas au mariage. Pourquoi ne viendrait-on pas en aide à ceux qui sont vraiment incapables de prendre une décision aussi importante de leur propre mouvement ? L’essai n’en coûte rien,… on le tente bravement. Et c’est ainsi, souvent, que d’un mariage pour rire sort un mariage sérieux, lequel ne tarde pas à être solidement noué par M. le maire et M. le curé.

Cependant, de recueillie et de silencieuse qu’elle se montrait au début, la foule est devenue peu à peu bruyante et agitée. De plaisants commentaires accompagnent les derniers appels de noms, les lazzi se croisent, les traits mordants, les bons mots se succèdent sans interruption. On n’en garde pas moins une réserve relative, une attitude suffisamment digne et décente, et quand, la liste des épouseurs épuisée, les curieux songent à regagner leurs demeures, ils le peuvent faire sans échange de horions.

Tout n’est pas terminé, cependant. L’heure va sonner bientôt pour les Valentins d’entrer à leur tour en scène, et de faire connaître leurs bonnes ou mauvaises dispositions. Celui qui est satisfait de son lot se met immédiatement en quête de la bouteille de vin ou de liqueur qui, le soir venu, devra gonfler sa pochette, quand il se rendra chez la compagne qui lui est échue. Ce tribut est strictement dû ; c’est ce que l’on appelle racheter sa fehhnotte, c’est-à-dire sa fiancée de carnaval. Celle-ci, qui s’attend à la visite du galant, a déjà dressé sur la table, pour le recevoir, d’appétissantes galettes. On s’assied, on mange, on boit, on trinque, et, après avoir devisé joyeusement, on va finir la soirée ensemble au bal public. Pour peu que l’accueil des parents ait été gracieux, le jeune homme se considère comme ayant de droit, à partir de ce moment, l’entrée de la maison, et il ne tient plus qu’à lui de tirer parti de la situation.

Si le Valentin, au contraire, est mécontent du partage, il ne se gêne nullement pour aller chercher des distractions ailleurs que chez sa Valentine. La pauvre fille restera donc au logis, seule, ou à peu près seule, ce soir-là, car si quelque voisin indiscret lui apporte de banales consolations, elle sait ce qu’en vaut l’aune et ne les écoute guère. À quoi bon, d’ailleurs, s’arrêter à de pareilles taquineries ? Ne tient-elle pas sa vengeance en main ? Huit jours d’attente, pas plus, et rira bien qui rira le dernier.

Dans la soirée du dimanche suivant, le premier du carême, celui que dans le pays on appelle le jour des Bures, il est d’usage d’allumer de grands feux au milieu du village. Or, depuis un temps immémorial, ce sont les Valentines dédaignées, elles seules, qui entendent se charger de ce soin. Soyez assurés qu’aucune n’y manquera ; la plus vieille, comme la plus jeune, aura son feu à elle, et ce ne sera pas un vulgaire feu de joie que chacune de ces pauvres filles dressera et allumera de sa main, non ! mais un véritable bûcher, un bûcher tel que la justice implacable en réservait autrefois au châtiment des grands coupables. Tant pis pour l’homme qui lui a fait affront ! Il est voué aux flammes vengeresses, et, s’il n’est pas rôti en réalité, — qu’il en rende grâce au ciel ! — il sera brûlé, du moins, en effigie, sous la forme d’un affreux bonhomme de paille et d’osier. Quelle joie pour toute fehhnotte de préparer le supplice de l’ingrat, de jeter son ennemi dans le brasier, de l’y voir se tordre et de pouvoir lui dire, à ce moment, suivant la formule consacrée : « Mahhe pèce, t’es préféré in aute qué mi qui sos té fehhnotte ? Eh bé, mi, je m’fous de ti. Breûle, breûle donc, jusqué le derrère brin ! Que j’te voisse plus dan mes eux ; qué j’ poïesse donner mé main à in aute sans regret ! » — Traduction : « Mauvaise pièce, tu as préféré une autre (femme) à moi qui suis ta fiancée ? Eh bien, moi, je me f… de toi. Brûle, brûle donc, jusqu’au dernier brin ! que je (ne) te voie plus devant mes yeux ; que je puisse donner ma main à un autre sans regret ! »

Une autre acception plus étendue du nom de Valentin est la suivante : dans les bals, dans les mariages, le cavalier qui rend des soins à une femme ou à une jeune fille, en d’autres termes, qui lui sert de cavalier, est dit son Valentin, et il appelle celle-ci sa Valentine.

