La troisième bataille de la Somme (août-septembre 1918)

La troisième bataille de la Somme (août-septembre 1918)
Revue des Deux Mondes6e période, tome 52 (p. 164-203).
LA TROISIÈME BATAILLE DE LA SOMME [1]

La troisième bataille de la Somme, commencée le 8 août 1918, est un élément de cette chaîne de victoires qui se sont nouées l’une à l’autre depuis le 18 juillet jusqu’à la capitulation de l’ennemi en novembre. Mais c’est un élément essentiel. Une préparation qui est un chef-d’œuvre a permis une surprise foudroyante. La défaite des Allemands a été si complète que, ce jour-là, Ludendorff s’est senti irrémédiablement vaincu. Il a déclaré la guerre perdue et Il a engagé le gouvernement allemand à faire la paix.

Avant de raconter ces glorieuses journées, traçons le cadre d’opérations où elles se placent.

Le 15 juillet 1918, l’ennemi lance des deux côtés de Reims une offensive qu’il espère décisive. Il saisira tout le cours de la Marne de Château-Thierry à Châlons. De là, il tournera soit au Sud-Est pour tomber dans le dos de l’armée de Verdun, soit au Sud-Ouest pour amorcer l’opération finale sur Paris. Le commandement français a prévu cette double manœuvre, et il a formé de ses réserves deux groupements, dont chacun est opposé à l’un de ces desseins, tandis qu’une troisième masse, sous les profondes hêtraies de la forêt de Villers-Cotterets, est prête à tomber dans le flanc droit de l’ennemi. Le mécanisme joue exactement. : Le 15, l’attaque de la Ire armée Fritz von Below et de la IIIe von Einem à l’Est de Reims est arrêtée net, tandis que l’attaque de la VIIe armée von Bœhn à l’Ouest de Reims ne fait qu’un progrès limité et vite contenu. L’insuccès est si éclatant que Fritz von Below est disgracié et remplacé par ; le général von Mudra. D’autre part, Bœhn, tandis qu’il attaquait par son centre et sa gauche, avait son aile droite repliée on crochet défensif, entre la Marne et l’Aisne, de façon à couvrir la droite de l’opération. Ce fut sur ce flanc que tomba le 18 juillet la riposte française exécutée par la 10e armée Mangin au Nord et la 6e armée Degoutte au Sud. L’ennemi surpris et enfoncé dut se replier sur la ligne de l’Aisne et de la Veste.

L’événement était grave : la manœuvre française du 15 juillet montrait que la parade était enfin trouvée à la tactique offensive employée par les Allemands le 21 mars, le 9 avril et le 27 mai. D’autre part, l’armée allemande, fatiguée par quatre mois d’attaqué, avait mis dans ce suprême effort toute son énergie et déjà une part de bluff. Sa défaite allait faire chavirer la balance. Il se peut cependant qu’au début on ne se soit pas rendu compte en Allemagne de l’étendue du désastre. La presse affecta de le considérer comme un accident et annonça une reprise prochaine de l’offensive. Mais les Alliés qui venaient le 18 juillet de reconquérir l’initiative entendaient ne plus la perdre. Le 18 août, l’armée Rawlinson au Nord et l’armée Debeney au Sud frappaient un nouveau coup entre Albert et Montdidier. La troisième bataille de la Somme commençait.


I

Au moment où l’action va s’engager, l’ennemi a en ligne entre Arras et Soissons quatre armées, qui sont du Nord au Sud : la XVIIe (Otto von Below) qui a son extrémité droite devant la crête de Vimy et son extrémité gauche couvrant Albert ; la IIe (von der Marwitz) qui va d’Albert à Moreuil, ou si l’on veut de l’Ancre à l’Avre ; la XVIIIe (von Hutier) qui va de l’Avre à l’Oise, qu’elle atteint devant Ribécourt, sa gauche bordant le cours inférieur du Matz : enfin la IXe (von Eben) entre l’Oise et l’Aisne, qu’elle passe à Fontenoy.

La XVIIe armée allemande a devant elle la 3e armée britannique du général Byng : la IIe a devant elle la 4e armée du général Rawlinson ; la XVIIIe a devant elle deux armées françaises, la 1re du général Debeney, et la 3e du général Humbert ; ces deux armées ont été placées là pendant la bataille de mars : enfin la IXe armée a devant elle la 10e armée française du général Mangin.

La XVIIe armée allemande a, devant Arras, un groupement, dit groupement de Vimy. On sait que, depuis 1916, le (groupement a remplace le corps d’armée ; mais l’état-major est resté le même, et le groupement de Vimy n’est en réalité que l’ancien Ier corps bavarois de réserve, sous les ordres du général von Fasbender. Il a en ligne, au Nord de la Scarpe, la XLVIIIe division de réserve ; au Sud de la Scarpe, couvrant la hauteur de Monchy-le-Preux, la CCXIVe, enfin, plus au Sud, sur le terrain ondulé qui s’étend jusqu’au Cojeul, la XXXIXe.

Au groupement de Vimy succède, au Sud, sur les plateaux jusque devant Hébuterne, le groupement Lewarde, qui est l’ancien XVIIIe corps ; il a en ligne quatre divisions, qui sont de droite à gauche la XXIe de réserve, la CCXXXIVe, la IIe de réserve de la garde, et la CXIe. Enfin, l’aile gauche de l’armée, qui s’étend jusqu’à l’Ancre à la hauteur d’Aveluy, forme le groupement d’Arras (ancien XIVe corps de réserve) et met en ligne la CLXXXIIIe division, la XVIe de réserve et la IIIe navale. : Ainsi de Gavrelle à Aveluy, la XVIIe armée a en ligne 10 divisions. Il y a de plus quatre divisions fraîches à l’arrière, la CLXXXVe, la Ve bavaroise, la Ve bavaroise de réserve et la XXVIe de réserve.

La IIe armée, à cheval sur la Somme, d’Aveluy au Nord (à Moreuil au Sud, forme trois groupements, qui sont l’ancien XIVe corps, l’ancien XIe et l’ancien LIe. Elle a en ligne dix divisions également. La CCXXXIIIe, la XXXIVe de réserve et la XXVIIe sont au Nord de la Somme. Cette XXVIIe division, qui tient le plateau entre l’Ancre et la Somme, de Dernancourt à Sailly-Laurette, est une division wurtembergeoise, une division de choc. Puis viennent, au Sud de la Somme, la XLIIIe de réserve, la XIIIe, la XLIe, la CIXe, la CCXXVe, la XIVe bavaroise, et enfin, à l’extrême-gauche, devant les Français, la CXCIIe. Beaucoup de ces divisions sont en secteur depuis longtemps : la CIXe depuis la fin d’avril, la CCXXVe depuis le début de mai, la XLIe et la XIIIe depuis le début de juillet. La XLIIIe de réserve est arrivée fin juillet et la XIVe bavaroise vient d’arriver. L’armée a de plus à l’arrière sept divisions, CXVIIe, CVIIIe, LIVe, et plus loin CVIIe, XXIe, LIVe et CCXLIIIe.

La XVIIIe armée, de l’Avre à l’Oise, et débordant un peu à gauche et à droite au delà de ces rivières, comprend cinq groupements, qui sont les anciens IIIe, IXe, XVIIe, XXVIe et XXXVIIIe corps. Elle a en ligne onze divisions, XXIVe, Ire de réserve, XXVe de réserve, IIe, Xie, LXXVe de réserve, CCVP, XVIIe, CCIVe, IIIe bavaroise et CVe. Elle a à l’arrière trois divisions fraîches, Ve de réserve, LXXXIIe de réserve et LXXXIVe, et une fatiguée, la VIe de réserve.

En somme, entre Arras et l’Oise, le front est partagé entre trois armées à peu près égales, qui mettent trente et une divisions en ligne et quinze en réserve.

Le front, après avoir passé la Scarpe entre Fampoux et Rœux, courait d’abord au Sud-Ouest jusque devant Hébuterne, puis au Sud jusqu’à Albert. Il coupait alors l’Ancre à Dernancourt, et creusait un angle dans les lignes alliées, la branche Nord venant d’Albert, la branche Sud se repliant vers Montdidier, la pointe étant dans la région Thennes-Castel. Le front se poursuivait au Sud-Est jusqu’à la trouée où passe la route de Roye à Senlis. Là, tournant à l’Est, il longeait le Matz jusqu’à l’Oise.

Aussitôt que le résultat de l’offensive du 18 juillet fut assuré, le maréchal Foch réunit dans une conférence, le 23 juillet, les chefs des armées française, britannique et américaine et demanda à chacun d’eux de préparer les plans d’offensives locales, à objectifs limités, qui devaient être exécutées le plus rapidement possible. Ces offensives devaient assurer la liberté de certains chemins de fer stratégiques, indispensables pour les opérations décisives. Le but assigné à l’armée britannique fut de dégager la voie Paris-Amiens par une attaque sur le front Albert-Montdidier. Ce premier succès obtenu, l’exploitation dépendrait du délai qui resterait avant l’hiver. Il fallait donc se hâter. La phase des opérations décisives s’ouvrirait ensuite et consisterait en une attaque contre la ligne Saint-Quentin-Cambrai, en direction générale de Maubeuge, conjuguée avec une attaque Franco-américaine en direction générale de Mézières. La voie ferrée Mézières-Maubeuge, ainsi attaquée aux deux bouts, était la seule qui pût alimenter le front allemand de Champagne. D’autre part, la prise de Maubeuge menacerait par le Sud la ligne d’opérations de l’armée allemande des Flandres. Sur tout le front l’ennemi se trouverait amené à une retraite générale. — La première phase du plan ainsi exposé va être la bataille du 8 août ; la seconde sera celle du 26-28 septembre.

La première opération prévue pour l’armée britannique était donc de refouler l’ennemi en avant d’Amiens, en direction de l’Est et du Sud-Est, de façon à enlever la ligne Le Quesnel-Mericourt, que le maréchal Haig appelle la ligne des détenses extérieures d’Amiens. La Somme couvrirait le flanc gauche de l’armée. De là l’attaque se porterait immédiatement sur une seconde ligne Chaulnes-Roye. La prise de Chaulnes couperait les communications de l’ennemi dans les régions de Lassigny et de Montdidier. Les troupes françaises, de leur côté, se tiendraient prêtes à presser l’ennemi au Sud-Est de Montdidier [2]. Tel est le plan exposé par Sir Douglas Haig. : Il s’agit pour les Britanniques, formant l’aile marchante, d’enfoncer von der Marwitz et de venir se placer sur les communications de von Hutier, tandis que les Français attaqueront celui-ci de front. Or von Hutier, qui a derrière lui la coupure de la Somme et du canal Crozat, dispose de relativement peu d’espace pour manœuvrer. S’il est devancé par les Alliés sur cette ligne d’eau, il peut se trouver pris comme dans un sac.

L’opération incombait à la 4e armée britannique. Les instructions relatives à la préparation furent données à son chef, le général Rawlinson, le 13 juillet. Le 28, la 1re armée française du général Debeney, prolongeant à droite l’armée Rawlinson, fut mise sous les ordres de Sir Douglas Haig,

Il s’agissait de renforcer l’armée Rawlinson sans que l’ennemi s’en aperçût, et de masser dans l’angle étroit que font les routes Amiens-Albert et Amiens-Roye trois corps d’armée, le 3e à gauche, le corps australien au centre, le corps canadien à droite. Les bois favorisaient ces mouvements. Les Australiens appuyèrent à droite pour faire place au 3e corps. Quant aux Canadiens, pour dissimuler leur présence en Picardie, on les fît voir en Flandre, devant le Kemmel, où ils furent identifiés par l’ennemi. D’une façon générale, on fit croire aux Allemands qu’ils seraient attaqués en Flandre. On leur montra dans cette région des quartiers généraux, des hôpitaux. Il put savoir que la télégraphie sans fil était très active sur le front de 1re armée. Enfin ses aviateurs purent observer près de Saint-Pol des exercices d’entraînement de tanks en liaison avec l’infanterie, et durent rapporter qu’il se faisait une concentration de tanks dans cette région.

