Le Diable à Paris/Série 3/Le dimanche d’un ouvrier de province à Paris

Le dimanche d’un ouvrier de province à ParisJ. HetzelVolume 3 (p. 63-70).
LE DIMANCHE
PROMENADE D’UN OUVRIER DE LA PROVINCE DANS PARIS.
par erckmann-chatrian

Depuis mon arrivée à Paris, je n’avais pas eu le temps de revoir Emmanuel ; l’ouvrage était pressé dans cette quinzaine, il avait fallu travailler le premier dimanche et le lundi jusqu’au soir. Mais, le samedi suivant, en nous faisant la paye, M. Braconneau nous ayant prévenus que le lendemain serait libre, je m’habillai de bonne heure et je courus à l’hôtel de la rue des Grès.

Cela tombait bien, car, en me voyant, Emmanuel s’écria :

« Je pensais à toi, Jean-Pierre : voici les vacances, les examens sont commencés ; je passe à la fin de cette semaine et je m’en retourne deux mois au pays. J’aurais eu de la peine à partir sans t’embrasser. »

Il me serrait la main. Pendant qu’il ôtait sa belle robe de chambre, je lui racontai ce qui m’avait empêché de venir.

« Eh bien, nous allons faire un tour, dit-il, nous déjeunerons au Palais-Royal. »

En l’entendant dire que nous allions déjeuner au Palais-Royal, je crus qu’il plaisantait ; il vit ce que je pensais et s’écria :

« Pas chez Véfour, bien entendu ! Il faut attendre d’avoir notre part dans la pension de Louis-Philippe. Nous irons chez Tavernier, tu verras. »

Il riait, et nous sortîmes, comme la première fois, en descendant la rue de la Harpe. Mais il voulut me faire voir alors le Palais-de-Justice, fermé devant par une grille très-belle. Derrière cette grille se trouve une cour, et au bout de la cour, un escalier qui monte dans le vestibule, où les avocats accrochent leurs robes entre les colonnes. Sur la droite, un autre escalier mène dans une grande salle, la plus grande salle de France, et qu’on appelle salle des Pas-Perdus.

Tout autour de cette salle, très-haute, très-large et dallée comme une cathédrale, s’en ouvrent d’autres où sont les tribunaux de toute sorte pour juger les voleurs, les filous, les banqueroutiers, les incendiaires, les assassins et les amateurs de politique qui trouvent que tout n’est pas bien dans ce monde, et qui voudraient essayer de changer quelque chose.

C’est ce que m’expliquait Emmanuel, et je pensais que l’idée d’entrer dans la politique ne me viendrait jamais.

Après cela, nous descendîmes derrière, par un petit escalier qui mène sur une place ouverte à l’autre bout, au milieu du Pont-Neuf. Quand nous eûmes traversé cette place, assez sombre, nous vîmes à la sortie la statue de Henri IV tout près de nous, et, plus loin, cette magnifique vue du Louvre que j’avais tant admirée la première fois. Elle me parut encore plus belle, et même aujourd’hui je me figure que rien ne peut être plus beau sur la terre : cette file de ponts, ces palais du Louvre et des Tuileries, ces grilles, ces jardins, à gauche ; ces autres palais, et tout au fond l’Arc de triomphe ! Non, rien ne peut vous donner une idée plus grande des hommes !

Je le disais à Emmanuel, qui me prévint que le plus beau n’était pas encore ce que nous voyions, mais l’intérieur des palais, où sont réunies toutes les richesses du monde. Cela me paraissait impossible.

Comme nous continuions de marcher, étant arrivés dans la cour du Louvre, ce fut une véritable satisfaction pour moi de contempler ces magnifiques statues dans les airs, autour de l’horloge, représentant des femmes accomplies en beauté ; qui se tiennent toutes droites, deux à deux, les bras entrelacés comme des sœurs, et qui doivent avoir au moins trente pieds de haut.

