La fille du brigand/Révélations

Imprimerie Bilodeau Montréal (p. 80-90).

IX

RÉVÉLATIONS


Stéphane, content d’avoir pu mettre son dessein à exécution, avait laissé la halle et s’était rendu chez lui afin d’atteindre le résultat de ce dernier moyen d’avoir des informations sur l’existence de maître Jacques. Il n’y avait pas dix minutes qu’il était arrivé lorsqu’on vint lui dire que quelqu’un désirait lui parler. Il descendit dans l’antichambre et aperçut une jolie petite fille, mais d’une pâleur extrême et les yeux pleins de larmes. Élise, c’était la fille de madame La Troupe, en voyant Stéphane pour la première fois, baissa les yeux et fut si troublée qu’elle fut incapable de dire un mot.

— Que voulez-vous, ma pauvre enfant ? lui dit Stéphane avec douceur, car il s’était aperçu qu’elle avait du chagrin.

— Ma mère voudrait vous voir, répondit-elle en sanglotant.

— Quelle est votre mère, ma chère ?

— Mme La Troupe.

— Et pourquoi pleurez-vous tant ? est-il arrivé quelque malheur à votre mère ?

— Hélas ! oui, monsieur, dit Élise en se cachant les yeux dans ses deux mains, maman est en prison.

— En prison ! dit Stéphane foudroyé par cette nouvelle, en prison !… Écoutez, Élise, ajouta-t-il après s’être remis un peu, cessez de pleurer, et, allez dire à votre mère que, quoiqu’il m’en coûte beaucoup d’aller lui rendre visite dans un pareil lieu, cependant elle peut m’attendre dans une demi-heure. Allez, ma pauvre petite.

Et Stéphane prit la main d’Élise et la conduisit en lui donnant une pièce d’argent.

Un quart d’heure après, Stéphane entrait dans les prisons au milieu des jurements et des imprécations des portiers et d’une soldatesque grossière et impudente.

Les prisons !… ne semble-t-il pas que ce mot seul, prisons, exprime quelque chose de terrible et d’effrayant, quelque chose de redoutable, qui glace le sang et brise le cœur ? Lorsque vous prononcez ce mot ou que vous l’entendez dire, ne vous figurez-vous pas sur-le-champ des murs épais, des cachots ténébreux et, infects, des grilles et des portes de fer, des spectres hideux, des personnes décharnées ? Ne croyez-vous pas entendre des gémissements sourds, des cris aigus, des larmes continuelles, le bruit des chaînes, le fracas des criminels ? Ce mot, prison, ne vous retrace-t-il pas un séjour de douleur et de supplices, un repaire empoisonné, une caverne où le soleil n’a jamais pénétré, un purgatoire terrestre en un mot ?…

Entrons avec Stéphane, et voyons si le tableau que nous aurons à contempler est réellement aussi effrayant que celui que nous aurons formé dans notre imagination.

En parcourant les longs et humides corridors qui traversent la prison, en entendant l’écho sourd et entrecoupé qui répétait le bruit de ses pas, et en voyant ces énormes portes qui craquaient et roulaient lentement sur leurs gonds, Stéphane ne put s’exempter d’un certain mouvement de frayeur mêlée de dégoût. Pour arriver à la chambre de Mme La Troupe, il fallait traverser celle des hommes. C’était une vaste salle carrée, située au centre de l’édifice, et éclairée par cinq fenêtres toutes barricadées avec de grosses barres de fer. C’était là que Stéphane devait avoir sous les yeux un spectacle vraiment répugnant et horrible. En y entrant il fut près d’être suffoqué par l’air empesté et nauséabond répandu dans l’appartement, et écrasé par une foule de scélérats qui se pressaient autour de lui en lui tendant la main. Malheureusement, Stéphane n’ayant sur lui rien à donner à ces infâmes brigands, se fit siffler et insulter ; plusieurs même qui n’avaient pas encore perdu leur instinct brutal et leur cupidité, voulurent se jeter sur lui pour le dépouiller. Puis c’étaient des imprécations, des jurements et des ricanements affreux. Les uns chantaient, les autres pleuraient et gémissaient ; ici on en voyait qui étaient en proie au plus terrible désespoir ; là quelques autres se livraient à une joie sardonique et bruyante ; plus loin ils se disputaient, se maudissaient les uns les autres et se tiraient aux cheveux.

