La Verdure dorée/Texte entier
LES IRONIES SENTIMENTALES - PETITS POÈMES
ERÈNE OU L’ÉTÉ FLEURI - PETIT CAHIER
LA FLÛTE FLEURIE
LE POÈME DE LA PIPE ET DE L’ESCARGOT
POÈME DES CHIMÈRES ÉTRANGLÉES
PRÉFACE
Monsieur Derème au cœur trop tendre
Par ses propos nous fait dormir.
Ah ! que de grâces à lui rendre
Il nous épargne de l’ouïr.
Philippe Huc.
On ne lit point les préfaces, et c’est au seuil d’une préface que je me divertis à le dire. Si, de la sorte, quelqu’un s’avisait de me répondre, je serais prêt, qu’il approuvât mes paroles ou dénonçât mon erreur, à lui rendre les armes, en chantant ses louanges. Charmante et vaine hypothèse, car je tiens pour assuré de n’incommoder personne, si je note ici quelques réflexions touchant cet ouvrage, où la plupart des pages que j’ai écrites se trouvent recueillies.
Ce livre est toute ma jeunesse, pourrais-je fredonner, moi aussi, et non sans quelque amertume, peut-être. Mais, si j’ajoutais que je l’ai fait sans presque y penser, il ne me faudrait plus croire, et ce ne pourrait être qu’en un de ces soirs heureux où, moins soucieux d’être sincères que d’étonner et de ravir qui leur prête audience, les poètes se plaisent à laisser entendre qu’ils chantent sans plus de peine ni de malice que les noisetiers, quand le vent souffle, ou les troènes. Ainsi le vieil Ovide, quoi qu’il tentât d’écrire, c’était un vers…
Ô printemps, jeunesse de l’année ! Ô jeunesse, printemps de la vie ! Célèbre tour d’équilibre, et la jeunesse n’est qu’un flot mouvant et vivace de verdure, que dorent maintenant le souvenir et la mélancolie.
Mais, cette couleur dorée, agréable aux regards et pourtant au cœur douloureuse, n’est-ce pas simplement, comme au feuillage du platane et du peuplier, la marque de l’automne, quand l’air aigre des matinées commence à dépouiller les roses rouges de septembre ?
D’un autre point de vue, la chair de la poésie, nos joies, nos peines, nos désirs, nos rêveries, nos tristesses, ne sont-elles pas chose vivante et bruissante, comme la verdure des vergers et des bois ? Mais n’est-ce pas seulement par l’artifice du poète, qui, sur certaines feuilles, appuie son pinceau doré, qu’il leur est permis de prendre une figure qui, parfois, ne passe point ?
Ainsi, la matière donnée, l’art est tout choix et industrie dans l’assemblage des éléments choisis, habileté dans l’emploi des lumières diverses dont le poète se plaît à éclairer son domaine. De la sorte, loin qu’il se laisse noyer aux sentiments, il les évalue, les domine, les juge et les canalise.
Le poète, dès lors, en vient à chanter des passions qui sont les siennes, certes, mais que sa raison, souvent, ne peut cependant contempler sans qu’elle sourie, avec indulgence ou avec dureté. Video meliora… Pourquoi les laisserait-il au silence, puisqu’elles sont véritables, qu’elles emportent le cœur de tous les hommes et qu’elles composent, en quelque manière, l’étoffe de notre vie ? Mais, dans ses poèmes, la tristesse et l’affliction les plus douloureuses n’apparaîtront qu’ornées des claires guirlandes de l’ironie, qui est, on l’a dit, une pudeur, et qui est aussi une rébellion et une revanche.
Le choix des mots, des rythmes, la rime, l’assonance — aucune richesse ne doit être négligée — serviront le poète en ce dessein. Il saura, par l’éclat exagéré d’une rime, par la rouerie d’une épithète ou le jeu trop sensible des allitérations, donner volontairement à sourire des sentiments graves qu’au même instant il chante et sans cesser d’être sincère.
Nous avons méthodiquement utilisé dans ce livre la contre-assonance. Tandis que dans l’assonance, le son des voyelles subsiste dans la variation des consonnes, dans la contre-assonance, les consonnes se maintiennent dans la mutation des voyelles. La rime dit : lèvres — fièvres ; l’assonance : lèvres — Thèbes ; la contre-assonance : lèvres — livres ; elle dirait aussi : cœur — décor, amer — endormir ; certains — printemps, etc… C’est, exécutée sur la vieille et solide rime, une variation qui donne à l’ouïr une impression ambiguë de liberté, de surprise et de malaise.
Cette forme peut donc être rangée dans l’arsenal des moyens qui servent à exprimer le secret d’un poète, — si ce poète, semblable, d’ailleurs, à la plupart des hommes, se trouve en perpétuel désaccord avec ce qui l’entoure, comme avec lui-même.
POÈMES
JEAN-MARC BERNARD.
PONCE-DENIS ÉCOUCHARD-LEBRUN.
JEAN PELLERIN.
FRANCIS CARCO.
Et les ronces déjà croître parmi les fleurs. HELVETIUS. |
I
Allez et que l’amour vous serve de cornac,
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II
Quelle bataille se livre
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III
Pélops, par l’épaule d’ivoire
Qui tous les maux guérit,
M’arracheras-tu de l’esprit
La face de la Gloire ?
Chaque aube annonce une victoire
Que l’autre aube flétrit.
Plus heureux celui qui n’écrit
Et ne pense qu’à boire.
Il est aux bois tièdes et verts
De jeunes femmes, et tes vers
N’ont que toi pour les lire.
Et le vent dans un peuplier
Quand il chante fait oublier
Les cordes de la lyre.
IV
Que mes poèmes soient étranges
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V
Comme j’allais, couvert de la poussière du voyage,
Heurtant aux pierres mes sandales,
Vous étiez au balcon que les glycines automnales
Enguirlandent de leur feuillage.
Et vous étiez si calme parmi l’ombre,
Votre visage était si pur
En ce crépuscule d’octobre,
Que je sentais sur mon épaule
Se nouer un manteau d’azur,
Et que, dans ma poitrine, en secouant des étincelles,
Mon cœur ivre battait des ailes.
VI
Le Passé maugréait et frappait à la porte. Mésanges, accourez, mes lointaines pensées ! Revenus, mais encor, les doigts ensanglantés,
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VII
J’exprimais autrefois d’une façon morose
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VIII
Droite, dans la candeur des voiles, à l’orée
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IX
D’allégresse vibrant de la nuque au talon,
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X
Mon espérance était tombée
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XI
Le vent perce la porte et souffle sur le feu
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XII
Tu parus. Mais les doigts posés sur le loquet,
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XIII
Le temps est achevé des cris et des tempêtes ;
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XIV
Celui qui partira loin de la ville, qu’il le
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XV
Quand tu m’auras quitté (ne lève pas les bras),
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XVI
J’avais toujours rêvé d’éternelles amours.
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XVII
Ô vous qui par le bout du nez me conduisîtes,
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XVIII
Vieille arquebuse entre les vieilles arquebuses,
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XIX
La maison où je l’ai connue
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XX
Entre la vie et moi tirant un voile épais,
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XXI
Débouchons l’encrier et, du titre à la table,
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XXII
À quoi bon te chercher, gloire, vieille étiquette !
