(Attribution contestée)
Vital Puissant ? (T. 1 : Le Degré des âges du plaisir,p. 8-16).





CHAPITRE PREMIER.

Introduction.


Naissance et effets de la nature depuis le berceau jusqu’à l’âge de dix ans.


Est-ce bien Dieu, l’Amour, ou Prométhée, qui formèrent les hommes ? Si, malgré les glaces de la vieillesse, mon aimable compagne et moi, nous ressentons encore tous les feux de l’amour, ce ne peut être qu’à ce dieu charmant que nous devons notre existence. C’est pour le remercier de notre être que je publie ces mémoires, c’est en reconnaissance des faveurs délicieuses qu’il nous a procurées que je brûle de l’encens sur ses autels, et c’est lui que j’invoque pour vivifier mes tableaux.

Ô divin amour ! toi qui me fis brûler tout le temps de ma vie pour la jouissance dont tu es le principe, fais circuler dans mes veines cette même flamme qui m’animait dans les embrassements que je prodiguais à la plus tendre des amantes, dans ce temps fortuné où la nature, moins avare de ses dons, me laissait jouir de toutes mes facultés.

Je n’offrirai point à mes lecteurs ces termes révoltants qui choquent la lubricité même ; mon but est de flatter les sens, sans surcharger mes descriptions par ces expressions ordurières, qui ne peuvent convenir qu’à une certaine portion de débauchés qui outragent le culte de l’amour et les charmes de la jouissance par ce qu’on peut appeler de sales peintures.

L’artiste qui consacre son burin à rapprocher dans un petit espace les principaux faits et événements de notre vie, ne met aucun voile sur les opérations de la nature ; c’est de même toutes nues que je veux les peindre, mais sans dégrader le plaisir en n’y admettant point la délicatesse.

C’est à ces femmes charmantes, lascives et pétulantes, qui, renfermées dans leurs boudoirs voluptueux, se livrent sans réserve et sans affecter une ridicule décence aux mystères multipliés de l’amour, que je dédie cet ouvrage. C’est aux libertins passionnés qui s’y reconnaîtront à lui donner de la célébrité. Hommes, femmes, sages ou prudes, vous aurez beau crier à l’anathème en me lisant, ce ne sera jamais que par hypocrisie, car vous êtes nés sans passions, ou l’histoire de ma vie et celle de l’amie de mon cœur est à peu près la vôtre.

Constance et moi, que je nommerai le chevalier de Belleval dans le cours de ces mémoires, naquîmes l’un et l’autre dans une ville peu distante de la capitale, à la suite de ces moments d’ivresse où le mâle avec ardeur, s’approchant de la femelle, cherche plutôt à satisfaire aux besoins de son tempérament qu’à remplir les vues de l’Être suprême qu’on soutient nous avoir créés pour l’usufruit de ses menus plaisirs.

La cheville ouvrière de mon père posa donc la première pierre de ma naissance dans les entrailles brûlantes de ma mère, à peu près dans le même temps que le membre érecteur du père de Constance, guidé par le plaisir, construisit son individu dans le canal voluptueux du priapisme de madame sa mère.

Tous deux fruits de l’amour, tous deux enfants du plaisir, et nos maisons se joignant, nous fûmes élevés ensemble, sous les mêmes yeux ; à l’âge du berceau, nous n’avions encore l’un pour l’autre que cette attraction sympathique, qui désigne que l’homme et ses dépendances ont été formés pour la femme, et que la femme et le joli bijou que la nature lui donna étaient destinés à recevoir l’effusion délicieuse de la liqueur spermatique, qui fait de nous ce que nous devenons, suivant la circonstance et les occasions.

Je suçais encore les tetons de ma nourrice, que machinalement je portais la main à cette partie qui nous distingue de la femme, et qui, dans notre construction, doit être regardée comme le plus bel ouvrage de la divinité. J’ignore si Constance, dans les mouvements du premier âge, inspirée par la même organisation, glissait aussi son doigt dans le centre des voluptés ; mais cela doit être, puisque tous les deux, animés par les besoins d’une ardeur du tempérament le plus lubrique, nous avons par la suite renouvelé conjointement de mille et mille façons différentes les plaisirs qu’on célèbre à Cythère.

Pendant le cours de mes premières années, Constance et moi nous ne nous quittions pas ; il semblait que l’amour nous eût créés l’un pour l’autre, et à peine étions-nous débarrassés des langes, dont J.-J. Rousseau, à qui nous rendons trop tard un hommage, proscrivit l’usage, que nous cherchâmes à nous éclairer sur ce que nous devions faire un jour quand la nature nous aurait donné le pouvoir de nous déclarer ses zélés partisans et ses plus sincères émules.

Constance et moi nous eûmes les mêmes maîtres jusqu’à l’époque où, ne voulant plus recevoir de leçons que de l’amour, nous secouâmes le joug altier que la prudence mal entendue des parents impose à la jeunesse ; mais avant d’en venir aux grands moyens, les préludes les plus charmants indiquèrent quelles seraient un jour nos passions, et à peine avions-nous atteint l’un et l’autre l’âge de cinq ans, que des yeux observateurs furent à même de juger que je serais un jour le prosélyte ardent du plaisir, et Constance une courtisane moins intéressée que voluptueuse et passionnée.