Telle était cette chambre que les geôliers appelaient « l’antre du diable », semblable pour la malpropreté à un bourbier épais où croupissent des insectes dégoûtants, et pour le fracas à un repaire de bêtes féroces poussant de continuels hurlements, et se ruant avec rage et impétuosité les unes sur les autres.

Stéphane, en sortant de cette chambre, jeta un dernier regard sur la scène affreuse qui venait de se dérouler à ses yeux, et sentit ses membres mus par un tremblement convulsif et son cœur se briser par des pulsations violentes. Il s’appuya un instant sur la tablette d’une fenêtre.

— On voit bien, dit le geôlier en souriant de pitié, que vous n’êtes pas accoutumé à de telles visites ; mais j’avouerai aussi que je n’ai jamais vu tant de commerce qu’aujourd’hui. Allons, allons, monsieur, ne vous découragez pas : le pire est fait.

— Tant mieux, mon Dieu, dit Stéphane, en reprenant courage malgré lui, s’il n’en était pas ainsi, j’aimerais mieux retourner sur mes pas.

Le geôlier ouvrit la troisième porte qu’ils rencontrèrent et introduisit Stéphane dans un appartement proprement blanchi et balayé : c’était un nouveau spectacle, moins bruyant à la vérité, mais plus digne de pitié et plus susceptible de faire impression sur un cœur sensible comme pouvait l’être celui de Stéphane. Parmi toutes les femmes, au nombre de trente à quarante, qui étaient rangées tout autour de la salle, une seule ne travaillait pas encore à l’œuvre pénitentiaire, c’était Mme La Troupe. Aussitôt qu’elles aperçurent le geôlier et Stéphane, elles se levèrent avec un respect mêlé de crainte et baissèrent la vue sur leur ouvrage, d’un air qui semblait demander grâce. Elles étaient assez proprement vêtues, mais maigres et décharnées, et tenant une posture nonchalante nécessaire d’après la vie sédentaire qu’elles étaient obligées de mener.

Stéphane en examinant furtivement ces femmes perdues, indignes d’un sexe qu’elles déshonoraient, frémit involontairement et porta la main à son front, comme s’il eût voulu chasser les réflexions qui l’accablaient ; mais lorsqu’il vint à remarquer attentivement Mme La Troupe qui, de son côté, le regardait en versant des larmes… Stéphane pleura aussi…

Pauvre Stéphane ! les larmes que tu répands maintenant te sont arrachées par la pitié ; dans un instant il te faudra en verser d’autres plus pénibles encore, puisqu’elles naîtront d’un amour malheureux !…

Et comme s’il eût eu honte de sa faiblesse, il s’essuya promptement les yeux et s’avança d’un pas assez hardi à l’extrémité de la chambre où était Mme La Troupe. Aussitôt que le geôlier se fut retiré, elle fit passer Stéphane dans une espèce de petite cellule pratiquée dans le fond de la principale chambre. Élise les suivit.

Stéphane se jeta sur un banc de bois fixé au mur et laissa retomber sa tête sur l’embrasure d’une fenêtre. Mme La Troupe le regardait avec un air de confusion et de timidité ; elle n’osait commencer l’explication du rendez-vous qu’elle avait donné.

Enfin, après un quart d’heure, Stéphane se leva brusquement comme s’il se fût réveillé d’un sommeil profond, et fixant les yeux sur Mme La Troupe :

— Pourrais-je savoir, madame, ce qui m’amène ici, dans un lieu où j’ai eu tant à souffrir ?

Mme La Troupe rougit et baissa la vue, puis elle ne répondit rien.

Stéphane se reprocha le ton d’aigreur qu’il avait pris en lui faisant cette première question ; pensant que son silence venait de là, il reprit avec plus de douceur :

— De grâce, parlez ; depuis quand êtes-vous ici ?

