Le Cercle rouge (Leblanc)/Chapitre XI


Épisode 4

Le manteau noir

XI

Prise au piège ?…


Max Lamar, se jetant sur la porte fermée, du garage, essaya de l’ouvrir. Ce fut en vain. La porte était solide, les verrous, poussés intérieurement, résistèrent.

La fugitive, devenue invisible, faisait manifestement, pour se libérer, des tentatives désespérées. Elle tirait de toutes ses forces sur le vêtement qui la retenait captive, lui imprimant de brusques secousses qui ébranlaient la porte. Elle serait peut-être parvenue à se dégager si Max Lamar, s’en apercevant, n’eût saisi et maintenu solidement le pan d’étoffe noire qui dépassait du chambranle.

À ce moment arriva Florence, haletante de sa course rapide et bouleversée, en se rendant compte de la situation critique où se trouvait la fidèle et humble amie qui s’était si courageusement dévouée pour la sauver.

La jeune fille brûlait du désir de venir à son tour en aide à Mary et elle ne put s’empêcher de jeter un regard peu bienveillant sur Lamar, vigoureusement cramponné au pan du manteau.

Mais celui-ci, sans lâcher prise, tourna la tête vers Florence.

— Je la tiens ! s’écria-t-il, et elle ne m’échappera pas ! Mais j’ai besoin de votre aide, mademoiselle Travis. Voulez-vous prendre la peine d’aller jusqu’à la maison voisine, à laquelle appartient certainement ce garage, afin de demander au propriétaire qu’il me permette d’enfoncer cette porte. Je le ferai facilement et vous aurez l’obligeance, pendant ce temps-là, de tenir le manteau.

— Je vais le tenir maintenant si vous voulez, suggéra Florence avec empressement, et vous pourrez tout de suite enfoncer la porte.

Max Lamar secoua la tête.

— J’aime autant ne pas me livrer sans permission à une effraction de ce genre, d’autant plus que je n’ai aucun titre officiel pour le faire. Si c’était indispensable, je m’y résoudrais, mais il est si simple d’aller trouver le propriétaire. Je m’excuse de vous en charger, mais je n’ose y aller moi-même, en vous laissant tenir le manteau. La fugitive est vigoureuse et elle donne, par moments, de si fortes secousses que, sûrement, elle vous échapperait.

Il était impossible d’hésiter davantage.

— Eh bien, je vais faire ce que vous désirez, dit Florence à Lamar.

Elle s’éloigna, irritée contre celui-ci qui, sans savoir ses intentions, les avait déjouées, et irritée aussi contre elle-même, qui n’arrivait pas à imaginer le moindre stratagème pour venir en aide à Mary dans la passe dangereuse où celle-ci s’était mise pour elle avec tant d’abnégation.

La maison, au jardin de laquelle attenait le garage, était un élégant cottage perdu au milieu d’un massif de verdure. Florence sonna à la grille.

— Je voudrais voir le propriétaire, dit-elle au domestique qui se présenta.

— C’est une propriétaire, répondit le domestique. Je ne sais pas si madame est visible.

Il s’en alla et, quelques instants plus tard, revint pour prier Florence de le suivre jusqu’à la maison. Dans un confortable parloir, sur un sofa, une dame encore jeune, en demi-deuil, à l’air souverainement indolent, froid et distant, était étendue, prenant une tasse de thé.

— Laissez-moi, Joë, dit-elle d’une voix de tête au domestique.

» Mademoiselle, continua-t-elle, sans lever les yeux sur Florence, c’est pour deux leçons par semaine, de 3 à 5, à un dollar la leçon. Voyez si les conditions vous semblent acceptables ?

— Mais, madame… commença Florence, ahurie…

— Ah ! pardon, — la dame avait enfin daigné la regarder, — je vous prenais pour une maîtresse de piano que j’ai demandée pour ma fille. Je fais erreur, me semble-t-il, continua-t-elle avec la même nonchalante froideur. De quoi s’agit-il, mademoiselle ?

Florence commença ses explications, un peu gênée par l’idée que sa requête lui donnait l’air d’appartenir elle-même à la police, si invraisemblable que ce fût.

