Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 200-201).


LII

Laure à Juliette.


Je viens de recevoir un billet de James, il m’apprend qu’il a rejoint Caroline. Elle est dans ce moment au Havre, et retenue à bord d’un vaisseau qui devait mettre à la voile avant-hier. James a gagné le capitaine ; son départ est remis à samedi prochain, et je pars avec M. Bomard pour aller porter à cette infortunée tous les secours qu’exige sa situation, et la détourner d’un projet qui désespérerait sa famille. James ne me donne aucun détail sur la manière dont il l’a retrouvée ; il me dit seulement qu’il n’a pas voulu la voir en particulier, craignant qu’un homme de son âge, témoignant un si vif intérêt pour elle, ne parût suspect aux personnes qui l’entourent. Cette nouvelle a un peu calmé l’excessive douleur de ma belle-mère. Je laisse auprès d’elle madame de Gercourt, dont les soins remplaceront les miens : et je vais employer toute l’éloquence de l’amitié, pour consoler la malheureuse Caroline. Tu frémiras, en lisant la lettre de son frère ; il veut se venger. Je redoute bien que sa vengeance n’aggrave nos malheurs. Il est jeune, brave, emporté par la colère ; et l’hypocrisie de son ennemi doit facilement en triompher.