Rien ne manque à ce spectacle. Seulement, plus loin, après avoir passé la voûte du côté des Tuileries, nous arrivâmes sur une vieille place encombrée de baraques, dans le genre du cloître Saint-Benoît, ce qui ne me réjouit pas la vue. Elle était pleine de marchands d’images, de guenilles, de ferrailles, et d’autres gens de cette espèce. Deux ou trois vendaient même des perroquets, des pigeons, des singes et de petites fouines, qui ne faisaient que crier, siffler, en répandant la mauvaise odeur.

On ne pouvait pas comprendre de pareilles ordures entre deux si magnifiques palais. Emmanuel me dit que ces gens ne voulaient pas vendre leurs baraques à la ville, et que chacun est libre de vivre dans la crasse, si c’est son plaisir.

Naturellement je trouvai que c’était juste, mais tout de même honteux.

Ayant donc regardé cette place, qui ressemblait aux foires de village, Emmanuel me prit par le bras, en disant : « Arrive ! »

En dehors de la cour du Louvre, à gauche, s’étendait la continuation de la bâtisse, et dans la cour se trouvait une porte assez haute, où des gens bien mis entraient.

« Avant d’aller déjeuner, il faut que tu voies le musée de peinture, me dit-il, nous en avons pour une heure. »

J’étais bien content de voir un musée ; j’avais seulement entendu parler de musée, sans savoir ce que cela pouvait être.

Dans le vestibule commençait une voûte qui se partageait en plusieurs autres, fermées par de grandes portes en châssis tendues de drap vert. Contre une de ces portes, à gauche, était assis un suisse, que je pris d’abord pour quelque chose de considérable dans le gouvernement, à cause de son magnifique chapeau à cornes, de son habit carré, de sa culotte de velours rouge, de ses bas blancs et de son air grave ; mais c’était un suisse ! J’en ai vu d’autres habillés de la même façon. Ils restent assis, ou se promènent de long en large pour se dégourdir les jambes : — c’est leur état.

Une dame recevait les cannes et les parapluies dans un coin, moyennant deux sous.

À droite s’élevait un escalier, large d’au moins cinq mètres, avec des peintures dans les voûtes. On avait du respect pour soi-même en montant un escalier pareil ; on pensait : « Je monte… personne n’a rien à me dire !… »

Mais tout cela n’était rien encore. C’est en haut qu’il fallait voir ! D’abord, ce grand salon éclairé par un vitrage blanc comme la neige, d’où descendait la lumière sur des peintures innombrables, tellement belles, tellement naturelles, qu’en les regardant vous auriez cru que c’étaient les choses elles-mêmes : les arbres, la terre, les hommes, au printemps, en automne, en hiver, dans toutes les saisons, selon ce que le peintre avait voulu représenter.

Voilà ce qui s’appelle une véritable magnificence ! Oui, quand on pense qu’avec de la toile et de la couleur les hommes sont arrivés à vous figurer tous les temps, tous les pays, tous les êtres, au lever et au coucher du soleil, à la lune, sur terre et sur mer, dans les moindres détails, c’est alors qu’on reconnaît le génie de notre espèce et qu’on s’écrie : « Heureux ceux qui reçoivent de l’instruction, pour laisser de pareilles œuvres après leur mort et nous enorgueillir tous !… »

Nous nous promenions dans ce grand salon, en silence comme dans une église ; nous entendions nos pas sur les parquets, qui sont de vieux chêne. Emmanuel m’expliquait tout bas ce que nous voyions ; il me disait le nom des peintres, et je pensais : « Quels génies !… quelles idées grandioses ils avaient, et comme ils les peignaient vivantes !… »

Je me rappelle que, dans ce salon, l’empereur Napoléon, à cheval, en hiver, au milieu de la neige, du sang et des morts, levait les yeux au ciel. Rien que de le voir, on avait froid.

C’est une des choses qui me sont restées. Mais ces terribles tableaux, qui sont faits pour donner aux hommes l’épouvante de la guerre, me plaisaient beaucoup moins que les champs, les prés, les bœufs, les petites maisons où l’on buvait à l’ombre devant la porte. On voyait que c’étaient tous d’honnêtes gens, et cela vous réjouissait le cœur ; ou aurait voulu se mettre avec eux.