— Une voleuse, comme c’est curieux, dit la dame quand elle fut renseignée, et sans avoir l’air de trouver cela curieux le moins du monde. Je vais donc me déranger puisqu’il le faut.

— Joë ! appela-t-elle. Venez avec nous. C’est une voleuse.

Le domestique jeta un coup d’œil sur Florence, mais il dut comprendre que ce n’était pas d’elle qu’il s’agissait et il suivit les deux femmes avec le plus vif intérêt peint sur sa figure.

Tous trois arrivèrent au garage. La situation ne s’était pas modifiée. Lamar tenait toujours le pan du manteau. Florence eut un mouvement de désespoir, mais la propriétaire, à l’aspect d’un monsieur correct cramponné d’un air résolu à un lambeau noir qui passait d’une porte fermée, partit tout d’abord d’un éclat de rire assez insolent ; aussitôt, du reste, elle reprit son indifférence distraite.

— Je m’excuse de vous déranger de la sorte, madame, dit Lamar avec le plus grand calme, mais mademoiselle a dû vous mettre au courant de la situation. Je désire que vous m’autorisiez à enfoncer cette porte afin que je puisse appréhender l’audacieuse voleuse que je tiens par son vêtement.

— Si je puis me permettre un avis, — la dame parlait lentement et avec une politesse étudiée et glaciale, — bien que je me connaisse peu aux choses de police, j’indiquerai qu’il me paraît en tous points préférable de pénétrer dans le garage par la seconde porte qui s’ouvre derrière le bâtiment. Si, cependant, il vous est plus agréable d’enfoncer la porte, monsieur, je ne veux pas vous refuser ce plaisir.

— Merci infiniment, madame, répondit Lamar du même ton. J’ignorais seulement qu’il y eût une autre porte. Je préfère de beaucoup faire le tour. Mademoiselle Travis, voulez-vous avoir l’obligeance de tenir un instant ce manteau. La fugitive n’aura pas le temps de se dégager pendant que nous contournerons le bâtiment.

— Je suis très forte, je le tiendrai certainement jusque-là, dit Florence, avec un tremblement dans la voix, car elle craignait qu’on ne lui adjoignît le domestique.

Mais la dame, que l’aventure intéressait sans qu’elle le montrât, voulait en voir la fin, et cela sans danger pour sa précieuse personne.

— Je vais vous conduire, dit-elle à Lamar. Joë, venez aussi, vous vous tiendrez près de moi.

Ils s’éloignèrent en contournant le garage.

À peine Florence fût-elle seule qu’elle lâcha le manteau et, se jetant contre la porte, approcha sa bouche de la rainure qui séparait le battant du chambranle.

— Mary ! cria-t-elle. Mary !

Rien ne répondit. Elle appela encore. En vain.

Mais déjà des pas s’entendaient dans l’intérieur du garage. La jeune fille ressaisit le pan du manteau. Presque aussitôt elle entendit les verrous qu’on tirait. La porte s’ouvrit. Le manteau s’affaissa sur le sol, il ne retenait plus personne.

— Il fallait s’y attendre, dit la voix tranquillement railleuse de la dame, qui parut dans l’ouverture de la porte qu’elle venait d’ouvrir. Votre voleuse a simplement quitté son manteau et elle s’est enfuie par l’autre issue, en sorte que votre ami, ce monsieur qui est détective tout en ne l’étant pas, à ce qu’il paraît, est resté un quart d’heure cramponné à un vêtement vide. Pour s’en consoler, il est actuellement en train d’étudier les traces de pas laissés dans l’allée. Il est presque à plat ventre sur le sable et prend des mesures avec une ficelle. Mon domestique en est pétrifié d’admiration. Je vais retourner assister à ce spectacle, qui est distrayant.

Elle s’éloigna. Florence resta seule, le manteau dans les mains. Une terreur nouvelle l’assaillait. Le manteau (elle l’avait reconnu du premier coup d’œil) constituait le plus grave des indices, une dénonciation muette, mais sûre, dirigée contre elle et contre Mary, à cause de l’adresse du tailleur, qui permettrait facilement de retrouver l’acheteuse.

