La science agricole à l’école primaire

Revue pédagogiquepremier et second semestres (p. 80-84).

LA SCIENCE AGRICOLE À L’ÉCOLE PRIMAIRE.


Pour exercer habilement un état, il faut en avoir fait un sérieux apprentissage. Dans la grande majorité des cas, ce noviciat comporte des connaissances théoriques plus ou moins étendues, ainsi que l’éducation spéciale de la main, du pied ou de tout autre organe. Le chirurgien doit acquérir du sang-froid et de la dextérité ; mais il est tenu aussi de connaître exactement la structure des diverses parties du corps humain. L’habile charpentier sait manier la hache et la bésaiguë ; mais il est indispensable qu’une étude sérieuse de la géométrie, du dessin et de la résistance des matériaux lui permette de déterminer avec précision la forme et les dimensions des pièces d’un assemblage. Si le ferblantier ne connaît que l’usage des outils de son état, il lui faut de longs tâtonnements et des essais coûteux pour établir un modeste ustensile de ménage. On en peut dire autant du maçon et du tailleur, du tisserand et du teinturier, de l’horloger et de l’ébéniste. Il y a plus : la préparation intellectuelle doit être d’autant plus sérieuse que la profession a pour objet de faire subir à la matière première du plus grand nombre de transformations ; c’est ainsi que le fabricant de sucre ou d’alcool de betteraves s’exposerait à de cruels mécomptes, si les sciences physiques ne le guidaient constamment dans ses délicates opérations.

Parmi les diverses professions, il en est une qui intéresse à un égal degré l’humanité tout entière, le riche comme le pauvre, le citadin aussi bien que le villageois ; — qui, pour être exercée avec intelligence et profit, réclame des notions précises en physique, en chimie, en histoire naturelle, en hygiène, etc., et pour laquelle on se contente, le plus souvent, d’un apprentissage exclusivement corporel : c’est l’art de cultiver le sol et de lui faire produire les plantes dont on a besoin. À part quelques rares exceptions, nos cultivateurs et nos maraîchers ne connaissent guère les motifs de leurs divers travaux ; il agissent exclusivement d’après la tradition ou d’après l’exemple de quelque voisin plus instruit et plus entreprenant. La pratique, assurément, est une conseillère dont il ne faut jamais négliger les avis : mais si elle était éclairée par quelques notions scientifiques, elle guiderait plus efficacement celui qui la consulte.

Je ne rêve pas de transformer en savants agronomes les élèves de nos écoles rurales : toutefois est-il impossible de leur faire comprendre les notions scientifiques qui se rapportent à l’art de cultiver le sol ? — Je ne le pense pas, et j’ai pour moi l’expérience. — Mais, dira-t-on, les instituteurs sont-ils tous préparés à ce nouvel enseignement ? — Il se peut qu’un certain nombre de maîtres ne possèdent pas, sur cet objet, toutes les données nécessaires ; mais ils peuvent les acquérir facilement. Notre travail a pour but de leur en fournir les moyens : il comprendra la chimie, la physique, l’histoire naturelle, l’hygiène à l’usage des paysans, exposées en termes si simples, si élémentaires qu’elles seront à la portée de toutes les intelligences. Nous recommanderons les collections de terres, de plantes, de graines, d’insectes, etc…, mais nous indiquerons comment on les prépare à peu de frais. Les instituteurs auront à faire quelques expériences de laboratoire ; mais nous les décrirons si minutieusement que le moins habile pourra se tirer d’affaire.

Les traités d’agriculture ne manquent pas en France. Toutefois les grands ouvrages ne peuvent être utilement consultés que par les savants ; les manuels à l’usage des écoles primaires ne contiennent guère que des instructions pratiques ; ils n’initient pas le jeune cultivateur aux admirables transformations que la terre se charge de réaliser. Nous voulons faire entrevoir à nos lecteurs étrangers à l’étude des sciences que le sol est un véritable laboratoire où, sous l’influence de la vie végétale, se préparent les substances nécessaires à notre alimentation et à celle d’un grand nombre d’animaux. Si nous nous exprimons assez clairement, le jeune laboureur comprendra que, de même que le chimiste met en présence de l’hydrogène et de l’oxygène pour obtenir de l’eau, il devra fournir à la terre les substances capables de constituer telle ou telle plante, dont il lui confie la graine. Nous ne désespérons pas de justifier les procédés de l’art agricole ; nous avons même l’espoir de combattre avec quelque fruit l’indifférence du campagnard pour tout ce qui n’est pas le gain proprement dit, de l’intéresser aux mystères dont il est le témoin inconscient, d’introduire un peu de poésie dans sa rude profession, et de la lui faire aimer davantage.

