La défense des Vosges dans la vallée de la Meurthe/5

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V

Le 7 octobre, le général de Degenfeld envoyait la nouvelle de sa victoire à Lunéville d’où elle était télégraphiée à S. A. R. le grand duc de Bade. Le rapport du général se terminait par ces paroles : « C’est un jour glorieux pour nos troupes. »

Le journal le Nord qui reproduit le télégramme d’après la Gazette de Carlshruhe tire cette conclusion des détails contenus dans la dépêche ; que les Prussiens trouvent dans la région des Vosges des éléments de résistance sérieuse et que la marche de l’armée qui a Lyon pour objectif ne s’opérera pas sans difficulté.

Du 6 au 10 octobre, les compagnies qui avaient protégé la retraite des français, gardèrent leurs positions, faisant des reconnaissances et défendant les passages du chemin de Raon-l’Étape à Saint-Dié. « Pendant trois jours, dit Ladislas Wolowski[1] officier du corps franc de Bourras, nos compagnies placées dans ces défilés firent des excursions très heureuses soit du côté de Raon, soit de celui de Saint-Dié. Ainsi, le 8 octobre, le capitaine Dautel entra avec ses hommes dans Nompatelize même, où sept prussiens furent tués. Le 9, je fis avec une vingtaine d’hommes une reconnaissance jusqu’à Rougiville, où nous tuâmes trois hommes à un petit détachement prussien. »

Le 10, une colonne de 500 prussiens attaqua le poste de Mont-Repos toujours défendu par les deux compagnies bretonnes et 3 compagnies du corps franc.

Après deux heures de combat dans les bois et derrière les barricades, l’ennemi se retira, après avoir perdu quelques hommes ; tandis qu’un seul homme, de la compagnie Bourras, avait, de notre côté, été tué en cette affaire.

Le 7 octobre, une patrouille forte de soixante-dix cavaliers, s’avança jusque Rambervillers, mais dut vivement rebrousser chemin. Le même jour, à 11 heures du matin huit dragons badois se présentaient à Saint-Dié.

Cependant le 11e corps allemand formé après la chute de Strasbourg, sous les ordres du général Werder se mettait en marche vers les Vosges où il devait détruire les forces françaises qui s’y concentraient. L’ordre de marcher sur les Vosges était arrivé le 4 octobre à Werder qui s’était empressé de prévenir Degenfeld que sa brigade devenait l’avant-garde du corps d’armée en marche sur Épinal. Le 5, Werder quittait les environs de Strasbourg et se dirigeait sur les Vosges en trois colonnes : 1o Colonne du Sud ; brigade de cavalerie, artillerie, général de la Roche-Starkenfils, qui vient sur Saint-Dié par Barr.

2o Colonne du centre, 3e brigade d’infanterie, colonel Sachs par Mutzig, Schirmeck, Etival.

3o Détachement prussien, général-major Krug-von-Nidda, par Schirmeck, Raon-l’Étape. Les convois, sous la protection d’un bataillon du 6e régiment et d’un escadron du 3e dragons, passaient par Saverne, Sarrebourg, pour arriver à Baccarat le 9.

Le 8 la colonne du colonel de la Roche après avoir campé à Provenchères, Bertrimoutier, Lesseux, arrivait à Saint-Dié, en même temps que l’infanterie badoise qui avait assisté à la bataille de Nompatelize.

Le même jour le colonel Sachs atteignit Étival, le 9, le général en chef de Werder était à Raon-l’Étape, et tout le 14e corps campait en ligne dans la vallée de la Meurthe. La ville de Saint-Dié fut frappée d’une contribution de guerre de 10 000 francs[2].

Le même jour Werder détachait une compagnie du 30e régiment prussien, un peloton de hussards, sur Rambervillers, détachement commandé par le major Berckfeld qui devait succomber dans la fameuse et héroïque défense de Rambervillers.

Cependant que devenaient les troupes françaises, le résultat de la suprême résistance ?

Le général Cambriels, nommé au commandement en chef de toutes les troupes de l’Est, venait d’arriver dans les Vosges, pour recueillir les débris de la bataille de Nompatelize.