Sa première idée fut de s’enfuir en emportant le vêtement, mais elle eut aussitôt un haussement d’épaules.

« Faire cela, c’est avouer, se dit-elle. C’est attirer de nouveau et irrévocablement sur moi les soupçons de Max Lamar. Mais que je suis sotte ! il y a quelque chose de bien plus simple ! »

Rapidement, elle ramassa le manteau, le retourna et, avec ses dents blanches, arracha l’étiquette portant le nom et l’adresse du tailleur qu’elle cacha précipitamment dans son corsage.

Elle laissa retomber le manteau sur le seuil de la porte et, un instant après. Lamar et la propriétaire revinrent.

Max Lamar s’efforçait de sourire, mais, sous le calme qu’il affectait, perçait un violent dépit. La dame le regardait de côté avec un air de sarcasme poli et de lassitude hautaine.

— Eh bien, nous avons perdu la partie, mademoiselle Travis, dit-il à Florence. Si j’avais connu l’existence d’une autre porte, nous n’aurions pas inutilement monté la garde à celle-ci. Enfin, ce manteau nous reste et constitue une indication précieuse, murmura-t-il.

Il le ramassa, l’examina avec soin et ne put retenir un mouvement d’impatience.

— L’étiquette a été arrachée, s’exclama-t-il. Cette femme est vraiment très forte, elle n’oublie rien. C’est une professionnelle. Tel qu’il est, pourtant, ce manteau pourra peut-être nous renseigner, tout au moins s’il vient de cette ville-ci… Ce sera plus long, voilà tout… Je vais le porter à la Station centrale de police pour demander à Allen d’ordonner une enquête.

— Et dans le jardin, vous n’avez rien découvert ? demanda Florence.

— Non, absolument rien. Le sable est sec, on n’y voit que de vagues traces de pas.

Max Lamar se retourna vers la propriétaire :

— Madame, lui dit-il, je vous demanderai peut-être la permission de revenir continuer mes recherches dans votre propriété.

— Volontiers, monsieur, volontiers, répondit la dame avec un sourire excédé, mais je ne pense pas que la voleuse revienne parmi nous, du moins ces jours-ci.

Elle fit un petit salut de la tête et, de sa même allure nonchalante et froide, regagna son cottage.

Florence et Max Lamar, celui-ci portant le manteau noir sous son bras, s’éloignèrent côte à côte.

Pendant quelques instants tous deux restèrent silencieux.

— Mademoiselle Travis, dit enfin Lamar, je dois vous adresser mes remerciements très vifs pour l’aide que vous avez bien voulu me donner. Si vous n’aviez pas eu la complaisance de m’indiquer l’endroit où, hier, vous aviez rencontré cette mystérieuse femme voilée, je n’aurais pas eu la chance de la voir aujourd’hui. Elle a réussi à s’enfuir, c’est vrai, mais j’ai au moins, dans ce manteau, un indice utile.

— J’ai été très heureuse de pouvoir vous rendre service, dit tranquillement Florence. Du reste, je vous avoue que cette poursuite m’a passionnée. L’imagination aidant, je me sentais l’âme d’une héroïne, en tenant ce pan de manteau. J’avais cependant un peu pitié de cette malheureuse que nous pourchassions ainsi…

— Je ne pense pas qu’elle mérite ce sentiment de votre part, dit Lamar.

Il s’interrompit un moment et reprit d’une voix légèrement hésitante :

— J’ai autre chose à vous dire. Une chose qui m’embarrasse beaucoup, mais que je dois vous avouer, car c’est le seul moyen que je me la pardonne à moi-même.

— Quoi donc, docteur Lamar ?

Florence savait parfaitement ce qu’il allait dire, mais elle leva sur son compagnon de beaux yeux étonnés.

— Eh bien, voici, continua-t-il sans la regarder. Lorsque, chez vous, il y a deux heures, au moment où, pendant que nous causions, votre domestique japonais est venu et vous a remis cette reconnaissance à demi brûlée qu’il venait de trouver dans votre chambre.

— Eh bien ?