I — Notions élémentaires de chimie.

Les géographes évaluent à un milliard d’individus la population humaine de notre globe ; le nombre des animaux est certainement plus élevé ; celui des végétaux et celui des minéraux sont plus considérables encore. Ces êtres divers présentent une telle variété d’origine, d’organisation et de formes, que les naturalistes ne comptent pas moins de 180, 000 espèces animales, 130, 000 espèces végétales et 3, 000 espèces minérales ! Mais il est un fait plus surprenant encore, et qui révèle chez le Créateur de l’univers autant de sagesse que de puissance : c’est que l’organisme de toutes ces espèces est formé par un petit nombre de substances élémentaires ou corps simples. Depuis le commencement de ce siècle, les chimistes se sont livrés à de remarquables travaux sur la composition des matières animales, végétales et minérales. De leurs longues et savantes recherches, il résulte que 65 substances élémentaires constituent tous les êtres vivants ou inanimés ; encore faut-il ajouter que quinze seulement de ces substances sont très-répandues, tandis que les autres, pour la plupart, n’existent qu’en faible quantité. Toutefois, hâtons-nous d’ajouter qu’en se combinant les uns aux autres, dans des proportions diverses, les 65 corps simples donnent lieu à des composés fort nombreux et très-dissemblables.

Nous allons étudier rapidement les corps simples les plus communs, ceux qui entrent, pour la plus grande quantité, dans les êtres vivants et dans les corps bruts ; nous indiquerons leurs caractères essentiels, ainsi que leurs principales propriétés et leur mode de préparation.

Pour tenir plus éveillée, dès le début, l’attention des élèves, disons tout de suite que la matière végétale est principalement composée d’hydrogène, d’oxygène et de carbone, tandis que les tissus animaux renferment en outre de l’azote. La présence de ce dernier corps a pour résultat de favoriser la décomposition, la putréfaction de la matière animale, dès qu’elle est privée de vie.

Il est un autre fait très-important et dont l’exactitude se révélera à mesure que nous avancerons : la nature ne crée pas, elle transforme la matière existante ; le mouvement est la loi de l’univers, il existe dans la matière aussi bien que parmi les animaux et les corps célestes. La substance de nos organes se renouvelle constamment. Une bûche se consume sous notre cheminée : la fumée qu’elle produit est surtout composée d’acide carbonique, qui se répand dans l’atmosphère pour servir à l’alimentation des plantes ; le résidu, la cendre, contient de la potasse, dont on pourra fabriquer du savon, ou avec laquelle nous transformerons en savon (lessive) les matières grasses qui imprègnent notre linge ou nos vêtements. Le cadavre d’un animal est abandonné en plein air, pendant l’été : il se corrompt rapidement, il se transforme en divers gaz d’une odeur repoussante et en une matière terreuse, qui fourniront aux plantes de précieux aliments. Nos cours d’eau entraînent à la mer des débris d’animaux et de végétaux, qui servent de nourriture à des animaux marins d’un ordre inférieur et même à certaines plantes ; ces animaux et ces plantes deviennent la pâture d’animaux plus complets, qui à leur tour sont la proie des poissons dont nous composons nos repas. En se transformant dans le corps des animaux, les plantes les plus vulgaires, les fourrages, deviennent lait, viande, cuir, laine, duvet, corne, etc.

