Le Bonheur (Sully Prudhomme)/Les Sciences

Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies 1879-1888Alphonse Lemerre, éditeurPoésies 1879-1888 (p. 255-272).


VII

LES SCIENCES


Au labeur du cerveau la nuit seule est propice :
Il faut que tout murmure étranger s’assoupisse
Pour que la vérité, dont le temple est en nous,
Nous laisse déchiffrer ses oracles jaloux.
Autour de la retraite où l’attend sa compagne,
Faustus veille, égarant ses pas dans la campagne.
Il écoute en lui-même une voix qui répond,
Dans sa suprême angoisse, à son appel profond :

« L’essor nous a déçus, sachons ramper sans honte ! « 
Lui souffle alors Bacon par les lèvres de Comte.
« L’infini nous déborde, et ceux-là sont des fous
Qui pensent d’un coupd’aile en toucher les deux bouts
Ou prétendent porter sur leur humaine épaule
De l’univers entier le formidable poids !
A dégager des faits le fil ténu des lois
Nous bornons désormais nos vœux et notre rôle.
Le solide savoir n’est pas un monument

 
Qu’un hasard de génie élèverait d’emblée ;
Non, l’assise à l’assise avec ordre assemblée
Sans l’atteindre jamais monte au couronnement.
L’ouvrier de science est un tailleur de pierres ;
Qu’il prenne ses marteaux, son fil et ses équerres
Et ne suspende pas ses rêves au clocher
Quand il n’en est encor qu’à fendre le rocher !
Il maçonne une tour, non le fronton d’un temple,
Et le ciel où tout pèse est le seul qu’il contemple :
L’horizon grandissant, mais borné, qu’il peut voir
Est le seul qu’il mesure et promette à l’espoir.

______« Nous devons l’unique science
______Que l’homme puisse conquérir
______Aux chercheurs dont la patience
______En a laissé les fruits mûrir.
______Les Euclide et les Pythagore,
______Par un siège lent mais certain,
______De la Nature close encore
______Ont préparé l’assaut lointain.
______Parce qu’ils ont d’abord su faire
______Du chiffre un signe ingénieux,
______Conçu la forme de la sphère
______D’après l’ébauche offerte aux yeux,
______Dessiné du doigt dans le sable
______Sur un triangle trois carrés.
______Parce qu’ils les ont comparés.
______Malgré l’abîme infranchissable.
______Les cieux ne nous sont plus barrés !


« Pascal à tous œuvres habile,
Dont le génie avec rigueur
Réglera la lutte immobile
Entre le vase et la liqueur,
Dans l’espace aux figures mêmes
Demandant son unique appui,
Affronte les plus hauts problèmes.
 
« Combien sont des jeux aujourd’hui !
Grâce à Descartes, dont la ruse
Oblige, en cette étude abstruse,
L’algèbre à raisonner pour lui.

« Leibniz et Newton vont réduire
Les grandeurs, pour les reconstruire,
A l’élément essentiel.
Dont la petitesse infinie
Aux compas de l’astronomie
Livre l’immensité du ciel !

« La Chaldée y plongeait la sonde,
Hipparque y porte le flambeau,
Et Copernic impose au monde
Un ordre déjà sûr et beau.

« Le cours des astres s’illumine.
Galilée est en vain hué,
Il sait que la terre chemine.
Elle a sous son front remué !

______Il le proclame, et sur sa tête
______A sa voix le soleil s’arrête
______Mieux qu’à la voix de Josué !
______Le passé sans jalons recule,
______Il le divise : de l’instant
______Il attache au plomb du pendule
______L’aile qui fuit en palpitant,
______Et l’insaisissable durée
______Est prise au vol et mesurée
______Par un signal simple et constant !

______« Dans sa veille longue et sans trêve,
______Arrachant par un puissant rêve
______Leurs lois aux planètes, Képler
______Lègue sa formule profonde,
______D’où jaillit un immense éclair,
______A Newton grand comme le monde !

______« Newton lie entre eux tous les corps
______Par une chute universelle
______Qui dans tout le ciel se décèle
______En y courbant tous les essors !