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XXIII
Toi qui passes, foulant la neige de la rue,
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XXIV
Quand on n’a plus ni sou, ni bûche, ni fagot,
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XXV
Si tu as bu le vin suprême des idées,
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XXVI
Elle disait : Le bonheur vient on ne sait d’où.
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XXVII
Par les matins d’hiver quand je lisais tes lettres,
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XXVIII
J’ai laissé de mon cœur tout le long du chemin
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XXIX
Les jours sont plats comme des soles
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XXX
Ce sera la maison blanche avec un arbuste
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XXXI
Dans l’odeur des œillets, du fenouil et du buis,
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XXXII
Ce soir d’octobre est lourd comme ta lourde chevelure,
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XXXIII
Aux soirs mornes, devant la table d’un café,
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XXXIV
Si je dois ne jamais oublier les sentiers,
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XXXV
Des mois ont fui ; mais ma pensée
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XXXVI
Mon désespoir vers toi grave et silencieux
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XXXVII
Je revis doucement d’anciennes pensées,
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XXXVIII
Dans la froideur de l’aube hivernale, il bruine
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XXXIX
Parmi la brume et la tristesse du matin,
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XL
Maintenant que tes yeux sont clos et que ta voix
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XLI
Le jardin bourdonnait de soleil et d’essors,
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XLII
Maintenant que la neige a blanchi la maison,
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XLIII
Souffle ta lampe ! Le matin
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XLIV
Le vent hurle, et dans sa monstrueuse colère
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XLV
La porte du jardin donne sur la ruelle
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XLVI
Quoi ! pourrais-je envier
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XLVII
Girouette, tu peux crier sur les ardoises,
|
XLVIII
Regarde le jardin abandonné, le banc,
|
XLIX
Dans le calme, la barque se balance
|
L
Fumerai-je au soir de ma vie
|
LI
Dénouons les rubans mauves que tu voulus
|
LII
Ah ! jeter les filets crevés, les hameçons,
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LIII
L’espérance apparut et tu lui ressemblais,
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LIV
Délaissons, s’il te plaît, Baruch de Spinoza,
|
LV
Regarde. La glycine a jauni sur la porte,
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LVI
En l’honneur de ton nom je veux sonner du luth,
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LVII
Vois ! Le ciel est clouté d’étoiles cristallines,
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LVIII
Les souvenirs ce soir vibrent comme des mouches
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LIX
Vous que je vois dans la clarté des lampadaires
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LX
Va ! tu n’es qu’une femme, une fleur vide, rien !
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LXI
Et tu disais : Vous tous qui souffrez d’insomnie,
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LXII
L’enthousiasme, comme un peuple de frelons,
Vibre dans l’heure noire.
Debout, et déchirons la nuit où nous râlons,
Pour un ciel de victoire.
Nos marteaux font le bruit crépitant des grêlons ;
Et pour le char d’ivoire
Je dompterai les mots comme des étalons
Qui traîneront ta gloire.
Se roidissent leur flanc sur le timon d’airain,
Et d’un vol souverain
Que dans mon bras, ton corps qui tremble et s’abandonne,
Au tumulte du vent,
Sur la rouge splendeur de ce couchant d’automne,
S’élève triomphant !
LXIII
Terrible passion, voici que tu m’exiles ; Brebis graves, chevreaux, ma joie et mon tourment,
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LXIV
Maisons rouges, pavés brûlés, feuillages bleus… Où tu dansais avec des feuilles à ton peigne
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LXV
Ni les roses, ni l’air morose que tu siffles
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LXVI
Lève le nez, ferme ton livre et ton pupitre.
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LXVII
Vous, Carco, Pellerin, Vérane et vous Jean-Marc
|
LXVIII
Les bouleaux du matin sous quoi tu te recueilles Qu’importe ? N’ai-je pas cette aube que je bois,
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LXIX
Carco, passez-moi la gourde,
|
LXX
Je vais songer à la jeune fille que j’ai
|
LXXI
Je crayonne ton nom sur la peau d’un tambour
|
LXXII
Tes bras ont une courbe adorable et malgré que
|
LXXIII
Et naguère aux midis de résine imprégnés,
Après les bois de pins torrides, je baignais
Mes mains dans tes cheveux comme dans une eau pure,
Ô toi que mon amour ce soir caresse et pare.
Tu trempais en riant des roses dans du sucre
Et tu mordais dans leur fraîcheur à blanche nacre
Et quand tu me tendais tes lèvres, j’y goûtais
Les roses dont l’arôme embaume les étés.
LXXIV
Le décor somptueux et lourd d’étoffe rouge
Où parfois de chaleur une rose s’écroule,
L’eau tiède des bouquets que boit l’ombre torride
Et toi voluptueuse et nue et ton sourire
Et ton bras où miroite une chaîne d’ivoire
Et d’or. Ah ! dans le lin immaculé d’un voile
Goûter la neige et l’aube aux flûtes argentines
Et la nuit pure et les étoiles maritimes !…
LXXV
Bien qu’avec passion à mes bras tu te livres,
Je sais que tout est vain, l’amour comme les livres ;
Les étoiles se faneront dans le foin bleu
Et rien ne vaut le soir ma pipe au coin du feu
Qui me caresse et m’offre un trouble paysage.
Et pourtant je reviens toujours à ton visage
Encore que je sache au monde qu’il n’est rien
Qui puisse consoler un cœur comme le mien.
LXXVI
C’est le feuillage noir des platanes que perce
Une flèche de lune et la sonore averse
Des nocturnes. Ô nuit musicale ! J’attends…
Et j’attendais que tes bras ivres de printemps
Vinssent avec fraîcheur se nouer à mes tempes.
Aujourd’hui quelle main rallumera les lampes
Et l’espoir, me rendra les blancs oiseaux enfuis
Et jonchera de fleurs les routes que je suis ?
LXXVII
Puisque tout est pareil aux feuillages labiles,
C’est vainement que sur mes flûtes malhabiles
Je chante les jongleurs, ta grâce et nos doigts joints.
Le monde et ta beauté n’en passeront pas moins.
C’est vrai. Mais par le rythme où mon rêve s’applique
Nous entendrons passer l’univers en musique.
LXXVIII
Prends ton manteau. Suspends les plaintes éternelles
Et buvons la splendeur des heures automnales,
Car la pourpre des bois environne le zèbre
Qui rue et trotte et mord le feuillage et se cabre.
C’est le nouvel octobre et la sente où je marche
Je la foulais naguère en brandissant la torche
Quand je voulais au sort attacher des entraves
Et nouer à l’azur les roses de mes rêves.
Et nous nous oublierons et que notre cœur saigne
En regardant glisser la souplesse d’un cygne
Et nous contemplerons, dédaigneux des clepsydres,
Les paons de cuivre bleu dans le bronze des cèdres.
LXXIX
Non, ce n’est pas cela que tu avais rêvé
Et le soir quand tu vas t’attabler au café
Pour lire le Divan, la Phalange ou les Marges
Tu songes aux voiliers qui glissent sur les larges
Atlantiques, en plein azur, vers les îlots
Candides, nénuphars que balancent les flots.
