La Volonté de puissance/Appendice

Traduction par Henri Albert.
Mercure de France (Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 13, tome IIp. 287-311).



APPENDICE

I

Plan de 1887 à 1888

Première version (17 mars 1887)

LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

Essai d’une transmutation de toutes les valeurs.


Livre premier: Le Nihilisme européen.

Livre deuxième: Critique des valeurs supérieures.

Livre troisième: Principes d’une nouvelle évaluation.

Livre quatrième: Discipline et sélection.

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Deuxième version (été, automne 1887)

LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

Essai d’une transmutation de toutes les valeurs.


Livre premier: Le Nihilisme (comme conclusion des valeurs supérieures qui ont eu cours jusqu’ici).

Livre deuxième: Critique de ces valeurs supérieures (examen de ce qui, par elles, dit oui et non).

Livre troisième: Le Nihilisme vaincu par lui-même (tentative de dire oui à tout ce qui a été nié jusqu'à présent).

Livre quatrième: Les Victorieux et les Vaincus (une prophétie).

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Troisième version (fin 1887)

Livre premier:

1. Le Nihilisme, imaginé jusqu'à ses extrêmes limites.

2. Culture, civilisation, l'ambiguïté de ce qui est moderne.

Livre deuxième:

3. L'origine de l'Idéal.

4. Critique de l'Idéal chrétien.

5. Comment la vertu devient victorieuse.

6. L'Instinct de troupeau.

Livre troisième:

7. La volonté du vrai.

8. La morale, Circé des philosophes.

9. Psychologie de la " volonté de puissance " (plaisir, volonté, conception, etc.).

Livre quatrième:

10. L'" Éternel Retour ".

11. La grande politique.

12. Recette de vie pour nous autres.


LISTE DES APHORISMES DE CET OUVRAGE

QUE NIETZSCHE A DISTRIBUES LUI-MÊME SUR LES

QUATRE LIVRES DE SA DISPOSITION


Aph.

2.- I. Nihilisme.

3.- I. " A quoi bon ? ", La question du nihilisme et la tentative d'obtenir des réponses.

6.- I. Pour I. Nihilisme. Plan.

9.- I. Pour le plan du premier livre.

12.- I. La hiérarchie fait défaut. Cause du nihilisme. La tentative d'imaginer des types supérieurs.

13.- I. La morale comme évaluation supérieure, même dans le nihilisme de Schopenhauer.

14.- I. Les causes qu'il faut attribuer à l'origine du pessimisme.

15.- I. Nihilisme.

16.- I. Nihilisme.

21.- I. Perfection du nihilisme.

22.- I. Mon " nihilisme ".

23.- IV. Degré d'incrédulité, de " liberté " accordé à l'esprit, comme mesure de puissance.

24.- IV. La forme la plus extrême du nihilisme: en quel sens elle est une pensée divine.

26.- I. Les trois siècles.

27.- I. Le XVIIe et le XVIIIe siècles.

28.- I. Contre Rousseau.

29.- I. Rousseau et Voltaire, c. 1760. Influence de Rousseau sur le romantisme.

30.

I. Voltaire et Rousseau.

32.- I. Le problème de la civilisation.

33.- IV. La période tragique.

34.- I. La valeur de Kant.

35.- I. Caractéristique du génie national.

36.- I. Progrès vers le naturel au XIXe siècle.

38.- I. Schopenhauer, celui qui reprend Pascal.

39.- I. Le XVIIIe siècle dans Schopenhauer.

40.- I. Question de la valeur de l'homme moderne, savoir si son côté faible et son côté fort vont ensemble ?

41.- I. Critique de l'homme moderne, son habitude de mentir en psychologie, son attitude romantique.

42.- I. Modernité.

44.- I. " Modernité ".

45.- I. Vices modernes.

48.- I. Modernité.

49.- I. Moderne: les commerçants et les intermédiaires.

50.- I. Tension critique: les extrêmes sont en prépondérance (XIXe siècle).

51.- I. Protestantisme au XIXe siècle.

54.- I. Principaux symptômes du pessimisme.