— Depuis hier au matin, répondit-elle sur le ton d’une condamnée devant son juge.

— Par quel accident ?

— Par un accident que je devais prévoir, répondit Mme La Troupe avec plus de hardiesse.

— Que voulez-vous dire ? dit Stéphane en reprenant son air de sévérité.

— Je veux dire que j’ai bien mérité ce qui m’est arrivé.

En prononçant ces derniers mots, Mme La Troupe sentit disparaître toute sa timidité pour faire place à la colère et à la vengeance.

— Malheureuse !

Et Stéphane, honteux de se trouver en tête à tête avec une pareille femme, prit son chapeau et fut sur le point de se retirer.

— Attendez, monsieur, attendez, dit Mme La Troupe en lui prenant le bras ; il s’agira bientôt plus de votre intérêt que du mien.

Stéphane frémit.

— Sachez, poursuivit Mme La Troupe en grinçant des dents, que si je suis ici aujourd’hui, si je suis condamnée à y terminer ma vie, je dois le reprocher à un seul homme, le plus infâme, le plus exécrable que l’on puisse rencontrer. Malheur à lui ! voici le temps de la vengeance arrivé, voici le moment où ses crimes vont être dévoilés, où ses victimes vont se ruer sur lui pour le condamner et le maudire ! Maudit soit-il ! s’écria Mme La Troupe dans un violent accès de désespoir, en s’arrachant les cheveux et en se frappant la tête.

Élise effrayée s’était approchée en tremblant de Stéphane qui n’était guère plus rassuré qu’elle. Après un quart d’heure passé dans des transes et des convulsions horribles, Mme La Troupe devint un peu plus calme ; des sueurs froides inondaient ses joues décharnées ; elle se laissa tomber sur une chaise ; puis jetant sur Stéphane des yeux égarés, elle versa des larmes abondantes, et reprit :

— Je devais être la dernière des femmes qui dût terminer sa vie aussi misérablement : il fut un temps de bonheur et d’aisance pour moi, un temps de vertu et de piété, un temps où je venais moi-même consoler et secourir les prisonniers ! Et aujourd’hui qu’est devenu ce temps ? J’étais riche, monsieur, aussi riche que ces dames qui tiennent à présent les premières places dans la société ; je suis devenue pauvre, mais au moins je puis dire que je n’ai jamais mérité ce premier malheur ; je l’ai dû à un frère en qui ma confiance avait été poussée trop loin.

Mme La Troupe raconta à Stéphane cette première partie de sa vie que nos lecteurs ont déjà apprise de la bouche de Julienne.

— Voilà, dit-elle en terminant, comment du haut de la grandeur et de la fortune je me suis vue abaissée tout à coup au dernier échelon de la société et de la misère. Mais jusqu’alors j’avais conservé une partie de mon bonheur : la vertu et la religion. Un monstre plus terrible encore que le premier méditait sourdement le projet de me plonger dans un abîme plus profond que le premier, et d’où je ne devais jamais sortir : et cet abîme, le voilà, monsieur, dit Mme La Troupe en étendant les bras et en montrant les quatre murs de sa prison ; et ce monstre, vous allez le connaître dans un instant.

Ce fut trois mois après la mort de mon époux que je le vis pour la première fois ; ses manières polies, son air de respect et de modestie, sa honte apparente, tout me porta en sa faveur. Et pourtant, qui eût pensé que c’était un hypocrite auquel je ne devais pas me fier ? oui, monsieur, un hypocrite tel que l’enfer n’en a jamais connu, un hypocrite dont on ne pourra jamais approfondir la scélératesse et l’impudence…