À cet âge de cinq ans, mes lecteurs vont sans doute se récrier, et trouver impossible que l’on pût remarquer dans deux enfants, qui ne venaient pour ainsi dire que d’ouvrir les yeux à la lumière, ces indices caractéristiques de la bouillante ardeur de l’amour ; rien cependant de plus réel, et je passe aux preuves que je puis en donner.

Constance partageait avec moi les amusements de la plus tendre enfance ; les mains mercenaires chargées de nous tenir en laisse par la lisière, se fiant sur nos forces prématurées, nous abandonnaient au hasard, et quand les besoins impérieux de la nature se faisaient sentir, nous nous rendions mutuellement les services que nos bonnes auraient dû nous rendre et ceux que je rendrais volontiers à une jeune fille de 18 ans qui voudrait accepter mes soins à cet égard.

Il arrivait très-ordinairement qu’au fort de nos jeux enfantins Constance et moi avions besoin d’expulser de nous le superflu du fluide : sur-le-champ celui ou celle de nous deux qui n’était pas assailli par le même besoin courait au pot de nuit et faisait pisser son petit compagnon.

C’est donc, dis-je, dans ces charmants instants que, sans savoir pourquoi, mais guidés par l’impulsion des sens qui commençaient à se manifester, nous prenions déjà plaisir à examiner la forme de notre construction. Ce ne peut être sans doute que l’idée secrète et inconnue du plaisir qui germe dans nos sens du moment de notre naissance qui indique aux enfants ce désir qu’ils témoignent presque tous de s’examiner ainsi. La vue réciproque de nos petites fesses rondelettes et de ce joli petit cul qui commençait à se dessiner sous le crayon de la nature, n’était pas l’aimant le plus fort de notre curiosité ; ce qui différencie le sexe captivait seul notre attention.

Lorsqu’il arrivait que ce fût moi que Constance se plaisait à examiner, elle considérait avec une attention muette et déjà réfléchie ce petit morceau de chair qui, dans un âge avancé, devient le principe de la génération, souvent la cause de nos disgrâces ou de nos félicités, et qui, parvenu à une longueur et grosseur déterminée, excite les désirs et ravage les sens de la femme la plus vertueuse ; c’était pour elle un objet d’étonnement ; la petite boule qui l’accompagnait devenait à son tour l’objet de ses regards curieux ; elle maniait et remaniait ces témoignages de ma virilité, faisait glisser entre ses doigts innocents les réservoirs du plaisir, sans savoir combien un jour ils lui seraient précieux ; puis, se troussant, elle examinait sa petite fente, que je dévorais aussi des yeux, et l’un et l’autre nous passions d’étonnement en étonnement. Ô nature ! voilà de tes jeux.

Quelle est celle ou celui qui ne se reconnaîtra pas dans ce tableau ? qui osera m’assurer impunément que ces effets de la nature au premier âge n’ont fait les délices de leur enfance ? La farouche et tyrannique décence peut engager les gens sots ou froids à mentir sur cet article, mais moi, l’ami brûlant du plaisir et de la vérité, je me plais à prouver, par les degrés des âges de ma vie, que, nés au sein des plaisirs, formés pour le plaisir, il n’est aucun être sur la terre qui s’y soit dérobé.

Jusqu’à l’âge de dix ans, Constance et moi nous passâmes ainsi notre temps ; toutes ces puérilités qui annoncent une complexion vigoureuse, nous les mettions en usage, et nous réitérions souvent nos examens favoris. Nous ne désirions l’un et l’autre que le moment agréable pour nous de nous échapper de la portée des yeux surveillants de nos gouvernantes, qui de leur côté ne demandaient pas mieux que de se savoir libres pour profiter de l’occasion de livrer leurs appas domestiques entre les bras des laquais robustes dont la maison de nos parents était remplie.

Chaque année qui se renouvelait développait en nous le germe propagatif de notre existence ; à huit ans, nous nous cachions avec plus de soin pour nous livrer à nos contemplations. La verge masculine commençait à se former, les glandes pinéales à se détacher l’un de l’autre, en baisant amoureusement les fesses de Constance, que j’avais dédaignées tant que je n’avais été que curieux.

Mon membre commençait à acquérir de la raideur, et Constance rougissait. C’est donc bien mal à propos qu’un écrivain, ennemi des jouissances, a osé publier que l’exemple seul pouvait faciliter la perte de notre innocence, puisque deux enfants élevés ensemble en viennent là machinalement et par degrés, sans autre secours que celui de l’amour et de la nature.

Oui, très-certainement, à l’âge de dix ans, où nous touchions, il ne nous manquait que la possibilité de vaquer physiquement aux travaux charmants de la conjonction et de recueillir le fruit de nos caresses ardentes et passionnées ; mais au moral nous étions instruits ; une voix secrète m’avait appris que cette flèche, qui, dans ces moments de divine jouissance, s’allongeait et devenait raide jusqu’à me causer des frémissements involontaires, devait un jour remplir la solution de continuité de Constance : je l’avais déjà essayé en la pressant avec ardeur dans mes bras ; mais le temps n’était pas encore venu.