— Eh bien… Je vous en prie, mademoiselle Travis, promettez-moi votre indulgence ? Eh bien, savez-vous ce que j’ai pensé ? J’ai pensé que… que la femme voilée, c’était…

— Qui donc ?

— Vous ! souffla-t-il la tête basse.

Florence partit d’un éclat de rire.

— Non, ne riez pas, je vous en prie. Cette idée était folle, injurieuse, stupide, je le sais, mais je l’ai eue ! Déjà, hier, lorsque je vous ai vue dans le parc, une impression vague et informulée, comme l’ombre d’un soupçon, m’avait traversé l’esprit sans même que je m’en rende nettement compte. Mais, aujourd’hui, le soupçon s’est précisé, il est soudain devenu d’une certitude qui m’a paru aveuglante.

— Une certitude ?

Un reproche vibrait dans la voix de Florence, qui ne riait plus.

— Oui, pardon, une certitude. Pour vous accuser, tout s’enchaînait avec, me semblait-il, une affreuse et si évidente logique. Reconnaissez-le vous-même !… Et vos explications furent si hésitantes, vous montriez tant de trouble !… J’aurais dû me souvenir, il est vrai, que rien ne ressemble plus à l’embarras d’un coupable que la surprise d’un innocent déconcerté de se voir accuser…

— Ainsi, prononça lentement la jeune fille, vous avez cru que moi, Florence Travis, j’étais une voleuse ? Eh bien, docteur Lamar, je vous avoue à mon tour que je ne vous aurais jamais cru capable de faire à mon égard, quelles que soient les apparences, une telle supposition ! C’est, de votre part, de la déviation professionnelle, je vous assure ! Moi, une voleuse ! Mais, enfin, pourquoi ? Dans quel intérêt ? J’ai ri d’abord, tant c’était fou, mais en y pensant…

Lamar devint très rouge.

— Mademoiselle, je vous jure que ma volonté n’y était pour rien, mais, automatiquement, mon métier me pousse à tout supposer.

— Votre métier de détective ? demanda Florence.

— Non, mon métier de médecin. Il n’y a pas que l’intérêt qui meut les coupables. Des actes de ce genre peuvent être exécutés par des hallucinés… par des malades…

Un moment, le silence régna entre eux.

Florence avait eu un tressaillement intérieur. Soudain, un désir irrésistible l’avait saisie d’avouer, de s’en remettre à cet homme qui lui inspirait plus de confiance qu’aucun autre, vers qui elle se sentait entraînée par une sympathie irrésistible, et de dire à Max Lamar :

« Eh bien, oui, c’est moi. Je suis cette malade ! Guérissez-moi ! »

Mais une invincible honte la retint, et, déjà, l’impulsion fugitive s’était effacée.

— Pardonnez-moi, répéta Max Lamar. J’ai été insensé, je le sais bien. Du reste, je repoussais de toutes mes forces cette supposition, mais, j’avais beau faire, elle, s’imposait à moi impérieusement. Maintenant, je ne la comprends plus, cela m’apparaît comme si monstrueusement absurde.

— Il vous a fallu pour cela une preuve palpable.

— Je vous en prie, ne m’accablez pas. Si vous saviez comme j’ai été malheureux.

— Malheureux ? Pourquoi ? Je ne comprends pas, dit la jeune fille.

— Parce que j’ai pour vous une très vive sympathie et une profonde admiration, mademoiselle Travis, répondit Max Lamar d’une voix pleine d’émotion. Parce que, quoi qu’ai fait notre voleuse voilée et si coupable soit-elle, je lui ai une profonde gratitude depuis tout à l’heure, puisque c’est grâce à elle que ma folie est tombée et que, maintenant, je me trouve délivré de l’affreuse souffrance que je subissais… Me pardonnez-vous ?

Florence leva les yeux sur lui. Tout à l’heure, au garage, il l’avait irritée par la ténacité de sa poursuite envers la fugitive, bien qu’elle comprît l’injustice de ce sentiment. Maintenant, au contraire, elle avait un peu honte de le jouer ainsi. En même temps, un sentiment nouveau, qui naissait dans le cœur de la jeune fille et qu’elle ne s’avouait pas, la troublait :

— Me pardonnez-vous ? répéta Lamar presque tremblant.