Pendant ce temps, les derniers préparatifs s’achevaient sur la Somme. La date de la bataille était fixée au 8 août. Les Canadiens venaient très secrètement prendre place derrière les Australiens, en attendant d’entrer en ligne à leur droite. Les tanks et la cavalerie ne furent rassemblés qu’au dernier moment.

Quand tout fut en place, l’ordre de bataille du général Rawlinson était le suivant : à l’aile droite, en contact avec les Français, le corps canadien, aux ordres du lieutenant-général Sir A.-W. Currie, avait en ligne ses 3e, 1re et 2e divisions canadiennes, avec la 4e en soutien ; au centre, le corps australien, aux ordres du lieutenant-général Sir J. Monash, avait en ligne les 2e et 3e divisions australiennes, les 5e et 4e étant en soutien ; enfin à gauche, au Nord de la Somme, le 3e corps, aux ordres du lieutenant-général Sir R.-H.-K. Butler, avait en ligne les 58e et 18e divisions, la 12e étant en soutien. En arrière, le corps de cavalerie britannique, formé de trois divisions sous les ordres du lieutenant-général Sir C.-T, Mc M. Kavanagh, devait se concentrer à l’heure de l’attaque à l’Est d’Amiens. Enfin une force mobile composée de deux brigades de mitrailleuses automobiles et d’un bataillon cycliste canadien, sous les ordres du brigadier général, devait exploiter le succès le long de la route Amiens-Roye.

Cette part de bonheur qu’il y a dans toutes les victoires fut accordée aux alliés. Le temps, qui leur avait si souvent nui dans cette guerre, était cette fois très favorable. Les jours qui précédèrent l’action, la pluie empêcha les Allemands d’observer les préparatifs ; les nuits sans lune masquèrent les marches. La veille de l’attaque, le temps se remit au beau. Le matin une brume épaisse servit l’assaillant, comme elle avait servi les Allemands le 21 mars. Au delà de 3 à 400 mètres, on ne voyait plus. L’ennemi ne se doutait de rien. Dans les bois où l’armée se rassemblait, on pouvait craindre qu’il ne fit un barrage de gaz : il ne le fit pas. On pouvait craindre que, toutes les communications des troupes passant par Amiens, cette ville ne fût violemment bombardée ; elle ne le fut pas.

Les Allemands attendaient cependant un choc devant Amiens. Pour en restreindre l’étendue, dans les premiers jours d’août, ils évacuèrent à leur droite les positions. qu’ils avaient au Nord d’Albert sur la rive droite de l’Ancre, et à leur gauche la tête de pont qu’ils avaient à l’Ouest de Moreuil. En démontant ainsi deux pièces de leur front, ils réduisaient la zone d’attaque à la partie restée intacte entre ces deux limites. Enfin, deux jours avant l’attaque, le 6 août, ils exécutèrent un gros coup de main entre l’Ancre et la Somme, à l’Ouest de Morlancourt. L’affaire aurait pu avoir des suites sérieuses. L’ennemi avait pénétré dans les lignes britanniques et fait des prisonniers. Les prisonniers ne parlèrent pas et le secret resta exactement gardé. C’est un des traits de la bataille du 8 août que la surprise a été complète.

L’armée Rawlinson attaquait sur le front compris entre Ville-sous-Corbie au Nord, et le confluent de la Luce et de l’Avre au Sud. La liaison avec l’armée Debeney se faisait le long de la route d’Amiens à Roye par la brigade d’auto-mitrailleuses canadiennes. L’unité d’extrême-gauche de l’armée Debeney, au Sud de cette route, était cette célèbre 42e division , qui sous les ordres du général Grossetti, puis du général Deville, s’était couverte de gloire à Fère-Champenoise, à l’Yser , en Champagne en 1915, à Verdun et sur la Somme en 1916.


II

Le 8 août, à quatre heures trente du matin, dans le grand silence, on entendit-un, deux, trois coups de canon ; puis toute l’artillerie britannique ouvrit le feu. Les correspondants de guerre, qui avaient passé la nuit dans le bois de Gentelles, ont conservé le souvenir de cet immense et brusque déchaînement. Les batteries allemandes furent aussitôt dominées, quelques-unes avant même d’être entrées en action. En même temps, les tanks de l’infanterie se portèrent à l’assaut. Le brouillard favorisait leur marche. L’ennemi fut complètement surpris. La ligne des premiers objectifs, Demuin-Marcelcave-Cerisy-Sud de Morlancourt fut rapidement enlevée. Après une halte de deux heures, infanterie, cavalerie et tanks légers, coopérant avec précision, continuèrent l’avance. A la fin du jour, cette avance variait de 10 à 12 kilomètres. La ligne de défense avancée d’Amiens, marquée par un long ravin circulaire entre Morcourt au Nord sur la Somme et le Quesnel au Sud sur la route de Roye, et jalonnée par Harbonnières et Caix, était enlevée sur tout le front. Seul, le village de Quesnel à l’extrême-droite résistait encore et fut emporté dans la nuit. Pour des témoins accoutumés aux affreux champs de bataille labourés et livides des années précédentes, celui-ci présentait le lendemain un spectacle singulier. Les villages de la première ligne avaient cruellement souffert. Villers-Bretonneux était un monceau de ruines. Mais ceux de la seconde ligne étaient intacts. Les champs avaient l’aspect paisible de la paix. Je me rappelle en arrivant à Caix un vallon charmant planté de peupliers. Le trafic était rétabli partout. Le pont de Demuin ayant été détruit, les camions passaient à gué, dans un éclaboussement d’eau et de soleil. Un motocycliste traversait la rivière, les jambes relevées, sur sa machine trépidante. L’artillerie ennemie réagissait à peine. Elle envoyait seulement des obus lourds sur quelques lieux habités. C’est ainsi qu’il y avait un mauvais passage à la sortie de Lamotte en Santerre. De temps en temps, un obus tombait dans les convois. Les chevaux s’effaraient. On voyait au pied d’un mur un camion détruit et les corps des conducteurs rangés entre les roues. Mais dans l’ensemble, l’immense plateau était calme. Sur une route latérale, on voyait encore des batteries allemandes en position sous le réseau gris de leur camouflage, avec les paniers d’obus. Un tout jeune servant était étendu sur le dos en travers du chemin, les poings crispés.

Au Nord de la Somme, le 3e corps britannique avait eu une plus dure journée. L’ennemi, qui avait fait deux jours plus tôt le coup de main de Morlancourt, était sur ses gardes. Quand on longe la rive septentrionale, par la route qui suit le couloir de la vallée touffue, après avoir traversé Sailly-Laurette, on trouve dans une sorte de cuve le village de Chipilly. Il est adossé à une crête verticale qui l’emmure du côté de l’Est, tandis qu’il est flanqué du Nord par d’autres crêtes et par des bois. L’ensemble constitue une position très forte, où l’ennemi réussit à se maintenir.

Malgré cette résistance à la gauche, la journée avait été une victoire éclatante. L’ennemi laissait dans les mains de l’armée Rawlinson 13 000 prisonniers et 3 à 400 canons. Australiens et Canadiens avaient combattu avec autant d’habileté que d’énergie. La cavalerie, après une série de marches de nuit, avait avancé, le jour de l’action, de 38 kilomètres au delà de ses points de concentration.

Le 9 août, l’armée Rawlinson exploita bon succès. L’ennemi, après avoir vivement résisté sur la ligne Beaufort-Framerville, faiblit. La cavalerie britannique travaillait maintenant en avant de l’infanterie. Le 8e hussards, de la 1re division, enlevait Meharicourt. La 2e et la Se divisions ramassaient aussi des prisonniers et gagnaient du terrain. Le soir, la ligne Bouchois-Rouvroy-Maucourt-Framerville était atteinte. Au Nord de la Somme, le 3e corps, avec la 12e division et un régiment de la 33e américaine, dépassait à droite Chipilly, enlevait au centre la cuvette où est caché Morlancourt, et à gauche de l’Ancre, atteignait Dernancourt.

Le 12 au soir, le front de combat était reporté à la droite britannique sur les vieilles lignes allemandes de la première bataille de la Somme en 1916, Ouest de Damery-Est de Lihons. De là il continuait vers le Nord en passant à l’Est de Proyart et aux lisières Ouest de Dray. L’arrivée sur les anciennes lignes fortifiées marquait une nouvelle phase du combat. L’exploitation du succès initial était finie. L’ennemi trouvait là des points d’appui très forts, sur lesquels les attaques britanniques échouaient le 13. Cependant, les résultats de ces cinq premiers jours étaient magnifiques. Treize divisions d’infanterie britanniques avec un régiment américain, 3 divisions de cavalerie et 400 tanks avaient battu 20 divisions allemandes, et leur avaient enlevé 400 canons et 22 000 prisonniers. L’ennemi, culbuté, avait cédé une profondeur de terrain de 20 kilomètres.


III

A l’heure même où les Canadiens attaquaient le 8 août, c’est-à-dire à quatre heures vingt, l’artillerie de la 1re armée française commençait la préparation ; à cinq heures cinq, l’infanterie donnait l’assaut.

L’armée Debeney comprenait de gauche à droite le 31ecorps, le 9e , le 10e et le 35e. Le 31e corps dont la zone d’opérations s’étendait jusqu’au Sud de Moreuil, avait deux divisions en première ligne, la 42e à gauche et la 37e à droite. Il en avait doux en seconde ligne, la 126e derrière Berteaucourt, et la 60e derrière Moreuil. Enfin la 153e division était en troisième ligne, avec deux bataillons de chars légers, les seuls qui fussent affectés au corps.

Le corps possédait entre l’Avre et la Luce, dans le bec que forment ces deux rivières, une tête de pont sur la rive droite de l’Avre, formant un front d’environ 4 kilomètres. Il s’agissait d’abord d’élargir cette tête de pont et de la rendre praticable pour une armée. Les deux divisions en ligne se portèrent face au Sud-Est. La 42e division enleva Mézières, tandis que la 37e prenait pied sur le mouvement de terrain à l’Est du bois de Genouville. Moreuil était débordé. Le soin de le nettoyer fut confié à la 66e division.

A droite du 31e corps se trouvait le 9e, du Sud de Moreuil au Nord d’Hargicourt. Il avait en ligne deux divisions, le long de la rive Ouest de l’Avre, la 15e coloniale à gauche et la 3e à droite, vers Braches. A la faveur du mouvement du 31e corps, ces deux divisions se portèrent à leur tour en avant, à neuf heures du matin, face à l’Est, passèrent l’Avre et enlevèrent par la gauche le bois de Genouville, et le plateau qui le porte, par la droite la Neuville-Sire-Bernard et le plateau qui est au Sud-Est. Ces résultats atteints, le 31e corps et le 9e forment une ligne face au Sud-Est, de Mézières à la Neuville-Sire-Bernard. Ils continuent à avancer et en fin de journée ils occupent la ligne Fresnoy-Plessier-lisières Ouest de Contoire-Hamel.

Le rôle du 9e corps est alors fini. Il disparait de la ligne de bataille. C’est le 10e corps placé à sa droite qui va le remplacer par le mécanisme suivant. Ce corps avait trois divisions en ligne, la 152e à gauche, la 166e au centre et la 60e à droite, les deux premières derrière le ruisseau des Doms, la dernière devant Montdidier. Ce ruisseau des Doms, par sa vallée marécageuse, est un obstacle. Quand le 9e corps eut élargi la tête de pont de la Neuville-Sire-Bernard, la 152e division, au lieu d’essayer de franchir le ruisseau devant elle, serra sur sa gauche et vint passer par cette tête de pont. Appuyant ainsi vers le Nord, le 10e corps se trouva au contact du 31e, et la zone d’action du corps intermédiaire, c’est-à-dire du 9e, se trouva supprimée. Le progrès de la 152e permit alors à la division à sa droite, la 166e, après avoir serré pareillement à gauche, de tenter le passage de front du ruisseau des Doms, qu’elle força à la hauteur de Gratibus. Ces opérations eurent lieu le 9 au matin.