Les buveurs braillent. Tu es seul. Tu lis. Tu coupes
Les pages. Tu es seul dans le bruit des soucoupes ;
Et ces gens dont le cœur ne reflète aucun ciel
Ignorent Gaudion, Royère et Duhamel.
Tu es seul et sous tes sourires tu sanglotes,
Rose triste au milieu d’un bouquet d’échalotes.
LXXX
Un visage, une phrase, un merle, ce fruit d’if
Jaune, j’ai tout aimé d’un amour maladif.
Car en tout je trouvais la marque du mystère
Universel ; et sous les branches, solitaire
Dans l’herbe et la chaleur que de fois j’ai compté
Les anneaux éclatants des guêpes de l’été.
L’ombre émouvante est dans les choses minuscules
Et je me tais pour écouter aux crépuscules
Le grillon dont la voix déferle comme un flot
Et renaît et se brise ; et dans l’œil d’un mulot,
Ainsi que dans la mer où se perdent les voiles,
Se reflète l’azur, la lune et les étoiles.
LXXXI
Au bord de la prairie humide où tu gazouilles,
Aurore, j’ai cueilli les jaunâtres groseilles
Et le long du chemin, sur les ronces, les mûres
Vertes et je songeais à ses lèvres amères
Et qu’elle souriait quand je baisais ses larmes.
Les vaches qui sonnaient sortaient des blanches fermes
Et dans les prés fauchés pâturaient l’herbe rase.
Elle n’est pas venue et j’ai pris une rose
Pour la faire sécher dans cette anthologie
Grecque que je traduis le soir à la bougie.
LXXXII
L’ombre élève un parfum de tilleul et de fraise.
Métonymie, antonomase, catachrèse,
Et c’est sur vos secrets que je me penche. Elle est
Sous la tonnelle, une tulipe au bracelet,
Et mord un brin de buis plein de sèves amères.
Et je la vois sourire aux marges des grammaires.
LXXXIII
La double passion de l’amour et des livres,
Les poèmes et les beaux yeux dont tu m’enivres,
Jules Laforgue et tes mains blanches, Mallarmé
Et la pâleur de ton visage accoutumé,
François Villon, Laurent Tailhade, Paul Verlaine
Et vous, Jammes, berger vêtu de rude lame
Qui tirez des sanglots d’une flûte de buis…
Ô poëtes, c’est vous que dans l’ombre où je suis
J’évoque en regardant tandis qu’elle sommeille
Ses cheveux dénoués sous la lampe vermeille.
LXXXIV
Vers la croisée et vers les roses du plafond,
Souffle au bout de tes doigts les bulles de savon
Et souris tendrement à mon rêve crédule.
La lune de cristal flotte comme une bulle
Aux cieux tendres et verts ; les constellations
Éternelles, nos cris, nos pleurs, nos passions
Se vont faner comme de blanches marguerites.
Et toi, ma pure amie et claire, qui abrites
Les bleus ramiers de mon amour, tu souriras
À quelque autre baiser qui brûlera tes bras
Et tu ne seras plus qu’un tumulte de fête.
L’eau glace tes bras nus dans la blanche cuvette.
Souffle des bulles qui reflètent l’Univers.
Mais vois ! plus rien ne flotte aux cieux tendres et verts ;
La lune de cristal sur un toit s’est brisée ;
Baisse les yeux : le pré scintille de rosée.
LXXXV
Je dirai pour l’instruction des biographes
Que ton corsage avait quarante-deux agrafes,
Que dans tes bras toute la nuit j’étais inclus,
Que c’était le bon temps, que je ne quittais plus
Ta chambre qu’embaumait un pot d’héliotrope.
Duhamel animait son héroïque Anthrope,
Pellerin habitait Pontcharra et Carco
49, quai de Bourbon, Paris. Jusqu’au
Matin, je caressais tes jambes et ta gorge.
Tu lisais Chantecler et le Maître de Forge ;
Tu ignorais Laforgue estimant qu’avec art
Écrivaient seulement Botrel et Jean Aicard.
Mais au bord du Viaur embelli de ses rêves,
Frêne, pâle et barbu, méditait sur les Sèves,
Et Deubel, revêtu des velours cramoisis,
Publiant au Beffroi ses Poèmes choisis,
Déchaînait dans les airs le tumulte des cuivres.
Et j’aimais beaucoup moins tes lèvres que mes livres.
LXXXVI
Que de fois j’ai souri pour te cacher mes larmes !
Que de fois j’ai noué des roses sur mes armes
Pour te dissimuler que j’allais au combat !
Fallait-il que mon fiacre à jamais s’embourbât
Et se perdît dans les ornières de la vie ?
Comment faut-il encor ce soir que je sourie
Lorsque j’entends crouler le monde autour de moi
Et quand l’espoir suprême où j’avais mis ma foi
Je le vois s’effeuiller comme une primevère ?
Garçon, apportez-moi du fiel dans un grand verre.
LXXXVII
Lorsque tu étais vierge
(Le fus-tu ? Le fus-tu ?)
Nous dînions à l’Auberge
Du Caniche Poilu.
C’était une bicoque
Sous un vieux châtaignier ;
Tonnelle pour églogue,
Lavoir et poulailler.
Buis sec à la muraille
Et rosiers aux carreaux…
À travers une paille
Tu suçais des sirops.
Guinguette au toit de chaume,
Mur d’ocre éclaboussé…
Un grand liseron jaune
Fleurit sur le passé.
LXXXVIII
Oui, je chante la joie ivre et passionnée
Et je noue à ma barbe une rose fanée
Pour songer nuit et jour qu’il faudra que mon corps
Se dissolve comme elle et quitte les décors
Fastueux où le monde épanouit sa force.
Je m’en irai. Je tomberai comme l’écorce
Des platanes, comme les feuilles, comme les
Roses ! Je suis vivant ! Ciel, nuages gonflés
D’eau lourde, bois roussis par les torches d’automne,
Vergers où l’or vivant des abeilles bourdonne,
Fruits riches, souvenirs d’un magnifique été,
Moissons, je vous respire avec avidité
Et je mêle ma vie au triomphe des choses,
Éperdu comme les feuilles, comme les roses !
LXXXIX
En vain tu mets tes doigts sur mes yeux inquiets
Et me caches les prés, les branches et le ciel,
Ô doux amour, ô toi qui es
Du féminin au pluriel !
Exiges-tu que d’une voix endolorie
Je dise les brasiers que ton sourire allume,
En un livre de la série
In-16 à 3 fr. le volume ;
Ou que, trempant encor ma plume dans mon cœur,
Car déjà ton regard a séché l’encrier,
Je te figure, archer vainqueur,
Coiffé de myrte et de laurier ?
Ma plume ne sert plus qu’à débourrer la pipe
Que je fume le soir sous les saules moroses
En songeant à l’ombre qui fripe
Les espérances et les roses.
Laisse-moi. Je me plais à voir glisser le vol
Sur l’immobile azur des pigeons gris et blancs ;
À quoi bon nouer à mon col
Tes bras perfides et tremblants ?
Tu verras en sanglots mainte âme évanouie
Baiser tes pieds en implorant la servitude ;
Moi, j’ouvrirai mon parapluie
Pour danser dans la solitude.