La représentation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la sainte Vierge, des apôtres, des saintes femmes et des anges, avec tous les chagrins qu’ils ont eus, les injustices d’Hérode et de Ponce-Pilate, vous rendaient trop triste. Enfin chacun trouve là ce qui lui plaît ; chacun peut se rendre triste ou joyeux, selon ce qu’il regarde.

Après le grand salon carré, nous entrâmes dans une autre salle, longue d’au moins un quart de lieue, et puis encore dans une autre ; cela n’en finissait plus. Emmanuel me parlait ! mais tant de choses me troublaient l’esprit ! Et comme il venait toujours plus de monde, tout à coup il me dit :

« Écoute, Jean-Pierre, c’est l’heure du déjeuner. »

Nous eûmes encore un bon quart d’heure pour remonter les salles, et, si vous voulez savoir la vérité, je fus bien content d’être dehors, au grand air. C’était trop à la fois. Et puis j’avais faim, j’étais pressé de m’asseoir devant autre chose que devant des peintures.

Nous n’étions pas loin du Palais-Royal, où nous arrivâmes en gagnant la rue Saint-Honoré. Nous revîmes, en passant, la galerie d’Orléans, le jardin, les jets d’eau, les arcades ; mais ce qui me réjouit le plus, ce fut d’apercevoir l’écriteau de Tavernier, qu’Emmanuel me montra dans l’intérieur d’une de ces arcades.

Nous montâmes, et, malgré le bon dîner que nous avions fait chez Ober, je reconnus pourtant une grande différence. C’était là véritablement un restaurant parisien, bien éclairé, riche en dorures ; les petites tables couvertes de nappes blanches à la file entre les hautes fenêtres, les carafes, les verres étincelants, enfin tout vous annonçait la manière agréable de vivre en cette ville, quand on a de l’argent.

Nous étant donc assis, les domestiques arrivèrent. Emmanuel voulut avoir de l’eau de Seltz, du vin, du melon, des viandes, du dessert ; et, si je n’avais pas lu les prix à mesure sur la carte, j’aurais cru que nous étions ruinés de fond en comble. Eh bien, tout cela ne montait pas à plus de trois, ou quatre francs pour nous deux. C’est quelque chose d’étonnant !

Après le déjeuner, nous descendîmes prendre le café sur une petite table de tôle, au milieu du monde, dans le jardin. Emmanuel avait acheté des cigares, et nous fumions comme des propriétaires, en regardant à droite et à gauche les jolies femmes qui passaient. C’était bon pour un étudiant en droit ; mais moi, j’avais tout de même un peu honte de jouer un si grand rôle. Enfin voilà l’existence de Paris. Peut-être dans le nombre de ces messieurs et de ces dames qui m’entouraient, appelant les garçons et se faisant servir, s’en trouvait-il qui ne me valaient pas.

Il faisait très-chaud, tout était blanc de poussière, même les arbres. Vers deux heures, quelques gouttes de pluie s’étant mises à tomber, tout le monde se sauva sous les arcades. Il fallut aussi nous retirer ; mais Emmanuel me dit que cela ne durerait pas, et que nous allions monter en omnibus pour nous rendre à l’Arc de triomphe.

C’est ce que nous fîmes dans la rue Saint-Honoré, au coin de la place du Château-d’Eau, où se trouvait un corps de garde.

Les omnibus traversent tout Paris par centaines, et l’on peut aller d’un bout à l’autre de la ville pour six sous. Au milieu de la rue, vous n’avez qu’à faire signe, la voiture s’arrête ; le conducteur vous donne la main, vous montez, et vous êtes assis sur un banc rembourré de crin, à côté de messieurs et de dames, pendant que la pluie coule sur les vitres et que les chevaux galopent.

De pareilles inventions montrent que rien ne manque dans notre pays.