Cependant l’attaque reprenait à gauche sur le front du 31e corps. Les deux divisions qui restaient en réserve, la 126e et la 153e, dépassèrent les deux divisions qui avaient donné la veille, et à 11 heures du matin, Hangest fut occupé. En même temps, le général Debeney faisait serrer deux divisions qu’il avait gardées sur la Noye en réserve d’armée, la 46e qui était à Ailly, et la 56e qui était à Epagny. En fin de journée, la situation était la suivante. Hangest occupe le centre d’un vaste plateau horizontal ; ce plateau était entièrement occupé, et la ligne de front était à ses lisières Est et Sud. A l’extrême gauche, la 126e avait enlevé Arvillers ; la 153e et la 37e tenaient la tête des ravins au Sud d’Hangest. La 152e avait sa gauche sur les crêtes au Nord de Davenescourt, et sa droite à Contoire et à Pierrepont. La 166e avait, après de durs combats, passé le ruisseau des Doms sans pouvoir s’élever sur le plateau qui le borde à l’Est.

L’événement capital, la prise d’Hangest, avait eu lieu, comme nous l’avons vu, le à onze heures du matin. Montdidier se trouvait débordé par le Nord. D’autre part, il était signalé au général Debeney que l’ennemi engageait des réserves. Il jugea que ce fait devait alléger la tâche de son aile droite, qui n’avait pas encore donné, et que le moment était venu de faire donner cette aile au Sud de Montdidier. Elle était formée par le 35e corps qui de Montdidier à Courcelles avait en ligne la 169e division à gauche, et la 133e à droite ; la 46e était en réserve. Plus loin en arrière, sur la voie ferrée de Paris à Amiens, se trouvait le 2e corps de cavalerie.

Pour appuyer l’attaque de sa droite, le général Debeney transporta rapidement toute sa masse d’artillerie, qui était jusque-là derrière sa gauche, et le ramena à l’aile opposée.

L’ordre d’attaque fut donné à midi. L’attaque eut lieu à quatre heures du soir. Le tir d’artillerie ne fut pas intensifié d’avance, de sorte que là, encore, l’ennemi fut complètement surpris. La principale tâche incombait à la 169e division. De Domfront elle devait pousser en pointe, face au Nord-Est, jusqu’à Faverolles, dans l’Est de Mondidier, et couper la route de Montdidier à Roye qui était la principale voie de retraite de l’ennemi. La 46e division et le 2e corps de cavalerie suivaient pour exploiter le succès. A gauche de la 169e division, la division de droite du 10e corps, la 60e, devait se porter sur Montdidier. A droite, la 133e division devait se porter face à l’Est de façon à masquer le massif de Boulogne-la-Grasse, puissante forteresse naturelle tenue par l’ennemi à 10 kilomètres dans le Sud-Est de Montdidier, — et à couvrir de ce côté le flanc de l’opération.

L’opération réussit complètement. Le 9 au soir, Montdidier était donc débordé du Nord et du Sud, du Nord sur le front Arvillers-Contoire, du Sud sur le front Faverolles-Piennes. Au Nord le 31e corps faisait face au Sud-Est, au Sud le 35e corps faisait face au Nord-Est. Ils marchaient à la rencontre l’un de l’autre, menaçant d’envelopper entièrement l’armée von Hutier. Toutefois cette armée, par sa résistance devant Gratibus, avait pu maintenir libre la route Montdidier Andechy, par où elle réussit à faire sa retraite.

Le 10, la poche que von Hutier formait encore la veille entre Arvillers, Gratibus et Faverolles était vidée, et toute l’armée Debeney se portait en avant, face à l’Est. La phase d’exploitation commençait. A gauche, au 31e corps, la 126e, la 153e et la 37e, après avoir continué leur marche en avant, étaient à leur tour dépassées par les deux divisions de réserve générale, la 47e à gauche et la 56e à droite, qui atteignaient l’Est de Villers-les-Roye, sur le plateau du camp de César. Au centre, au 10e corps, la 166e poussait de Gratibus sur Lignières, puis elle était dépassée a gauche par la 152e qui arrivait à Saint-Auvin, à droite par la 60e qui arrivait devant Daucourt. Adroite, au 35e corps, la 133e division, libérée de son rôle d’observation devant Boulogne-la-Grasse, se portait au Nord-Est à Fescamps ; là elle était dépassée à gauche par la 46e division et le 2e corps de cavalerie qui, marchant à l’Est, atteignaient le front Ouest de Popincourt-Est de Tilloloy ; elle était dépassée à droite par la 169e, qui arrivait devant le Cessier. Sur cette ligne générale Goyencourt-Cessier, la 1re armée retrouvait les vieilles tranchées édifiées pendant les années de la guerre de position. Elle devait s’arrêter ; l’exploitation immédiate était finie et la bataille changeait de caractère.

Telle est cette belle manœuvre de l’armée Debeney. La marche du 31e corps à la gauche permet au 9e placé à sa droite de créer la tête de pont de la Neuville ; cette tête de pont permet à son tour le passage de la division de gauche du 10e corps ; le passage de cette division permet à la division qui est à droite de passera Gratibus, et enfin cette avance générale de la gauche de l’armée au nord de Montdidier permet au corps de droite d’attaquer au Sud de la ville. Ce quintuple mouvement Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/180 Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/181 est exécuté en trente-six heures. Il restera comme un modèle dans les traités de grande tactique.


IV

La manœuvre par déclenchement progressif ne s’était d’ailleurs pas arrêtée aux limites de la 1re armée. Elle s’était étendue à droite à la 3e armée. Cette armée avait en ligne à gauche le 34e corps, de Courcelles à Autheuil, le 15e d’Autheuil à l’Oise, et le 18e à l’Est de l’Oise jusqu’à Moulin-sous-Touvent. — Le 34e corps avait en ligne de gauche à droite, la 129e, la 163e la 6e et la 121e divisions ; le 15e avait en ligne la 74e, la 123e et la 6e ; le 18e, la 38e et la 15e. — Il y avait d’autre part en réserve la 70e division à Lieuvillers, la 58e à Fouillouse, toutes deux derrière la gauche, la 5e et la 11e au centre près de Compiègne et la 2e marocaine sur l’Aisne à Rethonde, derrière la droite. — Le 18e corps passa ultérieurement à l’armée Mangin, et l’Oise fit la limite des deux armées.

L’attaque fut déclenchée le 10, à 4 heures 20 du matin, par le 34e corps. A 7 heures, les premiers objectifs étaient atteints. Cuvilly et Ressons étaient dépassés. En fin de journée, le massif de Boulogne-Ia-Grasse était enlevé ; le front passait par Onvil1ers, Boulogne-la-Grasse, la Poste, Conchy-les-Pots, la station de Roye-sur-Matz, la Neuville, Bourmont, le Plessier, Elincourt et Chevincourt. Tandis que, par sa gauche, l’armée approche des anciennes lignes fortifiées de la guerre de position, par sa droite, elle se moule sur le pied du redoutable massif de Lassigny.

Cependant depuis trois jours que la bataille est engagée, l’ennemi a eu le temps d’appeler ses réserves. Von Hutier commence une défense acharnée, pied à pied. Pendant dix jours, du 11 au 20, des combats pénibles vont se poursuivre sur un terrain difficile, devant des positions fortifiées, sur un vieux champ de bataille, et ces combats seront eux-mêmes menés à la vieille mode de 1916. Le 11, l’ennemi, renforcé de troupes fraîches, commence à réagir vigoureusement contre les deux armées françaises. La 1re armée fait encore quelques progrès. Au Nord de l’Avre, elle arrive à l’Ouest de Villers-les-Roye et repousse une contre-attaque ennemie qui débouchait de ce village. Au Sud de l’Avre, elle enlève Armencourt, le parc de Tilloloy et Tilloloy. — A sa droite, la 3e armée atteint un front jalonné par le bois allongé au Nord de la Poste, la ferme de Couny, la cote 81, l’Ouest de Gury, les abords de la ferme Saint-Claude, la cote 166, le Nord de Samson, la ferme le Censé, les carrières de Montigny et Authoval. Sur cette dernière partie du front, l’ennemi abandonnait du matériel, des munitions, des armes en grand nombre. La 3e armée avait fait plus de 2 000 prisonniers, pris 30 canons dont une batterie de 150 et 16 minenwerfer lourds. — Quant aux prises de la 1re armée, on les estimait le 12 au soir à 8 500 prisonniers dont 184 officiers, parmi lesquels 3 commandants de régiments ; 250 canons, dont 25 de gros calibre, un très grand nombre de minenwerfer, plus de 1 600 mitrailleuses et une énorme quantité de matériel.

Le 12, la résistance de l’ennemi s’accentue encore. Cependant la 3e armée put progresser au Nord de la ferme Saint-Claude et s’emparer de l’Ecouvillon où elle fit des prisonniers. Mais plus à gauche, le bois des Loges, après avoir été pris dans la matinée, fut perdu vers 13 heures à la suite d’une contre-attaque allemande. Enfin sur l’Oise, à l’Ouest de Bailly, l’ennemi évacua les positions qu’il occupait nu Nord de cette rivière et se reporta derrière le canal.

Le 13, la 3e armée continua l’attaque sur le massif de Lassigny. Elle attaqua à 11 heures du matin en direction de la ferme d’Attiche d’une part et sur le plateau de Saint-Claude d’autre part. La progression sur Attiche et la ferme Carnoy fut particulièrement pénible, en face d’un ennemi solidement organisé : cependant, en fin de journée, on n’était plus qu’à une centaine de mètres de ces deux points d’appui. Au Nord du plateau de Saint-Claude, on pénétra dans le parc de Plessier et on atteignit la lisière Est de Belval. Enfin, plus à gauche, du côté de Gury, on atteignit les boqueteaux à 800 mètres au Nord-Est de ce village.

Le 14, il n’y a à signaler sur le front des deux armées d’autre événement important que la prise de Ribécourt, à l’extrême-droite. Le 15, dans une autre opération de détail, on enlève les carrières à 2 kilomètres au Nord-Ouest de Ribécourt, la ferme d’Attiche et le Monolithe, malgré une résistance acharnée de l’ennemi et une contre-attaque qu’il déclenche à 14 heures. Dans la soirée, à l’Ouest de Lassigny, à la suite d’un vif combat, l’infanterie s’empare vers minuit de la tranchée médiane du parc du Plessier, dite tranchée des Chasseurs. En même temps, la 1re armée reprenait l’attaque devant Roye. Elle enlevait en fin de journée le bois de Damery, le bois en Z et le bois de Grally, pendant la nuit du 15 au 16, et le 16 au matin elle enlevait Villers-les-Roye et Saint-Aurin. Plus au Sud, nous réoccupions nos anciennes lignes au Sud d’Armencourt. Dans la journée du 16, la progression continuait ; une série d’attaques partielles forçait les résistances successives de l’ennemi sur les organisations à l’Ouest de Roye. Tandis qu’au Nord les Canadiens enlevaient la Chavatte, les lignes françaises étaient poussées aux lisières Est de Goyencourt, à l’Ouest de Saint-Mard et de Laucourt. Nous tenions la route Laucourt-Tilloloy et le petit bois à l’Est de cette route, Tilloloy Le Gessier, la cote 102 à l’Ouest des Loges. Enfin, le village des Loges avait été enlevé par l’aile gauche de la 3e armée, et l’infanterie progressait dans le bois des Loges.