Saint Valentin n’est pas seulement en honneur auprès des amoureux, ni des couples graves ou joyeux qui réclament son parrainage, les laboureurs le tiennent aussi en grande vénération et le regardent comme l’un des plus puissants protecteurs du bétail. L’anecdote suivante, très populaire à Gerbamont, en donnera la preuve.

« Un homme du haut du Ban-de-Sapt, auquel on disait (que l’on nommait) Jean Claude, voyait ses bêtes dépérir, depuis quelque temps, sans pouvoir en découvrir la cause. Soupçonnant là-dessous quelque diablerie, il consulta deux ou trois sorciers. Peines perdues ! leurs agioles (simagrées) ne servirent à rien. L’idée lui vint alors de faire dire une messe à saint Valentin, et il donna l’ordre à sa femme de se rendre au presbytère : — Surtout, retiens bien le nom, fit-il, c’est à saint Valentin, et non à un autre, que le curé devra s’adresser en disant sa messe.

— Compris.

— Va donc, et par la même occasion, rapporte-moi du village un paquet de tabac et une bouteille d’eau-de-vie. S’il te reste quelques sous, tu pourras acheter aussi du sel.

La femme s’éloigne, mais, comme rien ne la presse, elle s’arrête ci, elle s’arrête là, et bavarde si bien tout le long du chemin qu’elle arrive à la porte du prêtre sans avoir eu le temps seulement de songer à sa commission. Pourvu qu’elle se souvienne maintenant du saint dont lui a parlé son homme ! Mais, non, est-ce bien possible ? Ce nom ne lui revient plus à cette heure, et la voilà toute marrie. Que faire ?

— Ma foi, tant pis ! — pense-t-elle, — je vais conter à M. le curé mon embarras.

Après l’avoir écoutée avec bonté, le curé lui dit :

— Ma bonne femme, nous allons passer en revue les noms des principaux saints invoqués comme protecteurs du bétail et des biens de la terre. Vous reconnaîtrez sans doute parmi eux le saint dont le nom vous échappe. Voyons ! est-ce saint Biaise ?

— Nenni.

— Saint Marc ?

— Nenni.

— Saint Guérin ?

— Nenni.

— Saint Benoit ?

— Pas davantage.

— Saint Valentin, peut-être ?

— Ce n’est pas encore celui-là.

Le curé lui nomma d’autres saints, d’autres encore, mais ce fut en vain et la pauvre Ban-de-Sotte dut renoncer à l’espoir de réparer son regrettable oubli.

— Puisque vous ne pouvez vous rappeler ce nom, — dit le curé, — j’offrirai le saint sacrifice en l’honneur de tous les saints protecteurs du bétail, et, de cette façon, celui dans lequel votre mari a le plus de confiance saura ce que vous demandez.

La femme Jean Claude trouva que le curé avait raison et se retira tranquillisée.

Quand elle fut de retour chez elle, son homme lui dit :

— Eh bien ! que t’a répondu le curé ?

— Mon pauvre homme, j’ai été bien fâchée contre moi, en m’apercevant, quand je suis entrée au presbytère, que le nom du saint dont tu m’avais parlé m’était sorti de la tète.

— Comment ! tu as pu l’oublier ?

— Hélas ! oui.

— Sur ma foi, c’est être par trop bête ! Comment ! tu ne te rappelles pas que c’était saint Valentin ?

M’as-tu rapporté du tabac, au moins ?