Il arrive à Bruyères le 7 octobre, ramasse ce qui reste de la brigade Dupré, fait nommer le capitaine Varaigne lieutenant-colonel en lui conservant ses fonctions de chef d’état-major, mais près du général en chef. Les éléments de l’état-major furent fournis par la compagnie des quarante ou francs-tireurs gris, qui étaient commandés par M. Macain de Verdier.

Le même jour le commandant Perrin était également nommé lieutenant-colonel.

La petite armée des Vosges venait de se grossir des renforts demandés par le Préfet. Dans les premiers jours d’octobre venaient encore se mettre à la disposition de Cambriels, le 55e régiment de marche qui n’arriva que le 8 à Gérardmer, le 2e bataillon des mobiles du Doubs, capitaine d’Olonne ; 4 compagnies du 85e de marche, une batterie de 6 pièces de 12, ce qui portait son effectif à 15 000 hommes environ, c’est ce que l’on proclama : « La première armée de l’Est ».

Cambriels prit position sur les hauteurs en arrière de la Vologne. Il établit son quartier général à Champdray, garda près de lui l’artillerie escortée par 230 volontaires d’Épinal arrivés le 7 par le chemin de fer ; pour se couvrir, il plaçait le bataillon de la Meurthe, à Granges.

Il partagea son petit corps en deux brigades :

La 1re, confiée au nouveau colonel Perrin, s’établit sur la grand’route de Remiremont. Elle s’éployait de Gérardmer à Bruyères, comprenant 1o le régiment des gardes mobiles des Vosges, 58e de marche, dont un bataillon est placé à Bellevue, un devant Varimont et au haut de la côte, un ½ bataillon à Barbey-Seroux, un ½ bataillon à l’Étang-d’Oron et à la grande Roche.

2o le bataillon des mobiles du Doubs placé à Gérardmer,

3o Le 1er et le 2e bataillon du 32e de marche qui furent placés le 1er en face de Barbey-Seroux, le 2e à Gerbépal.

La 2e brigade fut confiée au colonel Rouget de Gourcez. Elle comprenait 1o le 3e bataillon du 32e de marche ;

2o les quatre compagnies du 85e de marche ;

3o le régiment des Deux-Sèvres ;

4o Les deux légions Domalain et Bourras ;

5o quelques corps de francs-tireurs.

Cette brigade prit position sur la ligne Laval, Fiménil, Herpelmont.

Les deux légions Domalain et Bourras avaient été laissées au Mont-Repos, aux Rouges-Eaux, au Haut de Saucerey, au Haut-Jacques, comme avant-postes.

Il y avait de plus un avant-poste à Anould. Ces avant-postes devaient observer l’ennemi et couper les chemins par des tranchées et des abatis ; en même temps, « des ouvrages de fortifications passagères étaient élevés par ordre du général Cambriels sur toutes les routes qui de Corcieux et de Fraize conduisent dans la vallée de Gérardmer.

Le 9 octobre, le régiment du Jura, 55e de marche, lieutenant-colonel de Montravel, arrivé la veille à Gérardmer vient occuper les vallées de Clefcy et du Valtin et tient les débouchés du Bonhomme et du Louchpach. Son 2e bataillon descendait, commandé par le commandant de Froissard, la vallée de Ban-sur-Meurthe, et venait occuper Anould. L’autre avec le colonel, par le Valtin arrivait à Plainfaing. Il fit son entrée dans ce bourg à la nuit close et par un horrible temps, c’était la nuit du 9 au 10. « Rien n’ayant été prévu pour le cantonnement, dit l’auteur des Vosges en 1870[3] les hommes se logèrent à leur guise, un peu partout, et il fut impossible de rassembler une compagnie de grand’garde : le bataillon passa la nuit à la merci d’une attaque qui n’eut pas lieu heureusement. Pourtant les avant-postes ennemis n’étaient qu’à 6 kilomètres sur la route de Saint-Dié et dans la journée même, une patrouille de quatre cavaliers s’était montrée à l’entrée d’Anould et s’était retirée après quelques coups de fusil ».


  1. Le corps franc des Vosges.
  2. Voir le chap. VII de S. D. en 1870, 4 jours d’occupation, p. 62 et suivant.
  3. p. 88.