Le n au matin, à la 1re armée, le corps du général Vandenberg attaquait Laucourt et échouait sous des feux de barrage et des tirs de mitrailleuses. A sa droite, le corps du général Jacquot attaquait Beuvraignes ; par sa droite, il attaquait la partie Sud-Ouest du village, tandis que sa gauche était devant le cimetière. Enfin plus au Sud, la lisière Est du bois des Loges était atteinte, sans qu’il fût possible de pousser au delà. Deux attaques ennemies à 5 heures et à 6 h. 30 sur le Monolithe et la ferme Carnoy étaient repoussées. — Dans la journée, la gauche de la 1re armée, au Nord de l’Avre, occupait les tranchées du camp de César et poussait jusqu’à 500 mètres à l’Ouest de la gare de Roye : au Sud de l’Avre, le centre dépassait la route Laucourt- Tilloloy, tandis que la droite prenait pied dans Beuvraignes, où des combats acharnés se poursuivaient, et occupait les anciennes lignes françaises au Sud du village. Depuis le 16 au matin, la progression dans ce secteur était de plus de 3 kilomètres sur 12, le nombre des prisonniers d’un millier. — Quant à la 3e armée, elle s’emparait par sa gauche de Canny-sur-Matz et de la ferme Laroque et repoussait au centre une troisième attaque à 13 heures sur la ferme Carnoy, tandis que le secteur du massif de Lassigny restait calme.

La nuit suivante était calme, sauf un coup de main ennemi sur le parc du Plessier, repoussé par la division Lardemelle. Les attaques reprenaient le 18 sans succès. On échouait sous les barrages et les tirs de mitrailleuses, devant Saint-Mard et Beuvraignes. Plus au Sud, la 3e armée se heurtait aussi, autour de Canny-sur-Matz, à une vive résistance de l’ennemi.

Enfin, le 19 au matin, la 3e armée attaquait sur tout son front à l’Ouest et au Sud de Lassigny. A gauche, le corps Nudant (34e) ) entrait dans Fresnières. A droite, le corps Fonclare (15e) entrait dans le Hamel. Le 19 au soir, le front passait par le bois des Logettes, la ferme Abavant, Trémière, l’arbre de Canny, la rue des Boucaudes, les carrières Saint-Aubin, la partie Sud des bois de la Cave et d’Orval, le Hamel, les abords sud de Dreslincourt et Pimprez qui était occupé en entier. — De son côté, la IIe armée avait pris dans de vifs combats au Nord de Roye, le bois Fendu, le bois de Braguemont et la ferme Lagrange ; au Sud, Beuvraignes avait été enfin enlevé [3], et on avait de même progressé au Sud de cette localité. Mais le fait nouveau, c’est que cette attaque était conjuguée avec une attaque exécutée de l’autre côté de l’Oise par la 10e armée du général Mangin, qui était entrée en scène la veille au soir.


V

Voici donc que la bataille reçoit, le onzième jour de l’action, une nouvelle et importante extension sur la droite. Après la 1re et la 3e armées, la 10e armée attaque entre l’Oise et l’Aisne.

L’ennemi avait parfaitement compris que la bataille engagée, quoiqu’elle n’eût pas encore gagné ce front, lui donnait une importance nouvelle. En effet, s’il était enfoncé entre l’Oise et l’Aisne, toutes les troupes à l’Ouest de l’Oise seraient menacées d’une prise à revers par leur gauche et contraintes de se retirer rapidement. A partir du 8 août, le commandement allemand trouve donc le front entre l’Oise et l’Aisne insuffisamment défendu par les quatre divisions en secteur, et il en intercale deux autres, de sorte qu’il a maintenant en ligne six divisions, CCXXIIIe, Ve de réserve, XVe, CCIIe, CCXXIIe et la LIIIe de réserve. En même temps, il organise sa position en profondeur, avec une zone de couverture formée d’éléments légers, ce qui correspond à la fois au désir de se garer d’une surprise et à celui de réduire ses pertes. Il augmente également la densité de son artillerie entre l’Oise et l’Aisne, en la réduisant plus à gauche sur le front Aisne-Veste, qui ne lui parait pas menacé. Enfin il recule ses batteries de défense de 2 kilomètres environ. Ces batteries qui sentent l’attaque venir sont très nerveuses sur la partie du front compris entre l’Oise et Morsain, Elles déclenchent tous les jours des tirs de contre-préparation offensive sur la foret de Laigue. Entre Morsain et l’Aisne, elles restent actives, et à partir du 10 elles exécutent de nombreux réglages. Au contraire, à gauche, sur le front Aisne-Veste, l’activité tombe après le 10.

En somme, depuis le 10 août, l’ennemi pressent l’attaque de l’armée Mangin, et se prépare à la recevoir. Il se renforce et il s’échelonne. On sait que, depuis plus d’un an déjà, son système de défense est de tenir légèrement une première zone (Vorfeldzone) sur laquelle l’assaillant s’épuise, de telle sorte que cet assaillant arriva hors de souffle sur la zone du combat véritable (Grosskampfzone). La tactique du général Mangin va être d’enlever, le 17 et le 18, la Vorfeldzone dans des actions préliminaires ; après un jour d’intervalle, qui sera le 19, il arrivera frais le 20 au combat décisif sur la ligne de résistance principale.

Le 14 août, la situation de la 10e armée était la suivante. Le 18e corps (château de Sainte-Claire) [4] avait en première ligne la 38e division (Choisy-au-Bac) et la 15e (Franc-Port). Il avait en deuxième ligne la 2e division marocaine (Rethondes) et la 132e (la Brevière). — Le 1er corps (la Chenoye) avait en première ligne la 55e division (carrière N. de Berneuil), en deuxième ligne la 48e division (Cuise-Lamotte) et la 17e (Rethondes). Le 30e corps (Montauban) avait en première ligne la 128e division (Jaulzy), en deuxième ligne, la 2e (les Crouttes) [5] et la 127e (Vivières). — Enfin, le 1er corps avait en première ligne la 162e (Ressons), la 72e (carrières à l’Ouest de Missy), la 69e (Noyant-Aconin), et en deuxième ligne, la 11e à Cutry.

D’autre part, il existait à l’arrière, en réserve du grand quartier) général, un groupement du 3e corps d’armée (Crécy-n-Brie, comprenant la 41e division (Rozoy-en-MuHien\ la 33e (Touquin) et la 87e à (Dammartin), celle-ci en voie d’embarquement [6]. Ce groupement était rattaché à la 10e armée. La 52e division, en réserve de grand quartier à Neuilly-Saint-Front, était rattachée à la 6e armée, qui était à droite de la 10e. La 64e division, en réserve de grand quartier à Pont-Saint-Maxence, était rattachée à la 3e armée.

A dix heures quinze, au château de Montauban, le général Mangin fit savoir aux commandants de corps et de division, que l’attaque était fixée au 18.

Les objectifs ont été fixés par deux ordres. Le premier qui est du 11 août prévoyait une opération combinée de la 10e et de la 3e armée, qui devaient se porter à la hauteur de Noyon. La 3e armée, à droite (Ouest) de l’Oise, devait refouler l’ennemi sur la Divette, tandis que l’objectif particulier de la 10e armée, à gauche de l’Oise, était d’atteindre le mont de Choisy. C’est une hauteur de 129 mètres, une sorte de bastion avancé qui commande toute la vaste dépression où l’Oise serpente à près de 100 mètres en contre-bas. De cette hauteur, l’armée serait en mesure d’encercler par le Nord le bois de Carlepont, vaste couvert qui occupe tout le fond du coude de l’Oise. Une note du groupe d’armée de réserve, reçue ce jour-là à vingt heures, spécifiait que la gauche de la 10e armée devrait faire sentir son action lorsque l’ennemi aurait été rejeté sur la Divette par la 3e. Son premier objectif serait la ligne mont de Choisy-Cuts-Camelin, c’est-à-dire le pied Nord des plateaux entre l’Aisne et l’Oise. L’occupation de cette ligne rendrait le bois de Carlepont intenable pour l’ennemi. Ce bois serait nettoyé, et l’armée viendrait border l’Oise, en amont de Pontoise, ce qui constituait son second objectif.

Le 15, un second ordre de l’armée élargit singulièrement les objectifs fixés le 11. Ceux-ci doivent désormais être considérés comme un minimum. Il faut gagner aussi loin que possible pour atteindre finalement : le 18e corps, l’Oise et le confinent de l’Ailette, le 7e corps l’Ailette, le 30e corps, la ligne Crécy-Juvigny, le 1er corps le rebord Nord du ravin de Juvigny. Il ne s’agit plus seulement de porter la gauche dans le coude de l’Oise, mais d’avancer sur tout le front entre l’Oise et l’Aisne, en portant le centre sur l’Ailette et la droite jusqu’à la route de Coucy à Soissons.

Le 16 août, à neuf heures cinquante, le général Mangin fit savoir aux commandants de corps que l’attaque était retardée. Cependant, ce jour-là même, l’armée exécutait une série de coups de main pour s’assurer que la position avancée de l’ennemi était faiblement tenue. Puis dans la soirée, le général Mangin donna l’ordre aux 7e et 30e corps d’exécuter, le 17 août à cinq heures, une opération par surprise pour porter leur ligne sur le plateau au Nord d’Autrèches. L’attaque, déclenchée à cinq heures du matin, réussit ; à huit heures du matin, tous les objectifs étaient atteints. Sur un front de 5 kilomètres, on avait avancé en moyenne de 1 500 mètres.

Cette affaire confirma ce que l’on savait déjà de l’emplacement de la ligne de résistance principale de l’ennemi. Elle devait être située à 3 kilomètres environ en arrière, sur la coupure naturelle formée par le ravin Audignicourt-Vassens. Un observateur en avion avait vu des éléments d’infanterie, peu nombreux, qui venaient occuper des tranchées situées sur les pentes Sud de ce ravin, tandis que des éléments plus importants se dirigeaient vers les bois bordant au Nord ce même ravin. — Après l’affaire, la ligne passait à 500 mètres à l’Est de la ferme Puiseux, au Sud du Thiollet, à la tête du ravin descendant sur Autrèches, aux abords de la cote 151 et de la cote 128. On avait fait 240 prisonniers.

L’ennemi s’attendait à une suite. Dans la nuit du 17 au 18, il exécuta des tirs de contre-préparation sur les tranchées conquises. En effet, le général Mangin avait décidé une seconde attaque de caractère également préliminaire, destinée à compléter la première. Le 17, à quatre heures de l’après-midi, il réunit au château de Montauban les commandants de corps d’armée. Un ordre du même jour annonça que l’armée attaquerait le 18 sur tout le front au Nord de l’Aisne, afin de s’assurer la zone de couverture ennemie. L’attaque serait exécutée par les divisions en secteur. Autrement dit le 18e corps engagerait la 38e et la 15e ; le 7e corps la 55e le 30e corps la 128e ; le 1er la 162e.

Après une courte et violente préparation d’artillerie, ces quatre corps engagèrent l’action le 18, à six heures du soir, et atteignirent rapidement leurs objectifs. Sur un front de 15 kilomètres, la progression fut de 1 500 à 2 000 mètres. En fin de journée, le front passait par la croupe 127 (Sud de Carlepont), le carrefour à 800 mètres au Nord de la cote 168 (Ouest de Nampcel), les lisières Sud de Nampcel, la ferme la Grange des Moines, la cote 146 (Ouest de Morsain) [7], Nouvion-Vingré, Le raccord avec les anciennes lignes se faisait au saillant de Fontenoy. Les pertes avaient été très faibles. L’armée avait fait plus de 2 000 prisonniers, dont deux chefs de bataillon.

On était donc arrivé par les deux attaques du 17 et du 18, au contact de la véritable position de défense de l’ennemi. La journée du 19 fut occupée par la préparation de l’attaque sur cette position principale, attaque qui devait avoir lieu le 20. Quand cette position serait enlevée, l’armée avait l’ordre de poursuivre l’ennemi de manière à atteindre la ligne Oise-Ailette rebords du plateau de Juvigny. Les chars d’assaut devaient appuyer l’attaque sur le front des 18e, 7e et 1er corps.