Nous courions depuis dix minutes, et le soleil commençait à revenir, lorsque Emmanuel leva la main pour dire : « Halte ! » Nous descendîmes sur une place grande comme deux fois Saverne, entourée de palais, de jardins et de promenades : la place de la Concorde. Je voudrais bien vous la peindre, avec ses deux fontaines en bronze, son obélisque, — une pierre en forme d’aiguille, d’au moins cent pieds, revenue d’Égypte, et couverte de sculptures, — et ses statues rangées tout autour représentant les villes principales de la France, sous la figure de femmes assises sur des canons, des boulets, des vaisseaux… Oui, je voudrais vous peindre tout cela : — le jardin des Tuileries d’un côté, les Champs-Elysées et l’Arc de triomphe de l’autre, l’église de la Madeleine à droite, la Seine couverte de bateaux et la Chambre des députés à gauche ; mais aucune parole ne peut vous donner l’idée de cette place immense. Autant dire tout de suite que c’est une merveille du monde, et que, dans cette merveille, tout ce qu’il y a de riche en voitures, en cavaliers, en dames, vont, viennent, se promènent et se regardent pour voir lesquels ont les plus beaux chevaux, les plus beaux plumets et les plus belles robes.

Le long de l’avenue des Champs-Elysées vous découvrez, a travers le feuillage, des centaines de maisons où les millionnaires demeurent, et plus loin, sur l’autre rive du fleuve, à gauche, l’hôtel des Invalides, son dôme dans les nues.

Sous les arbres, on voit aussi de petits théâtres pour les enfants, des chevaux de bois, des jeux de toutes sortes, des hercules, des ménageries ; enfin c’est une fête depuis le premier de l’an jusqu’à la Saint-Sylvestre.

Nous allions à travers tout cela. Nous voyions des statues en marbre de tous les côtés, dont je me rappelle principalement deux à l’entrée de la grande avenue, représentant deux hommes superbes et nus, qui tiennent par la bride des chevaux sauvages dressés sur les pieds de derrière, les jarrets pliés, la crinière droite, prêts à s’échapper

Emmanuel me prévint que c’étaient des chefs-d’œuvre, et je n’eus pas de peine à le croire.

Mais le plus beau c’est l’Arc de triomphe qui s’élève au bout de l’avenue, tout gris à force d’être loin, et pourtant superbe, avec ses lignes pâles dans le ciel, et ses voûtes, où des maisons pourraient passer.

Tout est beau, tout est grand dans cet arc de triomphe : nos victoires, qui y sont écrites partout, et qui font des listes de cinquante mètres ; la beauté de l’idée, la beauté des pierres, la beauté du travail, la beauté de la grandeur et la beauté des sculptures. Quatre de ces sculptures sont en dehors, sur des socles, appuyées contre les arches, et, d’après ce qu’Emmanuel me dit, elles représentent, du côté de Paris, la Guerre, sous la figure d’une femme que les soldats portent dans leurs bras, et qui crie : « Aux armes ! » Cela vous fait dresser les cheveux sur la tête. En regardant cette femme, on l’entend, on croit que les Russes et les Prussiens arrivent ; on voudrait courir dessus et tout massacrer.

Cette femme, je la vois toujours ; elle ressemble à celles du Dagsberg, qui vont aider leurs hommes à déraciner des tocs. C’est terrible !

Contre l’autre arche, et séparée par la voûte, c’est la Gloire. L’empereur Napoléon figure la Gloire. Un ange lui met des couronnes sur la tête pour le bénir. C’est aussi très-beau.

Sur l’autre face, c’est l’Horreur de l’invasion, représentée par un cavalier qui écrase tout, et la Joie de la paix, représentée par des gens heureux qui rentrent leurs récoltes.

Voila ce qu’Emmanuel m’expliqua, car je n’avais pas assez d’instruction pour deviner tout seul.

Le bœuf, le cheval et les gens sont tout ce qu’il est possible de voir d’admirable.