Pour que les enfants soient bien convaincus des propriétés des corps, il est utile de leur fournir l’occasion de les vérifier par eux-mêmes. Quelques-uns de ceux que nous avons à étudier existent dans la nature ou se préparent dans les laboratoires, et peuvent être conservés (aluminium, calcium, fer, magnésium, manganèse, phosphore, potassium, silicium, et sodium), au moyen de certaines précautions ; mais les gaz (azote, chlore, hydrogène, oxygène), que l’on ne rencontre pas isolés et que l’on ne peut garder longtemps, doivent être préparés sous les yeux des élèves ou tout au plus quelques heures d’avance. Il est donc à souhaiter que l’Instituteur organise un petit laboratoire.

Étude des 15 corps simples constitutifs des animaux et des végétaux.[1]
1. de l’oxygène.

Préparation. — La leçon sera bien plus attrayante et bien plus fructueuse si les faits énoncés par le maître sont immédiatement vérifiés par l’expérience. Nous conseillerons donc de préparer les gaz avant la séance ou au commencement de la leçon[2].

On emprunte l’oxygène à une substance qui en renferme une grande proportion, au chlorate de potasse, espèce de sel formé d’acide chlorique et de potasse.

Introduisez dans un petit ballon 30 à 40 grammes de chlorate de potasse ; adaptez un tube abducteur de sûreté et posez le ballon sur l’un des anneaux du support, à une hauteur qui permette de placer dessous la lampe à alcool ; — au moyen de cales en bois ou de débris de tuiles plates, disposez une terrine sous le tube abducteur ; — placez le têt à gaz et versez dans la terrine assez d’eau pour que les éprouvettes puissent y être Figure 1.

Nota. — La cuve à mercure peut être remplacée par une simple terrine et de l’eau.
couchées ; — allumez la lampe sous Le ballon ; — laissez échapper les premières bulles, qui contiennent de l’air ; — disposez une éprouvette sur le têt, puis, quand elle sera vide d’eau et pleine de gaz, vous la remplacerez par une autre, en maintenant la première plongée dans l’eau, debout, et l’ouverture en bas. Vous remplirez ainsi autant de flacons ou d’éprouvettes que vous le pourrez.

L’oxygène (générateur, producteur des acides) est une substance gazeuse, une espèce d’air, incolore, inodore, sans saveur, un peu plus lourde que l’air, car sa densité est 1, 0156, celle de l’air étant 1.

Vérification. — Saisissez une éprouvette de la main gauche, par le sommet ; introduisez la main droite sous l’ouverture, enlevez et renversez vivement ; l’oxygène étant plus dense que l’air demeure dans l’éprouvette quand l’ouverture est en haut. Montrez alors que ce gaz n’a pas de couleur, pas d’odeur, pas de saveur et qu’on peut le respirer.

L’oxygène est l’aliment de la combustion, sans être lui-même un combustible, c’est-à-dire qu’il est la cause déterminante de l’action de brûler, sans être capable de brûler lui-même.

Vérification. 1° Prenez des fragments longs et menus de bois tendre, de Sapin, par exemple, que vous aurez eu soin de préparer à l’avance ; allumez-en l’extrémité à la lampe, puis éteignez la flamme de manière qu’il ne reste au bois que quelques points en ignition ; introduisez lentement la bûchette dans l’éprouvette tenue toujours le sommet en bas : vous constaterez d’abord que l’oxygène ne s’enflamme pas, puis que le bois brûle en produisant une flamme très-vive. Vous enfoncerez progressivement la bûchette pour épuiser les couches successives d’oxygène.


Fig. 2.
2° Avant l’expérience, adaptez un morceau de charbon à un gros fil de fer ; allumez à la lampe quelques points de ce charbon, et faites remarquer que, dans Pair, le feu serait bien vite éteint ; plongez alors le charbon dans une autre éprouvette ; alors vous le verrez entrer rapidement en incandescence.

3° Si vous disposez d’un fil de fer très-fin, vous y avez fixé d’avance un petit morceau d’amadou ; mettez le feu à l’amadou et introduisez le tout dans un flacon disposé comme l’indique la figure 2 et contenant un peu d’eau : le fil de fer rougira, puis brûlera en projetant des parcelles incandescentes d’oxyde de fer, qui pénètrent souvent dans le verre.

L’oxygène est donc un comburant sans être un combustible.