L’ordre de bataille était le suivant : le 18e corps avait en première ligne la 38e division, la 15e, la 132e et la 2e marocaine ; le 7e corps la 48e et la 55e le 30e la 2e et la 128e ; le 1er, les 11e, 162e, 72e et 69e. — Deux divisions étaient tenues en réserve d’armée, la 17e qui devait marcher dans le sillage de la 48e et se rassembler le 20 au matin dans la région Attichy-Bétry ; la 127e, qui devait se tenir prête à marcher dans le sillage de la 128e.

L’attaque eut lieu le 20, à 7 heures 10. En fin de journée, on avait atteint le front Pimprez-Carlepont (exclu), Coisnes (exclu), Gizaucourt, Blérancourdelle, abords Ouest de la cote 160, Vezaponin (exclu), Bienay (exclu), les Caves, Cuisy-en-Almont Laval (exclu), Courtil, sucrerie de Pommiers. L’ennemi, malgré une résistance acharnée, avait dû céder le terrain sur une profondeur de 5 kilomètres. On avait fait 8 000 prisonniers et pris plus de 100 canons.

Le général Mangin, en vue d’exploiter ce beau succès, mit en ligne ses deux divisions qui étaient en réserve, la 17e à la disposition du 30e corps, où elle s’intercala entre les 2e et 128e, la 127e à la disposition du Ier corps, où elle s’intercala entre la 11e et la 162e. D’autre part, la 64e division, qui était en réserve de groupe d’armées, fut mise à la disposition de la 10e armée, et devint réserve d’armée.

La nuit fut employée à garder le contact, pousser l’ennemi, reconstituer des réserves. Le 21, l’exploitation commença. Au 18e corps, Caisnes est enlevé dans la nuit, le mont de Choisy au jour, puis Cuts, Camelin et le Fresne. On a donc maintenant la totalité des plateaux, et on redescend dans la plaine basse de l’Oise. Les détachements de poursuite arrivent dans la matinée à Pontoise, puis à Varennes ; ils atteignent la ligne Brétigny-Quincy-Monicamp, où ils se heurtent à la résistance de détachements d’arrière-garde ennemis. Autrement dit, ils bordent l’Oise jusqu’au confluent de l’Ailette. Le 7e corps débouche également des plateaux et enlève à leur pied Blérancourt et Saint-Aubin. Le 30e corps est arrêté sur la ligne du plateau à l’Est de la ferme Locre, — ravin de Vezaponin. — A la gauche du Ier corps, la 11e division est arrêtée par les feux de flanc de la région de Bagneux, par les feux de front de la ferme Valpriez. La 127e échoue deux fois dans ses tentatives pour atteindre la chaussée Brunehaut, au Nord-Est de Villers-la-Fosse. La 72e division s’empare de Pommiers et progresse dans le ravin de Vauxrezis jusqu’à la maison de Pau.

Dans la nuit du 21 au 22, la 48e division (7e corps), qui est au centre de l’armée, arrive sur l’Ailette, entre Quincy-Basse et l’Avaloire. Ce coin est immédiatement élargi à gauche et à droite. Le 22, au soir, l’ennemi était rejeté à gauche sur l’Ailette et sur l’Oise, à droite sur les plateaux entre l’Ailette et Soissons. La ligne bordait l’Oise jusqu’à Pont-la-Fosse. On était aux lisières Sud de Brétigny, de Quierzy, de Guny, de Pont-Saint-Mard, tous ces points étant âprement défendus. Plus au Sud, la ligne passait par la ferme Bailly, la creute à 400 mètres au Sud, la ferme Mareuil, Bagneux, Villers-la-Fosse, Vauxrezis et Pommiers, tous ces points étant à nous. Le nombre des canons pris dépassait 200.

En somme, tout s’est passé comme si l’armée, pivotant sur sa droite, avait manœuvré par sa gauche sur l’Oise, puis par son centre sur l’Ailette. Par contre-coup, les positions de l’ennemi à l’Ouest de l’Oise, sur le front de Lassigny, deviennent intenables : la défaite de von Eben sur la rive gauche contraint von Hutier à reculer à son tour sur la rive droite. Le 21, il décolle devant le front de la 3e armée. Lassigny est pris le 21, le Piémont encerclé. On suit l’ennemi pendant la journée du 21 et la nuit suivante. Le 22 au matin, le contour apparent de sa ligne passait par le bois Sussex, la ferme Saint-Hubert, la ferme de la Malmaison, Cury et sensiblement la Divette jusqu’à son confluent.

Enfin, dans cette journée du 21, tandis que l’ennemi plie devant la 10e armée et recule devant la 3e , un événement capital se passe au Nord du champ de bataille. La 3e armée britannique (Byng) entre en action à gauche de la 4e Une nouvelle phase commence ainsi à l’aile gauche. Pendant que nus alliés frappent ce nouveau coup, que nous allons maintenant décrire, les opérations s’arrêtent à peu près complètement sur le front français jusqu’au 26. Ce jour-là, 1re armée fait, à quatre heures quarante-cinq, une opération sur Fresnoy ; à treize heures, une autre sur le bois de la Croisette, et, à seize heures, une troisième sur Saint-Mard. Ces trois opérations réussissent. Le 27, à cinq heures du matin, l’ennemi exécute une forte contre-attaque au Sud de Saint-Mard, puis il commence un large mouvement de repli qui s’étend de proche en proche, et qu’il couvre par des mitrailleuses. Laucourt est tourné et occupé à huit heures, Roye est pris à neuf heures.


VI

Tandis que les opérations françaises s’étendaient progressivement vers la droite, la 3e armée s’engageant après la 1re et la 10e après la 3e, les opérations britanniques, par une manœuvre symétrique, s’étendaient progressivement vers la gauche. Nous avons vu la 4e armée britannique attaquer du 8 au 13, jusqu’à ce que sa droite se trouve fixée devant les vieilles tranchées de 1916. Au Nord de la 4e armée, la 3e entrait à son tour en action le 21.

Sir Douglas Haig, exposant les raisons personnelles qu’il a pu avoir, en dehors du plan général d’opérations dicté par le maréchal Foch, d’étendre l’action au Nord de l’Ancre, fait remarquer que le terrain, moins ravagé par les obus que l’ancien champ de bataille de la Somme, rendait l’attaque plus facile ; qu’il se trouvait là à l’Est des anciennes tranchées allemandes de 1916, et qu’il n’avait pas à les franchir comme il le devait plus au Sud ; que l’ennemi, par l’effet du succès de la 4e armée, se trouvait en saillant ; enfin, qu’une victoire entre Arras et Albert, face au Sud-Est, permettait de tourner par le Nord la ligne de défense ennemie de Péronne, et de faire un large pas vers le grand objectif stratégique Cambrai-Saint-Quentin.

L’attaque fut montée de la façon suivante. Le 21 au matin, une action limitée, sur le terrain au Nord de l’Ancre, devait porter la 3e armée sur la voie ferrée d’Arras à Albert, où l’on pouvait penser que l’ennemi avait sa principale ligne de résistance. Le 22, les troupes et les canons s’avanceraient sur ce front pour se trouver à pied-d’œuvre pour l’attaque décisive, tandis qu’au Sud de l’Ancre l’aile gauche de la 4e armée se porterait en avant. L’action principale serait exécutée le 23 par la 3e armée et l’aile gauche de la 4e, tandis qu’au Sud de la Somme le reste de la 4e armée coopérerait par sa pression. Dès que la IIIe armée aurait obligé l’ennemi à évacuer, sur la route d’Arras à Bapaume, l’éperon de Mercatel, la 1re armée, placée plus au Nord, pourrait à son tour entrer en action. Son aile droite, délivrée de ce flanquement redoutable au Sud, et se couvrant au Nord par la Sensée, pourrait attaquer en direction de Monchy-le-Preux. L’enlèvement de cette position, en débordant l’extrémité droite de la ligne Hindenburg, empêcherait l’ennemi de se recevoir dans cette position célèbre, et le contraindrait à une nouvelle retraite. Enfin, cette extension progressive des attaques vers le Nord, en tenant l’ennemi incertain du point choisi pour l’assaut principal, l’obligerait à diviser ses réserves et à les engager par paquets.

Le 21 août, le 4e et le 6e corps de la 3e armée, sous les ordres des généraux Harper et Haldane, attaquèrent sur un front de 15 kilomètres, au Nord de l’Ancre, sur les plateaux de Miraumont à droite, de Moyenneville à gauche. Le 4e corps engagea en première ligne la 42e division, la division néo-zélandaise et la 37e ; le 6e corps, la 2e et la division de la garde. Ces unités, appuyées par les tanks, enlevèrent les positions avancées de l’ennemi. Elles furent alors dépassées par la 5e division et la 63e au 4e corps, la 3e au 6e corps, et ces troupes atteignirent l’objectif final, c’est-à-dire la voie ferrée. Pendant ce temps, à leur droite, une division du 5e corps, la 21e, nettoyait la rive Nord de l’Ancre dans la région de Beaumont-Hamel. Ainsi les positions d’approche pour la grande attaque du surlendemain étaient atteintes, et 2 000 prisonniers étaient enlevés à l’ennemi. — C’est, comme on le voit, le même procédé que la 10e armée française avait suivi le 18 et le 20 ; pour annuler l’effet de la résistance en profondeur, on subdivise l’attaque en deux bonds, séparés par un jour d’intervalle, le premier bond amenant l’assaillant au contact de la position principale.

Le 22, de bon matin, le 3e corps, formant l’aile gauche de la 4e armée, exécutait à son tour une opération partielle entre l’Ancre et la Somme, avec les 47e, 12e et 18e divisions, appuyées à droite et à gauche par la 3e division australienne et par la 38e. La 18e division, passant l’Ancre, tourna et prit Albert par le Sud-Est. La gauche de la 4e armée se trouve ainsi portée à l’Est de la route Albert-Bray. Elle avait fait 2 400 prisonniers.

Ainsi les opérations préliminaires avaient réussi. Le moment solennel de l’attaque décisive était arrivé. Le maréchal Haig adressa un ordre à ses troupes, où, après avoir montré l’heureux changement des opérations, il adjurait chaque homme d’agir avec toute l’audace et toute la résolution possibles. Là où l’ennemi céderait, là on augmenterait la pression. Cet appel fut entendu. Les mêmes divisions qui avaient résisté dans la bataille du 21 mars montrèrent, sur le même terrain, le plus magnifique élan offensif. Le 23 août au matin, la bataille commence par une série d’assauts violents sur toute la longueur du front de 53 kilomètres, depuis le point de jonction avec les Français au Nord de Lihons jusqu’à Mercatel.

A quatre heures quarante-cinq, au Sud de la Somme, le corps australien attaquait par la 32e division et la 1re australienne, et enlevait Herleville, Chuignolles et Chuignes, avec 2 000 prisonniers. — A la même heure, sur l’Ancre, le 3e corps à droite et le 5e corps à gauche attaquaient dans la région d’Albert, celui-là par sa 18e division, celui-ci par la brigade de droite de la 38e. Les deux hauteurs situées juste à l’Est de la ville, devant la Boisselle, les fameuses collines Tara et Usna, où avait commencé la bataille de 1916, étaient emportées. Plus à gauche, deux compagnies de la brigade de gauche de la 38e division, passant les fonds de l’Ancre à la hauteur de Hamel, se maintenaient tout le jour sur la rive opposée, avec la plus grande bravoure, au pied des collines tragiques de Thiepval. — A différentes heures de la matinée, les autres divisions du 5e corps (17e et 21e), plus à gauche encore celles du 6e corps (2e, 3e, division des gardes, 56e et 52e), enfin plus à gauche encore celles du 4e corps (42e division néo-zélandaise, 5e et 57e attaquaient à leur tour sur tout le front au Nord d’Albert, le principal effort étant entre Miraumont et Boiry-Becquerelle.