Je pourrais en dire beaucoup plus, mais ces choses resteront là pendant des siècles ; et je pense, comme M. Nivoi, qu’il faut voir Paris pour connaître la grandeur de notre nation, sa gloire et sa force.

Ayant repris le chemin de notre quartier vers cinq heures, nous repassâmes dans le jardin des Tuileries, où les plus belles statues en marbre blanc se trouvent. Quant à vous dire les personnes qu’elles représentent, j’en serais bien embarrassé. Mais c’est achevé dans toutes ses parties, c’est entouré d’arbres et de petites allées bien unies. Les enfants jouent dans ces allées, les dames s’y promènent, et, malgré la foule, des ramiers volent aux environs ; ils descendent même sur le gazon pour manger les mies de pain qu’on leur jette.

Ces ramiers vous rappellent le pays, les grands bois, les champs, et l’on pense : « Ah ! si nous pouvions vivre comme vous de quelques petites graines, et si nous avions vos ailes, malgré les marbres, les palais et les colonnes, ce n’est pas ici que nous resterions. »

Je ne pouvais m’empêcher de le dire à mon camarade Emmanuel, lui rappelant comment le soir, au vallon, sous la Roche-Plate, en sortant de la rivière, — lorsque l’ombre des forêts s’allongeait dans les prairies, — on entendait les ramiers roucouler sous bois. Ils étaient par couples ; mais en ce temps nous ne savions pas ce qu’ils se racontaient entre eux ; je le savais maintenant, et je les trouvais bien heureux de pouvoir roucouler par couples, en se sauvant dans les ombres.

Emmanuel m’écoutait la tête penchée. J’aurais bien voulu lui parler un peu d’Annette ; mais je n’osais pas… J’avais tant… tant de choses sur le cœur !

Nous étions sortis du jardin ; il me conduisait à travers une grande place, où se dressait une haute maison en forme de tour, couverte d’affiches, et de loin je reconnaissais le Louvre.

Alors tout me paraissait sombre, j’avais toujours le nom d’Annette sur la langue ; je regardais mon camarade, qui semblait rêver, et nous marchions dans de petites ruelles sales. Les marchands d’eau passaient ; les marchands d’habits, la bouche tordue, criaient, regardant aux fenêtres. Le vrai Paris des rues revenait.

Tout à coup Emmanuel, levant les yeux, dit :

« Voici le Rosbif ! entrons, Jean-Pierre, et dînons. »

Nous entrâmes ; tout était plein de monde, et nous ne trouvâmes de place qu’au fond, sous une espèce de toit en vitrage.

Nous fîmes encore un bon repas, mais je ne sais pas pourquoi la tristesse était venue. Emmanuel pensait peut-être à son examen, et moi, mon esprit était à Saverne. Je voulus payer, cela le mit de mauvaise humeur :

« Quand j’invite mon meilleur camarade, dit-il, je ne supporte pas qu’il paye. C’est presque une injure que tu me fais. »

Je lui répondis que ce n’était pas mon intention ; mais que j’avais du travail, et que c’était juste de payer chacun son tour.

Il ne voulut pas y consentir, et je crus même qu’il était fâché. Mais, quelques instants après, étant sortis, il me serra la main en s’écriant : « Jean-Pierre, je n’ai pas de meilleur ami que toi ! Veux-tu venir au théâtre du Palais-Royal ? »

J’étais fatigué. Je lui dis que ce serait pour une autre fois, et nous remontâmes lentement la rue Saint-Honoré.

Une chose me revient encore, c’est que le même soir, en passant sur le Pont-au-Change, Emmanuel me montra la place du Châtelet, avec sa petite colonne et sa fontaine, et plus loin le bal du Prado. Mais cette place et ce pont sont des choses qui me rappellent bien d’autres souvenirs. Il faudra que j’en parle plus tard. Tout ce que j’ai besoin de dire maintenant, c’est que, étant arrivés devant ma porte, nous nous embrassâmes comme de véritables frères. Je ne pouvais pas espérer le conduire à la diligence pendant la semaine, et je lui souhaitai bon voyage.

erckmann-chatrian.