Ce gaz est aussi l’aliment indispensable de la respiration de l’homme et des animaux. L’air atmosphérique est un mélange de deux gaz : l’oxygène et l’azote. Nous dirons plus loin et nous ferons voir que l’azote est incapable d’entretenir la vie.

Sous une cloche de verre dont on a enlevé l’air au moyen d’une espèce de pompe, appelée machine pneumatique, un animal meurt en quelques secondes, parce qu’il est privé d’oxygène.

Le même accident se déclare quand un homme ou un animal aérien est plongé quelque temps dans l’eau ou dans un autre liquide, où ni l’un ni l’autre ne peuvent respirer l’air atmosphérique.

se produit encore quand un grand nombre d’hommes ou d’animaux se trouvent renfermés dans un espace restreint et clos de toutes parts, où l’air ne peut se renouveler ; en peu de temps, l’oxygène est consommé et l’asphyxie se manifeste.

Les poissons vivent très-bien dans l’eau, parce que leurs branchies, vulgairement appelées ouïes, leur permettent de respirer l’air dissous dans l’eau. Mais dans un réservoir, dans un vivier, lorsqu’une épaisse couche de glace empêche l’eau d’être en contact avec l’atmosphère, les poissons finissent par épuiser l’air dissous, et ils périssent asphyxiés, à moins que l’on n’ait la précaution da pratiquer dans la glace de larges ouvertures.

En revanche, dans un milieu composé d’oxygène pur, la vie animale est très-active. Les aéronautes qui s’élèvent dans les hautes régions de l’atmosphère, où l’air est très-raréfié, emportent des provisions d’oxygène dans des ballons imperméables.

Si l’atmosphère était composée d’oxygène pur, les hommes et les animaux auraient une existence fiévreuse, surexcitée et très-courte ; les incendies seraient très-fréquents et ne s’arrêteraient que par l’absence de matières combustibles.

L’oxygène a une grande affinité pour la plupart des corps, c’est-à-dire qu’il a une tendance prononcée à se combiner avec eux : il forme alors des composés auxquels on donne le nom d’oxydes. Si le fer brillant, exposé à l’air, se ternit en quelques jours, c’est qu’il se combine avec l’oxygène de l’air : la couche noire qui en résulte est de l’’oxyde de fer, qui, sous l’influence de l’humidité, se transforme bientôt en rouille. C’est la même action de l’oxygène qui ternit les monnaies de billon, ainsi que la plupart des objets métalliques.

Les matières végétales privées de vie s’altèrent assez rapidement au contact de l’air ; elles subissent une véritable combustion désignée sous le nom de combustion lente : les mèches de lampe, longtemps exposées à l’air, brûlent mal et charbonnent ; les bois de chauffage et le charbon de bois, conservés longtemps, perdent une notable partie de leur valeur et deviennent spongieux ; la face extérieure des portes et des fenêtres, les instruments aratoires en bois, sont exposés à la même cause de destruction.

On prévient l’oxydation des métaux et des substances végétales en les recouvrant d’un vernis ou de peinture à l’huile.

Quand on veut activer une combustion, on fait arriver, sur la substance qui brûle, de l’oxygène pur ou une grande quantité d’air atmosphérique. La pâte phosphorée des allumettes chimiques contient ordinairement du chlorate de potasse, dont l’oxygène favorise l’inflammation du soufre et du bois. Le rôle du soufflet ou de la machine soufflante dans le foyer du forgeron ou dans le creuset du métallurgiste, est de fournir une grande quantité d’air. On n’obtient un feu vif dans une cheminée, dans un fourneau ou dans un poêle qu’en ménageant, sous le combustible et entre les parties dont il est formé, un libre passage à l’air atmosphérique. En interdisant le passage à l’air, on produit nécessairement l’effet opposé, c’est-à-dire l’arrêt de la combustion : on éteint un feu de cheminée ou de tuyau de poêle, en fermant hermétiquement l’ouverture inférieure avec du linge humide ou de la paille mouillée.

2. — DE L’HYDROGÈNE.