______« Il meurt cependant, pour revivre !
______Car tout disciple de son livre
______Est de sa gloire le héraut !
______Car d’Alembert, Euler, Clairaut
______Et Lagrange sont de sa race.

 
______Ils pensent, le front sur sa trace,
______Et leur grand héritier Laplace
______Des sphères, sans lever les yeux,
______Ordonne en groupe harmonieux
______L’essaim familier qu’il embrasse !
______Dans les infinis envolé.
______Dédaignant d’un Dieu l’hypothèse,
______Sans terreur si haut isolé
______Son génie y respire à l’aise ! »
 
Faustus se remémore avec un fier plaisir.
Par la bouche de ceux qu’à leur tour il consulte,
Bien qu’un voile d’oubli déçoive son désir.
Chaque science, objet trop lointain de son culte.
 
______« Archimède, savant rempart
______D’une illustre ville à défendre,
______Pense, et met une flotte en cendre :
______Il concentre et guide avec art
______Les traits du soleil, dont plus tard
______Galilée oblige à descendre
______L’image même, pour la rendre
______Docile et lisible au regard.

______« De l’infini qui le dépasse
______L’œil humain n’avait visité
______Que la céleste immensité :
______Le verre, explorant tout l’espace,

______Le lui livre pour qu’il s’y lasse
______Des grandeurs sans borne aux néants,
______Et l’œil, repu d’astres géants
______Mille et mille fois centenaires,
______Peut voir vibrer des éphémères
______Au sein d’infimes océans !

______« Newton fait dans le prisme éclore
______D’un rayon qui l’a traversé
______Tout un arc-en-ciel nuancé
______Comme un bouquet multicolore
______D’une tige unique élancé !
______Et sur l’écran qui s’en irise
______Le chimiste apprend des soleils,
______Par une sublime analyse,
______Leurs éléments qu’avec surprise
______Il trouve aux corps connus pareils.

______« Docile aux formules fécondes
______Qu’enchaîne élégamment Fresnel
______La lumière enfin sort des ondes,
______Vénus de l’éther éternel !
______Elle est sœur du son qui s’élève
______Des flots entremêlés de l’air
______Et, voilé tantôt, tantôt clair.
______Dans le plaisir éveille un rêve.
______D’un fil visible rattachant
______Les perles que la gamme égrène,

______Latour invente une sirène
______Qui nombre pour les yeux son chant.

______« Franklin provoque avec audace
______Et désarme, savant héros,
______De la foudre qui le menace.
______Dans son piège aigu, les carreaux ;
______Il lui trace en maître sa voie,
______La force à ramper et la noie.
______Sur l’ambre le vol d’un duvet
______Trahit qu’en bas elle couvait :
______Un disque de cire ou de verre
______Ose imiter le bras du Dieu
______En qui l’humanité révère
______L’auteur du tonnerre et du feu !

______« Puis, par une vertu nouvelle,
______Dans l’éveil d’un muscle endormi
______La foudre éparse se révèle,
______Silencieuse, à Galvani.
______Franklin l’annulait, terrassée ;
______Volta la gouverne, amassée ;
______Ampère fait d’elle un aimant
______Et dans sa vitesse fidèle
______Prépare à la pensée une aile
______Qui ceint la terre en un moment !

______« Du vrai grandiose genèse !
______Archimède dans l’onde pèse

______Ce qu’un diadème a d’or pur,
______Pour qu’un jour sa pesée atteste
______Quel bras pousse la nef céleste
______Où Montgolfier conquiert l’azur,
______Après que, sur le Puy-de-Dôme,
______Prouvant à l’air sa pesanteur,
______Pascal de ce subtil royaume
______A déjà toisé la hauteur !

______« Dupe de son attente émue,
______L’alchimiste est las d’essayer
______Si le cuivre en or se transmue
______Dans le creuset par le brasier.
______Sur les essences corporelles
______Quelle nuit féconde en querelles,
______De Paracelse à Lavoisier !
______Celui-ci, nouveau Prométhée,
______Surprend dans l’air l’esprit du feu :
______Une science est enfantée
______Qui fera l’homme demi-dieu !