56.- I. Moderne faux monnayage des artistes.

57.- I. Romantisme: le faux renforcement.

58.- I. L'art moderne est l'art de tyranniser.

59.- IV. Notre musique: ce qui est " classique ", ce qui est " génial ".

60.

I. Séparation entre le " public " et le " cénacle ".

64.- I. Pessimisme musical.

70.- I. Vue d'ensemble sur le caractère ambigu de notre monde moderne.

71.- I. Vue d'ensemble sur le nihilisme.

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89.- III. Métamorphoses de la sensualité.

94.- IV. Contre le remords.

99.- II. Le christianisme, continuation du judaïsme.

107.- II. L'idéal chrétien se sert de ruses juives.

114.- II. La réalité derrière le christianisme: la petite famille juive.

116.- II. Contre Jésus de Nazareth comme séducteur...

117.- II. Ironie à l'adresse des petits chrétiens.

118.- II. La bêtise antique contre le christianisme.

119.- II. Psychologie du Nouveau Testament.

121.- II. Le Nouveau Testament, livre de séduction.

122.- II. Le manque de modestie, le désir de se mêler de tout dans le Nouveau Testament.

123.- II. Le Nouveau Testament et Pétrone.

125.- II. Le Nouveau Testament: prenez garde !

126.- II. Le Nouveau Testament.

127.- II. Le chrétien, l'idéal de l'homme qui manque de noblesse.

144.- II. L'art de la calomnie chez le chrétien.

145.

II. Où le christianisme n'a plus aucun droit aujourd'hui. Dans la politique...

146.- II. La foi ou les œuvres ? Luther. La Réforme. Le mépris de soi-même.

153.- II. Les trois éléments dans le christianisme, son progrès vers la démocratie considérée comme un christianisme plus naturel.

155.- II. Comment le christianisme put être patronné par les classes dominantes.

157.- I. Effet persistant de la providence chrétienne. Ce que l'on doit au christianisme.

163.- IV. Je ne supporte pas de compromission avec le christianisme.

175.- II. L'homme le plus moral est l'homme le plus puissant, le plus divin: toute la connaissance s'est appliquée à démontrer cela. Ce rapport avec la puissance a élevé la morale au-dessus de toutes les autres valeurs.

178.- III. Décompte général avec la morale: qu'est-ce qui veut par elle arriver à la puissance ?

180.- II. Que signifie l'idiosyncrasie morale, même chez un individu extraordinaire comme Pascal ?

181.- II. Les grandes falsifications sous le règne de la morale. Schéma.

182.- II. Falsification par principe de l'histoire, pour qu'elle présente une démonstration en faveur de la morale.

183.- II. Les falsifications psychologiques sous le règne de l'instinct de troupeau.

184.- II. Les grandes falsifications dans la psychologie.

185.- II. Le malentendu de l'amour, de la pitié, de la justice, sous la pression de la morale du renoncement.

187.- II. Formes de la " dénaturation ": le bien à cause du beau, le vrai à cause de la vérité.

188.- II. Degrés de dénaturation dans la morale. - Rétablissement de la " nature " dans la morale.

192.- II. La dénaturation de la morale et ses degrés.

195.- II. Comment naît la gloire de la vertu.

197.- II. Comment la vertu arrive à la puissance.

200.- II. La politique de la vertu: comment elle arrive à la puissance. - Comment elle domine lorsqu'elle est arrivée à la puissance.

201.- II. Moyens pour obtenir la victoire d'une vertu.

202.- II. Le patronat de la vertu (l'avidité, le désir de dominer, etc.).

203.- II. La falsification psychologique à cause de la nécessité de lutter pour son idéal.

204.- II. La force de la caricature dans toute évaluation sociale: moyen de la volonté de puissance.

205.

II. Quel est l'égoïsme qui trouve son compte dans le maintien de la tyrannie morale ?

206.- II. L'instinct de troupeau: les conditions et les désirs qu'il loue.

207.- II. L'instinct de troupeau: évaluation de la moyenne.

209.- II. L'étendue de l'hypothèse morale.

210.- II. Quel sens possède la perspective myope de la société, par rapport à l'utilité.