XC
Une pie de neige et d’ébène
Ou, si l’on veut, de craie et de charbon,
Tandis que je songe à ma peine
S’envole et vole au vert vallon.
L’eau fredonne sous mes semelles
Et je m’endors dans l’herbe du talus.
Voici des jours et des semaines
Que pour moi tu ne souris plus.
Tu dois pleurer dans cette ville
Comme, la nuit, je pleure loin de toi…
Le vent (qui sait ?) souffle, et ravive
Les girouettes sur le toit
Rouge de cette maisonnette
En fleurs où nous nous sommes tant aimés ;
Mais les roses de la tonnelle
Refleuriront-elles jamais
Pour moi qui, près de la rivière
Que frôle et griffe un bleu martin-pêcheur,
En attendant que l’oubli vienne
Avec son calme et sa fraîcheur
Compose un poème inutile
En écoutant les blancs et bleus remous
De l’eau qui chante sous la digue
Et qui caresse les cailloux.
XCI
Puisque dans cette chambre où l’amour triompha
|
XCII
Laisse. La passion vaut seule que je vive
Et qu’ébloui sous les feuillages de la rive
Je dédie à l’azur cette coupe où je bois,
Et que pareil à l’eau qui reflète les bois,
Les nuages, la lune et la voûte profonde,
Je ne sois plus qu’un hymne à la gloire du monde.
XCIII
Le soir pique à l’azur des grains de mimosa.
Étoiles. Le collier qu’hier je nouais à
Son col et qui tremblait sur sa gorge endormie
Ne scintillera plus au cou de mon amie.
Je ne baiserai plus que dans mon souvenir
Les roses que naguère elle aimait à cueillir
Pour attacher leur pourpre aux nacres de ses peignes.
Lune au plumage blanc, comme hier tu te baignes
Au lac bleu. Les pigeons roucoulent comme hier.
Seul dans ce tendre soir je porte un cœur amer
Et je sens aux frissons de l’air dans la tonnelle
Sourire autour de moi la nature éternelle.
XCIV
Univers, bois, coteaux et les sources ! Je suis
Ivre ! J’écrase les fougères ; je poursuis
La troupe sous les buis des vierges effrayées.
Éclairs roses dans la verdure des feuillées ;
Courses dans la fraîcheur et les branches. Sur leurs
Épaules et leurs bras les gouttes et les fleurs
Pleuvent des bas rameaux que leur fuite secoue.
Mais là-bas le ciel est rose comme une joue ;
La forêt s’éclaircit au bord bleu du torrent.
Herbe drue, aube, oiseaux, feuillage transparent !…
XCV
Je veux bourrer ma pipe et fumer en silence
À l’ombre des rosiers que l’air tiède balance.
Les feuilles sur le ciel tremblent avec douceur
Et je rêve, couché sous les branches, tresseur
De rythmes et de fleurs qui raillent le tonnerre.
Car le temps est venu, mon cher Apollinaire,
De boire cette paix que goûtent seulement
Ceux-là qu’a déchirés un illustre tourment.
XCVI
À quoi bon prendre un air tragique si tout n’est
Qu’illusion et secouer ton bracelet,
La chevelure éparse, en un geste terrible ?
La résignation demeure au fond du crible
Quand la vaine espérance a passé dans le vent.
Laisse les cris aux gens de théâtre et levant
Ton cœur dans la clarté d’une lune meilleure,
Goûte, comme je fais, la paix intérieure.
XCVII
Six heures tombent de l’horloge
Comme six noix dans un chaudron
Déjà le soir triste grelotte
Sous un lourd nuage marron.
Elle, naguère sous le saule
À cette heure elle souriait…
Faudra-t-il que je me console
De son doux regard inquiet ?
Roses chaudes de sa jeunesse,
Hélas ! j’en ai mal à mourir.
Comme un colibri dans la neige
Mon cœur se glace au souvenir.
Et ce soir morose d’automne
Dans le vieux jardin qu’elle aima,
Il tombe d’un marronnier jaune
Des feuilles sur mon panama.
XCVIII
Mon Dieu, madame, il faut nous consoler
Sans faire des gestes tragiques,
Sans déclamer et sans râler
Si le sort nous donne des gifles.
C’est un destin encore assez
Banal qui nous désole et nous sépare,
Qui m’offre ses bouquets glacés
Et qui vous fait amère et pâle.
Laissez le sabre à la cloison
Et l’aconit à l’officine,
Car voyez-vous le fer et le poison
C’est bien usé depuis Racine.
Hélas ! Pourquoi railler ainsi
Nos seules choses éternelles ?
Et chavirant au noir souci
Je pleure en écrivant ces chansonnettes…
XCIX
Tu me railles, mais j’aime un livre singulier
Comme moi-même et qu’un auteur sache lier
L’univers à son rythme et que sa droite unisse
Et courbe au même joug l’autruche et la génisse.
Et déjà n’ai-je pas en des mètres égaux
Chanté ce calme fiacre attelé d’escargots
Qui me traînait naguère aux pentes des collines
Dans l’herbe et la fraîcheur des roses cristallines ?
La lumière soufflait dans de suaves cors
Et mes huit escargots toutes cornes dehors
Dans cette aube que l’air gonflait comme une voile
Glissaient avec lenteur vers la dernière étoile.
C
Cette grande chambre et ce lit défait…
Un rouge-gorge sur la branche se balance.
Cela vaut mieux pour lui que d’aller au café.
Cette grande chambre et ce lit défait…
T’en souviens-tu de ce dimanche ?
Une branche de neige entrait par la fenêtre.
Fleurs de pommier dans la tiédeur
Et sur la pompe et sur le cèdre
Les moineaux se battaient et roulaient dans les fleurs
Le soleil séchait les flaques de pluie…
(Ah ! que je m’ennuie !)
Il n’y avait ni vasques ni jet d’eau ;
Un pigeon blanc dormait sur le bleu des ardoises
Et quand le chat passait sous les rouges framboises
Les feuilles lui versaient des gouttes sur le dos.
Puis la lune apparut en nacre transparente.
(C’est une chose assez courante…)
CI
Ce mouchoir sent l’éther comme ta chevelure,
Et ton visage est doux comme la pure lune
Qui verse sa blancheur dans la chambre où parmi
Les fleurs je sais bercer mon amour endormi.
La forêt rousse était comme une peau de nèfle
Et le soleil du soir caressait ta jeunesse
Et tu tourbillonnais dans un voile d’azur
Si léger qu’on eût dit de la lumière sur
Des roses. Ton parfum de ce mouchoir s’exhale.
Mais hier je tendais les mains vers ton visage,
Quand soudain me lançant une rose dans l’œil
Tu t’enfuis à cheval sur un grand écureuil.
CII
Le soleil a doré tes lèvres. Un bourdon
S’éveille et bat les murs. Prends ton sourire et ton
Ombrelle ; tu courras sur l’herbe fraîche. L’aube
Est moins claire que ton visage et sur ta robe
Le matin lancera des flèches de clarté.
Tout chante et nous marchons vers ce bois écarté
Où nous vîmes des musaraignes. Une huppe
A crié. Cet ajonc va déchirer ta jupe.