______« Wenzel, Dalton, en leurs balances,
______Révèlent qu’entre tous les corps
______Par d’exactes équivalences
______Le poids régit tous les accords.
______Ces alliances régulières
______Fournissent au palais des pierres,
______Et de plus fins matériaux
______Aux éphémères édifices

______Des plantes et des animaux.
______Ah ! qu’en leurs multiples offices
______Les principes unis entre eux
______Pour tant d’œuvres sont peu nombreux !
______Les vieux atomes d’Epicure
______Vont ressusciter tous pareils
______Pour composer les clairs soleils
______Aussi bien que la terre obscure,
______Et peut-être que, seuls divers,
______Le poids, le nombre et la figure
______Expliqueront tout l’Univers !

______« Combien sur le vrai fond des Choses
______La forme apparente nous ment !
______Le jeu changeant des mêmes causes
______Émeut les sens différemment :
______Le pinceau des lis et des roses
______N’est formé que de mouvement ;
______Un frisson venu de l’abîme,
______Ardent et splendide à la fois,
______Avant d’y retourner anime
______Les blés, le sang, les fleurs, les bois.
______Ce vibrant messager solaire
______Dans les forêts couve, s’endort
______Et se réveille après leur mort
______Dans leur dépouille séculaire,
______Noir témoin des printemps défunts,
______Qui nous réchauffe, nous éclaire
______Et nous rend l’âme des parfums !

______Dans l’aile du zéphyr qui joue,
______Dans la texture du granit,
______Roi des atomes, il les noue.
______Les dénoue et les réunit.
______La terre mêle à son écorce
______Ce Protée en le transformant
______Tour à tour de chaleur en force,
______En lumière, en foudre, en aimant.

______« Soleil ! Gloire à toi, le vrai père.
______Source de joie et de beauté,
______D’énergie et de nouveauté,
______Par qui tout s’engendre et prospère !
 
______« Ainsi des profonds ateliers
______Dont l’opération savante
______Façonne la forme vivante
______Les moteurs nous sont familiers.
______Nous voyons obéir la vie,
______Souffle encore mystérieux,
______A leur concert impérieux,
______Par ses organes asservie
______Aux mêmes lois que ses milieux.

______« Aux pas lents de la médecine
______Hippocrate ouvre le chemin.
______Galien, le premier, devine
______Quelques secrets du corps humain ;
______Dans sa recherche exacte et fine,
______Vésale ose y porter la main ;

______Harvey découvre et fait la preuve
______Que, par de sûrs canaux conduit,
______Le sang voyage, double fleuve
______Dont le parcours est un circuit.

______« Lavoisier, criblant au passage
______L’air par la poitrine exhalé,
______Du charbon dans le sang brûlé
______Fixe le poids et dit l’usage :
______De ce foyer nait la chaleur
______Par le muscle en jeu dépensée ;
______L’effort même de la pensée
______Y pourrait peser sa valeur.

______« Bichat, précoce déceleur,
______Dans les fonctions qu’il recense
______Met l’ordre ; il a déjà conçu,
______Sans en savoir l’intime essence,
______Un vivant dans chaque tissu :
______Sondant la vie avec puissance
______Jusques au plus profond ressort,
______Il y suit pas à pas la mort.

______« Le corps est un laboratoire
______Où Lavoisier porta le jour ;
______A toi, Claude Bernard, la gloire
______De l’illuminer à ton tour !
______Ton œil en perce les arcanes
______D’un regard subtil, vaste et sûr.
______Du plus rebelle des organes

______Tu surprends enfin l’œuvre obscur.
______Tu rends visible chez la plante
______Par de factices pâmoisons
______La vie en elle somnolente,
______Humaine sous d’humbles cloisons.
______Tes savants et beaux artifices
______Contraignent même les poisons
______A rendre aux mortels des services.
 