211.- II. La morale comme moyen de séduction, comme volonté de puissance.

217.- II. Le castratisme christiano-bouddhiste considéré comme idéal: d'où vient sa séduction ?

226.- II. Critique de l'homme bon.

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260.- III. L'" apparence " de la pensée.

268.- III. " Vérité ", nos conditions d existence projetées comme attributs de l'être.

271.- III. Principe de la contradiction.

273.- III. Connaissance et devenir.

275.- III. " Sujet ", chose en soi.

277.- III. Sujet, substance.

278.- III. Dérivation de notre croyance en la raison.

279.- III. Pour l'apparence logique.

280.- III. Lutte contre le déterminisme.

281.- III. Fixer et introduire un sens.

282.- III. La faculté de simulation augmente dans la hiérarchie des êtres. " Pour l'intellect ".

284.- III. Les valeurs morales dans la théorie de la connaissance.

285.- III. Volonté du vrai.

290.- III. Les fondements de la théorie de la connaissance et leurs rapports avec les valeurs supérieures.

291.- III. Critique et réfutation du concept " objectif ".

292.- III. Ce qui est éternellement égal à soi-même. Une question de valeur.

313.- III. Contre la préoccupation de soi-même et de son salut éternel.

315.- IV. Le " monde conscient " ne peut pas être regardé comme point de départ pour la valeur: nécessité d'une " évaluation objective ".

318.- III. Formation de Dieu comme point culminant; retour à lui.

319.- IV. " Dieu " comme état maximal.

320.- III. L'" espèce " estimée trop haut, l'" individu " estimé trop bas dans les sciences naturelles.

321.- III. L'" intellectualité " ne se contente pas de commander et de conduire.

328.- III. Optique de l'évaluation.

331.- III. Problème du criminel.

332.- III. Le grand homme, le criminel.

337.- III. L'individualisme comme " volonté de puissance ". Métamorphose de la volonté de puissance.

339.- II. Morphologie de la volonté de puissance.

341.- IV. Rectification de l'idée d'" égoïsme ".

343.- III. La louange, la reconnaissance - comme volonté de puissance.

334.- III. Contre l'altruisme de la faiblesse.

347.- III. Rétablissement de la notion exacte de " sentiments de bonté, de charité, de bienveillance ", que l'on vénère, non pas à cause de leur utilité, mais au point de vue de ceux qui en profitent.

348.- IV. Les passions comme armes défensives et offensives: qu'advient-il de l'homme qui n'a plus de raison de se défendre et d'attaquer ?

350.- III. La Rochefoucauld et J. St. Mill: l'un plat, l'autre naïf; - " égoïsme ".

351.- III. Toutes les passions sont utiles.

352.- III. L'utilité dépend des " fins ": utilitarisme.

354.- III. Histoire de la moralisation et de l'amoralisation.

356.- III. Formation du beau: Critique de son évaluation.

361.- III. Æsthetica.

370.- IV. Classique: pour l'esthétique de l'avenir.

371.- IV. Lutter avec l'art contre la moralisation.

373.- I. Le nihilisme des artistes.

374.- IV. L'artiste tragique.

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386.- IV. Les forts de l'avenir.

387.- IV. Toute espèce d'hommes renforcés sur le même niveau qu'une espèce inférieure.

388.- IV. La prépondérance passagère de l'évaluation

sociale est compréhensible pour établir une substructure.

390.- IV. Élimination de l'excédent de luxe dans l'humanité. Les deux mouvements.

391.- IV. Augmentation de la puissance générale de l'homme: en quel sens elle est la condition de toute espèce de décadence.

394.- IV. Où il faut chercher les natures plus fortes.

395.- IV. Hiérarchie des hommes.

399.- I. Contre l'idéalisme qui ne veut pas que la médiocrité soit médiocre: critique de l'" idéalisme ".

400.- IV. Coup d'œil rétrospectif pour justifier les conséquences fâcheuses de la tyrannie morale.

402.- IV. Justification de la morale. Récapitulation.

403.- IV. Instinct des hommes civilisés contre les grands hommes.