Le rôle du 5e corps se bornait à envoyer des forces légères sur la rive gauche de l’Ancre, au Nord de Thiepval ; mais il ne fallait pas penser à pénétrer profondément ce jour-là dans le couloir de la rivière. Au 6e corps, l’attaque commença dès 4 heures du matin à la 3e division, qui enleva Gommécourt avec 500 prisonniers. C’est un village sur le sommet d’un plateau d’où descendent de toutes parts de longs plans inclinés, champs de tir de la défense ; il avait bravé tous les assauts en 1916. Enfin au 4e corps, qui fournissait le gros de l’attaque, le succès fut magnifique. Non seulement la principale ligne de résistance de l’ennemi était brisée, mais les troupes britanniques, pénétrant profondément au delà, prenaient Bihucourt, Ervillers, Boyelles et Boiry-Becquerelle avec 5 000 prisonniers et des canons. L’ennemi se désorganisait, donnait des signes de désordre. De plus, cette poussée, en portant nos alliés à cheval sur la route d’Arras à Bapaume, les avançait si fort derrière les troupes allemandes qui, plus au Sud, tenaient encore le plateau de Thiepval, que celles-ci se trouvaient dans une position très aventurée.

A une heure du matin, dans la nuit du 23 au 24, les deux armées britanniques recommencèrent l’attaque. A la 4e armée, la 3e division australienne enleva Bray-sur-Somme, tandis qu’à sa gauche, les divisions du 3e corps, 47e, 12e et 18e, avançaient sur le plateau entre Bray et la Boisselle. A la 3e armée, les divisions victorieuses la veille exploitaient leur succès, tandis que les Allemands reculaient rapidement devant elles. Le 5e corps enlevait le plateau de Thiepval par une belle attaque concentrique, la brigade de droite de la 38e division attaquant de la route Albert-Pozières, la brigade de gauche passant l’Ancre devant Hamel et attaquant de front, les autres divisions appuyant l’action à gauche. Non seulement l’ennemi abandonna le plateau de Thiepval à la 38e division, mais tout l’ancien champ de bataille jusqu’au delà de Courcelette et de Martinpuich. Au 4e corps, la 42e division emporta sur l’Ancre Miraumont qui résistait depuis trois jours, puis plus loin le village de Pys ; la 5e division prit Irles et nettoya le bois Loupart avec les Néo-Zélandais ; la division néo-zélandaise prit Grevillers, Avesnes-les-Bapaume, et aida la 37e à enlever Biefvillers. Le 6e corps trouva à sa droite une forte résistance des Allemands à Sapignies et à Mory, mais, au centre, les Gardes prirent Saint-Léger ; à gauche la 56e division, après un dur combat, gagnait du terrain devant Croisilles, tandis que la 52e enlevait Hénin sur Cojeul et prenait pied dans Saint-Martin-sur-Cojeul.

Pendant cinq jours la poursuite continua, tandis que la résistance des arrière-gardes ennemies devenait plus énergique, passant à la fin à des contre-attaques. : Le 29, la 18e division entrait dans Combles et les Néo-Zélandais dans Bapaume ; plus au Nord, les 56e et 57e divisions, après avoir pénétré jusque dans Riencourt où elles ne pouvaient se maintenir, s’établissaient au contact de la ligne Hindenburg, devant le front BulÎecourt-Heudecourt. Ainsi, dans la nuit du 30, la ligne britannique, quittant la Somme à Cléry, passait par Combles, Lesbœufs, Frémicourt, Vraucourt, lisières Ouest d’Ecoust, de Bullecourt et d’Heudecourt.

Le coup porté aux Allemands pendant ces neuf jours au Nord de la Somme avait déjà produit un contre-coup au Sud. Comme au printemps de 1917, le saillant de Roye se trouvait tellement mis en évidence, qu’il eût été dangereux de s’y attarder. Le 26 août, les Allemands évacuèrent la ville, et commencèrent un large repli. Le lendemain, toutes les forces alliées de la Somme au Nord à l’Oise au Sud se portèrent en avant. Le 29 au soir l’infanterie alliée bordait la rive gauche de la Somme de Péronne à Nesle. Cette ville avait été occupée par les Français le 28. A l’aile droite, Noyon était également occupé.

L’ennemi en retraite avait vraisemblablement l’intention de s’arrêter sur les positions ainsi atteintes, et de défendre la ligne de la Somme, dont le coude, à la hauteur de Péronne, est dominé par la forte position du Mont Saint-Quentin. Mais la 2e division australienne enleva cette hauteur par une action hardie. La 5e brigade de cette division, passant la Somme du Sud au Nord à la hauteur de Feuillères sur des ponts improvisés, enleva le 30 août, à dix heures quinze du soir, les tranchées allemandes à l’Est de Cléry, d’où elle pouvait tourner par le Nord-Ouest la position du Mont Saint-Quentin. L’assaut eut lieu le 31, à cinq heures du matin. Malgré une énergique défense, la colline fut prise, et les retours offensifs de l’ennemi ne purent la reprendre. Le Mont Saint-Quentin une fois pris, Péronne ne pouvait plus être défendue. Les Australiens y entrèrent le 1er septembre.

Pendant que la 2e division australienne attaquait le Mont Saint-Quentin, les divisions placées plus au Nord et formant l’aile gauche de la 4e armée, 3e australienne, 58e , 47e et 18e, attaquaient et enlevaient, le 31 août et le 1er septembre, Bouchavesnes, Raucourt et Frégicourt. Plus au Nord encore, la 3e armée occupait Sailly-Saillisel, Morval, Beaulencourt, Rieucourt-les-Bapaume, et de là s’étendait sur les crêtes de l’Est de Reucourt à l’Est de Longatte. Le 17e corps, entrant en action à la gauche des corps déjà engagés, prenait Bullecourt et Heudecourt, et poussait jusqu’à Rieucourt-les-Cagnicourt, dont il s’emparait.

Ainsi s’achevait, le 1er septembre, la bataille commencée dix jours plus tôt par la 3e et la 4e armées. Sur le front de ces deux armées, 23 divisions britanniques avaient battu 35 divisions allemandes, leur avaient pris 34 000 hommes et 270 canons, et avaient non seulement reconquis tout l’ancien champ de bataille de la Somme, mais en s’établissant sur la ligne Péronne-Vraucourt-Bullecourt, avaient débordé la ligne de défense Nord-Sud que forme la Somme en amont de Péronne. Sans doute le plateau de Nurlu et la ligne de la Tortille permettaient à l’ennemi d’organiser une défense au moins provisoire, à l’abri de laquelle il pourrait gagner la position Hindenburg, c’est-à-dire cette longue ligne Quéant-le-Catelet-Saint-Quentin admirablement fortifiée, à la fois caserne, abri et forteresse, sur laquelle il était évident qu’il essaierait de passer l’hiver. Mais d’autre part la désorganisation de l’armée allemande augmentait. La vaste étendue du front d’attaque, en tenant l’ennemi incertain du point où il serait attaqué, le contraignait à jeter ses réserves par morceaux sur les points où cette attaque se dévoilait. Les liens tactiques des divisions se trouvaient ainsi rompus, et on trouvait des fragments de la même division épars sur des points différents du champ de bataille. Le moral de l’armée allemande baissait. Les arrière-gardes laissées pour protéger la retraite, s’étaient, sur des points importants, rendues en se voyant isolées. Enfin, juste à ce moment d’ébranlement, un nouveau coup de théâtre se produisait, et l’ennemi recevait un nouveau choc. A gauche de la 3e armée, la Ire armée britannique, commandée par le général Horne, entrait à son tour en action le 26 août.


VII

Avant de raconter cette dernière phase de l’action, jetons un coup d’œil sur l’armée allemande, et voyons comment elle s’est transformée entre le 8 août et le moment où l’armée Horne va attaquer. Le 8 août, l’ennemi avait en ligne 21 divisions ; le onzième jour de la bataille, le 18, il avait déjà amené 19 divisions de réserve, dont 16 fraîches, ce qui faisait 40 divisions engagées. Après l’attaque du 21, il est obligé d’étayer tout de suite les 6 divisions attaquées au Sud d’Arras par deux autres qui étaient en train de se refaire : la XLe, qui avait été retirée du front entre l’Aisne et la Marne le 25 juillet, a été jetée au Sud d Hamelincourt ; la LIIe, qui a été retirée du saillant de la Lys, en Flandre, le 19 août, est engagée près de Miraumont. Le 23, une troisième division, la VIe bavaroise de réserve, qui avait été retirée de l’Aisne le 6 août, est jetée en renfort près d’Ervillers. D’autre part, l’attaque, s’étant étendue vers le Nord, a gagné une nouvelle division allemande, la XXXIXe, à l’Est de Marcatel. La bataille engagée le 21 au Sud d’Arras a donc déjà consommé le 23 10 divisions, dont 7 en secteur, et 3 de renfort. A la même date, la bataille entre l’Ancre et l’Oise avait consommé depuis le 8 août 44 divisions ; la bataille entre l’Oise et l’Aisne, devant la 10e armée française, a consommé 7 divisions originellement en secteur, plus 6 de renfort, dont 2 fraîches et 4 déjà fatiguées, au total 13 divisions. — Dans l’ensemble, du 8 au 23 août, l’ennemi qui avait en ligne, de la Scarpe à l’Aisne, 37 divisions, a dû les renforcer par 20 divisions fraîches et 10 fatiguées. Il a donc engagé en tout dans la bataille 67 divisions.

Pour apprécier l’énergie de l’action, il faut se rappeler qu’en 1916, pendant les trois mois entiers de la bataille de la Somme, il n’avait dépensé que 90 divisions. Cette fois, quinze jours de bataille lui ont déjà coûté les trois quarts de ce que lui ont coûté les trois mois de lutte de 1916.

Examinons maintenant l’ordre de bataille. On se rappelle que l’ennemi a en ligne la XVIIe armée von Below de la crête de Vimy à l’Est d’Albert, puis la IIe von der Marwitz de l’Est d’Albert au Nord de Roye, et la XVIIIe von Hutier du Nord de Roye à l’Oise. Vers le 20 août, on constata que la XVIIIe armée avait étendu sa gauche au Sud de l’Oise, en englobant le VIIe corps (von Woyna), puis le IIIe bavarois (von Stein). Elle s’étendait maintenant jusqu’à la route Autrèches-Morsain. Là commençait la IXe armée, avec le XXVIIle corps de réserve (von Hofmann), puis le XIIIe corps.

Dès la journée du 8 août, on voit apparaître deux divisions de la réserve de von der Marwitz, la CVIIIe et la CXVlle, tandis que deux divisions en secteur, la XLIIIe et la CIXe, sont retirées à l’arrière. Deux jours plus tard, le 10, von der Marwitz a dû engager au Nord de la Somme, pour défendre le coude de Chepilly, une autre division de sa réserve, la CCXLIIIe ; au Sud de la Somme, il a dû engager la CVIIe et la XXIe, quoiqu’elles fussent des divisions fatiguées ayant moins de quinze jours de repos. La Ve bavaroise est descendue de ses cantonnements qui étaient derrière la XVIIe armée, et s’est engagée au Nord de Chaulnes. A sa gauche, la défense de la ville est complétée par deux divisions également -tirées de la réserve générale, la CXIXe et la LXXIXe La CXVIIe qui était toute fraîche le 8, a été tellement éprouvée qu’il a fallu la retirer, ainsi que la CCXXVe. A l’aile gauche, la XIVe bavaroise et la CXCIIe sont encore en ligne. Il reste à l’arrière de l’armée 5 divisions épuis ées, qui étaient toutes en ligne le 8, et qu’il a fallu retirer.