______« Mais l’homme est le dernier venu :
______D’autres peuples couvrent la terre.
______L’espèce y restait un mystère,
______Le sol n’en était pas connu.
______La surface en est riche et belle ;
______Aristote y sait déjà voir,
______Et Pline à la dépeindre excelle ;
______Bravant le feu qu’elle recèle
______Il en meurt sans en rien savoir.

______« Habitée après maint désastre,
______La verte écorce du vieil astre
______Dont le centre est encore ardent.
______Par degrés enfin refroidie,
______Y retient captif l’incendie
______Qui parfois la plisse en grondant ;
______Mais sur son prisonnier farouche
______Affermie, elle enfante et rit ;
______Et, sans frayeur, couche par couche,
______Cuvier la sonde et la décrit.

______Il arrache à leur sombre asile
______Les débris de ses premiers nés,
______Sur la foi d’un témoin fossile
______Les restaure aux yeux étonnés,
______Et de leur mère sans mémoire
______Tâtant le passé sans flambeaux,
______Sur son âge et sur son histoire
______Il fait répondre ses tombeaux !

______« Linné révélait de sa flore,
______Buffon de ses hôtes errants
______Les mœurs et les traits différents,
______Mais non pas l’origine encore ;
______Des êtres par leur art classés
______La chaîne attendait sa soudure.
______Elle flottait à l’aventure
______Sans souci des chaînons cassés.
______Avec une audace prudente
______Mariant leurs groupes divers,
______Voici qu’un chercheur nouveau tente
______Les chemins par Lamarck ouverts !
______Il reconnaît comment dévie,
______Se transforme et se ramifie
______La descendance au loin suivie
______De nos ancêtres découverts.
______A la puissance créatrice
______Darwin interdit le caprice :
______Il lui donne pour s’outiller
______Les instincts aux efforts intenses,

______Et pour s’apprendre à travailler
______L’affreux champ clos des existences :
______Dans le combat nécessité
______Par la famine et le partage
______La plus ferme variété
______Fonde et lègue son avantage ;
______L’espèce, en équilibre, sort
______De la victoire qui s’achève,
______Et sa durée est une trêve
______Que menace un lutteur plus fort.

______« La terre est un champ de bataille !
______Mais ni la force ni la taille
______N’y sauraient toujours triompher :
______Le microbe invisible affronte
______Le gigantesque mastodonte
______Dont le poids ne peut l’étouffer.
______La planète change de face,
______Le géant n’y laisse de trace
______Que l’os dans la roche incrusté ;
______L’invisible toujours vivace
______Y brave seul la vétusté.
______En vain contre l’espèce même
______Le temps ou le fléau sévit :
______La cellule que la mort sème,
______Mère des formes, leur survit !
______Génératrice universelle,
______Elle cache une humble parcelle
______Du foyer qui luira demain

______Chez les bêtes vague étincelle,
______Puis flambeau sous le front humain ! »
 
— « Mais d’où vient cette flamme ? Il est un Dieu peut-être.
__________Peut-être une âme aussi :
Pour renoncer sans honte à les jamais connaître,
__________Qu’avez-vous éclairci ?

« Vous avez seulement diminué le nombre
__________Des noms donnés aux faits :
Comme eux, leurs propres lois dont la cause est dans l’ombre
__________Ne sont que des effets ;

« Sans rien avoir trouvé de la raison du monde,
__________L’homme se dit savant
Quand il tâte combien l’ignorance est profonde
__________En sondant plus avant ;

« Mais c’est en vain qu’à fuir ce qui le fuit lui-même
__________Il croit se résigner ;
Il cherche malgré lui cette cause suprême
__________Qu’il ne peut dédaigner !

« C’est elle qui l’attire à travers les fantômes
__________Que ses prunelles font :
Vous-mêmes, en parlant de forces et d’atomes,
__________Vous parlez d’elle au fond.

« Vous assignez un cours au flot des phénomènes.
__________Mais le lit fait défaut ;

Vous épiez leur suite, et c’est perdre vos peines :
__________Les deux bouts sont plus haut.

« De la Vérité l’homme, en la servant, demeure
__________Serviteur à demi,
Si, n’osant l’approcher en époux, il l’effleure
__________Et n’en est que l’ami !