406.- IV. Utilisation de l'homme par la vertu: vertu de la machine.

407.- IV. Justification de la morale.

408.- IV. Évaluation économique de l'idéal qui a eu cours jusqu'à présent.

409.- IV. En quel sens je ne désire pas l'anéantissement de l'idéal que je combats: - je veux seulement m'en rendre maître.

411.- IV. Rétrécissement du domaine de la morale - progrès.

412.- IV. L'intolérance de la morale jugée d'une façon générale: Expression de la faiblesse chez l'homme.

413.- IV. Mon intention de démontrer l'homogénéité absolue de tout ce qui arrive: la différentiation morale devient une différence de perspective.

417.- IV. Nous autres connaisseurs - combien nous sommes immoraux !

419.- IV. La naïveté par rapport aux dernières " aspirations ", tandis que l'on ne connaît pas le " pourquoi ? " de l'homme.

420, 22.- IV. Ma position et celle de Schopenhauer: une controverse; de même vis-à-vis de Kant, de Hegel, de Comte, de Darwin, vis-à-vis des historiens, etc.

421.- IV. Contre Schopenhauer, qui voulut châtrer les coquins et les oies. Pour la " hiérarchie ".

423.- IV. Protestation contre le Christ, prototype de l'homme, tandis qu'il n'en est que la caricature...

424.- IV. La valeur d'un homme ne s'apprécie pas d'après ses effets. " Noble. "

426.- IV. Ironie à l'adresse des vertueux (érotique de l'" homme bon ").

427.- I, IV. Notre appréciation bienveillante de l'homme, comparée à celle de la morale et du christianisme. La libéralité morale, signe de l'augmentation de la culture.

428.- IV. La simplification de l'homme du XIXe siècle.

429.- IV. Je me rattache aux côtés forts du siècle.

430.

IV. Quel sens cela a de transmuer les valeurs.

431.- IV. La vertu aristocratisée.

432.- IV. Ne pas uniformiser ! " La vertu " n'est rien de médiocre, mais quelque chose de fou.

433.- IV. Critique des idéalistes: en contradiction avec moi.

434.- IV. Ma façon de justifier la vertu.

435.- IV. Aujourd'hui l'on n'apprécie pas les vertus, à moins que quelqu'un ne les fasse passer pour vices.

436.- IV. Ai-je nui à la vertu ?

437.- IV. Les princes peuvent-ils se passer de nous autres immoralistes ?

439.- IV. Avenir de l'art.

444.- IV. Guerre à ce qui est " noble" au sens féminin et efféminé.

445.- IV. Rétablissement de l'esthétique.

447.- IV. Prototype de mes " disciples ".

448.- IV. Avoir honte du malheur.

457.- IV. Mon point de vue des valeurs.

458.- IV. Mes preuves de force.

460.- IV. Dionysien: nouvelle voie vers un type de ce qui est divin: ma séparation de Schopenhauer, dès le début.

461.- I. Pessimisme de la force.

462.- IV. Conception de Dieu, déduction faite de la bonté.

463.- IV. Mes cinq " non " (préface ?).

464.- IV. Pour la force du XIXe siècle.

466.- IV. Pour l'honneur du XIXe siècle.

469.- IV. Le " bien " c'est le " mal " d'autrefois que l'on a assujetti.

470.- IV. Grandir en hauteur c'est augmenter son caractère redoutable.

471.- IV. Caractéristique des forts.

474.- IV. Avenir de l'éducation: culte de l'exception.

475.- IV. Pour la hiérarchie.

476.- IV. Mon nouvel accès vers un " oui ".

477.- IV. Ma conclusion: un regard goethien, plein d'amour, le pessimisme véritablement surmonté.


II

Plans du Printemps et de l’Été 1888


1.

LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

Essai d'une transmutation de toutes les valeurs.


Première partie: Ce qui tire son origine de la force.

Deuxième partie: Ce qui tire son origine de la faiblesse.

Troisième partie: Et d'où tirons-nous notre origine ?

Quatrième partie: La grande sélection.

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2.

LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

Essai d'une transmutation de toutes les valeurs.


I. Psychologie de l'erreur.

1. Confusion de la cause et de l'effet.

2. Confusion de la vérité avec ce que l'on croit vrai.

3. Confusion de la conscience avec la causalité.

4. Confusion de la logique avec le principe du réel.

II. Les valeurs erronées.

1. La morale, erronée.

2. La religion, erronée.

3. La métaphysique, erronée.

4. L'idée moderne, erronée.

III. Le critérium de la vérité.

1. La Volonté de Puissance.

2. Symptomatologie de la dégénérescence.

3. Pour une physiologie de l'art.

4. Pour une physiologie de la politique.

IV. Lutte des valeurs erronées et des valeurs vraies.

1. Nécessité d'un mouvement double.

2. Utilité d'un mouvement double.

3. Les faibles.

4. Les forts.

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3.

LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

Essai d'une transmutation de toutes les valeurs.


Nous autres hyperboréens. - Fondement du problème.

Livre premier: " Qu'est-ce que la vérité ? "

1. Psychologie de l'erreur.

2. Valeur de la vérité et de l'erreur.

3. La volonté du vrai (justifiée seulement par la volonté affirmative de la vie).

Livre deuxième: Origine des valeurs.

1. Les Métaphysiciens.

2. Les Hommes religieux.

3. Les Bons et les Améliorateurs.

Livre troisième: Lutte des valeurs.

1. Pensées sur le christianisme.

2. Pour une physiologie de l'art.

3. Pour une histoire du nihilisme européen (Divertissement de psychologues.)

Livre quatrième: Le grand Midi.

1. Le principe de la vie (" Hiérarchie ").

2. Les deux voies.

3. L’Éternel Retour.


III

Dernier plan, automne 1888

Dépréciation de toutes les valeurs

Livre premier:

L'Antéchrist. - Essai d'une critique du christianisme.

Livre deuxième:

L'Esprit libre. - Critique de la philosophie comme d'un mouvement nihiliste.

Livre troisième:

L'lmmoraliste. - Critique de l'espèce d'ignorance la plus néfaste, la morale.

Livre quatrième:

Dionysos. - Philosophie de l’Éternel Retour.

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DISPOSITION ET ÉBAUCHES DU TROISIÈME LIVRE

DE CE PLAN


1.

L'immoraliste

A. Psychologie du bien: un décadent; - ou la bête de troupeau.

B. Son caractère absolument nuisible: forme parasitaire au détriment de la vérité et de l'avenir.

C. Le machiavélisme des hommes bons: leur lutte pour la puissance, leurs moyens de séduction, leur ruse dans la soumission (par exemple à un prêtre, à un puissant).

D. " La femme " dans le bien. - La " bonté " comme la plus subtile ruse des esclaves, les égards, donnant partout, donc recevant partout.

E. Physiologie des hommes bons. - En quel point la bonté se présente - dans les familles, dans les peuples (en même temps qu'apparaissent les névroses).

Type opposé: La vraie bonté, la noblesse, la grandeur de l'âme, qui puise dans la richesse..., dans la... -; qui ne donne pas pour prendre, - qui ne veut pas s'élever en manifestant sa bonté, - la prodigalité comme type de la vraie bonté, la richesse de personne comme condition première.

2.

La faiblesse de la bête de troupeau engendre une morale semblable à celle qu'engendre la faiblesse du décadent: ils se comprennent, ils s'unissent. ( - Les grandes religions de décadence comptent toujours sur le soutien qui leur vient du troupeau.) La bête de troupeau n'a, par essence, rien de maladif, sa valeur est même inappréciable, mais, incapable de se guider, elle a besoin d'un " berger ", - c'est ce qu'ont compris les prêtres... L'Etat n'est pas assez intime, pas assez secret: la " direction des consciences " lui échappe. En quoi la bête de troupeau est rendue malade par le prêtre ?

3.

L'instinct de décadence chez l'homme bon:

1) La paresse: il ne veut plus se transformer, il ne veut plus apprendre, il se replie sur lui-même, se confinant dans sa " belle âme "...