Voyant le dénûment et la misère où nous vivions, ma chère petite fille et moi, il nous comblait de présents et de bontés, et dans toutes les transactions il montrait tant d’empressement, tant de délicatesse, que je ne tardai pas à m’attacher entièrement à lui et à lui donner une amitié et une confiance sans bornes. Je lui racontai tous mes malheurs il feignit d’y prendre part, et se répandit en invectives et en reproches contre mon frère ; et lui-même, le monstre, roulait dans son esprit diabolique la ruine de mon âme et de ma réputation. « Madame, me dit-il, vous n’avez plus rien à espérer à la campagne ; mais si vous voulez bien profiter de l’avantage que je vais vous proposer, je suis certain que vous pourrez encore être heureuse. J’ai à Québec un hôtel qui se trouve abandonné aujourd’hui, faute d’une personne respectable et capable de remplir la fonction d’hôtelière ; je vous l’offre, madame, avec d’autant plus de confiance que je connais vos qualités et votre activité ; vous aurez, en y entrant, tout ce qui sera nécessaire pour tenir une bonne maison, et les pensionnaires ne vous manqueront pas. Je vous donne donc la préférence sur le grand nombre de personnes qui en ont déjà fait la demande.

Ma situation ne me permettait pas d’hésiter : je l’acceptai donc avec reconnaissance, et huit jours après je laissais, en pleurant, le lieu de ma naissance où j’avais passé de si heureux jours ; j’allai dire un dernier adieu à la tombe de mon époux, j’embrassai tous mes amis, et je me mis en route avec Élise et le peu d’effets qui m’étaient restés.

Me voilà donc rendue à cet hôtel ; mais quel hôtel, grand Dieu ! Vous l’avez vu, monsieur : c’était l’auberge du faubourg Saint-Louis telle qu’elle est aujourd’hui.

Ici, Mme La Troupe s’arrêta pour donner un libre cours à ses larmes ; jusqu’ici elle n’avait eu à raconter que le malheur ; mais elle touchait à présent à quelque chose de plus révoltant : le crime !

Stéphane après avoir partagé sa douleur, la pria de continuer.

— Lorsque j’aperçus cette chétive masure, reprit Mme La Troupe, lorsque je remarquai le délabrement, la malpropreté et l’abandon qui m’étaient réservés, je regrettai mon premier état, ma misère tout affreuse qu’elle était ; cependant je ne voulus pas encore m’arrêter à la pensée que j’avais été trompée ; mon protecteur (je pouvais alors lui donner ce nom) m’avait paru trop plein de mérite. J’attendis avec impatience une visite de sa part ; il vint le lendemain matin.

— Est-ce là, lui demandai-je, l’hôtel ?… — Les misérables, se dit-il avec une colère affectée, voyez un peu s’il y a à laisser quelque chose de bon à leur disposition ; voyez comme ils ont tout massacré dans l’espace d’un mois tout au plus. Je vous demande pardon, madame, me dit-il avec déférence, j’ai été trompé moi-même ; j’avais donné permission à quelques-uns de mes gens de loger ici en attendant, et voyez, ajouta-t-il en levant les épaules ; mais ne vous désespérez pas ; je vais remettre en peu de temps toutes les choses en ordre ; vous serez comme une reine ; demain, je vais envoyer des ouvriers et des effets ; prenez courage, madame, vous verrez que je suis homme à tenir ma promesse ; et il se retira en me donnant deux dix schillings pour la journée.

Le lendemain, la semaine se passèrent, je ne vis arriver personne, ni ouvriers, ni mon protecteur ; ce ne fut que le mardi de la semaine suivante que j’eus sa seconde visite ; il me dit que de mauvaises affaires l’avaient empêché d’avoir des ouvriers, mais qu’il en enverrait aussitôt qu’il serait en état de les payer. Enfin, pour abréger autant que possible cette malheureuse histoire, Je vous dirai que mon auberge resta telle que vous l’avez vue, qu’elle ne fut fréquentée que par le rebut de la société avec qui je m’accoutumai peu à peu, si bien que au bout de trois mois j’en avais acquis les vices et les habitudes. À force de détours et de supplications, je parvins à apprendre que j’avais affaire à des brigands et à des scélérats dont le chef n’était autre que mon protecteur. Il m’avoua tout lui-même et me fit de si horribles menaces, de si belles promesses, que je n’eus pas le courage d’abandonner l’auberge. Il me mit ensuite dans ses secrets et ses intérêts les plus chers ; je connaissais tous les crimes avant même leur exécution ; et ma maison devint le réceptacle de tous les effets volés.