« Elle n’est certes pas d’une facile étreinte,
Et sa morsure au cœur laisse une ardente empreinte :
Souvent insaisissable, elle frustre nos bras
Ou ne donne au baiser que des enfants ingrats ;
Aux vœux impatients, au zèle téméraire
Trop souvent elle oppose une froideur contraire ;
Mais par ses grands refus s’égarer ou souffrir,
Comme à ses trahisons, à ses rigueurs s’offrir,
C’est l’aimer tout entière, et, sans retraite aucune,
Suivre tout son caprice et toute sa fortune !
Sages qui n’en prenez qu’avec mesure et choix,
Vous n’enchaînerez pas notre culte à vos lois ! » —

« Ainsi répondent ceux dont l’amour monte et vole
Droit vers le sein voilé de cette altière idole,
A ceux qui, las d’assauts vainement essayés,
Se résignent dans l’ombre à lui baiser les pieds.

« Hélas ! à qui d’entre eux faut-il que je me fie ?
A ceux qui, terrassant toute sublime envie,
Marquent à la pensée un poste humble mais sûr.
Et l’arment d’un regard d’exacte sentinelle,

Ou bien à ceux qui font de l’espérance une aile
Pour aller toucher Dieu sous son rideau d’azur ? »

N’obtenant du passé nulle ferme réponse,
Faustus au vain secours du souvenir renonce.

Ainsi la lente marche à tâtons de l’esprit
Par l’appel patient à tout ce qu’il apprit
Seul il l’avait refaite en sa longue insomnie,
Étape par étape ; et la route aplanie
Par tous les pèlerins qui l’avaient précédé
N’aboutissait qu’à l’ombre en un temple vidé,
Où désespérément lutte en cherchant sa lampe
Une foi vague avec une raison qui rampe.

Quand un explorateur a seul longtemps marché
Dans le désert aride et mouvant, tout jonché
Des ossements de ceux qui tentèrent la route,
Sans que des eaux du ciel il tombât une goutte
Ni que la moindre source arrosât le sol blanc,
Il se traine, altéré, d’un pas lourd et tremblant,
Vers les palmiers lointains dont l’appel l’encourage.
Mais reconnaît, hélas ! que c’était un mirage
Et se couche, épuisé, sous le vol d’un vautour.
Ainsi Faustus, ayant dépassé tour à tour
Les monuments épars des humaines doctrines
Et vu s’évanouir, au bout de leurs ruines,
Le fantôme du vrai vainement poursuivi,
Laisse enfin retomber son front inassouvi

Que bat l’aile du doute assuré de sa proie.

Mais sous l’ongle pesant qui l’oppresse et le broie
Il se débat encore, et c’est désormais seul
Qu’il ose soulever son ténébreux linceul.


VOIX DE LA TERRE


 
Vérité, parle-nous du fond de tes abîmes !
Réponds au long appel de tes pâles victimes
______Qui t’implorent obstinément.
Jalouse Vérité, laisse tomber ton voile ;
Dis-nous l’âge et le lieu de la plus vieille étoile
______Qui vit l’essor du mouvement !

Révèle-nous au loin la première pensée,
L’effort originel qui l’ont un jour lancée
______Dans l’infini désert et noir,
La cause unique : amour, nécessité, caprice,
Toute-puissance aveugle, ou raison créatrice,
______Qu’il nous faut nommer sans la voir !
 
Tout semble s’écrouler ; dis-nous ce qui demeure.
La forme est l’apparence, et l’apparence un leurre.
______Le fond tâté s’évanouit.
Et sentant l’être en nous, si nous y cherchons l’âme,
Notre intime regard vainement l’y réclame :
______En nous comme ailleurs il fait nuit !


Donne enfin son salaire à la tâche si dure
Qu’impose le mutisme ingrat de la Nature
______A tes amants laborieux !
Exauce enfin leur noble et fidèle prière ;
Mets à nu ta splendeur, fut-elle meurtrière,
______Dût-elle leur brûler les yeux !