2) L'incapacité de résister: par exemple dans la pitié,, - il cède (" indulgent ", " tolérant ", " compréhensif "; " paix sur la terre et bonne volonté envers les hommes "... ).

3) Il est dirigé par tous ceux qui souffrent, par les déshérités - il est une conspiration instinctive contre les forts.

4) Il a besoin des grands narcotiques, - tels que " l'idéal ", le " grand homme ", le " héros ", - il s'exalte...

5) La faiblesse qui se manifeste dans la crainte des passions, de la volonté forte, la crainte d un oui et d'un non: il est aimable pour ne pas être obligé de prendre parti. -

6) La faiblesse qui se révèle dans l'aveuglement volontaire, partout où la résistance pourrait être nécessaire (" humanité ").

7) Il est séduit par tous les grands décadents: la " croix ", l'" amour ", le " saint ", la " pureté ", - au fond des idées et des personnes dangereuses pour la vie.

8) Le vice intellectuel: - haine de la vérité, parce qu'elle n'apporte pas avec elle de " beaux sentiments ", - haine de la véracité.

4.

L'instinct de conservation de l'homme bon, qui sacrifie, à lui-même, l'avenir de l'humanité: au fond la politique lui répugne déjà, - toute perspective plus large, - toute recherche, toute aventure, toute inquiétude. Il nie les buts, les tâches où il n'est pas le premier à entrer en ligne de compte. Il est impertinent et immodeste dans son type " supérieur " et veut non seulement se mêler de tout, mais encore juger. Il se sent supérieur à ceux qui ont des " faiblesses "; ces " faiblesses " sont des forces de l'instinct, il faut donc aussi posséder le courage de ne pas en avoir honte.

Le bon en tant que parasite. Il vit aux dépens de la vie, car il nie la réalité par un mensonge, il est l'adversaire des grands instincts de la vie, épicurien d'un petit bonheur il considère comme immorale la grande forme du bonheur.

Ne mettant pas lui-même la main à la pâte, il a cependant sans cesse à son actif des méprises et des duperies, et trouble ainsi toute vie véritable, l'empoisonnant par sa prétention de représenter quelque chose de supérieur. Avec son illusion d'être sublime il n'apprend pas, il ne se transforme pas, mais il prend parti pour lui-même, eût-il même engendré le plus grand malheur.

5.

A. Il invente des actions qui n'existent pas: les actions non égoïstes, les actions saintes; des facultés qui n'existent pas: l'" Âme ", l'" esprit ", le " libre arbitre ");

des êtres qui n'existent pas: les " saints ", " Dieu ", les " anges "; un ordre des événements qui n'existe pas, l'ordre moral avec la récompense et la punition (une destruction de la causalité naturelle).

B. Par ces inventions il déprécie:

1) les seules actions, les actions égoïstes;

2) le corps;

3) les espèces d'hommes véritablement précieuses, les impulsions véritablement précieuses;

4) toute la raison qu'il y a dans ce qui arrive, - il empêche d'en tirer des renseignements, il empêche l'observation, la science, tout progrès de la vie par le savoir...

6.

I. Le manque de méfiance; - la piété; - la soumission à la volonté de Dieu (" la piété "); - le " bon cœur ", la " main secourable " - cela suffit; - le sérieux dirigé vers les choses élevées, - il ne faut pas prendre trop au sérieux les choses des sphères inférieures, telles que le corps et son bien-être; - le devoir: il faut faire son dû, - ce qui est au-delà, il faut le laisser à Dieu. - Je demande très sérieusement: n'ai-je pas ainsi décrit l'homme bon ? Ne croit-on pas que c'est là un homme désirable ? Ne voudrait-on pas être fait ainsi ? désire-t-on que ses enfants soient autrement conformés ? - Ecco ! Et cette espèce d'homme est l'espèce d'homme la plus dangereuse !

II. Voyons comment les hommes bons tirent d'eux-mêmes: 1) une métaphysique, 2) une psychologie, 3)

une politique, 4) une façon de vivre et d'éducation, 5) une méthode de la vérité.

7.