Préparation. — Dans un flacon à deux tubulures, introduisez des rognures de zinc, puis de l’eau s’élevant à la moitié environ de la hauteur du vase. A l’une des tubulures, adaptez Figure 3.
un tube abducteur simple et disposez la terrine comme dans l’expérience précédente. Fermez l’autre tubulure par un bouchon que traverse un tube droit plongeant dans l’eau jusqu’à deux centimètres du fond ; au sommet de ce tube droit, placez un entonnoir soufflé, qui vous permettra d’introduire dans le flacon de l’acide sulfuriqueou huilede vitriol. Versez, par petites portions, un ou deux centilitres de cet acide : une vive effervescence se produit, l’hydrogène se dégage et se rend sous léprouvette disposée pour le recueillir. — On remplit un certain nombre d’éprouvettes, et on les conserve, renversées dans l’eau, l’ouverture en bas, comme celles de l’oxygène, jusqu’au moment de s’en servir. — Dès que l’effervescence cesse dans le flacon, c’est que l’acide sulfurique est épuisé ; pour la renouveler, il suffit de verser de nouveau une petite quantité d’acide. — Tant qu’il reste du zinc métallique dans le flacon, on peut répéter l’expérience, en ajoutant une nouvelle dose d’acide. — Il arrive quelquefois que le gaz s’échappe par les interstices qui se trouvent entre les tubes et les bouchons ; dans ce cas, on lute avec du mastic de vitrier ou de la cire ramollie entre les doigts. — Cette expérience ne présente aucun danger ; si une absorption se produit, elle est inoffensive.

L’hydrogène (générateur, producteur de l’eau) est un gaz sans Couleur et dès lors invisible comme l’air, sans odeur, sans saveur, combustible, incapable d’entretenir la combustion et la respiration, remarquable par sa faible densité, qui est seulement la quatorzième partie de celle de l’air.

Nous allons vérifier chacun de ces points.

L’hydrogène est sans couleur et sans odeur. — Prenez une éprouvette et tenez-la l’ouverture en bas, afin que le gaz ne puisse s’échapper, en s’élevant : montrez alors que la matière gazeuse manque de couleur et d’odeur.

L’hydrogène est combustible. — Saisissez une éprouvette et inclinez-la légèrement ; de l’autre main, prenez une allumette enflammée ou une bougie allumée et approchez-la de l’ouverture de l’éprouvette : au contact de la flamme, le gaz prend feu et produit une petite détonation, dont on ne doit point s’effrayer. La flamme persiste tant qu il reste du gaz. Donc l’hydrogène est un combustible.

L’hydrogène ne peut entretenir la combustion. — Saisissez une éprouvette comme dans le cas précédent, mais sans l’incliner, et introduisez à l’intérieur une bougie allumée : la première couche d’hydrogène, qui est en contact avec l’air, s’enflamme aussitôt, puis la bougie s’éteint. — Faites rallumer la bougie, introduisez-la de nouveau plus avant, dans l’éprouvette, où elle s’éteindra encore. — Donc l’hydrogène ne peut pas entretenir la combustion.

Il n’entretiendrait pas davantage la respiration. — Vous le prouverez en introduisant un petit animal, une souris, une mouche, Figure 4.
Figure 5.
un hanneton, sous une cloche remplie d’hydrogène et reposant sur une surface lisse : en peu d’instants, l’animal succombe, asphyxié. — Le même fait se produirait si un homme ou un gros animal était plongé dans une chambre remplie d’hydrogène pur ou même d’un mélange d’air et d’hydrogène.

Figure 6.
L’hydrogène a une faible densité, est très-léger. — Prenez une éprouvette remplie d’air et faites voir que la bougie ne s’y éteint pas immédiatement, comme dans l’hydrogène. Enlevez une éprouvette d’hydrogène, prise dans la terrine : faites voir qu’elle contient de l’hydrogène, en y introduisant la bougie qui s’éteindra aussitôt. Placez alors, bout à bout, les deux éprouvettes, celle à air sous celle d’hydrogène, et renversez vivement : l’hydrogène s’élèvera, tandis que l’air descendra ; les deux gaz se seront mutuellement remplacés. Pour le prouver, recourez à la bougie allumée, qui continuera à brûler dans l’éprouvette remplie d’abord d’hydrogène, et s’éteindra dans l’autre. — Donc l’hydrogène peut s’élever dans l’air, ce qui prouve qu’il est moins dense que l’air. Dès lors, pour le ’conserver, comme pour le transporter, il faut maintenir, le goulot en bas, les flacons qui le contiennent.