Elle eut un sourire et lui tendit la main.

— Oui, dit-elle d’une voix basse et douce, je vous pardonne.

Lamar saisit cette main fine et délicate, d’une blancheur parfaite et dont le contact le fit tressaillir. En même temps, ses yeux rencontrèrent ceux de Florence. Une seconde, ils restèrent ainsi. Puis, Florence, rougissant légèrement, dégagea sa main.

Presque aussitôt, ils se séparèrent. La jeune fille était arrivée chez elle.

Quand il eut pris congé de Florence, Lamar s’éloigna vers la Station Centrale de Police.

Il était pensif, mais sa préoccupation ne s’attachait nullement à la voleuse voilée ni même au mystérieux Cercle Rouge. Il revoyait le sourire charmant d’un visage pur ; il revoyait le regard de deux grands yeux profonds sous les grappes bouffantes et légères d’une chevelure brune descendant sur un front blanc, il entendait une voix douce, il pressait encore une petite main, une seconde abandonnée dans la sienne… Mais il eut un sourire presque mélancolique et haussa les épaules.

— Je suis complètement fou, murmura-t-il, quelles chimères vais-je rêver ?… Je ne suis qu’un pauvre diable de médecin sans fortune, et elle…

Il secoua la tête et, à l’aide d’un énergique effort, réussissant à bannir de son cerveau toute préoccupation autre que celle de son enquête, une fois encore il repassa les données de l’insolite problème qu’il s’était juré de déchiffrer.

Lorsque Max Lamar, portant toujours sur son bras le manteau noir, arriva à la Station Centrale, son ami, Randolph Allen se trouvait dans son bureau.

Le chef de police, impassible comme toujours, tendit la main au médecin légiste et acheva de donner des ordres à un agent en uniforme et à un jeune secrétaire qui prenait des notes.

Ces deux derniers sortirent bientôt, et Lamar fit au chef de police un récit détaillé et précis des événements de l’après-midi.

— Avec ce manteau, termina-t-il, nous pourrons très probablement découvrir le tailleur de chez qui il vient et, par le tailleur, nous arriverons à retrouver l’acheteuse, c’est-à-dire, sans doute, la femme voilée elle-même.

Randolph Allen, tout en écoutant son ami avec attention, avait examiné minutieusement le vêtement noir.

— Il est taché de graisse et de cambouis, observa-t-il, mais cela provient certainement du plancher du garage sur lequel il est tombé. Quant à notre enquête, elle ne pourra se faire que demain. Tous les magasins de la ville, continua-t-il en consultant sa montre, seront fermés dans une demi-heure d’ici. Je vais donner des ordres pour que l’on commence l’enquête demain à la première heure.

Randolph Allen sonna.

— Prenez ce manteau, John, dit-il au garçon de bureau qui se présenta. Serrez-le avec grand soin et présentez-le-moi demain matin, dès mon arrivée. Vous ferez passer une note aux inspecteurs pour les prévenir qu’ils soient tous ici. J’aurai des ordres à leur donner.

Le garçon de bureau sortit en emportant le manteau.

— Avec ce manteau nous avons un indice sérieux, reprit Allen en s’adressant à Lamar. Je crois que, cette fois, nous tenons le bout du fil, — sans jeu de mots, bien qu’il y ait un tailleur dans l’affaire, ajouta-t-il de sa même voix monotone et sans qu’une ligne de son visage indiquât le moins du monde qu’il avait eu la condescendance de plaisanter.

— Dînerez-vous au club, ce soir, Allen ? demanda Lamar en se levant. J’ai une ou deux courses à faire et ensuite j’ai l’intention d’y aller.

— J’ai aussi l’intention de dîner au club si mes fonctions me permettent de dîner à une heure civilisée, dit Allen avec sang-froid. Mais cela ne m’arrive en moyenne qu’une fois par mois. J’espère que cette exception tombera ce soir.

Ils se serrèrent la main et Lamar s’en alla.