La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Épitre de saint Jude (Introduction)

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 2928-2929).

ÉPÎTRE DE SAINT JUDE

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INTRODUCTION


L’auteur de cette Epître est l’Apôtre S. Jude, qu’on appelait aussi Thaddée ou Lebbé. Il se dit lui-même frère de Jacques, ce qu’il faut entendre de S. Jacques le Mineur, l’autre apôtre du même nom, frère de S. Jean, ayant subi le martyre depuis longtemps et étant alors beaucoup moins connu. S. Jude prend ce titre, plutôt que celui d’apôtre, soit parce qu’un autre apôtre ayant porté son nom, la qualité d’apôtre ne le désignerait pas d’une manière aussi précise, soit parce que sa parenté avec l’évêque de Jérusalem est de nature à le rendre plus cher aux Juifs convertis auxquels il parait s’adresser. Cette Lettre a toujours fait partie de la version italique. Elle est mentionnée dans le canon de Muratori, comme dans ceux des Conciles de Laodicée (363) et d’Hippone (393). On la trouve citée dès les premiers temps par Tertullien (200), Clément d’Alexandrie (165-200), Origène (186-235), S. Pamphile, etc., et l’on ne la voit rejetée positivement nulle part. Néanmoins, ce qu’elle dit de la lutte de S. Michel contre Satan, 9, et de la prophétie d’Enoch, 14, excitait quelque défiance, de sorte qu’elle a été placée par Eusèbe parmi les antilégomènes, et qu’on la compte aujourd’hui au nombre des deutérocanoniques.

Le but de S. Jude, comme celui de S. Pierre, dans sa seconde Epître, est de prémunir les fidèles contre les séductions des docteurs gnostiques. Il part de ce principe, que la foi a été livrée aux saints une fois pour toutes, 3, et que c’est pour s’en être écarté, 4-7, et pour avoir abandonné la société qui en fait profession, que les sectaires sont tombés dans des abîmes d’erreur, d’impiété et d’immoralité. En conséquence, il exhorte les fidèles à se souvenir des vérités qui leur ont été annoncées au commencement par les Apôtres, à s’édifier eux-mêmes sur le fondement de leur très sainte foi, à persévérer dans l’espérance et la charité, et à sauver tous ceux qu’ils pourront soustraire au feu de la vengeance divine, 19-23.

Les coïncidences de l’Epître de S. Jude avec la seconde de S. Pierre ne peuvent s’expliquer que par une imitation volontaire de la part de l’un ou de l’autre Apôtre. Un certain nombre de commentateurs attribuent cette imitation à S. Pierre, en alléguant pour raison que, dans sa première Lettre, il a reproduit pareillement plusieurs pensées de S. Paul. Néanmoins, la supposition contraire paraît plus vraisemblable. En effet : — 1o Il n’y a pas de parité entre les allusions que S. Pierre a pu faire dans sa première Epître à certains passages de saint Paul et un emprunt si littéral et si étendu, qui comprendrait la plus grande partie de l’Epître de S. Jude. — 2o S. Pierre n’avait pas d’intérêt à s’approprier la Lettre de S. Jude. S. Jude, au contraire, trouvait un avantage à citer S. Pierre : il ajoutait à sa considération et à son autorité personnelles celle du Prince des Apôtres et du chef de l’Eglise. — 3o L’Epître de S. Pierre paraît avoir été écrite la première. Elle parle au futur ; elle prédit les hérésies qui vont bientôt paraître, ii, 1-3 : celle de S. Jude parle au passé, elle donne les faits qu’elle décrit pour l’accomplissement des prophéties faites par les Apôtres. Par suite, S. Jude combat les sectaires avec plus de force et les caractérise d’une manière plus précise. — 4o Le style de S. Jude est meilleur, plus soigné, plus soutenu. On y voit moins de répétitions. — 5o S. Jude paraît commenter et expliquer S. Pierre. Au verset 10, il développe et éclaircit ce que S. Pierre avait laissé dans l’ombre, et au verset 9, sa citation du livre de l’Assomption de Moïse semble avoir pour but de confirmer un fait qu’a avancé S. Pierre. L’Epître de S. Jude nous semblerait donc postérieure et d’une date assez rapprochée de la ruine de Jérusalem.

Quoi qu’il en soit, du reste, la ressemblance si visible qui existe entre ces deux Epîtres est une preuve de leur authenticité. On ne se fait pas faussaire pour le plaisir de transcrire, et l’on n’a pas d’intérêt à s’approprier ce qui est sans autorité.(L. Bacuez.)