En raison de sa faible densité, l’hydrogène est employé quelquefois pour le gonflement des aérostats ou appareils au moyen desquels l’homme à pu s’élever dans les airs. Le plus souvent, on se sert du gaz d’éclairage, combinaison d’hydrogène et de carbone, qui est moins coûteux et que l’on peut se procurer dans toutes les localités où l’on a établi ce mode d’éclairage.

Non-seulement l’hydrogène est un combustible, mais il peut être employé à l’éclairage ; toutefois sa lumière est très-faible. Nous allons établir ce que les savants appellent la lampe philosophique.

Dans l'appareil adopté pour la préparation de l’hydrogène, remplacez le tube abducteur par un tube droit et effilé ; versez, Figure 7.
par l’autre tube, de l’acide sulfurique, et attendez que l’effervescence se soit produite pendant deux ou trois minutes ; présentez alors une allumette enflammée au sommet du tube effilé, et vous verrez se produire une flamme pâle, qui se maintiendra tant que durera le dégagement d’hydrogène.

Mélange détonant. — L’hydrogène et l’air forment un mélange détonant, qui fait explosion au contact du feu ou d’une flamme. Cet accident arrive quelquefois dans les chambres traversées par les tuyaux du gaz d’éclairage, quand ces tuyaux présentent des fissures : d’abord le mélange de gaz et d’air peut asphyxier les personnes qui séjournent dans l’appartement ; ensuite, si l’on y introduit une lampe allumée, on provoque une épouvantable explosion, qui suffit pour renverser les cloisons, allumer l'incendie et tuer trop souvent les habitants de la maison. Lors donc qu’un appartement est pénétré de l’odeur spéciale du gaz d’éclairage, il faut ouvrir avec soin les portes et les fenêtres, et se garder d’y introduire du feu.

Je puis vous donner l’idée d’une pareille explosion.

Dans une terrine ou dans un plat creux, versez une eau fortement savonneuse. Montez l’appareil pour le dégagement de l’hydrogène, et disposez le tube abducteur de telle sorte que son extrémité soit recouverte par l’eau savonneuse ; — déplacez le plat de manière que la surface liquide se couvre de bulles. Éloignez alors le flacon à tubulures, puis promenez sur le plat une petite bougie allumée, fixée à l’extrémité d’une baguette assez longue ; les bulles remplies de gaz éclateront, en produisant un bruit violent.

En donnant à l’eau savonneuse peu de profondeur, on parvient à former de grosses bulles qui se détachent du liquide et s’élèvent dans l’air comme des ballons : si on les poursuit avec une bougie allumée, on les fait éclater.

L’hydrogène et l’oxygène sont les éléments constitutifs de l’eau. Quand l’hydrogène brûle, il se combine avec l’oxygène de l’air : le résultat de cette combustion est de l’eau à l’état de vapeur.

Pour vérifier cette affirmation, placez au-dessus de la flamme de la lampe philosophique un corps froid bien sec, tel qu’une assiette ou une large éprouvette : après quelques instants, le corps froid sera recouvert de gouttelettes d’eau. L’eau est donc une combinaison d’oxygène et d’hydrogène : il n’est pas un corps simple,

3. — DU CARBONE.

Le carbone est le corps simple qui forme l’élément principal des diverses sortes de charbons employés dans l’industrie et dans les ménages. Quand il est pur et cristallisé, il forme le diamant, matière précieuse qui n’a aucune des apparences du charbon ordinaire.

Le diamant est le plus dur de tous les corps : il les raye tous, sans être rayé par aucun. Aussi, pour le tailler ou plutôt pour l’user, est-on obligé de recourir à sa propre poussière, étendue sur des meules horizontales tournant avec une grande rapidité. D’ordinaire, il est transparent et incolore, et c’est dans cet état qu’il est recherché pour la bijouterie ; quelquefois il est rose, bleu clair, vert, jaune et même noirâtre.