Von der Marwitz a dû ainsi consolider de six divisions fraîches son centre et sa gauche, de la Somme jusqu’au Nord de Roye, en épuisant toutes ses disponibilités personnelles, en taisant appel à l’armée voisine et au grand quartier. Son voisin von Hutier a beaucoup moins souffert. S’étant dérobé, il a raccourci son front. Il n’a retiré de la ligne aucune des divisions engagées, mais le raccourcissement lui a permis de retirer du Matz la CCIVe, qui va faire partie de sa réserve. Il a pris dans cette réserve la LXXXIIe et l’a mise en ligne à son extrême droite, à la soudure avec von der Marwitz. A gauche de la LXXXIIe, sur la route d’Amiens à Roye, il a mis une division fraîche reçue du grand quartier, la CCXXIe. Les changements de son front se bornent à cela. En somme, il a consolidé sa droite, dans la direction dangereuse de Roye, par deux divisions fraîches, l’une de sa réserve, l’autre de la réserve générale. Ajoutez que cette aile droite se bat sur les anciennes positions fortifiées pendant trois ans, et qui sont très solides. Elle est donc très forte. — D’autre part, von Hutier a cédé à la IXe armée, à l’Est de l’Oise, une de ses divisions de réserve, la Ve de réserve, mais il a reçu en échange la XIXe. Il a au total derrière ses lignes quatre divisions disponibles, dont trois fraîches, la XIXe, la LXXXIVe et la CCIVe, et une fatiguée, la VIe de réserve. Il est en mesure de voir venir, de parer les coups qui vont lui être portés, et de réagir énergiquement le 11 contre l’armée Humbert qui assaille sa gauche.

A la date du 24 août, la situation de l’ennemi est la suivante. Le groupe de droite de la XVIIe armée, formé par l’ancien Ier corps bavarois de réserve (von Fasbender) et qui est devant Arras, entre la crête de Vimy et le cours du Cojeul, n’a pas encore été atteint par la bataille. Il est toujours établi à cheval sur la Scarpe qu’il traverse à l’Est de Fampoux et de Feuchy, et il tient son front avec très peu de monde : la XLVIIIe division est au Nord de la Scarpe, la CCXIVe au Sud, la XXXIXe entre la route Arras-Cambrai et le Cojeul ; ce sont elles qui vont subir le choc de l’armée Horne le 26, ce sont les mêmes que nous avons vues en ligne le 8 août ; elles ont les mêmes fronts étendus, mais pour la nouvelle bataille, il n’existe plus de réserves derrière elles. La CCXXle division est maintenant engagée au Nord de Roye, devant Fresnoy ; la CLXXXVe est à Soyecourt, immédiatement au Sud de la chaussée d’Amiens à Vermand.

Au contraire, entre le Cojeul et Bapaume (exactement entre Henin et Biefvillers), le centre de l’armée vient d’être rudement pressé depuis le 21 par l’armée Byng. C’est le front tenu par le XVIIIe corps allemand du général Albrecht. Au 8 août, il comprenait 4 divisions ; il en avait deux en réserve à l’Ouest de Cambrai, la Ve bavaroise et la Ve bavaroise de réserve. Celles-ci ont toutes deux été envoyées au Sud ; la Ve bavaroise est à Vermandovillers, à droite de la CLXXXVe ; la Ve bavaroise de réserve est sur l’Ailette, devant Saint-Paul. Des 4 divisions en ligne le 8 août, 3 se battent encore ; ce sont la XXIe de réserve, la CCXXXIVe et la IIe de réserve de la garde. Seule, la CXle écharpée à Burquoy, se refait à l’arrière, sur le canal du Nord.

En revanche, 5 divisions fraîches sont venues étayer le groupe, de sorte qu’il y a en ligne 8 divisions, au lieu de 4 ; il a doublé les forces qui tiennent son front : rien ne peut indiquer plus fortement l’extrême intérêt qu’ont les Allemands à ne pas laisser déborder Bapaume par le Nord, en direction de Cambrai. Ces 5 divisions sont la XXXVIe, venue de l’Aisne, et qui est venue s’insérer à la droite entre la XXIe de réserve et la CCXXXIVe ; — la XXIIIe, une division saxonne, qui est venue de Douai s’insérer à gauche de la CCXXXIVe ; elle est elle-même prolongée à gauche par deux autres divisions de renfort, la XLe (saxonne) et la VIe bavaroise de réserve qui viennent toutes deux du front de l’Aisne ; ainsi le centre du groupe est maintenant étayé par 3 divisions nouvelles, de Saint-Léger à Mory. Au Sud de Mory, sur le front de Sapignies, nous retrouvons la IIe division de réserve de la garde, qui était en ligne le 8 août ; mais elle est maintenant appuyée à gauche par la IVe bavaroise.

La gauche de l’armée Below est formée sur un troisième groupe, qui est l’ancien XIVe corps de réserve. Il est aligné au Nord de la route de BapAume à Albert, parallèlement à cette route, qu’il couvre et sur laquelle la droite de l’armée Byng le refoule. Il a déjà perdu la ligne de l’Ancre, et il tient un front La Boisselle-Pys-Grevillers-Biefvillers. Son rôle est très important, car orienté face au Nord-Ouest, il fait un flanc qui couvre toute la droite de la IIe armée von der Marwilz. Il avait le 8, trois divisions en ligne ; elles combattent toujours ; ce sont la CLXXXIIIe, qui a reculé de Puisieux sur le front Irles-Grevillers ; la XVIe de réserve, qui a reculé de Hamel sur Courcelette ; la IIIe division navale, qui a reculé d’Aveluy sur la Boisselle. Trois divisions fraîches sont venues le renforcer : la XVIe bavaroise est venue de Flandre, et à l’extrême droite du groupe couvre directement Bapaume, à droite de la CLXXXIIIe ; la LIIe est venue de Lille et s’est insérée au centre du groupe entre la CLXXXllIe et la XVIe de réserve ; elle défend la région de Pys ; enfin la LXXXIIIe est venue de Douai, et elle s’est insérée à gauche du groupe entre la XVIe de réserve et la IIIe navale, dans la région de Thiepval. Ainsi là encore le nombre des divisions en ligne a été doublé pendant cette quinzaine. En revanche, la XXVIe de réserve, une division wurtembergeoise qui était en réserve, est maintenant hors de cause et se refait derrière la Tortille,

Le centre et la gauche de la XVIIe armée, pour résister au choc de l’armée Byng, ont donc reçu immédiatement sept divisions nouvelles. Il a fallu également étayer la droite de la IIe armée, qui, entre l’Ancre et la Somme, est vivement pressée par la gauche de Rawlinson, c’est-à-dire par le 3e corps et par la gauche du corps australien. Cette droite de von der Marwitz comprenait le 8, entre l’Ancre et la Somme, c’est-à-dire entre Aveluy et l’Est de Chipilly, trois divisions en ligne ; elles y sont encore toutes les trois : la CCXXXIIIe, qui couvrait Albert, a reculé vers l’Est, au Sud de la Boisselle ; la LIVe de réserve, une division wurtembergeoise qui tenait l’Ancre à Dernancourt, a été rejetée au delà de Bécordel ; la XXVIIe, également wurtembergeoise, et qui tenait la rive nord de la Somme entre Chipilly et Etinehem, a été rejetée au delà de Bray. Mais dans cette région encore, les forces en ligne ont été doublées. Trois divisions nouvelles se sont engagées : la XIIIe est venue s’insérer à droite entre la CCXXXIIIe et la LIVe de réserve, elle couvre Fricourt ; la XXVe est venue de Lille et elle s’est insérée au centre, entre la LIVe de réserve et la XXVIIe ; enfin, la XLIIIe de réserve, division fatiguée qui était au repos à l’Ouest de Péronne, a été remise en ligne à gauche de la XXVIIe, immédiatement au Nord de la Somme.

Le centre et la gauche de von der Marwitz tiennent le front au Sud de la Somme jusqu’à la Chavatte, à 7 kilomètres au Nord de Roye, avec huit divisions. Les divisions qui étaient en ligne le 8 août, et qui ont eu à supporter le choc ce jour-là ont toutes été relevées : on a jeté à leur place trois divisions que nous avions vues en réserve derrière le front de l’armée, CCLIIIe, XXIe et CVIIe (ces deux dernières fatiguées au 8 août), — puis deux divisions qui étaient en réserve derrière la XVIIe armée, la CLXXXVe et la Ve bavaroise), — enfin trois divisions tirées d’autres secteurs, la XXXVIIIe, le corps alpin et la CXXIe. — Il y a enfin derrière l’armée une masse de 9 divisions au repos, dont trois tout à fait fatiguées, 6 en voie de réfection, aucune fraîche.

La XVIIIe armée, bousculée tour à tour par l’armée Debeney et par l’armée Humbert, a cependant encore en ligne quatre des divisions qui étaient en secteur le 8 août. Après seize jours de lutte, la XXVe de réserve, la IIe et la Ire de réserve forment encore la défense de Roye, tandis que la CVe est toujours le long de l’Oise. Parmi les divisions qui étaient en réserve derrière l’armée le 8 août, la LXXXIVe est en ligne, tandis que la LXXXIIe, engagée et mise hors de cause, se refait à l’arrière. Comme divisions nouvelles, la CCXXIe et la LXXIXe de réserve à l’aile droite tiennent le secteur au Nord de Roye, la VIe bavaroise et la LIVe au centre tiennent la région de Fresnières, enfin les CCXXXIe, CCVIIIe et CXCVIIIe, à l’aile droite, bordent la Divette. Il y a au repos derrière l’armée, 6 divisions fatiguées, une en voie de réfection, et une fraîche, la seule qui soit signalée entre Arras et l’Oise,

On ne peut manquer d’être frappé de la parcimonie des relèves. Sauf au centre et à la gauche de von der Marwitz, complètement enfoncées le 8 août, presque aucune des divisions en ligne au début de l’action n’a été retirée. On en a ajouté de nouvelles, sans ramener à l’arrière celles qui s’étaient battues. Malgré cette économie, malgré la remise en ligne de divisions fatiguées, il n’y a qu’une seule division fraîche à l’arrière. Rien ne montre mieux la gêne à laquelle l’Etat-major allemand est déjà réduit.


VIII

Le dernier recul du centre et de la gauche de von Below avait mis sa droite en évidence devant Arras. La 1er armée britannique va essayer à l’Est d’Arras d’enfoncer ce saillant. L’axe d’attaque sera la grande route qui se dirige au Sud-Est et va d’Arras à Cambrai. Il est évident que, si l’affaire réussit, les positions que l’ennemi tient encore à ce moment sur l’ancien champ de bataille de la Somme seront tournées par le Nord. Le général Horne va donc attaquer à cheval sur la route de Cambrai, sa gauche couverte, du côté du Nord, par la ligne Scarpe-Sensée.

L’attaque fut confiée au corps canadien, qui, sous les ordres du lieutenant-général sir A.-W. Currie, formait l’aile droite de l’armée Horne. Il attaqua le 26, à trois heures du matin, avec la 2e et la 3e divisions canadiennes et la 51e, la fameuse division des Highlanders. L’attaque, qui couvrait un front de 9 kilomètres et s’étendait jusqu’au Nord de la Scarpe, réussit brillamment. Au Sud de la route Arras-Cambrai, les villages de Wancourt et de Guémappe ; au Nord de la route, la redoutable colline de Monchy-le-Preux, piton isolé qui a partout des vues et des champs de tir, étaient pris à midi. — Au Nord de !a Scarpe, la 51e division avait pris Rœux, et la colline entre Rœux et Gavrelle, dite Greenland Hill.

Au delà des positions conquises par les Canadiens sur la route de Cambrai, le terrain se déroulait devant eux comme une suite de houles, dont on voyait bleuir les crêtes dans la lumière de ces beaux jours d’été. Des fonds les séparaient, où coulaient des rivières. Nos alliés avaient à passer le Cojeul, puis à escalader la crête de Vis-en-Artois, puis à redescendre sur la Sensée, et, après l’avoir passée, à remonter sur un second des de terrain où se trouvent Dury et Villers-les-Cagnicourt. Ainsi le sol s’élevait et s’abaissait tour à tour, et faisait alterner les murailles avec les fossés.