Je t’aime. Je voudrais que tu dises : « Je suis
Heureuse ». Ne ris pas. Les grillons grincent. Suis
Le sentier ; ne mets pas tes pieds dans la rosée.
Une mésange sur les ronces s’est posée.
Elle s’envole. Tu partis naguère. Mais
Ta main cueille le thym et les houx embaumés.
CIII
T’en souviens-tu (comme on écrit dans les romances)
|
CIV
Jardin mouillé, chantons encore ce poème.
L’averse a secoué la vigne et le troène,
Et le soleil, dorant le désastre des roses,
Allume aux noisetiers de vives émeraudes.
L’air tiède et langoureux qui souffle dans son fifre
Chasse vers le coteau les nuages en cuivre.
La pelouse scintille à travers ma fenêtre.
En robe blanche et bleue, elle rit sous le cèdre
Et trempe ses pieds nus dans l’eau de la fontaine ;
Puis elle ouvre, doux cœur, ses ciseaux à dentelle
Et sur le sable vert près des tulipes jaunes,
Guette les escargots et leur coupe les cornes.
CV
Chambre d’hôtel où flotte une odeur de benzine,
Les échos d’un concert sur la place voisine
Et le parfum amer de tes épaules nues.
Tu rêves dans mes bras de berges inconnues
Où le vent tiède émeut des feuillages de givre,
D’une prairie épaisse où ta chair serait ivre
Et d’eau sous un soleil pâle comme une perle.
Tu dors ; le double flot de ta gorge déferle
Doucement ; d’un ruban je caresse ta joue
Et j’écoute là-bas la musique qui joue
Sous les ormes grillés, ô ma belle dormeuse,
Guillaume Tell, le Beau Danube et Sambre-et-Meuse.
CVI
Triste, à côté du chien et du chat, j’ai chauffé
Mes bottes dans l’auberge en buvant le café
Trouble que m’apportait une vieille servante ;
Et j’ai pleuré de n’avoir plus l’âme fervente
Qui élève un flambeau triomphal dans son poing,
Ni cette passion qui ne balance point,
Foule d’un pas égal la ronce et les prairies
Et des chemins boueux fait des sentes fleuries.
Ah ! pauvre cœur sans gouvernail, où t’en vas-tu ?
Tout n’est qu’ombre et mystère et tu prends, éperdu,
Les astres à témoin de ta peine exiguë…
Petit Socrate, bois ta petite ciguë.
CVII
La chaleur tout le jour a rougi le vignoble
Et j’étais seul avec ces tulipes d’octobre
Dans la chambre où jadis chantèrent mille oiseaux.
Je lève maintenant le store de roseaux ;
Le double volet vert sur la muraille claque.
Le soleil a plongé dans le soir d’écarlate
Comme une abeille en or dans un coquelicot ;
Et la lune déjà, comme un jaune escargot,
A quitté la colline et glisse au ciel d’automne.
Ce n’est plus vous, vous qui m’aimiez au premier tome,
Hélas ! ce n’est plus vous, cette nuit, qui viendrez
Appuyer sur mes yeux votre visage frais…
Croyez que le mot frais n’est pas là pour les rimes ;
J’abandonne ces pirouettes puériles
(Qu’hier encore j’exécutais ivre d’azur
Facile) pour pleurer avec tristesse sur
Les pauvres hommes que nous sommes, si nous sommes
Car il est dans mon cœur, car il est dans les saules
Un oiseau de cristal que j’écoute gémir
Sous l’ombre bleue, un rossignol, un souvenir…
CVIII
Nous nous taisons. Le vent balance
Les deux saules sur l’abreuvoir ;
Et je sais malgré ton silence
Que ce soir est le dernier soir.
Adieu. Les feuilles tombent. Lune
Coutumière. Décor banal.
Tourterelles, crépuscule. Une
Étoile, comme un point final.
Tu as la force de sourire
Et dans mon cœur je reconnais
L’odeur des buis que l’on respire
Dans les jardins abandonnés.
CIX
Reste dans ta coquille et dédaigne, escargot,
Cet humide parfum de rose et d’abricot ;
Ta solitude sera douce si tu l’ornes
De beaux rêves ; il pleut ; tu mouillerais tes cornes.
L’averse drue et chaude écrase le gazon,
Et les tonnerres illuminent la maison
Et la muraille où tu te colles sous les toiles
D’araignées ; et le vent a soufflé les étoiles
Et la lune a roulé dans l’herbe comme un fruit.
Rentre tes cornes ; loin des éclairs et du bruit,
Médite sur toi-même et dore tes pensées.
L’orage fauche l’herbe et les feuilles froissées ;
Il siffle et fait voler les ardoises du toit.
Laisse le monde s’écrouler autour de toi.
CX
Jean Pellerin, j’ai revêtu la houppelande
Grise. C’est l’hôpital. Qu’un rosier enguirlande
Vos tuiles et fleurisse à la neuve saison
Afin que vous viviez parmi les roses ! On
Le cherche et le bonheur est sous les branches ; elles
Frémissent quand un geai les touche de ses ailes…
Mais où sont les oiseaux et les feuilles ? Je n’ai
Que des flacons et un œillet jaune et fané
Dans un verre ; et le soir, lorsque les notes grêles
S’envolent des clochers comme des tourterelles,
Je regarde, perdu dans ce lit d’hôpital,
Glisser sur les carreaux la lune de cristal.
CXI
Ce soir de septembre où je suis
|
CXII
Rouges coquelicots que le soir amoncelle,
Nuages, vais-je encor donner ma voix à celle
Qui sur mon désespoir pose ses escarpins
Et dédaigne mes vers et les ciels que je peins ?
Des cygnes au lavoir glissent comme des strophes ;
Le paysage dort sous de jaunes étoiles
Et le ruisseau d’eau froide où je trempe la main
Reflète les ormeaux qui bordent le chemin,
Les osiers gris et verts et les feuillages roses.
Je veux la voir pleurer devant ces simples choses.
Palpiter, et goûter la secrète beauté
De ce pré qui bleuit, de ce saule argenté
Qui tremble, de ce soir sur la molle vallée
Où monte au ciel désert une lune exilée.
CXIII
Les fraises dans le plat de blanche porcelaine
Gardent la fraîche odeur de l’aube sur la plaine,
Des branches, de la mousse et des sources glacées
Sur la nappe, j’ai mis ton bouquet de pensées
Et tandis que, les yeux pensifs, tu te recueilles,
Ce soir grave, je vois glisser entre les feuilles
La lune comme dans les vieilles élégies.
Un souffle tiède et pur caresse les bougies
Et berce la glycine et les roses blafardes
Et la tonnelle. Prends des fraises. Tu regardes
Au champagne doré le sucre se dissoudre ;
Le temps sur nos cheveux verse du sucre en poudre
Et j’aurai quelque jour de larges mèches blanches.
Mais qu’importe ! ce soir vers moi si tu te penches,
Sans crainte de l’automne et des feuilles rougies,
Et si pour mes baisers tu souilles les bougies.
CXIV
Pour goûter au charme unique
|
CXV
C’est février, le mois des chattes et du givre
Dans les ténèbres. Tu reviens. Je vais revivre.