Le diamant des vitriers comporte un petit grain de cette précieuse substance, enchâssé à l’extrémité d’un petit manche : il raye le verre et permet d’en opérer la rupture dans une direction déterminée.

On trouve le diamant parmi les sables de l’’Hindoustan, du Brésil et de la Sibérie. Il se vend au karat, poids de 0 gr. 205, et la valeur, par karat, augmente à mesure que le poids est plus considérable. Les diamants taillés sont d’un prix bien plus élevé que celui des diamants bruts : un brillant de 4 karat vaut 250 fr. ; de 2 karats, 800 fr. ; de 8 karats, 10,000 fr.

Combiné avec d’autres substances, le carbone forme le graphite, le noir de fumée, la houille, le coke, l’anthracite, le lignite, le charbon de bois et le charbon animal.

Graphite. — On nomme ainsi la substance employée pour fabriquer les crayons dits de mine de plomb, et pour préserver de l’oxydation les poëles en fonte, les tuyaux de tôle, etc. On l’appelle aussi, mal à propos, mine de plomb et plombagine, car elle ne contient pas de plomb.

Noir de fumée. — On désigne sous ce nom une poussière noire et fine, provenant de la combustion incomplète de certaines matières très-riches en carbone, comme les huiles, les graisses, les résines. On brûle ces substances dans des chambres à parois de toiles grossières, auxquelles s’attachent les particules charbonneuses, que l’on fait tomber et que l’on recueille ensuite. La fumée qui noircit le verre d’une lampe est du noir de fumée. Cette poussière entre dans la composition des peintures noires et de l’encre noire d’imprimerie.

Houille et coke. — La houille ou charbon de terre est un combustible que l’on trouve tout préparé dans le sol, à des profondeurs variables, et qui est constitué par du carbone et par des matières bitumeuses, salines et ammoniacales. Elle résulte de la calcination naturelle de végétaux enfouis sous le sol pendant les convulsions dont notre globe a été le théâtre.

Soumise à la calcination dans des vases clos, où elle ne peut brûler, la houille dégage des vapeurs et des gaz divers que l’on parvient à séparer pour n’utiliser que le gaz employé à l’éclairage, et qui est formé d’hydrogène et de carbone. Le résidu de la calcination est le coke, employé au chauffage. On obtient aussi le coke en carbonisant la houille comme le bois. Le coke brûle moins bien que la houille, parce qu’il est privé de gaz combustibles.

Anthracite. — L’anthracite est une sorte de houille dépourvue de matières bitumineuses et qui donne peu de flamme en brûlant.

Lignite. — Autre combustible, plus dur encore que l’anthracite et qui ne brûle que quand il est en masses assez considérables. Une variété de lignite est le jais, assez dur pour être taillé, susceptible d’un beau poli, et employé à confectionner des boutons noirs, des ornements de deuil.

Charbon de bois. — On sait que ce charbon résulte de la calcination du bois, soit en vases clos, soit en monceaux que l’on recouvre de terre, pour mettre la matière ligneuse à l’abri du contact de l’air. Le charbon n’est autre chose que du bois privé d’eau et de certains gaz combustibles : aussi donne-t-il moins de flamme que le bois lui-même.

Pouvoir absorbant et désinfectant du charbon de bois. — Fig. 8.
Le charbon de bois est très-poreux ; il jouit d’un grand pouvoir absorbant et désinfectant. On s’en sert pour conserver, pendant quelque temps, les substances animales privées de vie (viande et poisson) : il suffit de les recouvrir d’une couche de poussière de charbon de bois.

On l’emploie encore pour rendre potables les eaux qui exhalent une odeur désagréable, due à la présence de matières organiques en décomposition. On prend un vase de terre cuite ou même un tonneau défoncé par un bout, et on le divise en deux compartiments par un double fond percé d’un grand nombre de trous et fermant hermétiquement sur ses bords. Sur le double fond, on étend un linge à tissu lâche, puis on dispose successivement une couche de sable bien lavée, une couche de charbon de bois grossièrement pulvérisé, une couche de sable qui emprisonne le charbon, et enfin une couche de cailloux destinés à empêcher l’eau de creuser le sable, quand on la verse. Au moyen de ce filtre, on peut rendre saine l’eau boueuse et infecte des mares et des étangs. On extrait cette eau au moyen d’un robinet s’ouvrant dans le compartiment inférieur.