Ce mystère ne pouvait durer longtemps. Cette nuit on a surpris les brigands au moment où ils entraient chez moi pour cacher leur vol ; on fit des fouilles, elles ne furent pas infructueuses ; il était donc visible que j’étais leur complice ; et il m’a fallu subir le même sort.

Mme La Troupe s’était empressée de raconter la fin de son histoire pour éviter sans doute les justes remarques que Stéphane aurait pu faire, et pour abréger, autant que possible, la honte et la confusion que de pareils aveux devaient nécessairement faire naître en elle ; mais elle ne put résister plus longtemps : elle tomba évanouie sur le parquet. Élise, qui la crut morte, se jeta sur elle en l’appelant à haute voix. Ce fut une terrible scène pour Stéphane, un horrible contraste, que de voir la vertu aux prises avec le crime entre les quatre murailles d’un sombre cachot !…

Mme La Troupe revint bientôt à elle ; puis, après avoir pressé sa fille sur son cœur, elle se traîna jusqu’à Stéphane, et retombant à ses genoux :

— Ô Stéphane, lui dit-elle en pleurant, si les prières d’une femme criminelle mais repentante peuvent avoir quelque influence sur vous, si votre cœur, en maudissant le crime et ses esclaves, peut respecter et aimer la vertu toujours pure au milieu du vice, daignez jeter les yeux sur cette chère enfant daignez protéger une misérable orpheline qui sans vous devra traîner sa vie dans l’infortune et l’esclavage, peut-être, hélas ! dans la scélératesse comme son infâme mère. Oh ! dites-moi, monsieur, dites-moi que vous l’arracherez des mains des scélérats qui m’ont perdue ; dites-moi que vous la conduirez dans le chemin de la vertu, que vous la conserverez dans la pureté où elle a toujours vécu jusqu’à présent… Viens, Élise, viens te jeter avec moi aux pieds de M. Stéphane… Pauvre enfant !… tu n’as plus personne maintenant sur la terre !…

Stéphane releva Mme La Troupe, et lui promit de prendre soin d’Élise ; puis se rappelant qu’elle lui avait donné à entendre que le rendez-vous l’intéressait autant qu’elle, il la pria de le lui apprendre.

Mme La Troupe le regarda fixement.

— Avant de vous répondre, monsieur, lui dit-elle, permettez-moi de vous faire une question. Aimez-vous encore la fille de maître Jacques ?

— Pourquoi voulez-vous savoir cela ?

— Parce que si vous ne l’aimez plus, je n’aurai rien à vous dire.

— Eh bien, supposons que je l’aime encore.

— Ce n’est pas une supposition, monsieur, je le vois bien, vos yeux m’en disent assez. Avez-vous eu des informations sur son compte ?

— Non.

— Aimeriez-vous à en avoir ?

— Parlez, dit Stéphane avec crainte et inquiétude.

— Ce que je vais vous dire est terrible.

— Parlez, dit encore Stéphane d’une voix tremblante.

— Vous l’exigez donc ?

— Oui.

— Eh bien, je vous conseille d’oublier pour toujours la fille de M. Jacques.

Stéphane pâlit.

— Qu’avez-vous à dire contre elle ?

— Rien contre elle : au contraire, c’est une charmante enfant, douce, vertueuse, remplie d’excellentes qualités, aussi pure qu’un ange, je le sais de bonne part ; mais son père…

— Eh bien, son père, qu’allez-vous dire ?

— Son père est… brigand…

— Un brigand !

— Le chef d’une bande de scélérats.

— Ciel !…

— Le même qui m’a perdue !…

— Le misérable !… un brigand !… le chef !… et sa fille, un ange !… Horrible mystère, dit Stéphane en faisant trois ou quatre tours dans le caveau, et en sortant brusquement comme un homme que la folie vient d’accabler.