C’est toi. Je ne sais plus si j’ai pleuré. C’est toi.
Et tous les rossignols gazouillent sous mon toit.
C’est toi. Voici un an que tu n’es revenue
Dans cette chambre où tu as dansé toute nue
En ouvrant ton ombrelle afin de ne pas voir
Ton corps souple se refléter dans le miroir.
Tu t’en allas. Le soir, j’alignais des distiques
Mélancoliques. Souvenirs, vol de moustiques !
C’est toi. Je veux chanter ton rire et février,
Et piquer un lilas sur le calendrier.
CXVI
Reste étendue encor sous la chaude verdure
Et dors dans le parfum des hêtres et du buis ;
Là-bas, l’herbe roussit dans la lumière dure,
Mais sur nous, plein d’oiseaux, feuillage, tu bruis.
Dors, pendant qu’au zénith le soleil rude forge
Le cuivre de l’automne et lance les essaims,
Tandis que je regarde incliné sur ta gorge
L’escargot jaune et bleu qui glisse entre tes seins.
CXVII
La lune se répand sur les blanches prairies, Et près de toi je songe à tous les rossignols
|
CXVIII
Puisque je suis assis sous ce pin vert et sombre
Qui domine au soleil les tumultes marins,
Ô Muse, apporte-moi les syllabes de l’ombre
Pour rimer au premier de ces alexandrins.
Je sais que tout est vain ; je sais que tout est grave
Et je sais que mes vers tu ne les entendras,
Amie aux beaux cheveux qui rêves dans mes bras,
Cependant que le bleu s’argente sur la rive.
Pour toi ne faudrait-il chanter comme certains
Les sérénades à Grenade, les œillades
Et les baignades sans noyade des naïades,
L’échelle au clair de lune et l’amour au printemps ?
Mais tu dors ; langoureuse et lasse tu reposes,
Les cheveux caressés par le vent de la mer ;
Mais tu dors et ta main laisse glisser des roses
Sur le sable stérile et dans mon cœur amer.
CXIX
Tu n’aimes pas les vers, car tu es belle et dis
Qu’il faut saisir le temps sous des ongles hardis
Et tenaces, le déchirer, rouge grenade,
Le mâcher et jeter l’écorce vaine. Une ode,
Son ampleur magnifique et son rythme pareil
Aux respirations des flots sous le soleil,
Sa splendeur, son tumulte et ses tempêtes sourdes
Qu’importent, et tout l’art, puisqu’il faut que tu mordes
Ivre et pour en jouir la vie à pleines dents !
« Les poètes, dis-tu, qui contemplent, qui dans
Le secret de leur cœur reconstruisent le monde,
Peignent de vains décors sur des coques d’amande.
Je tressaille, je plonge et je m’évanouis
Aux durs baisers du fleuve, à ses cris inouïs,
L’eau m’emporte, me bat, m’enivre et quand j’émerge,
Poètes, je vous vois qui rêvez sur la berge. »
CXX
Toi, tu ris, tu te renverses ⁂ Tu dors. Encore une fois,
⁂ Des gazes lentes et bleues
|
CXXI
La vie est douce encore à ceux qui savent vivre
|
CXXII
Ma fortune a tourné comme l’ombre d’un arbre ;
Et l’avenir, palais fleuri, bassins de marbre,
Parc sonore où dans le tumulte et les cascades,
Mes jours devaient entrer en longues cavalcades
Sous les bouquets de blanc troène et les guirlandes
De laurier, l’avenir, la plus morne des landes,
N’est plus, parmi le deuil des futures années,
Qu’un tourbillon de cendre et de roses fanées.
Noirs platanes que bat l’averse dure ; et celle
Qui regarde pâlir la dernière étincelle
De cette gerbe en feu qui dora mes journées
Et jaunir cet espoir des tempes couronnées,
Baisse son beau visage et médite, et si elle
Profère enfin quelque parole essentielle,
C’est touchant les chapeaux, les gants et les ombrelles.
Et j’écoute gémir de rauques tourterelles,
Là-bas, dans les rameaux des saisons anciennes ;
Branches douces, lumière, aubes qui furent miennes.
Geais et merles sur les roses des matinées,
Paradis qu’à travers les grilles des années
Je regarde, tandis que la pluie et l’orage
Déchirent ma fortune et le sombre feuillage.
CXXIII
Que m’importe l’amour et les roses, si tu
Reposes loin de moi, si mon rêve abattu,
Rameaux rouges et verts, fleurs des branches ailées,
Ce n’est plus que bois mort sous les feuilles brûlées ?
Solitude, jardin des vipères, ciel gris
Et pluvieux où glisse avec de tristes cris,
Un triangle d’oiseaux sauvages. Mes pensées,
N’ont-elles pas souvent loin des rives glacées
Où l’esprit se lamente et mire dans les eaux
Un visage de nuit, n’ont-elles pas, oiseaux,
Fui naguère battant les airs d’une aile forte
Vers l’azur. Mais ce soir que l’espérance est morte,
Qu’un lourd nuage emplit ma vie et ma maison,
Et que nul autre ciel derrière l’horizon
N’appelle plus mon cœur aux grandes aventures,
Je songe tristement à de vieilles verdures,
Feuillages dont l’orage arrache les lambeaux,
À des printemps meurtris sous les fleurs des tombeaux,
À des toits écroulés, à des sources taries,
À tes faucheurs, Destin, riant dans mes prairies.
À des lampes de jade éteintes à jamais,
À mon bonheur pareil à de beaux yeux fermés.
CXXIV
Bien que les fleurs, Amour, dont hier tu te plus Et la vigne que le tison d’automne embrase
|
CXXV
L’acacia blanc sur la berge
Remue au vent du soir ;
Les rouliers boivent du vin noir
Sous la glycine bleue et fraîche de l’auberge.
Mes beaux rêves s’en sont allés,
Rouliers, dans vos charrettes ;
Mon cœur plein de larmes secrètes
Songe à des rosiers verts que la foudre a brûlés.
Pourquoi faut-il qu’à vos voix dures
Renaissent mes beaux jours
Et ma jeunesse et mes amours
Avec tous les oiseaux et toutes les verdures,
Alors qu’un âpre désespoir
Casse toutes les branches
Et que la berge et l’eau sont blanches
Acacia, des fleurs que t’arrache le soir ?
CXXV
Tu ne crois plus aux beaux cheveux,
|
CXXVII
À cheval sur mon bouc barbu
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CXXVIII
Mes trompettes adolescentes
|
CXXIX
Nous qui dans les matins grandioses voulions
Vivre couverts de gloire et de peaux de lions,
Nous finirons gérants de bar, tabellions,
Archivistes ou grooms d’autos aux larges trompes ;
Mais, sevrés pour jamais du triomphe et des pompes
Qu’importe à notre cœur, Destin, que tu le trompes,
Si tu nous sais donner l’espoir toujours nouveau
D’aborder au pays sans neige ni tombeau
Où verdit à l’azur le laurier le plus beau,
Et si cette espérance a doré nos journées,
Si nous avons souri des guirlandes fanées,
Confiants au loyer des tâches obstinées,
Et si, chantant dans la ténèbre et dans le vent,
Nous nous sentons avec une candeur d’enfant,
Baigner dans la lumière et le soleil levant.