La causalité de l'action. - Le but est mal posé: Bonheur a) personnel (" égoïste "), b) étranger ("non égoïste"). Manque de circonspection chez Schopenhauer qui ajoute encore c) douleur étrangère, d) douleur personnelle: qui ne sont naturellement que des spécifications de l'idée de " bonheur personnel " (a)...

Si le bonheur est le but de l'action, il faut que le mécontentement précède l'action: falsification pessimiste de l'état de fait; le déplaisir comme motif de l'action.

Le déplaisir et le plaisir sont des motifs; la volonté est causale dans l'action. - A condition que tout ce qui a précédé se trouve dans la sphère de la conscience, - que la véritable causalité soit une causalité intellectuelle - que l'" âme " sache ce qu'elle veut, et que l'acte de volonté soit conditionné par son savoir, - que l'âme soit " libre ", dans la volonté, et par conséquent. -

Ma théorie: le plaisir, le déplaisir, la " volonté ", le " but " ne sont que des phénomènes secondaires, - ils ne sont jamais une cause. Tout ce que l'on appelle causalité intellectuelle est une fiction.

8.

Fausse conséquence de la foi en l'" ego ": - l'homme aspire au bonheur. Mais, en ce sens, il n'y a pas d'unité qui " aspire ", et ce à quoi aspirent toutes les unités ce n'est nullement le bonheur. - Le bonheur est un phénomène secondaire qui accompagne une décharge de

force. Ce qui fait agir ce n'est pas le besoin, mais la plénitude qui réagit à une irritation. Le " déplaisir " n'est pas cause première de l'activité: il y a tension qui produit une grande irritation.

... Contre la théorie pessimiste qui prétend que l'action consiste à se défaire d'un déplaisir, comme si le plaisir était, en lui-même, le but de n'importe quelle action...

9.

Il n'y a pas du tout d'actes " désintéressés ". Les actes, où l'individu devient infidèle à ses propres instincts et choisit à son détriment, sont des signes de décadence (une quantité des " saints " les plus célèbres sont convaincus d'être des décadents, simplement à cause de leur manque d'" égoïsme " - ).

Les actes d'amour, d'" héroïsme " sont tellement peu " altruistes " qu'ils donnent précisément la preuve d'un " ego " vigoureux et abondant: les " pauvres " ne sont pas libres d'abandonner quelque chose d'eux-mêmes... ils sont privés aussi de la grande intrépidité, de la joie de l'aventure qui fait partie de l'" héroïsme ". Ce n'est pas de " se sacrifier " qui est le but, mais de faire aboutir des fins dont les conséquences ne vous inquiètent pas, à cause de la confiance que l'on a en soi-même, des fins qui vous sont indifférentes...

10.

Psychologie des actes que l'on appelle non égoïstes. - En réalité ils sont réglés strictement d'après l'instinct de conservation.

C'est le cas contraire pour les actes que l'on appelle é

goïstes: là l’instinct directeur manque précisément, - la conscience profonde de ce qui est utile et nuisible.

Toute force, toute santé, toute vitalité, par le fait qu’elles augmentent la tension, visent à l’instinct souverain du moi. Tout relâchement est décadence.

11.

L’immoraliste

D’après son origine, la morale est la somme des conditions d’existence d’une espèce d’hommes pauvre et mal venue. Celle-ci peut être le " grand nombre ": - de là son danger.

Dans ses applications, elle est le principe moyen du parasitisme des prêtres dans sa lutte avec les forts, les affirmations de la vie. - Les prêtres gagnent le " grand nombre " (les humbles, ceux qui souffrent, dans toutes les classes - les victimes de toute espèce - ). Une espèce d’insurrection générale contre le petit nombre des bien venus... ( - critique des " réformateurs " - ).

Dans ses conséquences, elle aboutit à fausser radicalement, à anéantir même ces couches d’exception. Celles-ci finissent, pour pouvoir seulement se supporter, par ne plus pouvoir être véridiques, en aucun point, à l’égard d’elles-mêmes - : la complète corruption psychologique, avec ce qui s’en suit... ( - Critique des hommes " bons " - ).