— Oui, le voilà.

— Et de l’eau-de-vie ?

— Oui, et aussi du sel ; tu vois bien que je n’ai pas tout oublié.

— Et à qui, maintenant, le curé va-t-il dire sa messe ?

— Il m’a promis de la dire à tous les saints.

— À tous les saints ? à tous les saints ? Eh bien ! voilà ce que l’on peut appeler une messe manquée ; tu verras que tous les saints se déchargeront les uns sur les autres, et que pas un ne s’occupera de nous. »

Si, le 14 février, dans un ciel pur et dégagé de tout nuage, le soleil se montre brillant, l’automne nous donnera plénitude de biens. S’il vente, et si le ciel est couvert, la guerre ne sera pas loin. S’il neige ou s’il pleut, les terres en culture seront de bon rapport. Si des brouillards épais montent des rivières, le médecin aura le cœur joyeux.

Le carnaval dans les Vosges ne présente rien de particulier. Peu ou point de masques ; deux jours de franche lippée, le dimanche et le mardi-gras, comme ailleurs ; du lard à profusion et sous toutes les formes, des montagnes de beignets, du vin coulant à flots, de l’eau-de-vie aussi, et c’est tout.

Si l’on veut avoir de beaux choux, il faut les semer le jour du mardi-gras et les transplanter le jour de la Saint-Jean.

Le soir du mardi-gras, il ne faut pas filer, autrement les souris mangeront le fil.

Quand Mardi-Gras est de vert vêtu, Pâques met des habits blancs.

Le mercredi des cendres, on attire le malheur sur sa tête si l’on attèle les bêtes de somme avant l’office du matin.

Il importe de remarquer la personne qui se rend la dernière à l’offrande, à la messe du mercredi des cendres. Si elle est de haute taille, le chanvre sera haut sur pied ; si elle est petite, le chanvre sera court aussi.

Saint Mathias (le 24), — s’il trouve de la glace, la casse, — s’il n’en trouve point, il en fait.

Autant de jours l’alouette chante avant la saint Mathias, autant de jours elle se tait après.

Il est rare que le temps soit assez clément à la fin de février pour qu’on puisse lâcher les vaches au pâturage. Il ne faut pas trop s’en plaindre, car, suivant l’époque où on leur rend la liberté pour la première fois, elles se comportent bien ou mal pendant le reste de l’année.

Si on les met au pré en février, c’est-à-dire sous le signe des Poissons, on ne sait quel diable toujours les pique ; elles sont vives, folâtres, et courent comme des dératées.

Le mois de mars est le plus favorable, car, sous le signe du Bélier, elles prennent la douceur des moutons.

En avril, rien de bon à attendre d’elles, à cause du signe du Taureau. Elles ne peuvent se rencontrer sans jouer des cornes, et, toute l’année, elles demandent le mâle.

Mai est propice. Les Gémeaux les rendent d’humeur facile ; on en fait ce que l’on veut.

Juin ne vaut rien. Quand elles sortent, pour la première fois, sous le signe de l’Écrevisse, elles ne savent plus marcher droit, et reculent, quand on leur dit d’avancer.

Le signe du Lion est de tous le plus pernicieux pour elles ; aussi vaudrait-il peut-être mieux les garder toute l’année dans l’étable que de les lâcher seulement en juillet, pour la première fois ; car, alors, elles prennent la mouche pour rien, et se montrent en furie jusqu’au commencement de l’arrière-saison. Aucun moyen de les calmer.

Tonnerre en février attire sur les riches grande mortalité.

Février de tous les mois
Le plus court, le moins courtois

Quand février ne févriolle (n’est pas rude), mars s’en réjouit.

Pluie de février
Vaut du fumier.

Jamais ne passe février
Sans voir feuiller le groseillier.

Le mois de février a trois jours fastes : le 7, le 8 et le 18 ; quatre jours néfastes : le 2, le 10, le 17 et le 22.

  1. Lege : Strigiles.