Charbon animal. — Ce charbon résulte de la calcination, en vase fermé, des os des animaux.

Son pouvoir décolorant. — Il jouit d’un grand pouvoir décolorant, sans altérer les liquides avec lesquels on le met en contact : aussi l’utilise-t-on en grand dans les fabriques et les raffineries de sucre, non pour faire du sucre, car il n’en contient pas, mais bien pour décolorer, pour rendre blancs, les jus extraits de la betterave ou de la canne à sucre.

Vérification. — Réduisez en poudre une dizaine de grammes de charbon animal ; versez cette poudre dans un petit flacon de vin rouge ; agitez le mélange et filtrez ensuite ; le vin sera devenu blanc et aura conservé sa qualité.

Le carbone joue un très-grand rôle dans la nature, car il est un des éléments des substances animales et végétales et de bon nombre de matières minérales.

(À suivre.)

Georgin,
Inspecteur de l’instruction primaire
à Paris.

  1. Voici la liste des objets et des Substances les plus indispensables :
    1 support en fer à deux anneaux 5 fr. 00
    1 lampe à alcool 2 50
    5 ballons assortis, de 180 à 500 grammes 1 50
    4 éprouvettes ordinaires 2 00
    2 flacons à deux tubulures 2 00
    4 tubes abducteurs 1 40
    1 tube de sûreté 1 25
    2 têts à gaz 0 60
    2 terrines en terre commune >>
    2 entonnoirs soufflés 0 50
    1 lime ronde, dite queue-de-rat 1 00
    Bouchons assortis >>
    1 kilogramme de tubes assortis 2 00
    1 lame d’aluminium, dans un flacon dit poudrier 1 25
    Quelques fragments de calcium, dans l’huile de naphte 1 00
    2 mètres de fils de magnésium dans un poudrier 1 00
    Quelques bâtons de phosphore dans un poudrier rempli d’eau 1 00
    Quelques fragments de potassium, de silicium et de sodium, dans des poudriers, avec de l’huile de naphte 3 00
    Soufre en canon et en poudre 0 50
    250 grammes de chlorate de potasse 2 00
    1/2 kilogramme de peroxyde de manganèse 0 60
    1 litre d’acide azotique 1 00
    1 litre d’acide sulfurique 0 50
    1 litre d’acide chlorhydrique 0 50
    1/2 litre d’ammoniaque »
    Rognures de zinc >>
    1 kilogramme de chlorure de chaux.
  2. Préparation des gaz. — Les figures intercalées dans le texte indiqueront la disposition de l’appareil propre à la préparation des gaz dont nous aurons à nous occuper. La plupart se recueillent dans des éprouvettes ou dans des flacons préalablement remplis d’eau et renversés sur le têt à gaz. Suivant le cas, on introduit, dans un ballon ou dans un vase à tubulures, les substances indiquées ; on ferme le goulot ou les goulots avec de bons bouchons, percés de trous dans lesquels on introduit, à frottement dur, les tubes convenables ; on dispose le tube abducteur de manière que sa courbure inférieure repose au fond de la terrine et que son extrémité pénètre dans le trou du têt à gaz, que l’on met en place. On verse de l’eau en quantité suffisante dans la terrine. — Pour disposer une éprouvette ou un flacon, on les couche dans l’eau de manière qu’ils se remplissent entièrement, puis on les transporte sur le têt, en maintenant plongée dans l’eau leur extrémité inférieure. On reconnaît que l’éprouvette est pleine de gaz quand toute l’eau a disparu. — Dans les préparations qui se font au moyen de la chaleur, il faut redouter l’ascension de l’eau dans le ballon, dont elle provoque la rupture plus ou moins violente : on emploie, dans ce cas, le tube de sûreté, qui éloigne tout accident de cette nature.