CXXX
J’ai mis des fleurs autour de ma flûte mélancolique
Et, toujours exilé, soufflant sous les saules de l’île,
J’ai tour à tour chanté l’ombre et les roses transitoires,
L’azur, les escargots, l’amour, la pipe et les étoiles ;
Et l’on a vu parfois passer aux pages de mes livres
Dans les vallons français des paons, des buffles et des tigres ;
Et même, à la saison où jaunissent les blancs troènes,
À cheval sur un bouc, j’allais réciter des poèmes ;
Je proclamais l’espoir parmi les cendres et les roches,
Et le bouc indulgent s’endormait au bruit de mes strophes.
On disait : « C’est un fou qui vit dans les éclats de rire,
Et nul, pas même lui, ne devine ce qu’il veut dire. »
Mais vous le comprenez, vous dont la tendresse m’entoure,
Le douloureux tourment qui me soutient et qui m’étouffe,
Et vous avez senti que mes soupirs étaient sincères,
Vous, amis d’Oloron, de Barcelone et de Bruxelles,
De Toulouse, de Mons, d’Oxford, de Paris et de Tarbes,
Et que sous mon sourire il y avait de pauvres larmes.
CXXXI
Nous attendions des héroïnes ⁂ Où sont-elles, ces grandes âmes ?
⁂ Mais celles que nous rencontrâmes,
⁂ En vain, nous battions les cymbales,
⁂ — Ami, pourquoi cette colère
|
CXXXII
Viendras-tu rallumer les lampes
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CXXXIII
Je souffle dans ma pauvre flûte, Et les rouliers qui buvaient du vin rouge
|
CXXXIV
La patronne d’un tir forain
Fut indulgente à mon caprice ;
Gardons, mon cher Jean Pellerin,
Que sa mémoire ne périsse.
Je pâmais au vu de sa peau,
Et, sous son rire étincelant,
Cœur chaviré, fusil tremblant,
Je ratais l’œuf sur le jet d’eau.
Mais c’est en vain que tu combines
Des rythmes purs pour cette Hélène ;
Elle sentait l’acétylène
Et la poudre des carabines.
Dans la baraque à l’ouistiti
Que le temps fane et désagrège,
Par un air bleu de confetti
Quelque beau jour la reverrai-je ?
CXXXV
Casino de Paris, Olympia, Folies-
Bergère, quels troupeaux d’âpres mélancolies,
Chevreaux meurtris, béliers fourbus, dans vos lumières
Et vos tumultes, j’ai traînés. Mais les premières
Voluptés, leurs langueurs, leurs plaintes immortelles,
Ou qu’on croit telles, leurs alarmes, où sont-elles,
Et leurs larmes ? Douleurs, dont mes nuits étaient ivres
Et qu’aux tonnerres de l’orchestre, au bruit des cuivres
Rauques, des sourds banjos, des trompes, aux rafales
De clarté, je tentais d’abolir. Triomphales
Couronnes, les lauriers, aussi les marguerites,
Les dahlias, c’est toi seule qui les mérites
Et les roses, Jeunesse aux victoires secrètes
Et douces. Mais voici qu’au talus tu t’arrêtes
Avec ton blanc troupeau d’illusions qui broute
L’herbe rousse, et faut-il au désert de la route,
Quand le vent de la vie a soufflé les étoiles,
Quand mes yeux qu’enchantait la couleur de tes voiles
Ne voient plus que l’horreur de la nature nue,
Faut-il que vagabond triste je continue,
Sans l’espoir d’une auberge où je puisse descendre,
À marcher dans l’ennui, l’amertume et la cendre ?
CXXXVI
Sur le toit noir et bleu que mon exil habite
La grêle blanche et dure aux ardoises crépite
Et rebondit, tintant aux vitres, parmi les
Plumes qui volent dans la fuite des poulets.
Grêle, boules de gui, cristal, œufs des colombes
Fabuleuses, dans un fracas rauque tu tombes,
Fauchant les roses des rosiers, et tu détruis
La verdure des cerisiers rouges de fruits.
Dans l’herbe, les rubis roulent avec les perles.
Ô nuage, au coteau bleuâtre tu déferles
Comme un océan gris qui submerge l’azur
Et la terre avec ses vignes tristes ; et sur
Le paysage éteint cette mélancolie,
N’est-ce la mienne où tout soleil baisse et s’oublie,
Qui déchire et ternit les rameaux les plus verts
Et de cendre et de nuit imprègne l’univers ?
CXXXVII
Chasseur morose, las durant la nuit sereine
De tirer sur la lune avec du petit plomb,
Ayant d’un réséda bouché mon vieux tromblon,
Je me veux promener sous une calme ombrelle.
Que d’autres au cœur neuf s’en aillent vers l’azur,
Que d’autres sur la mer tendent les larges voiles !
Je contemple mes tulipes et mes pivoines
Et les lents escargots qui rêvent sur le mur.
Naguère, je tremblais sous les étoiles blanches ;
Pour me mieux animer ma voix liait des mots,
Et d’un bras confiant je sciais les ormeaux
Pour prendre les oiseaux qui chantaient dans les branches.
Adieu, vieux jours. J’irai m’asseoir sur la hauteur,
Sifflant Guillaume Tell sous les jeunes troènes,
Pour voir l’Aube aux bras blancs, parure des poèmes,
Qui vide sur les prés son vaporisateur.
Et sans me lamenter sur ma lyre brisée,
Seul, je regarderai dans le trèfle, en bourrant
Ma pipe, les piverts qui boivent au torrent
Et les cailles qui vont pieds nus dans la rosée.
CXXXVIII
Tiède azur. Les bouvreuils s’éveillent dans les roses ;
Le soleil a séché les touffes des héliotropes,
Mais la rosée encor scintille sur les fraises,
C’est l’heure en robe verte où souriant aux feuilles fraîches
Tu jetais de l’avoine à la dernière poule.
Un pigeon gris et bleu sur les tuiles rouges roucoule
Et le vent soucieux et triste des automnes
Secoue aux verts bambous des coquilles d’escargots jaunes.
CXXXIX
Je ne veux point gémir ni perdre la pensée
Pour que ma Muse par la gloire balancée,
Moi couché cependant dans les ténèbres calmes,
Sur ses lauriers vivants goûte le vent des palmes,
Hymne perpétuel et doux, mais qui n’arrive
À nul, même en écho, s’il a quitté la rive.
Je me lève et tandis que l’infirmière m’aide
À me vêtir, je songe à la belle Andromède.
Ainsi t’aurais-je plu, vierge d’Éthiopie ?
Me voici plus léger qu’une plume de pie
Et pour m’aller asseoir dans la tonnelle rousse,
Sous chacun de mes bras je loge un gros Larousse,
Tant je crains que le vent qui raille sous ma porte
Quand je traverserai le jardin ne m’emporte,
Les pans de ma jaquette enflés comme des voiles,
Et ne m’aille vivant mélanger aux étoiles.
CXL
Chambre d’hôtel morose et vide. Un œillet penche
Et touche le miroir triste où tu contemplas
Ta gorge nue. eau chaude. eau froide. MM. les
Clients sont priés de régler chaque dimanche.