Dès le second jour, la Sensée était atteinte au Sud de la route et les villages de cette rivière, Cherizy et Vis-en-Artois, étaient pris. Plus à gauche, le bois du Sart, Rœux et Gavrelle étaient conquis. A la fin d’août, la droite avait enlevé les crêtes au Sud de la Sensée. Sur cette rivière, Eterpigny était pris. Au Nord, le terrain entre Sensée et Scarpe était nettoyé jusqu’au vallon où coule le ruisseau de Trinquis. Enfin, au Nord de la Scarpe, Plouvain était occupé.

La 1re armée se trouvait ainsi à distance d’assaut de la grande ligne fortifiée que les Allemands avaient tendue en 1917 devant Douai, de Drocourt au Nord à Quéant au Sud. A Quéant, cette ligne, que l’ennemi appelait la position Wolan, s’embranchait .sur la ligne Hindenburg. En la perçant, on tournait la ligne Hindenburg. Tel est le défaut classique des lignes continues.

Le 2 septembre, la ligne Quéant-Drocourt fut brisée, et sa charnière avec la ligne Hindenburg rompue. Ce brillant exploit fut l’œuvre combinée du corps canadien, formant l’aile droite de la 1re armée, et du 17e corps, formant l’aile gauche de la 3e armée. Le corps canadien mit en ligne les 1re et 4e divisions canadiennes et la 4e anglaise. Le 17e corps mit en ligne les 52e , 57e et 63e divisions.

Les Canadiens partirent à l’assaut à cinq heures du matin, sur un front de 7 kilomètres, au Sud du ruisseau de Trinquis. L’infanterie était appuyée par quarante tanks de la 3e brigade, et par une force mobile composée d’auto-mitrailleuses, de cavalerie canadienne et d’autres blindées. A midi, tout le système de réseaux, de tranchées et de points d’appui formant la ligne Drocourt-Quéant était enlevé. — À droite, le 17e corps avait lancé à la même heure les 52e et 57e divisions, contre le triangle fortifié, au Nord-Ouest de Quéant, par où la ligne Drocourt-Quéant rejoignait la ligne Hindenburg. Au début de l’après-midi, le triangle était emporté, et la 63e division, dépassant les divisions en ligne, commençait à exploiter le succès. Des nids de mitrailleuses dans les villages, dans les bois, sur les contre-pentes de la crête de Dury, résistaient énergiquement. On se battit jusqu’à la nuit. La 63e division avait poussé jusqu’à la voie ferrée à l’Est de Quéant, tandis que derrière elle la 57e, faisant face à droite, menaçait Quéant et Prouville par le Nord.

L’avance dans cette journée était de 5 kilomètres sur la route de Cambrai, jusqu’aux lisières de Buissy. Les villages de Cagnicourt, Villers et Dury étaient emportés. On avait fait 8 000 prisonniers et pris un grand nombre de canons. Pour toute l’offensive depuis le 26 août, menée par dix divisions britanniques contre treize divisions allemandes, le chiffre des prisonniers était de 16 000, celui des canons conquis de 200. Mais surtout on avait remporté ce grand succès stratégique d’obliger l’ennemi à une nouvelle retraite générale. Celle-ci commença dans la nuit du 2 au 3. Toute la XVIIe armée allemande, avec son aile droite écrasée, se retirait devant le front des 3e et 4e armées britanniques, jusqu’à la hauteur de Péronne et allait prendre position derrière le canal du Nord, d’Ytres à Péronne. Le lendemain, la retraite s’étendait vers le Sud ; la IIe armée allemande décollait de la rive droite de la Somme au Sud de Péronne et se retirait sur la ligne Vermand-Epehy-Havrincourt. Puis le mouvement de recul s’étendait à la XVIIIe armée, devant le front des Français. Ceux-ci rentraient le 6 dans Ham et dans Chauny et arrivaient sur le canal Crozat le 8.


IX

La poursuite dura jusqu’au 18 et fut désastreuse pour les Allemands. Sur le front britannique, ils durent engager pendant la retraite vingt divisions contre quinze, et subir une perte de 12 000 prisonniers et 100 canons. Mais déjà d’autres événements se préparaient. Le 12 septembre, sur la Meuse, comme l’ennemi, contraint de raccourcir son front, évacuait le saillant de Saint-Mihiel, la 1re armée américaine, avec des divisions françaises, l’avait pris en flagrant délit et lui avait infligé des pertes. Surtout le maréchal Foch préparait la grande bataille qu’il allait déclencher le 26 septembre, et qui consistait en trois attaques combinées sur Mézières, Maubeuge et Gand. C’est une nouvelle phase d’opérations qui commence.

Résumons celle qui vient de se terminer. Le 8 août, l’armée Rawlinson enfonce l’aile gauche de von der Marwitz. L’armée Debeney enfonce l’aile droite de von Hutier. Le lendemain 9, elle en refoule le centre, et le 10, l’armée Humbert en attaque la gauche. Von Hutier, refusant son centre et sa droite, pivote alors sur sa gauche et vient s’établir sur les anciennes lignes fortifiées devant Roye. Von der Marwitz le prolonge au Nord, en s’établissant de même sur les lignes de l’ancien champ de bataille de la Somme. Ils forment à eux deux un front qui va de l’Ancre au-dessous d’Albert à l’Oise vers Ribécourt, en passant à l’Ouest de Bray, à l’Ouest de Chaulnes et à l’Ouest de Roye. Dans ce terrain creusé de tranchées et martelé de trous d’obus, la guerre de mouvement est impossible. La première phase de l’action est finie.

L’action est alors élargie et reprise aux deux ailes. Le 20, à l’aile droite alliée, entre l’Oise et l’Aisne, l’armée Mangin bouscule l’armée von Eben et le rejette sur l’Ailette. Le 21, à l’aile gauche alliée, entre l’Ancre et Arras, l’armée Byng culbute le centre de l’armée von Below. Tandis que l’opération Mangin est en liaison immédiate avec celle de l’armée Humbert, l’opération Byng ne prolonge pas directement celle de Rawlinson. Il y a entre elles, dans la région d’Albert, un vide de deux lieues, devant la gauche de von Below et la droite de von der Marwitz. Mais il est bien évident que les corps non attaqués, découverts au Nord par la retraite de von Below et au Sud par le recul de la gauche Marwitz après la bataille du 8, seront bien obligés de se retirer. C’est ce qui arrive, et le 25, ils sont alignés sur le front Bapaume-Cappy.

D’autre part, les réserves allemandes se sont accumulées sur les points déjà menacés. En conséquence, le 26, le maréchal Haig étend l’attaque plus loin encore sur sa gauche (Nord) en faisant entrer en jeu cette fois l’armée du général Horne, contre la droite jusque-là épargnée et assez faiblement constituée de von Below. Il attaque sur la route Arras-Cambrai, remporte une éclatante victoire. L’ennemi, ainsi débordé par le Nord, exécute aussitôt une retraite générale, de la Scarpe à l’Oise. Il évacue tout l’ancien champ de bataille de la Somme, et les anciennes lignes Roye Lassigny ; il se retire à l’Est de Bapaume, de Combles et sur la ligne Péronne-Noyon qu’il conserve. C’est le second recul général.

Mais les Britanniques continuent leur action, et, le 2 septembre, l’aile droite de Horne et l’aile gauche de Byng crèvent à Quéant la position principale de repli de l’ennemi, la charnière où la ligne Drocourt-Quéant qui couvre Douai, s’embranche sur la ligne Hindenburg qui couvre Cambrai. L’ennemi se décide alors à un troisième repli d’ensemble, qui dure jusqu’au 8 à sa droite, jusqu’au 10 à sa gauche, et qui le ramène sensiblement sur les positions qu’il occupait avant sa grande attaque de mars 1918, c’est-à-dire dans l’ensemble sur la position Hindenburg. Son front passe à peu près par Marquion. Havrincourt, Epéhy, Vermand. Il couvre Saint-Quentin à 7 kilomètres environ, coupe l’Oise en aval de la Fère, et, comme l’hiver précédent, se moule sur la forêt de Saint-Gobain et la Haute forêt de Coucy par Barisis et Quincy-Basse.

Voilà donc les Allemands ramenés à leur lancer ; le 15 septembre ils occupent à peu près, entre la Scarpe et l’Oise, les positions qu’ils occupaient le 15 mars. Leur grande offensive, leur offensive suprême sur le front occidental a été reconduite à son point de départ. Mais quel changement ! Dans les six mois qu’a duré cette tragédie, l’armée allemande s’est définitivement épuisée. À la date du 24 août, le nombre d’engagements de ses divisions est le suivant. Dans la seconde bataille de la Somme, c’est-à-dire dans l’offensive de mars, elle a engagé 112 divisions, qui toutes étaient fraîches. L’offensive d’avril sur la Lys lui a coûté 51 divisions, dont 41 fraîches, et 10 déjà engagées dans l’offensive de mars. L’attaque du 27 mai qui l’a fait avancer de l’Ailette jusqu’à la Marne, lui a coûté 44 divisions, dont 11 seulement fraîches, et 33 engagées en mars, ou en avril. L’attaque du 9 juin sur Compiègne a été faite par 19 divisions, dont 3 seulement n’avaient pas encore donné dans la bataille. À vrai dire, à partir de ce moment, on peut affirmer que toutes les divisions allemandes capables de figurer dans une bataille de grand style ont déjà donné depuis le 21 mars. Jusqu’au 24 août on n’en voit plus apparaître que 11 qui n’aient pas encore passé par cette épreuve. L’attaque du 15 juillet est faite par 37 divisions, dont 33 avaient déjà figuré dans la bataille ; la riposte française du 18 juillet consomme à l’ennemi 38 divisions, dont 5 seulement sont nouvelles. Enfin dans la bataille du 8 août, l’ennemi a dû mettre en ligne 44 divisions ; contre l’attaque de la 10e armée entre l’Oise et l’Aisne, le 20 août, 14 ; contre l’attaque de la 3e armée britannique le 21, 13. Soit 71 divisions engagées défensivement entre le 8 et le 24 août ; elles avaient toutes, sauf 2, été déjà engagées depuis le 21 mars. Contre l’attaque de la 1re armée britannique, le 26 septembre, l’ennemi a engagé 13 divisions.

En somme, depuis le 21 mars jusqu’au 3 septembre, l’ennemi a engagé 182 divisions différentes, c’est-à-dire toute son armée capable de combattre. Le nombre des engagements de divisions, revenant une seconde ou une troisième fois au feu, dans une bataille nouvelle, est de 315. L’armée allemande a donc fourni en six mois 398 engagements de divisions. A ce moment, le maréchal Foch la juge mûre pour l’attaque décisive. Pendant que la bataille d’août se déroule, il monte cette attaque, dont la bataille d’août n’est que la préparation. Il la déclenche enfin le 26 septembre, et, six semaines plus tard, la guerre est finie.


HENRY BIDOU.

  1. Voyez la Revue des 15 avril, 1er et 15 mai 1918.
  2. Sir Douglas Haig’s dispatch, 7 janvier 1919, 15.
  3. Toutefois, Beuvraignes ne fut conquis définitivement que le 20. — Sur le front de la 3e armée, l’ennemi contre-attaqua dans la nuit du 19 au 20, mais le terrain qu’il avait reconquis lui fut repris le 20.
  4. Les noms entre parenthèses sont les postes de commandement.
  5. La 2e marocaine, La 132e et La 2e furent mises ce jour-là même à la disposition de La 10e armée par un télégramme du G. A. R.
  6. Elle embarquait à partir de 13 heures à Nanteuil-le-Haudoin, Plessis-Belleville, Dammartin et Mitry-Claye.
  7. Morsain fut occupé le 19 par le 30e corps. Vassens fut occupé sans combat dans la nuit du 19 au 20.