Traduction de Claude-Étienne Savary.
LE CORAN,

traduit de l’arabe, accompagné de notes, précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet, tiré des écrivains orientaux les plus estimés.

Seconde partie.
Réédition de 1821 (première édition en 1782).

Publié à Paris et Amsterdam par G. Dufour, Libraire.
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CHAPITRE LXVIII.
La Plume.

donné à La Mecque, composé de 52 versets.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


N.[1] J’en jure par la plume[2], et ce que les anges écrivent ;

2Ce n’est point Satan, c’est le ciel qui t’inspire.

3Une récompense éternelle t’attend.

Tu professes la religion sublime.

4Bientôt tu verras, et ils verront,

5Qui de vous est dans l’erreur.

6Dieu connaît ceux qui sont égarés, et ceux qui marchent au flambeau de la foi.

7Ne suis pas les désirs de ceux qui ont abjuré la vérité.

8S’ils se comportent avec douceur, c’est pour exciter ta condescendance.

9N’imite pas le jureur qui s’avilit.

10Fuis le médisant qui suit la calomnie.

11Fuis celui qui empêche le bien, le prévaricateur et l’injuste.

12Éloigne-toi de l’homme violent et de l’impudique.

13Que l’éclat de ses richesses et le nombre de ses enfans ne t’éblouissent pas.

14Le Coran n’est pour lui qu’une fable de l’antiquité.

15Nous lui imprimerons une marque de feu sur le nez.

16Nous avons puni les habitans de la Mecque comme les possesseurs du jardin. Ils jurèrent d’en cueillir les fruits le lendemain matin.

17Imprudens, ils ne mirent point de restriction à leur serment.

18La vengeance divine enveloppa le jardin pendant leur sommeil.

19La moisson fut détruite, les fruits furent dévorés.

20Les possesseurs s’appelèrent avant l’aurore.

21Hâtons-nous, se dirent-ils, d’aller faire la moisson.

22Ils s’avançaient et conversaient ensemble.

23Les pauvres, disaient-ils, ne nous devanceront pas aujourd’hui.

24Ils comptaient déjà sur une récolte certaine.

25A la vue du jardin, ils s’écrièrent : Notre attente est trompée.

26Nous devions être privés de ces biens.

27Ne vous avais-je pas recommandé, ajouta le plus juste, de rendre hommage à la puissance divine ?

28Alors d’une voix unanime, ils louèrent le Très-Haut, et reconnurent leur injustice.

29Ils se firent des reproches mutuels.

30Infortunés que nous sommes, répétaient-ils, nous étions prévaricateurs ;

31Mais Dieu peut nous donner des biens plus précieux ; nous attendons cette faveur de sa miséricorde.

32Ainsi seront punis les infidèles. Les châtimens de l’autre vie sont bien plus terribles. S’ils le savaient !

33Dieu a préparé pour les justes le jardin de délices.

34Ceux qui ont embrassé l’islamisme seraient-ils traités comme les scélérats ?

35Qui peut vous porter à prononcer un semblable jugement ?

36Quel livre vous enseigne cette doctrine ?

37S’il en est un, il vous laisse un choix à faire.

38Vous avons-nous assuré par des sermens solennels, que cette opinion était véritable ? Certainement vous rendrez compte de vos jugements.

39Quels garans avez-vous de votre croyance ?

40Réclamerez-vous le témoignage de vos idoles ? Faites-les paraître si la vérité parle en votre faveur.

41Un jour les méchans seront dévoilés. On les appellera pour l’adoration, et ils ne pourront s’y rendre.

42Leurs yeux seront baissés ; l’ignominie les couvrira. Ils refusèrent leur hommage au Très-Haut, quand ils pouvaient le lui offrir.

43Laisse-moi agir envers ceux qui ont nié le Coran ; je les conduirai par degrés à leur perte, et ils ne le sauront pas.

44Si je prolonge leurs jours, c’est un piége que je leur tends.

45Leur demanderas-tu le prix de ton zèle ? ils sont chargés de dettes.

46Connaissent-ils les mystères de la nature ? Cependant ils écrivent.

47Attends avec impatience le jugement de Dieu, et ne sois pas semblable à celui que la baleine reçut dans son sein, et qui dans sa douleur élevait au ciel une voix suppliante.

49Si la miséricorde divine n’eût veillé sur lui, il eût été jeté sur une côte déserte, couvert d’opprobres.

50Élu du Seigneur, il fut au nombre des justes.

51Peu s’en faut que les infidèles ne t’ébranlent par leurs regards, quand ils entendent la lecture du Coran, et qu’ils disent : C’est un insensé.

52Le Coran est le dépôt de la foi, envoyé aux hommes pour les instruire.


  1. N. Ce caractère solitaire a excité les recherches des commentateurs du Coran ; mais leurs opinions sont si frivoles que nous ne les rapporterons point. Gelaleddin dit à son ordinaire que c’est un caractère mystérieux dont Dieu seul a la connaissance.
  2. Cette plume est celle avec laquelle les anges écrivent sur la table gardée les secrets éternels.