C’est dimanche. Réglons les comptes de ce cœur.
Rideaux jaunes et noirs, quel funèbre décor !
Tu n’es plus là. J’ai lu Delille et l’Annuaire
Des Téléphones, pour ne plus songer à tes
Sanglots ; mais je voyais tes larmes et restais
Des heures, les yeux clos, trop habile à me nuire,
À remuer ma peine au lieu de l’endormir
Et mâchant ma douleur comme un fruit trop amer.
CXLI
Soleil triste, mairie obscure, ô jours amers !
Un poulet bat de l’aile et crie, et, sur les murs,
Fades gravures : la Herse, Cité Lacustre
Ou Palafitte ; et, sur la table, le registre
Des mariages, deux orvets empaillés, dons
D’un anonyme et le portrait des Présidents
Et le cadastre avec ses taches de bougie.
Et cependant mon cœur n’est plus qu’une élégie,
Belle amie, et je songe à vous qui n’êtes plus
Qu’une ombre chère, un souvenir où je me plais
Et qui m’attriste et, sur mes jours, l’odeur des myrtes
D’un vieil automne et le parfum des roses mortes.
Cheveux légers, chair douce aux lèvres de l’amour
Et qu’orgueilleux j’aimais à regarder dormir,
Vous ; et l’air tiède, avec votre grâce apparue
Et ma peine, balance aux murs de la mairie
Dans une odeur de buis et de trèfle incarnat,
Grévy, ta redingote, et ton habit, Carnot.
CXLII
Philippe, vous tiriez les lapins de garenne
Dans les prés jaunes de Cazères-sur-Garonne
(Canton dudit, arrondissement de Muret)
Aux jours lointains où dans les saules murmurait
Cet air sec et brûlant qui fripait le feuillage.
Une hirondelle sur l’aiguille de l’horloge
Se posait et dormait en laissant pendre ses
Ailes noires, tableau charmant, et je passais
Devant l’église avec vous et la chienne lasse
Qui buvait à l’ornière et tirait sur sa laisse
En revenant de la chasse, et nous demeurions
Sur la place où grinçaient déjà quelques grillons
À regarder les deux clochers de brique pâle
Et rose. Sous l’oiseau noir l’aiguille immobile
À six heures marquait encor deux heures moins
Le quart. Odeur des bois, de la terre et des foins,
Odeur des coudriers au bord du fleuve amère
Et visqueuse, c’est vous que je me remémore
En arrêtant ce soir l’aiguille de mes jours
Sur les lapins roulant dans l’herbe et les labours.
CXLIII
C’étaient les maquignons sous le jaune feuillage,
Les mules grises, les brebis de l’Ariège,
Les charrettes, le bruit, les clochettes, les cris,
Et les ruades quand les bois étaient fleuris
Du premier givre des novembres. À l’auberge
Les ivrognes juraient et se coupaient la gorge,
Dans l’odeur du vin rouge et du mouton graisseux.
Nous fumions notre pipe et n’étant pas de ceux
Que le puant aspect des goujats passionne
Nous allions vers les bois et battions cette chienne
Qui dans les basses-cours étranglait les poulets.
Les ornières craquaient sous nos semelles. Les
Moineaux roux se gonflaient sur les piquets des vignes.
Ballerines, vos mains se collaient à vos peignes
Et vous dansiez, et vous tourniez et vous tapiez
Le plancher rouge et vert qui sonnait sous vos pieds.
Pourquoi toujours pensais-je à cette ardeur lointaine
Dans ce décor malade et glacé de l’automne,
Pourquoi voyais-je encor vos visages crispés,
Ces lanternes, ces pleurs et ces noirs canapés,
Quand nous rêvions au bord de la Garonne grise
Où la lune tremblait comme une pâle rose ?
CXLIV
Les nuages légers comme une laine grise Mais je pleurais sur le morose embarcadère
|
CXLV
Personne ne saura jamais
Que je te vis cueillir des roses
Au mois de mai
Sur les rosiers aux étiquettes de bois jaune
Par un ciel bleu comme ta robe.
Personne ne saura jamais
Que tu fus douce à ma colère
Au mois de mai,
Que tu pleurais dans un bouquet de violettes,
Que les larmes mouillaient tes lèvres.
Personne ne saura jamais…
Trop transparentes libellules
Au mois de mai…
Ton léger souvenir s’enfuit comme une plume
De tourterelle au clair de lune.
CXLVI
Violons qui chantez sous les archets du vent,
|
CXLVII
Quelque rose que tu cueilles,
|
CXLVIII
Comme les marronniers d’Inde et la grange, qu’on
Me rende, avec les lilas de l’auberge
Le rosier qui parait la grille et le balcon
D’une guirlande jaune et verte ;
Et que je puisse, loin du vacarme et des cris
Qui font trembler les vitres de la ville.
Revoir l’azur et sous les lents nuages gris
Les feuilles rouges de la vigne.
Collines douces, nuits qu’embaument les foins mûrs,
Ne goûterai-je plus vos molles grâces,
Et ne verrai-je plus le noir lierre aux murs
Et les oranges des terrasses ?
CXLIX
Parmi mes souvenirs, Clorinde, je choisis Et quand je me tournais je te voyais sourire.
|
CL
Pour le bonheur, dont le pipeau ⁂
⁂ Et maintenant tu peux t’asseoir
|
CLI
Une pie noire et blanche en se posant sur un platane Une abeille froisse son aile ;
|
CLII
Non, ne pousse pas de cris,
Car cela ne sert pas à grand chose,
Vois voler sur le ciel gris,
Lentement, ce pigeon vert et rose.
Que sait-il de la vie et du sort ?
A-t-il feuilleté les livres de métaphysique ?
Mais dans l’air qui joue une langoureuse musique
Il s’ébat sans songer à la mort ?
Vis de même au calme des prairies
Et dans la douce clarté
Respire sous les branches fleuries
Avec ingénuité.
CLIII
Amour, mon amour le plus cher,
J’ai connu ces aubes cruelles,
Veillant encor à l’heure où je voyais blanchir
L’aube couleur de plâtre sur les tuiles.
J’en pleurais, mais, têtu, jusqu’au
Sommeil je méditais sur le mystère
Et quelquefois, vague ivresse un écho
Faible me répondait du fond de la nature.
Puis comme un astre éclaterait
T’incendiant, nuit coutumière,
Muses, j’ai tressailli dans la chair et l’esprit
Et j’ai marché dans l’immense lumière.
Car le monde est harmonieux
Comme un beau chœur que soutiennent les lyres.
Ouvre les yeux, Amour, ouvre les yeux
Et danse de plaisir dans l’air que tu respires.
Ah ! laissez-moi, Francis et vous, Derème :
Je ne puis plus écrire ni chanter !
Claudite jam rivos, pueri ; sat prata biberunt.
Adieu, mon exigente hôtesse.
L’exil nourrira la tristesse
De la rose de ton pied nu.
Rossignol, c’est assez chanté.
Encore une
Fleur : ainsi va et passe
La vie !
Tu cherches le Bonheur où le Bonheur n’est pas.